vendredi 6 janvier 2012

Sans feu ni lieu de Fred Vargas


Pourquoi Louis Kehlweiler dit l'Allemand, Marc, Lucien et Mathias-retranchés dans leur baraque pourrie de la rue Chasle à Paris -, s'intéressent-ils à un simplet à tête d'imbécile pas franchement sympathique, dont la culpabilité ne fait de doute pour personne, pas même pour eux ? Pourquoi tiennent-ils à sauver ce Clément Vauquer, un détraqué recherché par toutes les polices de Nevers et de Paris pour les assassinats effroyables d'au moins deux jeunes femmes ? (Viviane Hamy)

"Le tueur fait une seconde victime à Paris".
C'est ainsi que débute la troisième aventure des Evangélistes (Marc, Lucien pour Luc et Mathias pour Mathieu) et la deuxième menée en collaboration avec Louis Kehlweiler dit l'Allemand, ancien policier ou espion au passé flou aujourd'hui traducteur de Bismarck.

Si tout désigne Clément Vauquer comme l'assassin de deux femmes, Marthe, ancienne prostituée, n'y croit pas un seul instant car "ce gosse-là, c'est Clément, et Clément, c'est [son] garçon".
Et son garçon, il ne peut pas avoir commis de telles atrocités car comme elle le dit à son amie Gisèle : "Il a rien fait. C'est tous les autres qui en veulent après lui."
Aussi Marthe vient trouver Louis pour qu'il l'aide, et ce dernier va alors se tourner vers la baraque pourrie et ses habitants pour abriter le petit protégé et dénouer le vrai du faux.

Fred Vargas a l'art et la manière de plonger le lecteur dans une intrigue qui de premier abord apparaît comme simple ou résolue d'avance.
Or, il n'en est jamais rien et ce livre en est une parfaite illustration.
Sans grande conviction, hormis Marthe, tous les personnages vont essayer de prouver l'innocence de Clément avant de s'en convaincre eux-mêmes, ce qui est, il faut bien le reconnaître, une tournure d'esprit particulière.
Mais c'est ainsi dans l'univers de Fred Vargas, il y a beaucoup de personnages bancals, paumés dans la vie ou donnant l'impression de marcher en permanence sur un fil hors du temps.
Et à chaque fois la recette prend, le lecteur s'attache fortement aux personnages et suit avec avidité leur parcours.

J'ai beaucoup apprécié dans ce livre les personnages, c'est sans nul doute l'un de ses points forts, l'intrigue et sa résolution étant presque secondaires.
Ils ont tous une personnalité différente les uns des autres, rien n'est jamais gagné d'avance et puis ils finissent par s'entendre et par aller ensemble dans la même direction.
J'ai ainsi découvert Louis, personnage attachant cultivant une part de mystère et accompagné de son crapaud Buffon. C'est le moteur de l'histoire, le lien entre tous les personnages.
J'ai également pris beaucoup de plaisir à retrouver "les évangélistes", un groupe de trois garçons aussi complémentaires que différents dans leur caractère ou leur spécialité en histoire et finalement très craquants.
Ils se sont d'ailleurs répartis les étages de la maison en fonction de leur spécialité : préhistoire, Moyen-âge et première guerre mondiale.
Cette fois-ci l'auteur a choisi de s'intéresser plus longuement à Marc, j'ai été à la fois satisfaite mais un peu déçue que les deux autres évangélistes soient plus en retrait.
Même s'il s'illustre comme le héros de l'histoire, il repart bredouille car "tu ne peux pas à la fois avoir fait acte d'intelligence et de bravoure et te ramasser la fille en plus."
L'une des qualités de Fred Vargas est la recherche et le travail sur la psychologie de ses personnages. Ce sont des êtres complexes à la recherche de choses simples, cela me touche et m'attache aux personnages.
Elle ne laisse personne de côté, elle travaille tout autant Lucien, Marc, que Marthe ou un personnage secondaire.

L'autre atout de ce livre, c'est le style d'écriture de Fred Vargas.
Je reconnais que son style peut dérouter au premier abord, mais c'est une écriture fluide et recherchée, qui se lit facilement.
Dans ce livre, elle choisit de donner un style très particulier au personnage de Clément, qui ne cesse d'utiliser des tournures ou des expressions compliquées dans ses phrases, ce qui finit par donner un discours quelque peu distendu.
Les premières fois j'ai été un peu gênée et j'ai dû relire certaines phrases, et puis à la fin j'ai fini par m'y habituer, à tel point que je me serai presque mise à parler comme lui.

Quant à l'intrigue, elle met un peu de temps à se mettre en place mais une fois qu'elle est lancée le lecteur se prend au jeu.
Il n'y a pas de révélation fracassante, tout est question de déduction et de recherche dans le passé de Clément.
Même le lecteur a certaines clés qui lui permettent de se faire un avis sur le coupable. Cela n'en retire pas moins son charme à l'histoire.
Une chose est sûre, je ne lirai plus les poèmes dans le métropolitain du même oeil !

En conclusion, lire cette nouvelle enquête de Louis Kehlweiler dit l'Allemand et des Evangélistes, c'est comme "aller boire un café au café", c'est lire pour le plaisir de se faire plaisir.

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