lundi 27 février 2012

Gainsbourg (hors champ) de Joann Sfar


Joann Sfar nous donne à lire dans ce livre événement l'intégralité de l'histoire de Gainsbourg qu'il voulait raconter depuis longtemps. Une histoire racontée en bande dessinée et en story board. Ce livre gargantuesque offre aussi toutes les images dessinées par Sfar pour préparer le film. Une somme fabuleuse (un millier d'images !) de croquis, de recherches diverses, de grandes illustrations, de notes graphiques, qui se laissent dévorer comme le roman de la vie de Gainsbourg, mais aussi comme l'histoire d'un auteur de génie qui s'empare d'un sujet pour y plonger totalement. (Dargaud)

Voilà un très bel album de Joann Sfar retraçant l'intégralité de la vie de Serge Gainsbourg.
Cet album est composé de nombreux story-boards de son film "Gainsbourg (vie héroïque)" ainsi que de nombreuses esquisses et aquarelles et certaines scènes qui finalement ne font pas partie du film.
Il y a également un bel hommage à l'actrice Lucy Gordon ayant incarné Jane Birkin qui a mis fin à ses jours avant la sortie du film.

La qualité des dessins contenus dans ce recueil de près de 500 pages est excellente et j'ai beaucoup apprécié le coup de crayon de Joann Sfar, d'autant que certaines esquisses sont vraiment magnifiques et qu'il a fait la part belle à certains personnages féminins sur plusieurs pages.
Le choix des couleurs est également toujours approprié.
Tout cela montre un vrai travail de recherche de la part de Joann Sfar sur Serge Gainsbourg.
C'est drôle, parfois cru, parfois léger, d'autres fois plus grave, en tout cas c'est aérien et ça s'envole comme une mélodie à certains moments.
Le récit est également ponctué de citations de Serge Gainsbourg, et certaines valent vraiment le détour, d'autant qu'elles sont assez souvent justes et vont droit au but.
"La chanson doit être essentiellement populaire. Il ne faut pas se donner trop de mal. Il y a une difficulté de s'exprimer, de dépeindre des sentiments naturels. Alors je m'occupe de ce qui m'intéresse : des filles très sophistiquées. J'ai placé mon univers dans une sphère de luxe et de névrose."

J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre.
Cela m'a permis de revisiter la vie et l'oeuvre de Serge Gainsbourg, en tout cas les moments les plus importants, et de me replonger dans l'univers de conte du film de Joann Sfar, en retrouvant notamment le personnage de "la gueule".
Serge Gainsbourg est un personnage très intéressant à suivre, il ne faut pas s'arrêter au personnage de Gainsbarre mais il faut prendre cette personne dans son intégralité, de son enfance jusqu'à l'âge adulte et aux rencontres qu'il va faire pour essayer d'appréhender toute sa complexité.
Je retiens surtout deux rencontres : celle avec Boris Vian qui sera décisive pour son basculement dans la musique (et quelle scène lorsqu'ils attendent un taxi allongé au milieu d'une rue); celle avec Jane Birkin qui avait pourtant si mal commencé et qui débouchera sans doute sur sa plus grande histoire d'amour.
Il a de plus traversé toute une époque et a réussi à s'imposer à l'époque des yéyés, ce qui n'était pas chose aisée, et il a côtoyé bon nombre de stars : Juliette Gréco, Brigitte Bardot, pour ce citer qu'elles.
Il a eu beaucoup de muses et quasiment à chaque fois, il a écrit et fait chanter les femmes qui ont partagé sa vie : Jane Birkin, Brigitte Bardot, Bambou.
J'ai bien aimé la façon dont Joann Sfar le présente, il fait ressortir sa gentillesse, sa fragilité, son besoin d'être aimé.
C'est une façon intelligente d'aborder cette personne.

En conclusion, c'est avec plaisir que je me suis replongée dans l'univers de Gainsbourg imaginé et dessiné par Joann Sfar et je conseille, comme l'auteur le fait dans le préambule, d'aborder ce recueil une fois le film vu, la saveur n'en est que plus exquise.

Livre lu dans le cadre du club de lecture BD de février de Babelio - La musique dans la bande dessinée

dimanche 26 février 2012

La mégère apprivoisée de William Shakespeare


Il s'agissait de ma première lecture d'une oeuvre de William Shakespeare et autant le dire tout de suite, je n'ai pas été convaincue, non pas par le style littéraire (et encore qu'il y a beaucoup de perte avec la traduction en français) mais par l'histoire.

J'ai eu beaucoup de mal à renter dans l'histoire, il faut dire que lire une pièce de théâtre n'aide pas et que c'est sans doute plus facile en voyant cette pièce interprétée sur scène, d'autant qu'il y a en fait deux pièces en une seule.
A la réflexion, je me dis même que la première (un lord se jouant de Christopher Sly, plutôt aviné, lui faire croire qu'il est un Lord ayant dormi pendant des années) m'aurait sans doute plus plu que la seconde (où il est question de la-dite mégère à apprivoiser).

Cette pièce est particulièrement misogyne, j'ai pourtant gardé à l'esprit qu'il s'agissait sans doute de second degré et d'une forme d'ironie, il n'empêche que certaines répliques sont plus que limites, notamment avec mes yeux et mon esprit de contemporaine, ainsi Petruchio parle en ces termes de sa femme : "elle est mon bien, mon mobilier; elle est ma maison, mon ménage, mon champ, ma grange, mon cheval, mon boeuf, mon âne, mon tout enfin", et il dit bien qu'il est "son maître" et non son mari.
En y regardant de plus près, Catherine est considérée comme une mégère uniquement parce qu'elle est une femme avec du caractère qui ne mâche pas ses mots : "Ma langue veut exhaler tout le courroux de mon coeur, ou mon coeur, à force de se contraindre, se brisera, et plutôt que de m'exposer à ce malheur, je prendrai jusqu'à la fin la liberté de parler, si cela me plaît."
Je trouve dommage que Petruchio finisse par la "dompter" et en fasse une femme bien aimante et obéissante, cela va contre nature de vouloir changer la personnalité de quelqu'un.
J'ai également été dérangée par le fait qu'elle est sans cesse comparée à sa soeur qui est tout son contraire : "il a deux filles : l'une fameuse par sa méchante langue, autant que l'autre l'est par sa modestie et sa beauté."
Avec ces deux personnages, l'auteur a vraiment joué sur les extrêmes, j'aurai bien aimé voir la pareille du côté des personnages masculins or il n'en est rien.
Et à la fin, tout est bien qui finit bien : Petruchio a fini par "mâter" Catherine et Lucentio épouse Bianca.

Ce que j'ai le plus apprécié dans cette pièce, c'est le thème de la tromperie/duperie qui est abordé sous différents angles et c'est pour moi là où réside tout l'intérêt de cette pièce.
Je n'ai par contre pas été du tout séduite par le côté misogyne de cette histoire et la traduction française fait perdre bon nombre de double sens anglais.
Cette pièce prend certainement un tout autre charme lorsqu'elle est interprétée sur scène.

Cette pièce de théâtre a été lue dans le cadre d'une lecture commune du club de lecture de Babelio de Février 2012

Le tag qui venait du froid

Je remercie isallysun (sans i majuscule !) qui a pensé à moi pour un tag.
Le tag vient du froid puisque la miss est québécoise, et au Québec en ce moment il fait froid !
Ou bon en France aussi, mais par chez moi, y a pas de neige ! (et pas d'ours ^^)

Le tag est simple :
- poster les règles du tag sur sa page
- décrire 11 choses à propos de soi
- répondre aux 11 questions posées et en créer 11 nouvelles pour les personnes taguées
- taguer 11 personnes et faire un lien vers leurs blogs
- prévenir les personnes que l'on a taguées

11 choses à propos de moi

1. Je suis française (ça s'est écrit sur le passeport) et semi-bretonne (c'est pas écrit sur le passeport mais ça a son importance !) / semi-poitevine (idem)

2. Je suis accro à la lecture et aux livres, pour certaines c'est le shopping "fringues", moi ce sont les bouquins !

3. Je dis ce que je pense et sans y aller par quatre chemins (mais j'essaye de tenir un peu plus ma langue).

4. Je joue de la flûte traversière et de la guitare.

5. J'ai une tendance à accrocher, dans les livres ou dans les films, au couple le plus improbable et qui connaîtra une fin tragique ou ne verra jamais le jour. Ainsi, je suis une fervente supportrice du couple Rogue/Wolverine dans X-Men, j'adore le couple Nymphadora Tonks/Remus Lupin, je maudis presque Ridley Scott d'avoir changé la fin du film "Hannibal" par rapport à la fin du livre, je suis Blair & Chuck forever pour Gossip Girl, Yann de Kermeur finit avec Agnès de Kermellec dans "L'épervier" (qui ose dire non ?), pour ne citer que quelques exemples. Pour résumer, j'aime miser le mauvais cheval.

6. Je suis perfectionniste et ça a tendance à me pourrir la vie. J'essaye de me soigner, mais pas évident.

7. J'épluche les étiquettes pour acheter du Made in France.

8. J'essaye de n'utiliser que des produits non testés sur animaux et ne contenant que des composants naturels.

9. J'essaye d'apprendre l'italien par mes propres moyens. Ce n'est pas évident, je n'arrive pas à me motiver comme il le faudrait pour le faire, je manque aussi de temps pour bien m'y consacrer.

10. A l'école, je ne supportais pas les exercices de grammaire avec des trous à compléter, que ce soit en français ou en langue étrangère (et je ne les supporte pas plus aujourd'hui)

11. Il m'arrive d'avoir le mot anglais qui me vient à l'esprit et de devoir chercher le mot français lui correspondant, well, never mind !

Réponse aux 11 questions d'isallysun

1. Que penses-tu de la neige ?

Que c'est beau à regarder derrière une fenêtre quand il n'y a pas besoin de sortir, après je trouve ça nettement moins drôle, glissant, et que je marche au ralenti en faisant des petits pas pour être sûre de ne pas me ramasser par terre et ça m'agace de ne pas pouvoir marcher vite !

2. Quel est ton pêché mignon ?

La gourmandise, mais attention, je suis aussi gourmet !

3. Comment décrirais-tu ta relation avec ton genre de prédilection (littéraire ou cinématographique)?

Fusionnelle, déjà parce que j'aime à la fois la littérature et le cinéma et encore plus quand le cinéma adapte une oeuvre littéraire; et aussi parce que je développe un fort attachement envers certains personnages, voire parfois une espèce d'identification et/ou de quasi personnification.
Mieux vaut que je n'en parle pas à un psy, je serai bonne pour plusieurs années d'analyse ... .

4. Quelle période de l'Histoire te fascine le plus ?

Depuis un peu plus de 2 ans la période de 1939 (voire même le début des années 30)/1945 , je lis et j'accumule les ouvrages qui traitent de cette période, je farfouille sur beaucoup de sites internet pour en apprendre plus.
J'ai le sentiment que cette période n'a été que survolée pendant ma scolarité, aujourd'hui je découvre beaucoup d'évènements que j'ignorais ou sur lesquels les professeurs ne s'attardaient pas. Peut-être aussi parce qu'il y a encore beaucoup de honte sur certains évènements et qu'il ne serait pas de bon ton d'en parler.
J'éprouve une certaine fascination et curiosité pour cette période, elle représente le Mal à l'état pur, ce que la nature humaine a de plus mauvaise en elle, mais, paradoxalement, ce qu'elle a aussi de meilleure.
C'est un tout (économique, social, national, mondial ...) qui a conduit à ce deuxième conflit mondial, ne pas l'analyser et le décortiquer c'est prendre le risque qu'un jour ça recommence.
Ca a permis de déboucher sur la création de l'Union Européenne, c'est assez excitant à vivre, même si ce n'est pas parfait et bien construit.

C'est aussi pourquoi je mettrai en deuxième centre d'intérêt, la Première Guerre Mondiale; et en troisième la période de la Révolution Française.
Au-delà des apparences il faut creuser la surface pour découvrir toutes les implications qu'il y avait.

5. Parmi tous les qualificatifs de la météorologie (j'ai mis qualificatif, mais ça peut être autre chose), lequel utiliserais-tu pour te décrire ?

Ensoleillée.
C'était bien ça la question ?

6. Préféres-tu les formats poches ou les grands formats ?

Un livre reste un livre, alors je préfère le format écrit le moins petit et le plus pratique à lire, poche ou grand, ça dépend de chaque livre.

7. Qu'est-ce qui t'a amenée à t'inscrire sur des forums littéraires ?

Mes doigts ? Ma connexion internet ? Mon grain de folie ?
Plus sérieusement, pour pouvoir discuter avec d'autres personnes de livres et faire de nouvelles découvertes littéraires.

8. Quel est ton plus beau souvenir de voyage à ce jour ? Et où était-ce ?

Le plus beau sera forcément le prochain à venir, celui qui n'a pas été encore fait !

Sinon j'aime beaucoup l'Italie comme pays (j'y retourne cette année, après la Toscane la Côte Amalfitaine) et je pense tenter New-York l'année prochaine.

9. Quel titre de chansons donnerais-tu à ta vie ?

Supercalifragilisticexpialidocious (c'est bien ce qu'on dit quand on ne sait justement pas quoi dire !)

10. Quel est ton plat préféré (ou quel aliment)?

En dessert les profiteroles.

11. Quel est ton proverbe préféré ?

Un sourire ne coûte rien, mais il rapporte beaucoup; il enrichit celui qui le reçoit sans appauvrir celui qui le donne. (Citation de Frank Irving Fletcher)

Et comme je suis gentille et que j'ai décidé de me faire plein d'ami(e)s je tag Sylla et Marielle ! (ne me remerciez pas, je sais que vous m'adorez après la lecture de cette phrase !)
Pour les autres tags, c'est "open" !

Et voilà les 11 questions :
1. Comment te décrirais-tu en 3 ou 4 adjectifs ?
2. Quel est ton péché mignon ?
3. Quel auteur ou livre t'a donné envie de lire ?
4. Quelle est ta plus belle découverte littéraire à ce jour ?
5. A quelle autre époque aurais-tu aimé vivre ?
6. Quel(le) homme/femme célèbre vivant(e) ou mort(e) aurais-tu aimé/aimerais-tu rencontrer ?
7. Quel pays aimerais-tu visiter ?
8. Si tu étais un livre, tu serais ?
9. Si tu étais un film, tu serais ?
10. Si tu étais un animal, tu serais ?
11. Quelle est ta citation préférée ?

37ème cérémonie des César

Vendredi soir avait lieu au théâtre du Châtelet la 37ème cérémonie des César.

Autant le dire tout de suite, je boudais cette cérémonie depuis plusieurs années, lui reprochant essentiellement de ne servir qu'à se récompenser entre amis bien pensants, de s'auto-féliciter entre personnes du cinéma français ayant réalisé et/ou joué dans des films bobos/intellos/gauchos qui n'ont quasiment pas eu leur public; et surtout, cette cérémonie laissait totalement de côté les films ayant rencontré le succès auprès du public (quelle horreur ! Il aurait ainsi fallu nominer, voire pire, récompenser, une comédie de Dany Boon ayant fait plus de 20 millions d'entrées dans les salles !)

Mais voilà, cette année les nominations ont fait la part belle aux succès populaires, et il faut dire que des bons films, il y en a eus !
Je n'ai pas fait mon "top ten" du cinéma 2011 (pas bien, je vais m'auto-flageller devant ma pile de magasines de cinéma), mais dans mes coups de coeur il n'y a que des films français ou presque.

En 2011 au cinéma, j'ai découvert, entre autres, "Les femmes du 6ème étage", je suis allée dans une maison close ("L'Appolonide, souvenirs de la maison close"), je me suis séparée ("Une séparation"), j'ai été plongée dans le Hollywood de l'âge d'or du muet ("The artist") et j'ai donc fini par faire des claquettes et m'exprimer par gestuelle, j'ai demandé la "Polisse" (et je l'attends toujours), en novembre nous étions tous devenus "Intouchables" et puis, il ne faut pas l'oublier, "La guerre est déclarée".

Alors oui, "The artist" est sorti grand vainqueur de cette cérémonie mais comme c'est justifié !
Quel film remarquable à l'heure de la 3D, de la motion capture, quel culot de proposer un film muet en noir et blanc et quel duo d'acteurs !
J'ai eu ma petite larme à l'oeil lorsque Bérénice Béjo nous a avoué "qu'elle le voulait vraiment", mais elle avait bien raison de le vouloir ce César, il était amplement mérité et cela lui permet enfin de sortir de l'ombre !
Car Bérénice Béjo, je l'ai vu évoluer depuis "Meilleur espoir féminin", il était temps qu'elle passe enfin de l'ombre à la lumière !
Mais je reconnais aussi que toutes les autres actrices étaient excellentes.
Certes, c'est Omar Sy qui a eu le César pour son rôle dans "Intouchables", c'est vrai qu'il est excellent, mais je l'aurai attribué ex-aequo avec Jean Dujardin pour ma part.
Et comment passer à côté d'"Une séparation" ? C'est l'une de mes plus belles surprises de cette année ce film iranien.

Du côté des déceptions, et bien "Polisse" a été peu récompensé, c'est dommage j'ai beaucoup aimé ce film coup de poing de Maïwenn.
Je salue la griffe de cette réalisatrice dans sa façon de filmer, et l'intelligence avec laquelle elle a fait ce film et traité d'un sujet aussi délicat que le quotidien de la brigade des mineurs.
Je pense, comme de nombreux spectateurs, que je n'oublierai pas ce film et qu'il m'a permis d'avoir un autre regard sur le police et le travail effectué quotidiennement par ses agents.
Si vous n'avez pas encore vu ce film, je vous invite, si vous en avez l'occasion, à le voir.
Là où je ne suis pas contente et où je risque de re-déclarer la guerre aux César, c'est l'oubli total de récompense pour "La guerre est déclarée" !
Mince, comment passer à côté de ce film brillant, tiré de l'histoire personnelle et vraie de la réalisatrice et de son ancien compagnon ! A aucun moment ce film ne tombe dans le pathos et l'apitoiement, c'est une véritable leçon de vie, et pour lutter contre le cancer, la guerre c'est tous les jours que je la déclare !
Aucun César pour ce film, mais merci à la réalisatrice, le plus beau prix c'est le public qui est allé voir votre film qui vous l'a offert.
Dans mon palmarès, votre film est en tête et je ne vous remercierai jamais assez d'avoir déclaré ainsi cette guerre.
S'il existait un César du coeur, il irait sans nul doute à ce film.

Pour le palmarès complet c'est par ici.

Et maintenant, en route pour les Oscar cette nuit, et longue vie à "The artist" !

samedi 25 février 2012

La croix de Cazenac Tome 10 La dernière croix - Cycle de l'Aigle d'Eric Stalner et Pierre Boisserie


Etienne arrive au bout de son périple et découvre le secret qui entoure sa famille, les Cazenac. Ultime épisode de cette saga familiale, sur fond d’espionnage, qui offre un final qui tient toutes ses promesses. Une famille, une croix, un destin : la boucle est bouclée. En beauté ! (Dargaud)

Sous couvert de liberté et d'insouciance au début de ce tome, il est en fait assez sombre, comme tous les autres de la série, et offre une histoire complexe.

"Dix ans que j'attends ce moment, où le loup va prendre sa revanche sur l'ours !"
Cela fait dix ans que le baron von Strauffenberg attend sa revanche, car c'est lui le mystérieux ennemi du tome précédent, dix ans qu'il rumine sa vengeance aux Etats-Unis, et sur les Cazenac mais également celle de l'Allemagne, son pays d'origine : "Et le Reich sa revanche sur le monde".
Le côté particulièrement sombre de ce tome vient de ce personnage qui est un national socialiste et tout dans ses propos laisse présager du deuxième conflit mondial qui verra le jour, surtout qu'il analyse finement la situation : "Il faut être prudent. La première bataille va se jouer sur le terrain économique. Le parti doit s'élever sur les ruines du monde capitaliste. J'espère vivre encore assez longtemps pour voir la naissance du nouveau Reich !"
Il y a beaucoup de sous-entendus dans de tels propos, d'autant que son fidèle Rudi partage complètement ses opinions et affiche ouvertement son antisémitisme : "Le parti ne laissera ni les juifs ni les francs-maçons étouffer la nation allemande !".
Le personnage de von Strauffenberg incarne pour moi le Mal absolu, d'ailleurs, comme dans le tome 8, les dents de ce personnage ont plus l'aspect de crocs, en plus de sa laideur cela accentue son animal totem le loup. Cela donne même l'impression que cet animal a fini par prendre la place de l'être humain.

Pendant ce temps, Etienne découvre le secret de Louise : "Tu ne m'as pas tout dit sur Victorien", et comprend très vite que ce garçon est de lui car il fait des transes chamaniques : "Je sais ce que c'est. J'ai vécu la même chose à son âge ...". Il reconnaît toutefois que Louise a fait le bon choix.

Il y a beaucoup d'actions dans ce tome, surtout vers la fin, et la ville de New-York est un personnage à part entière. Elle est toujours très belle, même quand il pleut.
Certains dessins lorsque Louise, Etienne, Azouz et Fabien vont attaquer von Strauffenberg et délivrer Victorien m'ont fait penser à des films hollywoodiens de policiers contre gangsters, avec leurs longues gabardines, leurs fusils sur l'épaule et la pluie battante.
Les auteurs rendent ainsi hommage aux films noirs des années 50/60 et je trouve que ça cadre complètement avec la ville et l'ambiance de ce dernier tome.
Ces passages sont même pour moi certainement les plus beaux visuellement et graphiquement de toute la série.

Je reproche toutefois que le personnage de Nahima soit resté trop en retrait et n'ait pas été plus développé par les auteurs, mais c'est surtout une fin trop précipitée qui m'a le plus dérangée.
Certes il y a un dénouement, mais il n'est pas complet.
Par exemple on ne sait pas ce qui est arrivé à Fabien, s'il a survécu ou non, si Louise et Etienne habitent ensemble.
La fin est donc assez floue, d'ailleurs les deux dernières images le sont aussi, et trop précipitée, à tel point que je me demande si le cycle est bien terminé.
De plus, le lecteur ne sait pas ce qui se cache derrière la cité de Baba Yaga, d'ailleurs même Etienne le dit : "Je ne sais toujours pas vraiment pourquoi nous sommes venus ni ce que nous allons trouver ... Mais je sais que ce qui nous attend nous revient de droit, et qu'il faudra s'en montrer dignes ...".
C'est bien dommage pour le dernier tome d'une série, personnellement je suis restée sur ma fin et certaines des questions que je me posais au début du cycle sont toujours sans réponse.

Malgré cette impression mitigée à la fin, je reconnais que l'intégralité de cette série est de bonne qualité.
L'histoire est bien construite, les auteurs ont réussi à garder un rythme et à dérouler une intrigue sur dix tomes représentant dix ans de la vie des personnages, la qualité des graphismes est toujours excellente et le choix des couleurs plaisant.
Ce fut une belle découverte littéraire.

La croix de Cazenac Tome 9 L'ennemi - Cycle de l'Aigle d'Eric Stalner et Pierre Boisserie


Avant de mourir Nicolas Imélovitch, alias le Tigre, a apporté une double révélation à Etienne. Il est un chaman comme lui et sa soeur est en fait la mère d'Etienne. Elle vit en Amérique et elle serait liée à la dernière croix, la croix de l'Aigle ! Séparé de Fabien, Louise et de son frère Henri, Etienne se rend en Amérique, plus proche que jamais de son destin. En route pour ce qui sera l'ultime voyage... (Dargaud)

Avec ce nouveau cycle, c'est un changement complet d'époque : 10 ans se sont écoulés depuis le dernier tome; mais également de décor : l'action ne se passe plus en Europe mais aux Etats-Unis, plus précisément à New-York.

C'est ainsi l'occasion de découvrir les Etats-Unis, tout d'abord le désert en suivant les personnages d'Etienne et d'Azouz, puis de découvrir New-York avec ces derniers mais également Louise et Henri.
La partie se situant dans le désert, notamment dans une réserve indienne, est intéressante et vive en couleur.
Etienne est toujours à la recherche de sa mère biologique et finit par retrouver sa trace, ou plutôt sa tombe.
J'ai apprécié la dimension philosophique qui est donnée à l'histoire par le biais de cette tribu indienne, ainsi le chaman dit à Nahima, jeune femme clé de ce cycle : "Avant de juger son frère il faut avoir marché plusieurs lunes dans ses souliers ...".
C'est une nouvelle dimension de l'état de chaman qui est abordée avec ce cycle et cela apporte un nouveau souffle à l'histoire.
Il est beaucoup question d'ailleurs des animaux totems et des chamans, cela remet ce point au coeur de l'intrigue et ce n'est pas plus mal, car lors de certains tomes précédents, les auteurs avaient un peu négligé cet aspect-là.

L'autre point fort de ce nouveau cycle, c'est qu'il y a énormément d'action et aucun temps mort au cours de l'histoire.
Le titre est intrigant et pendant plus de la moitié de ce tome, les personnages ne savent pas quel ennemi leur cherche du mal, la surprise est de taille et a été à la hauteur de mes attentes.
Et comme le dit Etienne : "Il y a des démons qu'il ne faut mieux pas laisser sortir".
Malheureusement, ce tome signe aussi la fin d'un des personnages principaux : Henri, qui va y perdre la vie pour sauver celle de son frère : "Et quand bien même je le saurais, vous pensez bien que je ne vous dirais rien ...".
Si j'ai eu du mal à accrocher avec ce personnage pendant quelques tomes, j'avais fini par l'apprécier pour ses qualités humaines.
A cette occasion, les auteurs ont d'ailleurs choisi un style d'écriture hasardeux et qui m'a gênée pendant quelques pages avant que je ne comprenne son fonctionnement.
En effet, ils ont choisi de découper temporellement les scènes où l'on voit Henri et celles où l'on voit Etienne.
Le lecteur a ainsi l'impression que ces scènes se passent au même moment or il n'en est rien, plusieurs mois se sont écoulés entre les deux scènes et il faut attendre la toute fin de ce tome pour le comprendre.
L'effet est intéressant mais maladroit car pour ma part je n'ai pas saisi la subtilité à la première lecture, mais en relisant le passage je trouve que cet exercice était effectivement intéressant.

Ce nouveau cycle tient en tout cas toutes ses promesses, se lit très facilement, est toujours aussi beau visuellement, d'autant que les auteurs ont très bien fait vieillir leurs personnages, et tend vers le dernier tome clôturant cette série.

jeudi 23 février 2012

Naissance d'un pont de Maylis de Kerangal


«À l’aube du second jour, quand soudain les buildings de Coca montent, perpendiculaires à la surface du fleuve, c’est un autre homme qui sort des bois, c’est un homme hors de lui, c’est un meurtrier en puissance. Le soleil se lève, il ricoche contre les façades de verre et d’acier, irise les nappes d’hydrocarbures moirées arc-en-ciel qui auréolent les eaux, et les plaques de métal taillées en triangle qui festonnent le bordé de la pirogue, rutilant dans la lumière, dessinent une mâchoire ouverte.»
Ce livre part d’une ambition à la fois simple et folle : raconter la construction d’un pont suspendu quelque part dans une Californie imaginaire à partir des destins croisés d’une dizaine d’hommes et femmes, tous employés du gigantesque chantier. Un roman-fleuve, «à l’américaine», qui brasse des sensations et des rêves, des paysages et des machines, des plans de carrière et des classes sociales, des corps de métiers et des corps tout court. (Gallimard - Folio)


"C'est le premier jour du pont, le premier matin."

Maylis de Kerangal propose au lecteur à travers son livre de vivre une aventure formidable : la construction d'un pont dans une ville fictive des Etats-Unis, du premier jour jusqu'à son inauguration.
C'est aussi l'occasion de croiser tout un melting pot de personnages qui vont graviter autour de ce chantier, du plus simple ouvrier à l'ingénieur spécialiste du béton et au responsable des opérations tout en croisant les indiens plutôt hostiles à ce chantier.

Plutôt que de laisser tous ces personnages venant de pays ou de cultures différentes noyés dans la masse, l'auteur a choisi de s'intéresser à certains personnages en particulier et à les faire apparaître et interagir dans son histoire à intervalles réguliers.
Il y a ainsi une française, Summer Diamentis, ingénieur spécialiste en béton, qui se sent seule et est incomprise dans cet univers essentiellement masculin; Katherine Thoreau, une américaine qui tire le diable par la queue pour finir les fins de mois; Diderot qui coordonne tout le chantier et veille à faire respecter les délais; ou encore Sanche Cameron suivant le chantier du haut de sa grue.
J'ai particulièrement aimé le choix de ces personnages et le travail de l'auteur sur eux, l'alternance ne m'a d'ailleurs absolument pas gênée car le livre est construit de façon intelligente.

Il n'y a pas de chapitre à proprement parler, mais plus des parties qui coïncident avec l'état d'avancement du chantier.
Le parallèle est intéressant à faire entre la construction du livre et la construction du pont.
J'ai eu l'impression au fil de ma lecture que l'auteur avait pensé son livre comme un projet industriel, c'est en tout cas ce qui en ressort.
De plus, je trouve qu'il y a un côté très réaliste à ce récit, avec les aléas de chantier, les retards, la pression du siège ou du maire de la ville, les revendications salariales, les accidents.
C'est concret et bien ancré dans la réalité, et puis ce n'est pas un hasard si le maire de Coca se fait appeler le Boa, car ce pont va finir par engloutir Coca et Edgefront.
J'ai d'ailleurs trouvé une critique quelque peu sous-jacente des Etats-Unis dans ce livre, déjà le nom de la ville est l'un des produits emblématiques de ce pays, et puis cette ville n'est pas sans rappeler San Franciso.
L'auteur y montre quelques travers de ce pays qui n'est pas l'Eldorado comme il nous est si souvent présenté.

Ce qui peut dérouter pendant les premières pages, c'est le style narratif de l'auteur qui emploie un vocabulaire très riche et fait souvent de très grandes phrases.
Certains signes de ponctuation sont volontairement oubliés, sans doute pour renforcer la côté grandiose et foisonnant de ce chantier; tout comme certains dialogues ne sont pas écrits de façon traditionnelle, mais là aussi, c'est sans doute pour appuyer la déshumanisation d'un tel chantier où personne ne peut connaître tout le monde et où chacun s'attelle à sa tâche quotidienne.
L'auteur dissèque l'histoire plus qu'elle ne la raconte, je n'ai pas l'habitude de ce style narratif mais j'ai été conquise.

J'ai apprécié l'originalité du sujet, la précision avec laquelle l'auteur le traite, son style narratif, d'autant qu'il n'y a aucun temps mort même si parfois la lecture peut paraître lente.
Si je n'avais qu'un reproche à lui faire, cela concernerait la fin que je trouve bâclée et qui ne termine pas vraiment une histoire qui avait pourtant si bien commencé.
Le pont est achevé mais pas l'histoire de Maylis de Kerangal, c'est un peu dommage et cela vient quelque peu ternir ma bonne impression générale sur ce roman.

Je remercie Babelio et les éditions Gallimard - Folio (maison d'édition d'origine : Verticales Phase Deux) pour ce livre reçu dans le cadre de l'opération Masse critique

Mary Poppins de Robert Stevenson


Rien ne va plus dans la famille Banks. La nurse vient de donner ses huit jours. Et ni M. Banks, banquier d'affaire, ni son épouse, suffragette active, ne peuvent s'occuper des enfants Jane et Michaël. Ces derniers passent alors une annonce tout à fait fantaisiste pour trouver une nouvelle nurse. C'est Mary Poppins qui répond et apparaît dès le lendemain, portée par le vent d'Est. Elle entraîne aussitôt les enfants dans son univers merveilleux. (AlloCiné)

Voilà un film qui ne s'est pas trop démodé et qui est plaisant à voir et donne un coup de baume au coeur !

Mary Poppins, c'est "le morceau de sucre qui aide la médecine à couler, la médecine à couler, la médecine à couler, juste un morceau de sucre qui aide la médecine à couler, ça vous rend la vie plus belle ", mais c'est aussi "Supercalifragilisticexpialidocious " et enfin "Pour avoir de la chance, prends ta chance telle qu'elle vient".
Ou pour dire de façon plus simple, Mary Poppins, c'est un formidable remède à la morosité, à la tristesse et ça permet de rêver l'espace du film.

J'avais vu ce film des années auparavant et j'ai eu l'occasion de le revoir.
J'ai pris plus de plaisir à le revoir maintenant que même plus jeune sans doute, d'autant que j'avais oublié certains passages.
J'aime beaucoup le côté comédie musicale et histoire avec une morale ainsi que les dessins animés ajoutés au film.
Certes, les incrustations de dessins animés ont mal vieillies et aujourd'hui les technologies ont évolué, mais pour l'époque c'était bien fait et cela contribuait à ajouter un petit grain de folie à l'histoire.
J'adore toutes les chansons du film, je trouve qu'elles sont jolies d'un point de vue musical mais également du point de vue des textes.
Et que dire du jeu des acteurs !
Julie Christie est une éblouissante Mary Poppins et Dick Van Dyke est un charmant Bert, homme à tout faire, un jour musicien, l'autre peintre et le suivant ramoneur.

Certes, le personnage de Mary Poppins peut apparaître trop parfait, mais ce point n'est qu'accessoire pour moi, car tout l'intérêt réside dans les autres personnages et leur évolution au cours du film.
Monsieur Banks est un homme pris par son travail qui ne profite pas de ses enfants et ne fait aucune activité avec eux, tandis que sa femme est une suffragette qui ne pense qu'à son combat pour les femmes.
Autant dire qu'au milieu de tout cela, les enfants doivent se sentir quelque peu délaissés.
L'évolution la plus surprenante est sans aucun doute celle de Monsieur Banks, qui découvre les choix de la famille.
Finalement, ce film sert aussi à nous rappeler que les les choses les plus simples sont sans doute les meilleures.
De toutes les scènes, je ne saurai trop dire laquelle est ma préférée, mais j'ai un gros coup de coeur pour la promenade à travers la peinture.
Je reconnais toutefois que la scène sur les toits est aussi très bonne, c'est d'ailleurs le passage avec la meilleure chorégraphie du film.

Ce film est un savant mélange de rêve et de conscience, le tout apporté par Mary Poppins (qui rappelons-le, arrive sur un nuage et repart de la même façon et possède un sac qui contient tout un tas d'accessoires divers et variés).
Aux enfants, elle offre le rêve et aux parents une conscience, mais qui n'altère en rien le rêve, bien au contraire.
Mine de rien, c'est une jolie petite leçon de vie qui est distillée subtilement à travers ce film.

Alors, en guise de conclusion :
"Oh, quelle jolie promenade avec Mary
Mary fait s'lever le soleil
Même quand le ciel est maussade et gris
Mary sème des merveilles " !

Ce film a été regardé dans le cadre du challenge La face cachée des Disney

La croix de Cazenac Tome 8 La mort du tigre - Cycle du Tigre d'Eric Stalner et Pierre Boisserie


Etienne et Imélovitch tentent d’échapper aux griffes des Anglais dans les rues du Caire pendant que Henri, Louise et Etienne ont déjà été faits prisonniers et emmenés au QG anglais. Le deal est clair : Henri livre le nom des espions français qui opèrent au Moyen-Orient, échappant ainsi à la torture… Ce huitième épisode conclut le cycle du Tigre qui met en lumière une réalité géopolitique plus actuelle que jamais dans cette région du monde que les grandes puissances tentent de se partager ! (Dargaud)

Ce huitième tome est dans la continuité du précédent et, cela ne m'était plus arrivé depuis le premier cycle, j'ai enchaîné directement la lecture des deux tomes formant ce cycle.
Comme dans le précédent, il y a énormément d'action et aucun temps mort, ce qui rend la lecture captivante.
J'avoue préférer ce format de deux tomes pour un cycle, les auteurs vont ainsi plus à l'essentiel.

Il y a beaucoup de violence et de souffrance dans ce tome : "Ils ont voulu me briser Louise ! Mais ils ne m'ont brisé que mes mains ! Ils ont voulu que je leur donne des noms ! Mais je n'ai rien dit ! Ils ont menacé de te faire du mal, mais je n'ai rien dit ! Que dieu me pardonne, mais je les aurais laissés te faire du mal", déclare Henri après une séance de torture des anglais.
C'est peut-être lié mais j'ai remarqué que dans ce tome, souvent les dents sont dessinées comme des crocs aiguisés, notamment pour les personnages traîtres.
Il y a toujours une belle qualité des graphismes, un choix judicieux des couleurs, j'aime beaucoup les nuances orange/rouge qui contrastent avec les nuances plus lumineuses du désert. L'Egypte est bien représentée ainsi que le contexte historique et puis cela change de territoire et de conflit, d'ailleurs le conflit mondial n'est même évoqué par les personnages.
J'ai également apprécié le choix des auteurs de mettre les dialogues en langue étrangère entre crochet plutôt que de faire des notes de bas de page.

Du côté des personnages, Etienne hésite toujours, pour lui c'est une question de volonté mais Imélovitch lui dit : "Ce n'est pas une question de volonté mais de destinée. Tu dois le faire, tu n'as pas le choix !"
Et effectivement, Etienne n'aura pas le choix et devra affronter le tigre, qui se révèlera n'être autre qu'Imélovitch !
Mais ce dernier avant de mourir le met aussi sur la piste de sa mère, encore vivante, et de la dernière croix, celle de l'aigle.
C'est un tome où il est question de choix d'une manière générale, pour Etienne, mais également pour Louise, qui préfère mentir à Etienne et en quelque sorte se mentir à elle-même.
Au final Etienne reste avec Azouz, le jeune garçon qui leur a sauvé la mise, et d'après les propos d'Imélovitch il est lui aussi particulier.
C'est une bonne fin qui ouvre parfaitement le prochain et dernier cycle de "La croix de Cazenac".

dimanche 19 février 2012

La croix de Cazenac Tome 7 Les espions du Caire - Cycle du Tigre d'Eric Stalner et Pierre Boisserie


La première guerre mondiale était bien un conflit international où les grandes puissances de ce monde se livraient bataille bien au-delà des frontières de la France. La preuve avec ce nouveau titre – qui débute le troisième cycle – dont l’action démarre en Egypte. Au Caire plus précisément où nous retrouvons les frères Cazenac, Henri et Etienne.

Cette région du nord de l’Afrique touche le Proche Orient, Israël, la Syrie et l’Irak. Autant dire des régions "sensibles" où chacune des grandes puissances a tout intérêt à jouer de son influence pour des raisons stratégiques... La France et l’Angleterre, alliées de la première guerre, s’affrontent ici sur un terrain plus diplomatique: bref, l’espionnage est monnaie courante ! Une région du monde qui deviendra plus tard - on le sait plus que jamais aujourd’hui - au cœur d’une zone d’influence internationale. (Dargaud)


Ce nouveau tome entame le nouveau cycle de "La croix de Cazenac" placée sous le signe du tigre.
Si je trouvais les derniers tomes moins riches en aventures que les précédents, ce septième tome modifie la donne, car il y a énormément de rebondissements et d'actions.
Je pense d'ailleurs que le changement de lieu de l'action n'est pas étranger à ce nouveau souffle.
L'action démarre au Caire en 1917, tandis que le conflit mondial continue de sévir en Europe.
La France et la Grande-Bretagne, sûre de leur victoire sur l'Allemagne, se sont partagées les futures ex colonies de ce pays par les accords de Sykes-Picot.
Mais le Moyen-Orient est convoité par bien des pays, notamment pour la richesse souterraine qu'il renferme : le pétrole.

L'histoire débute avec Henri et Etienne en mission, les deux frères semblant s'être réconciliés. Mais c'était sans compter sur l'arrivée d'Imélovitch, le chaman guide spirituel d'Etienne qui fait réapparaître le côté sombre de la personnalité de Henri, notamment une forme d'envie de jalousie; et de Louise et de Fabien qui se font passer pour un couple collectionneur d'antiquités égyptiennes afin de piéger un officier anglais.
Henri bascule dans une forme de jalousie envers son frère, ce dernier a non seulement été protégé par leur père, mais il est aussi l'amant de sa femme Louise.
Henri perd toute confiance en son frère et c'est le retour d'une violence verbale entre eux : "Je sais que le mensonge est une spécialité familiale, mais jusqu'ici je pensais que tu avais été épargné ! Et je crois que c'est ce qui me déçoit le plus. J'avais retrouvé ma confiance en toi après la mort de Wolf ...".
Finalement au fil de la lecture, je commence à mieux cerner ce personnage et à comprendre ses réactions.
C'est avant tout un agent secret soucieux d'effectuer son devoir envers son pays, mais il est en même temps déchirer par ses sentiments fraternels, même Etienne s'en rend compte : "Sous son abord froid et réservé, je sais qu'il tient vraiment à moi".

J'ai beaucoup apprécié l'action dans ce tome, notamment dans les dernières pages.
La mission se complique et échoue, c'est d'ailleurs une première dans cette série, les auteurs montrent également la perception que les égyptiens ont de la domination anglaise et des mouvements de résistance qui se développent, notamment par le biais de l'attentat dans l'hôtel.
Et pour finir, seul Etienne arrive à s'échapper et rejoint Imélovitch tandis que Henri, Louise et Fabien sont faits prisonniers par les anglais.
Ce tome est donc riche en rebondissements et donne envie de lire la suite de ce nouveau cycle.
Je regrette toutefois qu'à aucun moment dans ce tome le tigre ne soit abordé, il n'est d'ailleurs même pas question de chamanisme, le sujet n'étant que sous jacent avec la présence d'Imélovitch.

La qualité des dessins est toujours au rendez-vous et, outre le scénario bien ficelé, contribue à rendre agréable la lecture de cette série.
La trame historique est plus présente que dans les deux derniers tomes ce qui est un attrait supplémentaire à cette lecture.
En conclusion, ce septième tome donne un nouveau souffle bienvenu à la série.

La croix de Cazenac Tome 6 Ni Dieux, ni bêtes - Cycle du loup d'Eric Stalner et Pierre Boisserie


En plein conflit mondial, le destin des hommes se croise parfois. Etienne Cazenac et le Baron von Straufenberg sont de la même race, ils sont devenus de véritables prédateurs d’une guerre qui, pourtant, les oppose. C’est à cet ultime combat que ce nouvel épisode de La Croix de Cazenac nous invite.
En laissant derrière lui Louise et Henri, Etienne sait qu’il va devoir affronter von Straufenberg. Mais il sait surtout qu’il va devoir s’affronter lui-même, surmonter ses propres démons. Le “loup” contre “l’ours”, le bien contre le mal ? Mais pendant ce temps la guerre fait toujours rage et les grandes puissances européennes (et américaines) se livrent à une féroce bataille sur le front et sur des champs de bataille plus sournois… (Dargaud)


Ce volume clôt le cycle du loup de la série "La croix de Cazenac".
L'essentiel de ce volume est consacré à la lutte entre "l'ours" et "le loup".
Pour rappel, à la fin du dernier tome, Etienne partait volontairement avec le baron Von Straufenberg.
C'est pourquoi on le retrouve pendant la première moitié de l'histoire avec ce dernier, en train de suivre un entraînement intensif et dangereux pour faire ressortir sa vraie nature et faire de lui un chaman à part entière.
Si pendant quelques instants j'ai eu un doute, j'ai finalement deviné assez vite qu'Etienne n'était pas dupe et cherchait au contraire à se jouer du baron et à la doubler sur toute la ligné.
Néanmoins, en agissant ainsi il se livre à un jeu dangereux et manquera de perdre définitivement la raison.

Ce nouveau tome est surtout marqué par de nombreux rebondissements, dont un assez surprenant et auquel je ne m'attendais pas.
Le personnage de Henri continue à m'être de plus en plus antipathique, je ne comprends plus vraiment ses motivations, ou plutôt pour être tout à fait exacte, les auteurs ont certainement une idée derrière la tête mais n'en laissent rien transparaître, ce qui laisse le lecteur dans l'expectative.
J'ai par contre retrouvé avec plaisir les personnages de Louise et de Fabien.
La scène finale s'étend sur plusieurs pages et est assez bien menée : il s'agit de l'affrontement entre Etienne et le baron où seul l'un des deux peut en sortir vivant.
C'est lors de ce passage que le lecteur se rend compte à quel point Etienne a mûri : "A force de vous croire supérieur et de mépriser la terre entière, vous avez oublié l'essentiel ... Nous ne sommes ni des dieux ni des bêtes, bien que les deux nous habitent ! Nous sommes des hommes, tout simplement ... et c'est là notre très grande force ...".
La majorité de ce volume est dominé par des tons plutôt sombres, la qualité des graphismes étant elle toujours au rendez-vous.
Je reprocherai tout de même un manque de dimension spirituelle, il est toujours question de chamanisme mais c'est abordé de façon trop rationnelle, et puis il y a trop d'opacité au niveau des services secrets français.
C'est le sixième volume et le lecteur n'en sait toujours pas plus qu'au premier, c'est un peu dommage et cela a tendance à essouffler quelque peu l'histoire.
J'ai vraiment aimé la fin et les dernières images dans des tons plus clairs que le restant de l'histoire, la tension est relâchée et les personnages blaguent entre eux, se retrouvent comme avant.
J'ai même pensé, si je n'avais pas su qu'une suite existait, que cela aurait pu faire une excellente fin à cette série.

Une gourmandise de Muriel Barbery


C'est le plus grand critique culinaire du monde, le Pape de la gastronomie, le Messie des agapes somptueuses. Demain, il va mourir. Il le sait et il n'en a cure : aux portes de la mort, il est en quête d'une saveur qui lui trotte dans le cœur, une saveur d'enfance ou d'adolescence, un mets original et merveilleux dont il pressent qu'il vaut bien plus que tous ses festins de gourmet accompli. Alors il se souvient. Silencieusement, parfois frénétiquement, il vogue au gré des méandres de sa mémoire gustative, il plonge dans les cocottes de son enfance, il en arpente les plages et les potagers, entre campagne et parfums, odeurs et saveurs, fragrances, fumets, gibiers, viandes, poissons et premiers alcools... Il se souvient - et il ne trouve pas. Pas encore. (Folio)

"Meurs, vieil homme. Il n'y a ni paix ni place pour toi dans cette vie."
Effectivement, il n'y a ni paix ni place pour un homme tel que cet éminent critique gastronome qui n'a sans doute jamais rien aimé d'autre de sa vie que goûter des plats et écrire ses critiques, qui n'a jamais aimé sa femme Anna pourtant toute dévouée à lui, et qui n'a pas plus aimé ses enfants.
Cet homme pour moi n'est un palais à goûter et découvrir de nouvelles saveurs sans coeur.

Il va mourir dans quarante huit heures, c'est son coeur qui le lâche, ce coeur qui lui a toujours fait défaut.
Et au moment de sa mort, il cherche désespérément une saveur, une dernière chose qu'il aurait envie de manger, et se remémore les éléments clés de sa vie et ses découvertes culinaires.
Ainsi, un chapitre est consacré à ses souvenirs et un autre est consacré soit à un membre de sa famille qui donne son ressenti envers ce personnage, soit à un objet de son entourage (par exemple une statue).

A la lecture de ce livre, j'ai bien senti qu'il s'agissait d'un premier roman.
Je l'ai trouvé moins maîtrisé que "L'élégance du hérisson", j'ai senti que l'auteur se cherchait et tâtonnait pour trouver le fond de son récit malgré la pirouette finale.
De plus, je ne me suis jamais vraiment attachée au personnage principal.
Il faut dire qu'il n'a absolument rien pour lui et pour attirer la sympathie du lecteur.
Par contre, j'ai réellement apprécié le style narratif de l'auteur, avec certains moments d'ironie, d'autres de lucidité venant de la part d'enfants : "On croit que les enfants ne savent rien. C'est à se demander si les grandes personnes ont été des enfants un jour." ou encore "Je sais qu'ils sont tous malheureux parce que personne n'aime la bonne personne comme il faudrait et qu'ils ne comprennent pas que c'est surtout à eux-mêmes qu'ils en veulent."
D'un côté l'auteur utilise un vocabulaire assez riche et a presque réussi à me faire partager toutes ces saveurs culinaires et ces plats plus alléchants les uns que les autres, d'un autre le personnage principal plutôt infect est trop présent à mon goût tandis que les autres personnages qui gravitent autour ne sont que des ombres à peine esquissées ce qui m'a laissé une sensation d'inachevé, un léger goût d'amertume.

Ce premier roman de Muriel Barbery est bien un coup d'essai mais pas un coup de maître, il n'a pas l'éclat, la grandeur et la subtilité de "L'élégance du hérisson".

dimanche 12 février 2012

La croix de Cazenac Tome 5 La marque du loup - Cycle du loup d'Eric Stalner et Pierre Boisserie


Une suite très attendue qui tient toutes ses promesses... Sa première rencontre avec le loup von Strauffenberg avait laissé à Étienne un arrière-goût de défaite et de malaise. Le capitaine Fabien gravement blessé par le baron n’avait dû sa survie qu’à la magnanimité de ce dernier. Un cadeau pour l’Ours de la part du Loup, pour le convaincre de le rallier à sa cause et de laisser définitivement parler la bête en lui. Sorti de ce guêpier, Étienne rejoint le front et remplace Fabien à la tête de sa division. C’est lors d’une visite à ce dernier dans un hôpital de campagne, qu’Étienne ce rend compte que ses pouvoirs de chaman ont augmenté et qu’il est à présent capable de soulager la douleur... Mais il doit répondre à une convocation de l’état-major qui le réclame à Paris. C’est son frère, Henri, qui fait appel à lui et à ses extraordinaires facultés pour servir dans les services secrets. Proposition d’autant plus intéressante qu’elle lui permettrait de travailler avec la femme et "plus proche collaboratrice" d’Henri, Louise, pour qui Étienne ressent toujours un sentiment très fort. Pendant ce temps von Strauffenberg prépare une réunion secrète dans le but de réunir assez d’argent pour stopper la guerre. Mais son objectif n’a rien d’altruiste. Il ne fait qu’avancer ses pions pour qu’à la fin, seuls les plus forts survivent. Étienne l’Ours saura-t-il résister à l’appel du Loup ? La Croix de Cazenac n’a pas fini de nous livrer tous ses secrets ! (Dargaud)

Ce cinquième tome de la série "La croix de Cazenac" est plus sombre que les précédents et est plus empreint de folie de la part de certains personnages.
Cette impression est déjà renforcée par l'utilisation de couleurs sombres, il y a finalement peu de moments lumineux et/ou joyeux dans ce tome.
Henri sombre dans une sorte de folie mêlée de jalousie à l'égard de son frère Etienne, à tel point qu'il ne réalise plus qu'il s'agit de son frère : "Mais qu'est-ce qui te prend ?! Tu tires sur ton propre frère !! Tu as complètement perdu le raison !".
De façon tout aussi surprenante, le lecteur apprend en même temps que Louise que Frau D venait de se rallier à la cause des services secrets français, et à la fin du tome Etienne part avec Némésis, ce qui déclenche la surprise générale de tout le monde.

Le titre de ce tome est bien choisi : "La marque du loup", Némésis est en effet un personnage récurrent et au centre, de façon présente ou non, de toute l'intrigue développée dans ce nouveau tome.
Mon avis est d'ailleurs de plus en plus partagé sur les personnages, plus l'histoire passe et plus Henri me devient insupportable, alors que c'est l'inverse qui se produit pour Etienne.
D'une façon quelque peu paradoxale, c'est presque le personnage le plus lumineux de ce tome : il est moins naïf, plus sûr de lui, un peu ironique sur les bords et taquin avec Louise.
C'est sans nul doute le personnage qui s'affirme le plus et qui prend de plus en plus corps au fil de l'intrigue.
Néanmoins, j'ai plus ressenti ce tome plus comme une transition vers le dénouement de ce cycle et au final, il n'apporte pas de révélation ni de réelle surprise au lecteur.
C'est quelque peu dommage car ce tome soulève plus de questions qu'il n'en résout.

Ce cycle est toujours d'une très bonne qualité, les dessins et l'histoire y étant pour beaucoup, et c'est le personnage d'Etienne qui, en prenant de plus en plus d'assurance, me renforce dans mon envie de lire la suite.

L'armée furieuse de Fred Vargas


Au cœur de la Brigade criminelle, le commissaire Adamsberg vaque à ses occupations. Même si Veyrenc, son ancien rival des Pyrénées, hésite encore à revenir, le reste de l’équipe évolue paisiblement : Rettancourt reste la grande « génératrice d’énergie », le chat dit « La Boule » dort toujours sur la photocopieuse, Danglard avec son verre de vin blanc développe un immense savoir, Mercadet est toujours à moitié endormi, Froissy fait des allers-retours entre sa réserve de nourriture et son bureau.
Une petite dame âgée attend le commissaire sur le trottoir, elle vient de Normandie. Ils n’ont pas rendez-vous, mais il n’y a qu’à lui qu’elle veut parler. Une nuit, dans son village, sa fille a vu « l’Armée furieuse », c’est-à-dire une cohorte de morts vivants qui vient enlever les pires personnes des environs. Meurtriers, voleurs, tous ceux qui n’ont pas la conscience tranquille se sentent menacés. Cette vieille légende est le signe que de multiples assassinats vont se produire.
Loin de sa circonscription, Adamsberg va pourtant accepter d’aller enquêter sur place, dans le village terrorisé de superstitions et de rumeurs sauvages. Aidé de la police locale, de son fils (qu’il a découvert dans Un lieu incertain), et de quelques complices, il tentera de protéger les mauvaises personnes contre le mauvais sort. Extrait :
- Cette nuit-là, dit-elle lentement, Lina a vu passer l'Armée furieuse.
- Qui ?
- L'Armée furieuse, répéta la femme à voix basse. Et Herbier y était. Et il criait. Et trois autres aussi.
- C'est une association ? Quelque chose autour de la chasse ?
Madame Vendermot regarda Adamsberg, incrédule.
- L'Armée furieuse, dit-elle à nouveau tout bas. La Grande Chasse. Vous ne connaissez pas ?
- Non, dit Adamsberg en soutenant son regard stupéfait.
- Mais vous ne connaissez même pas son nom ? La Mesnie Hellequin ? chuchota-t-elle.
- Je suis désolé, répéta Adamsberg. Veyrenc, l'armée furieuse, vous connaissez cette bande ? La fille de Mme Vendermot a vu le disparu avec elle.
- Et d'autres, insista la femme.
Un air de surprise intense passa sur le visage du lieutenant Veyrenc. Comme un homme à qui on apporte un cadeau très inattendu.
- Votre fille l'a vraiment vue ? demanda-t-il. Où cela ?
- Là où elle passe chez nous. Sur le chemin de Bonneval. Elle a toujours passé là.
- La nuit ?
- C'est toujours la nuit qu'elle passe.
Veyrenc retint discrètement le commissaire.
- Jean-Baptiste, demanda-t-il, vraiment tu n'as jamais entendu parler de ça ?
Adamsberg secoua la tête.
- Eh bien, questionne Danglard, insista-t-il.
- Pourquoi ?
- Parce que, pour ce que j'en sais, c'est l'annonce d'une secousse. Peut-être d'une sacrée secousse.

Nul doute que la fratrie « maudite » du village normand rejoindra la galaxie des personnages mémorables de Fred Vargas. Quant à Momo-mèche-courte, il est le fil conducteur de la double enquête que mène ici le commissaire Adamsberg, confronté à l'immémorial Seigneur Hellequin, chef de L'Armée furieuse. (Viviane Hamy)


Cette nouvelle aventure d'Adamsberg commence avec un pigeon maltraité avec les pattes attachées par une ficelle, un homme qui a homicidé sa femme en la gavant de mie de pain, un riche industriel mort dans l'incendie volontaire d'une voiture et où tout accuse Momo-mèche-courte d'être l'auteur du forfait, et une femme qui hésite à entrer dans le commissariat pour parler au commissaire Adamsberg de l'affaire qui la préoccupe.
Pas de doute, il s'agit bien d'une nouvelle aventure du commissaire Adamsberg et de ses adjoints, à commencer par le fidèle lieutenant Adrien Danglard et le lieutenant "déesse" Violette Retancourt.

Le thème principal de cette nouvelle histoire est la Mesnie Hellequin, rien de moins, plus connue sous le nom de l'Armée furieuse.
Et si cette vieille dame souhaite parler au commissaire Adamsberg, c'est justement à ce propos, car elle croit ses enfants en danger, puisque sa fille Lina a le don de voir l'Armée, et que justement, il y a deux semaines de ça, elle a rêvé que la Mesnie passait par Ordebec : "Lina a vu passer l’Armée furieuse". Et elle emportait avec elle quatre hommes, trois identifiés et un non identifié.

Et voilà, parce qu'Adamsberg est persuadé de l'innocence de Momo, il va l'aider à s'évader et couvrir sa fuite, mêlant par la même occasion son fils tout juste trouvé Zerk; pendant le même temps le lieutenant Veyrenc hésite sur sa décision : revenir dans la brigade ou devenir professeur, mais comme lui dit Adamsberg : "On connait toujours sa décision bien avant de la prendre. Depuis le tout début en fait. C'est pour cela que les conseils ne servent à rien."; et tout cela, "A cause de l'Armée furieuse", va le mener à aller enquêter à Ordebec.

Ordebec, petit village tranquille de Normandie : "Ici, c'est comme partout, il y a beaucoup de têtes creuses qui ont vite fait de se remplir de n'importe quoi, si possible du pire. C'est ce que tout le monde préfère, le pire. On s'ennuie tellement.", est un microcosme intéressant où se côtoie de nombreuses personnalités tout aussi différentes les unes des autres : Léo, le Comte, le brigadier Blériot, le capitaine Emeri, la famille Vandermot; et parmi toutes ces personnes, un criminel.

Ce que j'apprécie dans les romans de Fred Vargas, c'est sa capacité à créer des histoires mettant en scène des personnages presque irréels, ou tout du moins déconnectés de la réalité.
Ainsi, Adamsberg pellette des nuages, Danglard est un puits de savoir mais quelque peu jaloux de Veyrenc, Retancourt est une véritable déesse qui transforme tout ce qu'elle touche, et puis toute l'équipe de la brigade est composée de personnalités complètement différentes et inattendues, mais voilà, systématiquement l'alchimie prend et toutes ces personnalités arrivent à obtenir des résultats quasi inespérés.
Dans ce nouvel opus, j'ai apprécié de retrouver ces différents personnages, et le fait que l'action ne se passe pas sur Paris mais en Normandie est également un point positif.
Du point de vue de la psychologie des personnages, les romans de Fred Vargas sont intéressants et toujours bien construits.
J'ai également aimé le fait que Camille ne soit évoquée qu'une seule fois, cette personne, ou plutôt son histoire ou manque d'histoire avec Adamsberg, ce jeu du chat et de la souris finissait par être lassant.
L'autre point positif est le fait de traiter deux histoires en apparence qui n'ont aucun rapport mais qui finissent par se rejoindre, avec le personnage de Momo comme élément centralisateur.

Maintenant, je trouve que ce roman a quelques aspects négatifs.
J'y ai trouvé un peu moins de fougue que dans les précédents opus, comme si Adamsberg et son équipe s'essoufflait d'un certain côté.
Et puis l'intrigue n'est pas aussi bien ficelée que d'habitude, car j'avais de très gros soupçons depuis un moment sur le réel meurtrier, malgré le pseudo rebondissement distillé par l'auteur en fin de livre.
Ce roman n'est pas mal, mais je n'ai pas été aussi captivée que par les précédents opus.
Je me demande si cette série n'aurait pas besoin d'un petit vent de nouveauté pour lui redonner tout le panache de ses débuts.

Un bon Adamsberg, mais sans doute pas le meilleur et qui peut faire naître quelques craintes quant à la suite de cette série à cause d'un certain essoufflement de quelques personnages, en particulier celui d'Adamsberg moins insaisissable que d'ordinaire, et de la construction de l'intrigue de façon générale.

dimanche 5 février 2012

Une bonne raison de se tuer de Philippe Besson


À Los Angeles, tandis que l'Amérique s'apprête à élire un nouveau président, Laura, en proie à une résignation qui semble insurmontable, et Samuel, dévasté par la mort de son fils, vacillent au bord du précipice, insensibles à l'effervescence de leur pays. Ils ne se connaissent pas. Leurs destins vont se croiser. Pourront-ils se sauver l'un l'autre ? (Julliard)

En ce matin d'élection présidentielle, à Los Angeles,, Laura se réveille et s'apprête à vivre sa dernière journée, sa décision étant prise : "Mais cette fois, Laura Parker ne sera pas sauvée : elle a décidé qu'elle serait morte ce soir."
Au même moment, Samuel lui aussi se réveille et se remémore son enfance, encore à moitié dans les brumes du sommeil, et il repense alors à Paul : "Paul est son fils. Cet après-midi, à 14 heures, il doit l'enterrer."

Ce livre est découpé par tranche de deux chapitres, alternant à la fois Laura et Samuel jusqu'à une brève rencontre entre ces deux protagonistes vers la fin de l'histoire, et se déroule sur une seule journée mais qui sera riche en évènements.
L'auteur a choisi de placer son histoire le jour de l'élection de Barack Obama, et alors que pour tous les américains cette journée sera historique, Laura et Samuel restent complètement indifférents à l'effervescence générale, enfermés dans leur drame personnel.
Pour l'une, son suicide programmé pour la fin de la journée, parce qu'après avoir dévoué sa vie à son mari et à ses enfants elle se retrouve aujourd'hui abandonnée de tous, divorcée, et ne réussissant pas à combler le vide de sa vie avec une activité professionnelle.
Pour l'autre, l'enterrement de son fils qui a mis fin à ses jours, à 17 ans, en se pendant dans les toilettes de son lycée.

Au-delà de ce contexte, il ne m'a pas été difficile de m'attacher à ces deux personnages à la dérive, avec comme seul espoir qu'ils finissent par se rencontrer.
Laura est une femme qui a tout donné et tout sacrifié pour son mari et ses enfants, elle n'a jamais exercé une activité professionnelle mais a toujours exercé son métier de femme au foyer consciencieusement : "Elle ne cache pas qu'elle n'a jamais été vraiment autonome. Elle est de ces femmes qui ont laissé le pouvoir aux hommes et se sont trouvées fort dépourvues quand les hommes sont partis."
Aujourd'hui, elle est divorcée, a été mise à la porte par son mari, l'un de ses fils est parti vivre à New-York et l'autre vit de son côté, elle n'a qu'un grand vide dans sa vie et se sent complètement inutile : "Elle est la femme sans histoire, la définition même de la femme sans histoire. Son existence est absolument ordinaire, linéaire, sans aspérités, sans aventures. La destinée n'y a pas sa place."
Si j'en parle autant, c'est que ce personnage m'a marquée et touchée, c'est l'un des portraits féminins les plus forts qu'il m'ait été donné de lire depuis quelques temps.
Cette femme est complètement paumée et vit le drame de nombreuses femmes qui aujourd'hui, après avoir tout sacrifié pour leur famille, se retrouvent du jour au lendemain jetées comme des mal propres.
Elle a beau chercher Laura, se demander ce qu'elle a mal fait ou pas fait, elle n'arrive pas à trouver de réponse à sa question.
Alors pour la seule fois de sa vie, elle va prendre une décision : en finir. Mais même avec sa mort elle pensera encore aux autres, cherchant à leur éviter les soucis et les ennuis, vidant son frigidaire, laissant la maison propre et en ordre, avec comme seul mot d'adieu : "Je n'ai pas eu le choix, pardon."
Comme si, même au seuil de sa mort, elle devait encore se justifier et demander pardon aux autres.
Samuel, quant à lui, est un artiste hippie qui s'est toujours laissé porter par la vie et a surtout fui son Mississippi natal pour devenir une autre personne, maître de son destin.
Il s'est marié un peu parce qu'il le fallait, il a vite divorcé et a été père le week-end, mais sans jamais être mauvais ou incapable ou non présent.
C'est sa nature d'être ainsi, et aujourd'hui il se retrouve à aller enterrer son fils qui s'est suicidé par pendaison suite à une déception amoureuse.
A aucun moment il n'a senti le malaise de son fils, ni perçu sa fragilité, ni lui ni personne. Et aujourd'hui il se sent coupable, il ravive sa douleur en se remémorant des souvenirs, en allant dans la chambre de son fils, en regardant ses affaires.
Désormais, il va devoir continuer à vivre avec cette plaie qui jamais ne se refermera.

Alors oui, ces deux personnages se rencontrent, mais trop tard : "Elle préfère encore le silence, parce que, dans le silence, on peut communier encore, et se comprendre, et se pardonner. Elle préfère le regard, parce qu'avec le regard, elle est capable d'avouer. [...] Et Samuel accepte. Il n'a pas deviné ce qu'elle s'apprête à faire mais consent à la laisser partir, comme ça, sans motif. En revanche, il sait qu'il ne la reverra pas."
Et pourtant, pendant toute ma lecture, je n'ai pu m'empêcher d'espérer que Laura ne mettrait pas son geste à exécution, qu'elle finirait par croiser le chemin de Samuel et que ces deux êtres au fond du trou rebondiraient ensemble pour mieux revenir vers la vie.
Mais voilà, ce n'était pas qu'un roman que j'étais en train de lire, mais également une histoire de la vie de tous les jours, et c'est sans doute l'une des grandes forces de Philippe Besson de réussir à faire de son roman une page de la vie quotidienne de tout à chacun.

J'ai également beaucoup apprécié le décor de l'histoire : la ville de Los Angeles en Californie.
L'auteur en donne une version plus calme, plus lisse et sage que celle à laquelle on aurait pu s'attendre.
Finalement, la vie y est assez calme et routinière, le rêve n'y a pas sa place.
D'un autre côté, c'est une grande ville cosmopolite où tous les genres se rencontrent et s'entrechoquent sans vraiment faire attention aux autres qui les entourent et où personne ne trouve jamais sa place.

Non, ce livre de Philippe Besson n'est pas joyeux, c'est même au contraire un sentiment amer que j'ai ressenti à la fin de ma lecture et une dénonciation dans les règles de notre société actuelle où seul le "moi" compte et où tout le monde vit dans l'indifférence totale des autres.
Mais si je ne devais donner qu'une seule bonne raison de le lire, ce serait celle-ci : avec ce livre, Philippe Besson donne voix au chapitre à ceux qui d'ordinaire en sont privés.

samedi 4 février 2012

Février - Ne m'oublie pas La Grande Sophie

Février s'annonce exceptionnel à plusieurs titres :
- déjà il y a 29 jours, ça n'arrive que tous les 4 ans, autant le signaler;
- touchons du bois, jusqu'à présent il n'y a pas eu de neige et surtout pas de verglas;
- et puis le 13 février tout le monde (oui, TOUT le monde), doit courir chez son disquaire le plus proche pour se procurer le nouvel album de La Grande Sophie - "La place du fantôme".

La Grande Sophie, elle est grande par la taille, mais aussi par le talent et l'originalité de chacun de ses albums.
Et donc un nouvel album, c'est forcément un évènement.

Avec son dernier album en date, "Des vagues et des ruisseaux", force est de reconnaître qu'elle avait frappé un grand coup et surpris pas mal de monde.
C'était sans nul doute l'album le plus abouti à ce jour.
J'en parle à l'imparfait, car le nouvel opus qui s'annonce a l'air d'être un grand cru, du très grand cru même !

Et pour février, je ne pouvais pas ne pas vous mettre le premier extrait de cet album "Ne m'oublie pas".
Ecoutez-le une fois, il y a de fortes chances pour que vous le réécoutiez aussitôt !

Il n'y a pas encore de clip, j'ai un peu galéré pour trouver une vidéo de la chanson, mais c'est chose faite !

Bonne écoute, et n'oubliez pas le 13 février, "La place du fantôme" sera en place dans tous les disquaires de France et de Navarre !

(Paroles à venir)


OFF SESSION - La Grande Sophie: "Ne m'oublie pas" par Off

Poeti de Primo Levi


La poésie serait-elle la seule réponse à opposer aux tourments de l'âme humaine ? Aux maux de cœur comme à ceux de l'esprit ? C'est ce que nous démontre Primo Levi dans ces deux nouvelles inédites où la réalité se teinte légèrement d'irréel... (Liana Levi)

Primo Levi est surtout connu pour son témoignage sur l'expérience des camps de la mort avec "Si c'est un homme", c'est pourtant avec ce petit livre comportant deux nouvelles que j'ai décidé de commencer à lire cet auteur.

Ces deux nouvelles, "Dialogue entre un poète et un médecin" et "Songe fugace" traitent de la poésie et de la place que cet art peut prendre dans la vie de chacun.
Plus précisément, l'auteur démontre que la poésie est le seul remède pour les tourments de l'âme humaine.

Dialogue entre un poète et un médecin

De dialogue, cette nouvelle n'a que le nom, car il s'agit plus d'un monologue du poète, une retranscription de sa visite chez un médecin.
Il semblerait d'ailleurs que ce médecin soit psychologue ou psychiatre, car ce jeune poète est un homme torturé, qui ne voit plus que le mauvais côté des choses : "chacun de ses instants de veille était imprégné de cette douleur", même la nature "est un vaste pouvoir occulte qui, objectivement, règne au détriment de tous".
Lorsque le médecin aborde la question des relations du jeune homme, il reconnaît "que ses contacts humains étaient médiocres" et ajoute alors qu'il a toujours eu un problème avec les femmes : "Il tombait amoureux souvent et intensément, mais le courage lui manquait ensuite pour manifester ses sentiments car il était conscient de son aspect déplaisant."
Le médecin finit par l'encourager, lui diagnostique être "un hypersensible plutôt qu'un malade" et lui prescrit des médicaments.
C'est alors qu'en sortant de de chez ce médecin, le poète a la réponse à ses interrogations, sa douleur, juste en touchant dans sa poche des feuillets sur lesquels il avait noté des idées pour de prochains poèmes, et "comme animée d'une volonté propre, sa main roula l'ordonnance en boule et la jeta dans la rigole qui courait le long de la rue".

Songe fugace

Cette nouvelle se passe dans un train et si le lieu de la précédente nouvelle n'était pas clairement identifié, là le trajet se passe en Italie avec une traversée du nord vers le sud.

Riccardo voit sa solitude interrompue par l'arrivée d'une jeune femme qui vient s'installer dans le même compartiment que lui pour la nuit.
Cette arrivée est l'élément déclencheur de l'imagination de Riccardo, qui se met alors à repenser à d'autres épisodes ferroviaires dans la littérature (Léon Tolstoï par exemple), finit par élaborer des théories sur cette jeune femme et sur les situations à venir et enfin s'interroge sur la création poétique, sur le rôle d'une muse imaginaire et d'une femme bien vivante aimée : "Pour un bon chrétien, était-il licite, était-il décent de se créer une femme à partir de ses rêves afin d'en aimer l'image toute une vie, d'utiliser cet amour dans le but de devenir un poète célèbre, de devenir un poète afin de ne pas mourir du tout, et en même temps de fréquenter l'autre, celle de via Gioberti ?"

Riccardo réalise un exercice de projection intéressant, il s'attache à cette femme qu'il ne connaît pas et va même jusqu'à s'apprêter "à lui parler des tristesses et des luttes, des amertumes et des victoires de sa vie, de son découragement récurrent, ainsi que de sa certitude absolue de devenir un jour un écrivain célèbre et estimé, de l'ennui écrasant de son travail quotidien [...] mais la fille ne le laissa même pas commencer".
Il finit par lui proposer de descendre avec lui à Naples, la fille semblant "lire en lui comme dans un livre" mais elle lui répondra par la négative : "Elle le regardait fixement, elle souriait, elle aussi semblait courir après une réponse qui ne se laissait pas attraper" et conclura par (avec un accent, d'où l'orthographe de fugace) : "Tout ce qui plaît au monde est un songe fiougace".

Par ces deux nouvelles flirtant entre le réel et l'irréel, Primo Levi démontre que la poésie est la seule réponse à tous les tourments de l'âme humaine, à tous les doutes et les interrogations de ces deux personnages masculins.
Le style d'écriture est limpide, clair et précis, la lecture fluide.
J'ai apprécié cette lecture mais regretté son côté court, en quelques minutes ces nouvelles sont achevées et j'aurai apprécié une éventuelle troisième nouvelle sur ce même thème.
Ma préférence va à la deuxième nouvelle, avec son côté plus rêveur et développement de l'imaginaire.
Ce petit livre est en tout cas très plaisant pour appréhender Primo Lévi et son traitement du comportement de l'Homme.