vendredi 30 mars 2012

Inconnu à cette adresse de Kathrine Kressman Taylor


En 1932, Max Eisenstein, juif américain, et Martin Schulse, sont marchands de tableaux en Californie et amis de longue date. Leur affaire marche bien et quand Martin décide de rentrer en Allemagne avec sa femme Elsa et ses trois garçons, Max ne peut que l'encourager tout en pleurant sa solitude. Leur correspondance commence alors et tandis que Martin découvre une Allemagne appauvrie et désabusée, Max, lui, s'inquiète de la montée du nazisme. Mais emporté par l'aveuglement patriotique, Martin ne fait qu'approuver la politique hitlérienne et refusera même son aide à Griselle, la soeur de Max, qui meurt sous ses yeux. Alors, utilisant la censure qui lit toutes ses lettres à Martin, Max décide de se venger, désignant Martin à la vindicte des nazis. (Hachette Jeunesse / Le livre de poche Jeunesse)

Cette relation épistolaire entre Max et Martin, marchands de tableaux mais surtout amis, se déroule de novembre 1932, date à laquelle Martin est retourné vivre en Allemagne avec sa famille, à mars 1934, avec une dernière lettre adressée à Martin de la part de Max portant la mention "Inconnu à cette adresse".
Entre temps, il se sera passé bons nombres d'évènements : la cassure nette d'une longue amitié, la montée du nazisme en Allemagne et l'avènement au pouvoir du chancelier Adolf Hitler, la mort de Griselle, la soeur de Max venue de Vienne à Munich.

Lorsque commence ces échanges épistolaires, Max et Martin sont très bons amis et partagent les mêmes points de vue, sans se douter que d'ici peu ils ne se comprendront plus et prendront deux routes diamétralement opposées.
Ainsi, en janvier 1933, c'est un Max inquiet qui demande à Martin : "Qui est cet Adolf Hitler qui semble en voie d'accéder au pouvoir en Allemagne ? Ce que je lis sur son compte m'inquiète beaucoup."
Dès lors, le fossé se creuse entre les deux hommes, Martin adhère aux idées du nazisme en train de se développer en Allemagne, son aîné rejoint les jeunesses hitlériennes et il en vient à cautionner et justifier les massacres de Juifs qui ont lieu en Europe, comme il l'écrit en juillet 1933 : "Tu ne t'attacheras, je le sais, qu'aux ennuis de ton propre peuple. Tu refuseras de concevoir que quelques uns doivent souffrir pour que des millions soient sauvés. Tu seras avant tout un Juif qui pleurniche sur son peuple. Cela, je l'admets. C'est conforme au caractère sémite. Vous vous lamentez mais vous n'êtes pas assez courageux pour vous battre en retour. C'est pourquoi il y a des pogroms."
Mais Max est juif, et il ne peut pas croire que son ami partage de telles idées, il a encore un espoir mais celui-ci sera anéanti par une réponse sans appel de Martin en août 1933 : "Tu es un sentimental. Tu ignores que les hommes ne sont pas tous faits sur le même modèle que toi. Tu leur colles une gentille petite étiquette de "libéral", et tu t'imagines qu'ils vont agir en conséquence. Tu te trompes. Moi, un libéral quasiment américain ? Jamais ! Un patriote allemand.", celui-ci mettant également un terme à leur amitié : "Nous ne sommes plus en sympathie, tu devrais t'en rendre compte."
Et l'histoire continue de s'enfoncer dans l'horreur et l'inavouable, que pourtant Martin avouera à Max sans aucune gêne : oui, il n'a pas protégé Griselle, la soeur de Martin et ancienne maîtresse, il lui a refusé sa protection et l'a laissée se faire massacrer dans sa propre rue par les SA.
A partir de cet instant, il n'y a plus de Max et Martin amis, ils sont désormais ennemis jusque dans la mort.
Et c'est d'une façon implacable que Max va se venger en envoyant des lettres à Martin dénuées de sens, laissant penser qu'il est de mèche avec un complot fomenté par des juifs.
Martin aura beau essayé d'implorer sa pitié en février 1934 : "Est-ce bien toi qui commets cette horreur ? Toi, mon bon vieux Max que j'ai aimé comme un frère ? Mon Dieu, mais tu n'as donc pas de pitié ! Assez ! Je t'en supplie. Arrête tant qu'on peut encore me sauver. C'est du fond de mon coeur rempli pour toi d'une vieille affection que je t'implore.", il n'en a eu aucune envers Griselle, Max n'en aura aucune envers lui, jusqu'à ce qu'il finisse par disparaître avec sa famille, à devenir lui aussi "Inconnu à cette adresse".

Cette nouvelle est quasiment parfaite et retrace à merveille une correspondance imaginaire entre un Américain juif, Max, et son ami Allemand, Martin, correspondance tout de même fondée sur quelques lettres réellement écrites.
Au-delà de la mécanique diabolique qui se met en place dans cette histoire, il y a également une évidence : ce récit est simple mais habilement construit, le style narratif est épuré pour ne garder que l'essentiel.
C'est une lecture à la fois facile mais extrêmement plaisante et prenante qui se lit d'une seule traite.
L'auteur en est une femme américaine, elle a aussi réussi à s'imposer avec cette nouvelle dans un pays où ce genre littéraire est populaire et traditionnel et surtout foisonnant.
Elle a surpris tout le monde en arrivant là où personne ne l'attendait, inconnue jusqu'à alors elle a su conquérir tout un pays et sa nouvelle a même été plébiscitée au-delà des frontières américaines.
Kathrine Kressmann Taylor a su donner vie à cette correspondance et retracer les évènements des années 1933 et 1934 en Allemagne : la montée du nazisme et l'arrivée d'Hitler au pouvoir, d'une manière si juste que cela laisse présager de manière explicite les évènements qui auront lieu par la suite, et cela ne rend la lecture que plus troublante, d'autant plus lorsque l'on sait que cette nouvelle a été publiée en 1938.

mercredi 28 mars 2012

L'influence de l'odeur des croissants chauds sur la bonté humaine (et autres questions de philosophie morale expérimentale) de Ruwen Ogien


Vous trouverez dans ce livre des histoires de criminels invisibles, de canots de sauvetage qui risquent de couler si on ne sacrifie (actuellement : sacrifier) pas un passager, des machines à donner du plaisir que personne n'a envie d'utiliser, de tramways fous qu'il faut arrêter par n'importe quel moyen, y compris en jetant un gros homme sur la voie.
Vous y lirez des récits d'expériences montrant qu'il faut peu de choses pour se comporter comme un monstre, et d'autres expériences prouvant qu'il faut encore moins de choses pour se comporter quasiment comme un saint : une pièce de monnaie (actuellement : monnaire) qu'on trouve dans la rue par hasard, une bonne odeur de croissants chauds qu'on respire en passant.
Vous y serez confrontés à des casse-tête moraux. Est-il cohérent de dire : "ma vie est digne d'être vécue, mais j'aurais préféré de ne pas naître" ? Est-il acceptable de laisser mourir une personne pour transplanter ses organes sur cinq malades qui en ont un besoin vital ? Vaut-il mieux vivre la vie brève et médiocre d'un poulet d'élevage industriel ou ne pas vivre du tout ?
Cependant, le but de ce livre n'est pas de montrer qu'il est difficile de savoir ce qui est bien ou mal, juste ou injuste. Il est de proposer une sorte de boîte à outils intellectuels pour affronter le débat moral sans se laisser intimider par les grands mots ("Dignité", "vertu", "Devoir", etc.), et les grandes déclarations de principe (actuellement : principes) ("Il ne faut jamais traiter une personne comme un simple moyen", etc.). C'est une invitation à faire de la philosophie morale autrement, à penser l'éthique librement. (Grasset)


Et si on philosophait ?
L'idée de lire un livre de philosophie ne m'avait jamais traversé l'esprit depuis le baccalauréat jusqu'à il y a peu, et puis j'ai décidé de me laisser tenter et par ce livre et par l'opération Mots pour mots de Babelio.

A partir d'expériences et de casse-têtes moraux, Ruwen Ogien propose au lecteur de s'interroger sur ses choix, ce qui les motive, ce qui les guide ou les influence, sur ses intuitions morales et les principes d'éthique; d'une façon plus générale sur la philosophie morale expérimentale.
Pour cela, il présente certaines expériences les plus couramment menées en psychologie sociale telles le tramway incontrôlable qu'il faut arrêter à tout prix, l'enfant qui se noie, une machine qui propose de vivre des expériences.

Le livre se décompose en deux parties.
La première aborde dix neuf casse-têtes moraux en les posant sous forme de problèmes, de dilemmes et de paradoxes, tandis que la seconde partie propose les "ingrédients" de la cuisine morale.
Si la première partie est la plus longue, elle se lit néanmoins très bien car les sujets abordés le sont de façon ludique, avec des dessins pour mieux comprendre les situations, et avec un style facile à comprendre pour tout type de lecteur (initié ou non) et quelques touches d'humour de la part de l'auteur.
J'ai d'ailleurs retrouvé certaines situations abordées lors de cours en sciences économiques dans le domaine de la théorie des jeux.
La deuxième partie est plus courte mais encore plus intéressante car l'auteur va plus loin dans ses réflexions sur les intuitions morales et les principes éthiques et c'est sans doute dans cette partie que le lecteur y trouvera le plus de clés pour mieux appréhender la philosophie morale ou en tout cas l'incitera à se poser des questions.
C'est une partie que j'ai réellement apprécié et que je trouve bienvenue après les casse-têtes moraux de la première partie.
La conclusion de l'auteur, "Ne cherchez pas à "fonder" la morale", est tout aussi intéressante : "Mais pourquoi faudrait-il chercher à "fonder" la morale ? Pourquoi faudrait-il penser qu'on devrait faire plus, ou qu'on pourrait faire plus, qu'essayer d'améliorer un peu nos croyances morales par la critique philosophique, en éliminant les plus absurdes et les plus chargées de préjugés ?" et n'est pas toujours évidente à atteindre.

L'influence de ce livre n'est pas neutre, il est à mon avis très difficile de rester de marbre en le lisant et de ne se poser aucune question, ou de ne pas se prêter au jeu du "Et dans cette situation je ferai quoi ?" pour se faire surprendre aussitôt après avec l'explication qui suit.
Ce livre est plutôt un ouvrage de vulgarisation, si bien qu'il donne envie d'approfondir certains thèmes abordés, en tout cas ce fut le cas pour moi.
Et si tout le monde, ou presque, se pourléchait les babines à l'évocation du titre, et bien les croissants chauds et leur bonne odeur mettent beaucoup de temps à apparaître dans le récit (pas avant la page 208) et n'y font finalement qu'un passage éclair.
Ne serait-ce pas là aussi une petite ruse de l'auteur pour s'attirer des lecteurs ?
En tout état de cause, le titre est assez bien choisi, reflète bien les propos développés par Ruwen Ogien et ne laisse personne indifférent.

Ce livre de Ruwen Ogien est très accessible, en plus d'être intéressant et bien écrit, et m'a donné envie de relire des écrits philosophiques.
C'est une belle découverte et, si ce titre vous met déjà en appétit, je vous incite à vous laisser influencer par la bonne odeur de croissants chauds et à savourer ce livre.

Ce livre a reçu le Prix Procope des Lumières 2012

Je remercie Babelio et les éditions Grasset pour l'envoi de ce livre dans le cadre de l'opération Mots pour mots sur Babelio


lundi 26 mars 2012

Prix littéraire France Ô

France Ô en partenariat avec Babelio propose un prix littéraire qui récompensera un roman publié ces douze derniers mois, écrit ou traduit en français et mettant en lumière les valeurs d'ouverture sur le monde, d'échanges, de dialogue des cultures et d'humanisme.

La liste des 12 titres sélectionnés et des 12 membres du jury sera annoncée le 10 avril 2012 et pour pouvoir faire partie du jury aux côtés d'Alain Mabanckou, il faut avoir publié sur Babelio au moins une chronique d'une fiction respectant les valeurs d'ouverture sur le monde du prix.


Vais-je tenter ma chance ?
Et bien oui, car "Qui ne tente rien n'a rien" et n'ayant jamais fait partie d'un jury littéraire c'est une expérience qui me plairait beaucoup, ainsi que de découvrir de nouveaux livres et/ou de nouveaux auteurs.

Dans mes yeux de Bastien Vivès


" Depuis le moment où tu es venu me chercher devant la fac, j'avais envie de t'embrasser.
On parlait, on parlait, mais tu ne m'embrassais pas... "

Il la rencontre, un soir, dans une bibliothèque universitaire. Elle est étudiante, elle est séduisante, elle l'émeut immédiatement. Il va entreprendre de la conquérir, sans brusquerie, à pas comptés... De lui, on ne saura rien, ou presque. Mais l'on saura tout, en revanche, de la manière dont il la découvre et l'observe, dont il la désire, et de sa manière à elle de s'exposer, parfois plus et parfois moins, à ce regard masculin saisi par le sentiment amoureux. (Casterman)


Une nouvelle fois, Bastien Vivès aborde les sentiments amoureux mais d'une façon novatrice, tant par le dessin que par son style narratif.

"Depuis le moment où tu es venu me chercher devant la fac, j'avais envie de t'embrasser. On parlait, on parlait, mais tu ne m'embrassais pas ..."
En effet, l'histoire est écrite en caméra subjective, c'est-à-dire du point de vue du garçon, un narrateur silencieux dont le lecteur ne verra jamais le visage ni se saura jamais le nom.
Le lecteur va vivre cette histoire d'amour à travers les yeux du garçon et ne verra que la fille, sans jamais là non plus en connaître le nom.
Il n'y a qu'elle, avec son côté irrésistible et gauche, ses arabesques et la sensualité qui s'en dégage, terriblement attachante et touchante et qui scotche le lecteur au récit dès sa première apparition.
Cela tend à prouver, après "Amitié étroite", la forte dimension cinématographique dans l'oeuvre de cet auteur.
De plus, Bastien Vivès a fait tomber les codes de la bande dessinée en offrant un livre gommé de cases ou de bulles, le tout dans un style très minimaliste, et avec des dessins uniquement réalisés aux crayons de couleur.
Visuellement, cet album est une pure merveille et un régal à lire.
Je ne le qualifierai tout de fois pas de parfait, car j'ai trouvé la fin trouble et un peu en-deçà du reste de l'histoire.
J'aurai aimé un peu plus de clarté, ou un peu moins de trouble de l'héroïne, en tout cas pas une fin aussi insaisissable que celle-là.
Et puis, alors que l'intégralité de l'oeuvre est visuellement splendide, je trouve que la couverture ne reflète pas la qualité des dessins, du graphisme et des couleurs.
Une couverture est pourtant un élément important pour un livre, celle-ci pourrait presque rebuter une personne ne connaissant pas l'univers graphique de Bastien Vivès.

Dans un style graphique et narratif différent d'"Amitié étroite", Bastien Vivès livre avec "Dans mes yeux" un album très touchant, un beau bijou à découvrir et à lire sans modération.

dimanche 25 mars 2012

Ce parfait ciel bleu de Xavier de Moulins


A 37 ans Antoine a peur de vivre sa vie. A 88 ans sa grand-mère Mouna, a peur de mourir.
Le temps d'une escapade sous le ciel bleu de la côte normande, celle qui a tout connu du renoncement va, au soir de son existence donner à l’homme encore jeune le courage de choisir la sienne.

« Mouna m’a piqué une cigarette et fume la fenêtre ouverte. Elle me fait signe de la suivre sur le balcon. Elle a l’air d’une reine dans sa robe de chambre un peu grande. C’est une soirée douce de printemps. Elle me demande sans me regarder :
— J’aimerais que tu m’emmènes voir la mer. Ça sera peut-être pour moi la dernière fois. »

Xavier De Moulins est journaliste sur M6. Après Un coup à prendre, Ce parfait ciel bleu est son second roman. (Au diable vauvert)


"Personne n'a envie d'affronter le temps qui passe, cruel, et de voir l'autre s'éteindre à feu doux."

Non, personne n'a envie de voir le temps passer et l'autre s'éteindre à petit feu, pourtant la mort fait partie de la vie et c'est sans doute l'un des points importants de ce livre qui cherche à faire ressortir le meilleur d'un évènement si triste, car "Au-delà du verbe et des rêves, il n'y a pas d'autre solution que de se résoudre aux adieux."

Antoine a 37 ans, il est divorcé, père de deux filles et vient de refaire sa vie avec Laurence, deux fois divorcée et mère de trois garçons, mais ne peut s'empêcher d'espionner la vie de son ex-femme Alice et a finalement peur de s'engager dans une nouvelle relation et de refaire ainsi sa vie.
Mouna, sa grand-mère, a 88 ans, elle vit en maison de retraite et sait sa fin proche, c'est pourquoi elle lui demande comme dernière faveur de l'emmener "voir la mer", parce que ça sera peut-être pour elle "la dernière fois".
Antoine résume très bien la situation dans laquelle se trouvent ces deux personnages : "Mouna a peur de mourir et moi j’ai peur de vivre."
A ce petit-fils dépassé par sa vie, Mouna va lui prodiguer, lors d'une escapade au bord de la mer, de bons conseils pour l'aider à prendre sa vie en main et enfin vivre car comme elle lui expliquera : "Vis au présent, aime au présent, c'est la seule solution pour ne pas tomber malade.".
Et concernant sa drôle de famille décomposée/recomposée, elle lui dira : "La vraie famille est celle que l'on se construit accidentellement.", et en cela Mouna a tout à fait raison.
Elle lui livrera aussi le secret qui la ronge depuis tant d'années, secret dont je me doutais de la nature exacte depuis le début de ce roman.

Avec ce deuxième roman, Xavier de Moulins signe un très joli livre avec beaucoup de sentiments, de tendresse, de pudeur, de dérision et de doutes.
Le style est agréable à lire et très fluide, d'autant que l'auteur a choisi des chapitres courts, ce qui fait que ce roman se lit extrêmement vite.
J'ai beaucoup aimé le style de l'auteur, il a su me faire sourire par moment, me rendre triste à d'autres, m'amener à m'interroger sur le sens de la vie et à quelque peu dédramatiser la mort ou la vieillesse.
L'atout indéniable de sa narration est l'utilisation de la première personne du singulier afin de narrer l'histoire du point de vue d'Antoine.
Cela contribue sans aucun doute à rendre ce livre extrêmement proche du lecteur et à toucher sa corde sensible, d'autant plus que ses deux personnages principaux sont particulièrement attachants de par leur relation de complicité et leurs échanges sur la vie.
Et puis, au détour d'une page, il y a eu ce nuage dans ce parfait ciel bleu jusque là.
Une petite phrase perdue au milieu d'une réflexion d'Antoine, à la limite de la misogynie et qui m'a surprise et interpellée dans ma lecture : "Pourquoi les femmes sont-elles incapables de rester belles et bronzées après une césarienne et la naissance de leur deuxième enfant ?"
Quelle faute de goût de la part de l'auteur alors que tout le reste de son roman est si agréable et si tendre.

"Fais toujours de ton mieux et ne regrette rien."
C'est sur cette phrase que s'achève le roman de Xavier de Moulins et s'il n'y en avait qu'une à en retenir, cela serait sans nul doute celle-là.
Il a su mener son histoire habilement et lui donner la fin qui convenait, pleine d'espoir, malgré la tristesse d'Antoine de se retrouver au cimetière car Mouna "n'a pas souhaité que l'on célèbre une vraie messe, que les gens prennent la peine d'entrer dans l'église, se donnent du mal à faire semblant d'écouter un prêtre qui expliquerait avec la mine de circonstance tout ce qu'un prêtre se doit de dire dans ce genre de moment délicat, face à un auditoire en visite de courtoisie."
Même dans la mort c'est encore et toujours aux autres, à ceux qu'elle aime, qu'elle a pensé et pour qui elle a tout sacrifié.

Avec "Ce parfait ciel bleu", Xavier de Moulins, auteur que je découvrais, signe-là un très joli roman rempli de tendresse, d'un soupçon de philosophie, d'une formidable histoire d'amour entre une grand-mère et son petit-fils et par dessus tout, d'une bien jolie leçon de vie pleine d'espoir.

Je remercie Babelio et les éditions Au Diable Vauvert pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une opération spéciale masse critique


Amitié étroite de Bastien Vivès


Francesca et Bruno sont lycéens. Comme presque tous les jeunes gens de leur génération, ils ont une vie sentimentale et sexuelle très libre, passant sans entraves et sans états d'âme d'un(e) partenaire à un(e) autre - et sans pour autant cesser de fréquenter leurs «ex».
Mais le cas de ces deux-là est un petit peu plus particulier. Anciens amants, ils ont préservé entre eux l'une de ces «amitiés étroites» qui donne son titre à l'ouvrage : toujours sur le fil du rasoir entre la connivence sensuelle et l'amitié amoureuse, toujours en situation de dépendance affective mutuelle. Une relation très spéciale, et d'où les autres, tous les autres, sont exclus sans appel.
On ne saura jamais franchement s'ils ont vraiment envie ou pas de se remettre ensemble pour de bon. Mais on aura clairement compris, au terme de 130 pages de pur bonheur graphique, que cette forme d'attachement-là peut finalement s'avérer aussi impérieuse et profonde que les autres ... (Casterman)


Francesca et Bruno ont une relation particulière, c'est le moins que l'on puisse dire, puisqu'ils sont à la fois meilleurs amis, anciens amants, et je les soupçonne fortement amoureux l'un de l'autre.

L'ouverture de ce livre montre le côté résolument actuel et moderne dans lequel Bastien Vivès a décidé de placer son histoire et de faire évoluer ses personnages.
Les premières bulles se focalisent sur les mouvements des lèvres d'une bouche énumérant des questions posées lors d'un casting, questions orientées sur un plan sexuel ("Avez-vous déjà couché le premier soir ?", "Jusqu'où êtes-vous prête à aller pour arriver à vos fins ?", "Avez-vous déjà vu un porno ?").
Le ton du livre est donné, c'est ancré dans le monde actuel où certains jeunes gens ont une vie sentimentale et sexuelle très libre, passent d'un partenaire à l'autre tout en revoyant leurs ex, les choses de l'amour seront donc au coeur de l'histoire.

Et c'est sur un peu plus de 130 pages d'un graphisme magnifique que Bastien Vivès va dérouler l'histoire de ces deux jeunes gens.
La relation entre Francesca et Bruno est ambigüe mais il serait réducteur de la réduire à cela. Ainsi, ce que j'en ai retenu, c'est qu'elle transcende toute autre forme d'attachement, c'est à la fois de l'amitié et de l'amour, les personnages eux-mêmes ne sachant pas très bien comment la définir, ne la comprenant pas forcément totalement, ce qui trouble encore plus leur entourage qui pour le coup, ne sait absolument pas quoi en penser :
"- C'est qui ce mec ? C'est ton frère ?
- Non.
- C'est ton mec ?"
C'est finalement leur histoire et personne d'autre qu'eux n'y a sa place.
La fin est d'ailleurs troublante, l'auteur laisse planer le doute et le lecteur ne sait pas s'ils ont envie ou non de se mettre ensemble pour de bon ou de continuer comme ça, chaque lecteur est libre de choisir la fin qu'il donne à ce livre.

Une fois ce livre en main je n'ai pas pu m'arrêter dans ma lecture tant j'ai été prise par l'histoire, les personnages et la beauté des dessins.
Le style graphique de l'auteur est absolument enchanteur, il a choisi pour les flash-backs de flouter ses dessins, par contre pour les autres scènes ils sont très nets.
Je trouve qu'il a particulièrement bien travaillé graphiquement le personnage de Francesca, elle apporte une certaine lumière par sa présence.
Il y a une forme de sensualité agréable qui se dégage de cet album, la qualité des dessins de Bastien Vivès m'a d'ailleurs souvent fait penser à une mise en scène de film avec des choix qui relèvent de techniques cinématographiques.
Cela contribue à rendre cet album très vivant, en plus d'être extrêmement plaisant à lire.

"Amitié étroite" est une très agréable et très surprenante découverte qui m'a conquise au style graphique de son auteur.
Bastien Vivès, un nom à retenir et un auteur à découvrir.

Un grand merci à Lili Galipette grâce à qui j'ai découvert cet auteur.

samedi 24 mars 2012

Portrait d'un Starter de Lissa Price


Cette nouvelle, éditée numériquement et gratuitement par les éditions Robert Laffont dans sa nouvelle collection R, précède la sortie du premier tome de la duologie "Starters" de Lissa Price.

L'histoire de "Starters" se situe dans un futur proche où après les ravages d'un virus mortel seuls ont survécu les plus jeunes : les Starters, et les plus âgés : les Enders (source Robert Laffont).

Cette nouvelle, "Portrait d'un Starter", est écrite du point de vue de Michael, jeune garçon de 16 ans, adepte de dessin, qui va suivre son amie Callie pour découvrir ce que celle-ci manigance alors qu'elle lui a confié son petit frère malade.

Cette nouvelle sert d'introduction au livre et crée un buzz autour de l'évènement, c'est en tout cas comme cela que je l'ai ressenti.
Elle tiendra certainement en haleine les personnes adeptes de romans que je qualifierai d'anticipation, pour ma part elle ne m'a pas vraiment convaincue et donc pas tellement donné envie d'aller plus loin et de lire "Starters".
C'est une mise en bouche mais qui reste trop imprécise pour un lecteur non initié, ce qui était mon cas.
Le contexte n'est absolument pas présenté mais uniquement suggéré, j'ai donc dû faire des déductions pour arriver à comprendre ce qui s'était passé et qui étaient les Starters et les Enders, avec entre les deux des Marshals dont je cherche encore à comprendre le rôle exact de répréhension.
Certes, l'auteur a décidé de planter son histoire dans un univers quelque peu étrange : "Dans le quotidien désespéré et pathétique qui est le nôtre, personne ne peut rien prévoir ni prétendre être capable d'anticiper la réaction de quelqu'un.", mais cette nouvelle, sans doute trop courte, ne permet pas d'en saisir toutes les nuances ni même de l'effleurer afin d'éveiller la curiosité du lecteur.
A mon avis, cette nouvelle s'adresse à des personnes ayant déjà été sur le site de Starters et qui connaissant un minimum le contexte de l'histoire.
Je n'ai pas non plus trouvé une plume exceptionnelle à Lissa Price, à moins que la traduction en français ne la desserve pas.
Cette nouvelle met trop de temps à développer un mystère et ce n'est que dans les trois dernières pages qu'un côté énigmatique prend enfin place avec la disparition de Callie dans les bureaux de Prime Destinations et Chynna, une ancienne Starter à la mémoire complètement effacée.
Cette nouvelle se termine par un espoir de Michael, sans doute vain, de voir Callie revenir très prochainement avec son : "Je l'espère.", et cela donne enfin un sentiment d'angoisse quant à l'histoire développée dans "Starters".
Dommage qu'il faille attendre pour cela la dernière phrase.

Je n'ai donc pas été réellement convaincue par cette nouvelle, sans doute un peu trop courte (une vingtaine de pages), qui s'adresse tout de même à des initiés et non à de parfaits étrangers à l'histoire, ce qui fut mon cas.
C'est quelque peu dommage si le but de cette nouvelle est d'allécher les lecteurs et de les amener à lire "Starters".
Pour ma part l'appât n'a pas pris et je ne suis pas franchement tentée de poursuivre l'aventure.

Tintin et les Picaros de Hergé


Nous retrouvons ici Tintin au San Theodoros, pays de "L'oreille cassée". La Castafiore, les Dupondt, Tournesol et Haddock ayant été arrêtés par le Général Tapioca, Tintin vole à leur secours. Réussissant à fuir avec Tournesol et Haddock, il aidera également Alcazar dans sa révolution. (Casterman)

Accusés de fomenter un complot contre le général Tapioca, dirigeant du San Theodoros, Tintin, le capitaine Haddock et le professeur Tournesol s'envolent pour ce pays afin de rétablir la vérité et de libérer leurs amis injustement emprisonnés : Bianca Castafiore, son pianiste, sa camériste et les Dupondt.
Leur route croisera celle du général Alcazar, reclus dans la forêt avec ses guérilleros : les Picaros, qui ne rêve que de déloger le général Tapioca et prendre le pouvoir au San Theodoros.

Derrière cette aventure qui pourrait passer pour noble, Hergé y dénonce au contraire les dictatures, les pays d'Amérique du Sud ayant accueilli des Nazis et s'inspire grandement de Cuba et de Fidel Castro pour la situation politique au San Theodoros.
Il n'hésite pas à dénoncer l'omniprésence des forces militaires dans les régimes de dictature, il n'y a qu'à voir l'escorte qui emmène le capitaine Haddock acheter du tabac.
Il n'est pas non tendre avec son général Alcazar, si Tintin sert de personnage canalisateur de violence en lui faisant promettre aucune effusion de sang dans sa révolution, Hergé le dépeint comme un homme ayant peu d'idées, imbu de lui-même, sous le joug d'une femme à la poigne de fer, et à la limite de l'illettrisme, preuve en est la lettre laissée à sa femme truffée de fautes d'orthographe.
Même l'arrivée inopinée de Séraphin Lampion avec ses Joyeux Turlurons dans le camp des Picaros n'apporte pas de réelle légèreté et un peu d'humour à ce récit.
Et la révélation du prénom du capitaine Haddock, Archibald, passerait presque inaperçue tant l'arrière fond de cette histoire prend de l'importance pour le lecteur.
Mais finalement, c'est surtout un goût d'amertume qui se dégage de cette histoire.
Car quelque soit le dirigeant du San Theodoros, la population elle ne voit pas de différence.
C'est en tout cas ce que montre Hergé, avec une vignette lors de l'arrivée des personnages portant sur un bidonville avec une pancarte "Vive Tapioca" et un militaire patrouillant arme à la main, et une vignette lors du départ portant sur ce même bidonville, avec toujours ce même militaire, seule la pancarte a changé et indique "Vive Alcazar".

Ce qui à la première lecture apparaît comme une aventure somme toute ordinaire de Tintin se révèle finalement une histoire bien plus profonde laissant un goût d'amertume au lecteur.
La qualité des dessins et le choix des couleurs, particulièrement vives lors du carnaval, rendent cette lecture très agréable mais ne sont qu'un vernis pour masquer les opinions affichées par Hergé avec cette histoire.
"Tintin et les Picaros" est en effet une dénonciation par Hergé de la situation politique à l'époque où il a publié cette bande dessinée, et de façon plus générale des régimes totalitaires et de la violence qui les accompagne.
Un album à relire plusieurs fois pour bien en saisir toutes les nuances et qui laisse à réfléchir.

Vol 714 pour Sydney de Hergé


Dans cette nouvelle aventure, nous retrouvons Tintin, Haddock et Tournesol dans un avion détourné par Rastapopoulos et son complice Allan vers une île indonésienne. Réussissant à s'enfuir, ils trouveront refuge dans un temple, qui est en fait un endroit visité par les extraterrestres depuis des millénaires ! (Casterman)

"Vol 714 pour Sydney" est sans doute l'un des albums des aventures de Tintin le plus drôle avec une histoire à rebondissements bien travaillée.
C'est aussi l'un des seuls albums de cette série qui va aussi loin dans le domaine de la science-fiction et ce, de façon plutôt réussie.

Le point de départ de l'histoire est un congrès international d'astronautique auquel se rendent Tintin, le capitaine Haddock, le professeur Tournesol, tous trois auréolés de la gloire d'être les premiers hommes à avoir marché sur la lune.
Lors d'une escale à Djakarta, leur chemin croise celui d'un vieil ami : Szut, pilote privé du célèbre milliardaire Laszlo Carreidas.
C'est à bord du jet privé du milliardaire qu'ils continuent leur voyage, ou plutôt tentent de continuer.
Car très rapidement, l'avion est détourné par l'équipage à la solde de Rastapopoulos et de son complice Allan sur une petite île volcanique où le-dit Rastapopoulos pensait, grâce à un sérum de vérité, récupérer très rapidement les comptes bancaires du milliardaire Carreidas afin de se refaire une santé financière.
Mais voilà, cette île en apparence si calme est un lieu de rendez-vous pour les extraterrestres et d'ailleurs la prochaine rencontre doit avoir lieu le soir même.
Tintin et ses amis sont sauvés par Mik Exdanitoff de la revue Comète, celui-ci étant le contact terrestre des visiteurs de l'espace. Il les fera quitter l'île à bord de l'Astronef mais leur effacera la mémoire.
Quant aux méchants de l'histoire ... et bien ils disparaissent, cet album étant la dernière confrontation connue entre Tintin et Rastapopoulos.

J'apprécie toujours autant l'humour contenu dans cette bande dessinée, que ce soit les répliques entre Haddock et Tournesol, ou alors le milliardaire Carreidas drôle à ses dépens, ou alors les relations entre Rastapopoulos et Allan, la palme de la meilleure scène revenant sans aucun doute à celle dans l'aéroport de Djakarta où le capitaine Haddock verse son Sani Cola au pied d'une plante qui dépérit aussitôt.
Hergé prend un malin plaisir à ridiculiser les méchants et finalement les fait apparaître comme de pauvres types, Rastapopoulos étant grotesque et immature et Allan peu dégourdi, à tel point que le lecteur finirait presque par éprouver de la sympathie pour eux.
Même son milliardaire attire la sympathie tout en énervant parfois le lecteur par ses caprices et ses propos parfois durs, cela est dû au choix de Hergé de le représenter comme un homme tout à fait ordinaire, à la limite du clochard, c'est d'ailleurs ce que croira Haddock la première fois qu'il le verra.
Cet album aborde également le domaine de la science-fiction, et sans montrer les extraterrestres, Hergé réussit à éveiller la curiosité du lecteur.
Il met en place une ambiance particulièrement angoissante, à la limite par moment de la fin du monde, avec l'éruption volcanique en fin d'histoire.
Du point de vue du graphisme, cette atmosphère se ressent également, avec des premières planches plutôt lumineuses et avec des couleurs claires, puis des planches beaucoup plus sombres et oppressantes lors de la fuite par l'ancien temple sur l'île.

Cet album reste l'un de mes préférés, je ne me lasse pas de le lire et de le relire.
Il mêle à la fois une aventure classique avec des éléments surnaturels, le tout sur un îlot volcanique perdu au milieu de l'océan.
Une aventure de Tintin à ne pas manquer et à savourer sans modération.

Le mot de la fin revient à Milou :

mardi 20 mars 2012

Ma vie est tout à fait fascinante de Pénélope Bagieu


Pénélope Bagieu est une jeune illustratrice parisienne. Elle vit dans le plus petit appartement du monde, sous les toits, en compagnie de son chat rose, de sa collection de chaussures et de ses tracas quotidiens : sa réticence à faire du sport, sa mère envahissante, son chéri qui ne l’écoute pas… Heureusement pour elle, il reste ses copines langues de vipère, les soldes, les séries télé, la presse people et les macarons ! L'auteur croque dans cette bande dessinée les petits riens du quotidien avec beaucoup d'humour et un talent évident : à chaque page, elle nous raconte ses petites histoires et péripéties, tour à tour drôles, justes et émouvantes. (Le Livre de Poche)

Jamais un livre ne sera aussi vite entré et sorti de ma PAL !
(D'un autre côté, vu mon inquiétante PAL qui penche dangereusement, un livre de moins ça ne va pas se voir beaucoup et vu mes quelques autres emplettes, je n'ai pas à crier "victoire" trop vite).

Ce livre est le parfait reflet du blog de Pénélope Bagieu, il s'agit de petites scénettes sur sa vie "tout à fait fascinante" de parisienne.
Ca se lit extrêmement (trop) vite, c'est drôle et léger, j'y ai pris beaucoup de plaisir mais je n'aurai rien eu contre le fait d'en avoir un peu plus.
Pénélope Bagieu reprend des illustrations de son blog et aborde sa mère envahissante, son amour du shopping, les discussions avec les copines, ses tentatives pour faire du sport, ses "amis" qui ne l'oublient pas pendant ses vacances (i.e les factures d'EDF ou de SFR), ses relations avec sa banquière bref des situations qui permettent à tout le monde de s'y retrouver à un moment ou à un autre et qui rendent son personnage attachant.
J'aime assez son coup de crayon et la mise en couleur de ses dessins, il n'y en a ni trop ni pas assez, et chaque planche est un vrai régal à lire.

Un livre très agréable à lire, qui fait sourire et rire, à garder à portée de main et à refeuilleter sans modération !

lundi 19 mars 2012

Obscura de Régis Descott


10 avril 1885. Dans une bastide d'Aix-en-Provence, la gendarmerie découvre une reconstitution macabre du Déjeuner sur l'herbe, le célèbre tableau de Manet, réalisée avec des cadavres. A Paris, le jeune Dr Corbel lutte chaque jour contre la syphilis et les maladies pulmonaires au chevet des laissés-pour-compte. Mais son destin va basculer avec l'apparition dans son cabinet de l'envoûtante Obscura, une prostituée qui ressemble étrangement au modèle qui posa pour l'Olympia, autre oeuvre sulfureuse de Manet... Régis Descott nous plonge au cœur du XIXe siècle, des sommets de la société à ses bas-fonds, des balbutiements de la médecine légale aux vertiges de la clinique du Dr Blanche, génial aliéniste et amateur de peinture. Un thriller au charme vénéneux. (Le Livre de Poche)

Autant le dire tout de suite, je ne garderai pas un souvenir ému de cette lecture, loin de là.

J'ai trouvé ce livre particulièrement mal construit, mal écrit et manquant franchement de dimension policière, ce qui est un comble pour un livre catalogué comme tel.

Il est beaucoup question de peinture, puisque le meurtrier reproduit des tableaux de Manet, particulièrement les tableaux "Le déjeuner sur l'herbe" et "L'Olympia".
Sur cet aspect-là je n'ai pas grand chose à dire, l'auteur s'est beaucoup documenté et s'est donc senti obliger d'abreuver ses lecteurs de détails précis sur les tableaux, sur le modèle, et de les répéter plusieurs fois dans le livre (des fois que le lecteur serait imbécile et n'aurait pas bien lu la première fois).
J'ai apprécié le côté peinture, mais l'auteur a tout de même forcé un peu trop le trait.
Et puis tout cela ne peut pas constituer la trame d'un livre.

Jean Corbel, le personnage principal, est médecin et là aussi, l'auteur s'est beaucoup documenté sur les maladies de l'époque et les avancées de la psychiatrie, mais de façon beaucoup trop poussée.
Ainsi, il décrit à de nombreuses reprises la syphilis et les différents stades de la maladie, il glisse à l'occasion d'une visite à la morgue un cours magistral sur la décomposition des corps et la vie des mouches qui y contribuent, j'ai trouvé ça extrêmement lourd et n'apportant rien à l'histoire.

L'auteur a également effleuré l'aspect des maisons closes pourtant fort développées à l'époque. C'est quelque peu dommage car cela aurait sans doute contribué à renforcer un peu l'intrigue plutôt inexistante.
D'ailleurs, la lecture de ce livre n'a pas été sans me rappeler le film "L'Apollonide, souvenirs de la maison close".
Déjà, cela se passe quasiment à la même époque, c'est à peu près aussi lascif et sans histoire que le film, il est beaucoup question de peinture et les scènes du film étaient très bien mises en scène et rappelaient certains tableaux, et la psychanalyse était abordée dans le film sous forme de rêves racontés par une prostituée à un client.

Quant au style d'écriture de Régis Descott, il est lourd, très lourd, redondant, autant dire qu'il ne m'a pas plu du tout.
L'auteur se complaît dans des descriptions de maladies qui n'apportent rien à l'histoire, il redit plusieurs fois la même chose, c'est à la limite de la niaiserie par moment (lorsque Jean se rappelle au cours de ses pensées que Sibylle ressemble au modèle de Manet, un peu d'action et moins de réflexion !) et le summum a quasiment été atteint dès la page 54 avec : "Il venait de rencontrer son destin, mais il ne le savait pas encore."
C'est exactement le genre de phrases que je ne supporte pas et qui montre surtout que le texte est à reprendre.
De plus, ce livre manque singulièrement de réelle intrigue. Il n'y a aucun suspens, j'ai deviné, mais c'est écrit ainsi, le meurtrier avant la trois centième page et la fin est d'un flou non artistique total.
Le premier chapitre s'ouvre sur la découverte d'un cadavre et ensuite il faut attendre très longtemps pour en avoir un deuxième.
L'aspect policier de l'histoire n'est absolument pas maîtrisé, c'est un rendez-vous raté et c'est bien dommage, car le Paris de cette époque se prête tout à fait au développement d'intrigues policières, il n'y a qu'à lire les romans de Claude Izner se situant au même endroit à la même époque.

Autant aller au musée pour admirer les oeuvres de Manet, c'est plus intéressant et constructif que ce livre remarquable pour ses nombreux défauts plutôt que ses qualités et à la fin très obscure qui va de paire avec son titre.

Ce livre a été lu dans le cadre d'une lecture commune du club de lecture de Babelio de Mars 2012

dimanche 18 mars 2012

Salon du livre de Paris 2012

J'ai passé la journée de samedi au Salon du livre de Paris, ce fut une journée riche en découverte et ce à plusieurs points de vue.

Je suis partie de chez moi à 9h pour y être à l'ouverture, pour une fois (j'exagère) que les transports fonctionnaient correctement (pas de colis suspect, pas de voyageur malade, pas d'avarie de matériel ou de signalisation) je suis arrivée un peu avant 10h.
Ce fut un peu difficile d'entrer dans le Salon, il n'y a qu'une file d'attente pour les personnes munies d'invitations ou d'e-billet, ce n'est pas forcément très compréhensible d'un point de vue logistique.

J'ai commencé à arpenter les allées, à regarder les stands, à faire mes premiers achats.
Cette année, la littérature japonaise était à l'honneur, j'ai donc fait un tour au pavillon japonais, j'ai regardé l'exposition de photos suite au tsunami de l'année dernière et j'ai commencé à faire le tour des tables de présentation des auteurs.
Je ne connais pas beaucoup la littérature japonaise, j'avais donc décidé de repartir avec un ou plusieurs livres afin de découvrir des auteurs.
Mon choix s'est porté sur "Nuages flottants" de Hayashi Fumiko, "La mort en été" de Yukio Mishima et "Kyôto" de Yasunari Kawabata.
Je suis ensuite partie au stand Hachette, avec l'espoir d'y trouver "Pompéi" de Robert Etienne (collection Hachette Pluriel), livre épuisé mais où j'avais un faible espoir qu'il leur en reste un exemplaire. Et bien non, plus rien, la personne du stand m'a dit d'essayer Gibert mais déjà fait et là aussi sans succès.
Je suis allée chez Jean-Claude Lattès, après avoir tellement entendu parler de "Rien ne s'oppose à la nuit" de Delphine de Vigan et après une lecture plaisante de "No et moi", j'étais décidée à repartir avec.
Mon regard a été attiré par "La liste de mes envies" de Grégoire Delacourt, mes mains, n'obéissant plus à mon cerveau, ont pris le livre, l'ont ouvert, mon regard (toujours lui) a commencé à lire les premières lignes et ça a été un coup de coeur.
Je suis ensuite partie faire mon traditionnel tour au stand du livre de poche, là j'ai tout de suite attrapé "Ma vie est tout à fait fascinante" de Pénélope Bagieu et puis j'ai regardé les livres mis en avant sur les présentoirs. J'ai craqué pour "84, Charing Cross Road" de Helene Hanff (et ça ira très bien avec le challenge New-York en littérature) et j'ai trouvé un livre d'Irène Némirovsky que je cherchais depuis un certain temps : "Les feux de l'automne". J'ai poussé une dame à l'achat d'un livre, ça a été plus fort que moi, je la voyais en train de lire le résumé du livre "Le chemin des âmes" de Jospeh Boyden pour finalement le reposer. Je lui ai glissé que personnellement j'avais beaucoup aimé ce livre, l'histoire est intéressante et c'est très bien écrit. Justement, elle hésitait ! On s'est retrouvées à la caisse, elle m'a montré le livre "Regardez, je l'ai pris !"
Je me suis souvenue que je voulais lire "Au coeur du mal" de Chelsea Cain, j'ai donc filé au stand pocket pour le prendre, ainsi que Lucrèce Borgia de Victor Hugo (ça c'est pour me remettre dans l'ambiance en perspective de mon séjour à venir en mai en Italie).
Je suis partie au pavillon russe, puisque Moscou était la ville invitée du Salon.
Là aussi j'avais décidé de découvrir, mon choix s'est porté sur "Les pauvres parents" de Ludmila Oulitskaïa et sur "Azazel" de Boris Akounine (et j'ai découvert une nouvelle série policière !). Il y avait deux grandes fans de Boris Akounine en extase devant les livres et à la recherche de ceux qu'elles n'avaient pas lus, je me suis trouvée à côté d'une dame qui elle aussi les regardait et m'a dit "c'est une amie qui m'a vivement conseillé d'en lire", bon et bien, si c'est conseillé par son amie, pourquoi pas !
La dernière emplette fut "Le passager" de Jean-Christophe Grangé.

L'heure était venue de faire une pause repas bien méritée. J'ai trouvé un coin pour manger (i.e j'ai squatté un coin de moquette libre vers le fond du salon en étalant mes sacs et mes jambes et en respirant un grand coup).
Comme le dit la publicité "mars et ça repart", je me suis dirigée vers les expositions !
Cette année il y avait la bit-lit à l'honneur, honnêtement j'ai été déçue, il n'y avait pas grand chose. Il y a deux photos mais c'était juste comme ça, histoire de vous montrer ce à quoi ça ressemblait.



Et pour la première fois les héros de DC Comics était à l'honneur, là j'ai pu un peu plus en profiter mais je m'attendais tout de même à une exposition un peu plus importante.




























Au passage j'ai trouvé cette affiche très belle.








Sinon le Salon fêtait les 10 ans de Naruto, à part le nom c'est inconnu au bataillon chez moi, mais j'y ai fait un petit tour.
























Il y avait également un atelier de reproduction sur papier, c'était intéressant à regarder.


























Comme j'aime bien faire les coins reculés et à l'écart, j'ai déniché un petit stand qui vendait de très beaux marques pages en 3D relief.
Il y avait également une exposition dédiée à l'adaptation littéraire au cinéma, avec des lettres notamment de Jean Cocteau à Jean Marais.

J'ai ensuite assisté à la conférence "Je like, tu likes, nous likons" dans laquelle intervenait notamment Petit ours de Babelio.
Cette conférence était axée sur qui fait des livres aujourd'hui ? Les critiques littéraires, les libraires, les sites en ligne avec des avis d'internautes.
C'était intéressant et même si certains avis divergeaient au final le but est le même : amener les gens vers les livres.

A 16h il y avait une rencontre de blogueurs organisée par Sophie et Kévin du blog actulitteraire.fr.
Je m'y suis rendue et cela a été l'occasion de rencontrer, outre les deux personnes citées ci-dessus, Lili Galipette (que j'ai d'abord rencontré sur Babelio), Pierre (l'abeille de Babelio), George, l'équipe de VendrediLecture, Will, et, je m'en excuse par avance, d'autres personnes que j'oublie.
Un bon moment, et cela fait toujours plaisir de rencontrer les gens IRL (In Real Life).

Je suis ensuite partie pour essayer de me faire dédicacer deux livres.
Pour le premier, j'étais plutôt confiante et j'avais raison de l'être, il s'agissait du premier livre de Titiou Lecoq "Les morues".
Il y avait juste une personne avant moi, le temps que je sorte le livre de mon sac et c'était mon tour !
J'ai pu lui dire tout le bien que je pensais de son premier livre et demander si un deuxième était prévu.
Ce fut une rencontre sympathique, j'ai découvert cette auteur en septembre, son livre m'a plu ainsi que son blog, notamment pour son style d'écriture, autant le lui dire (et un premier roman, mais ceci est valable pour tout livre, c'est sans nul doute difficile à faire, à écrire, à porter, alors quand ça a plu, je trouve normal de le dire à l'auteur).
J'ai apprécié sa disponibilité et j'espère pouvoir la lire très rapidement (livre, blog ou slate.fr où elle est chroniqueuse).
Ensuite, j'ai cherché le stand Albin Michel (oui, aussi étrange que cela puisse paraître, j'avais perdu le stand Albin Michel, il faut le faire).
J'ai réussi à croiser une personne avec sa famille travaillant dans la même société que moi au détour d'une allée (nouvelle preuve, s'il en était encore besoin, que le monde est petit).
J'ai finalement retrouvé le stand Albin Michel, et non seulement Jean-Christophe Grangé n'avait pas fini de dédicacer, mais il y avait "peu" de monde et ça allait vite. J'ai attrapé "Le passager", j'ai filé à la caisse, j'ai limite trépigné d'impatience car la caissière semblait peu pressée (ô ironie) d'encaisser mon achat, je me dépêche d'arriver à la file d'attente et là une personne du stand Albin Michel était en train de dire au vigile qu'après le monsieur il fallait arrêter. Je me faufile, je lui demande/j'implore "s'il vous plaît, encore une personne", elle a rigolé et a dit "ok, on arrête donc après la demoiselle", je l'ai vivement et chaudement remerciée, elle a très bien compris et a dit qu'elle ne voulait pas créer de frustration (et tout ça sans avoir à faire les yeux du chat potté de Shrek, j'étais prête à en arriver à cette extrémité).
Et quand est venu mon tour, et bien voilà, j'ai été quelque peu déçue.
Oui ça allait vite, mais parce que Jean-Christophe Grangé disait quelques mots avec chaque personne et enchaînait les dédicaces et pour tout dire, il était même pressé d'en finir.
Je trouve cette attitude moyenne de la part d'un auteur, sur un Salon dans le cadre de dédicaces il doit quand même s'attendre à rencontrer des lecteurs, à échanger avec eux, c'est en partie le but, en tout cas c'est comme cela que je le conçois. D'autant que ce n'était que la deuxième fois qu'il venait au Salon du livre de Paris.
Maintenant je comprends mieux pourquoi il dédicace si peu, finalement mieux vaudrait sans doute qu'il s'abstienne, je trouve quelque peu regrettable de ne pas prendre un peu de temps pour discuter avec ses lecteurs.
Finalement, j'ai eu ma dédicace, mais je n'ai pas vraiment pu échanger avec lui, depuis que j'attendais sa venue sur un salon, c'est un sentiment mitigé qu'il m'a laissée (je précise qu'il était censé dédicacer jusqu'à 18h, il devait être 17h35/40 quand je me suis présentée, je ne suis pas non plus arrivée au dernier moment).

Après tout ça, ma journée avait été bien remplie et j'ai repris le chemin de la maison.

Voici donc un nouveau Salon du livre qui s'achève, et vivement celui de l'année prochaine !

Mes (petites) emplettes :











Jules et Jim de François Truffaut



Paris, dans les années 1900 : Jules, autrichien et Jim, français, deux amis artistes, sont épris de la même femme, Catherine. C'est Jules qui épouse Catherine. La guerre les sépare. Ils se retrouvent en 1918. Catherine n'aime plus Jules et tombe amoureuse de Jim. (Allociné)

Il serait réducteur de résumer ce film à la chanson si connue "Le tourbillon de la vie".

Autant le dire tout de suite, c'est un film qui a vieilli mais qui garde tout intérêt à être vu.
Tout commence avec la rencontre de Jules et Jim à Paris, ils deviennent amis et très proches, cela faisant naître quelques rumeurs dans Paris.
Et puis un beau jour, leur chemin croise celui de Catherine qui n'est pas sans leur rappeler le visage d'une statue qu'ils ont admiré durant leurs vacances d'été.
Mais Catherine est une femme fragile et quelque peu instable. C'est Jules qui en tombe amoureux et annonce alors à Jim qu'avec elle, il ne faudra rien tenter.
C'est à partir de cet instant que le film prend une dimension dramatique qui ne cessera qu'à la fin.
Jules épouse Catherine et puis la Première guerre mondiale éclate et sépare les deux amis.
Ils se retrouvent après l'Armistice, mais Catherine n'aime plus Jules, elle prend des amants, notamment Albert qui lui écrira une chanson ("Le tourbillon de la vie") et finit par se rapprocher de Jim et de tomber amoureuse de lui.
Ils se mettent alors en couple et désirent un enfant, cela ne dérange pas Jules, mais rien ne se passe comme prévu et ils finissent par se séparer en mauvais terme.
Jim, contrairement à Jules, a bien saisi la nature de Catherine, et qu'une fois qu'une chose est finie, elle l'est définitivement pour elle.
L'orage a remplacé la passion et c'est une Catherine plus fragile que jamais qui menace Jim de le tuer.
Elle finira par se tuer avec lui au volant de sa nouvelle voiture, refusant délibérément de freiner et les précipitant ainsi dans l'eau.
Ainsi se dénouera la tension dramatique qui avait pris place assez vite dans le film.
Il était évident pour moi qu'il ne pouvait pas y avoir d'autre issue à cette histoire.

J'ai été quelque peu déstabilisée au début du film car il y a un narrateur en voix off qui raconte certains passages, voire parfois résume les scènes à venir.
J'ai trouvé cela démodé et je me suis demandée à quoi cela pouvait bien servir.
Après recherche, il s'avère que c'est un parti pris de François Truffaut pour conserver des scènes difficilement adaptables du roman de Henri-Pierre Roché dont est tiré le film.
Il faut un certain temps d'adaptation mais j'ai fini par m'y faire.
J'ai beaucoup aimé ce film en noir et blanc au final, l'histoire entre ces trois personnages est très belle et très touchante, sur fond historique qui plus est, il y a une forte intensité dramatique et la mise en scène est très travaillée (d'un autre côté, c'est du François Truffaut, le contraire aurait été étonnant).
Quant aux acteurs, je les ai vraiment trouvés excellents et ils forment un inoubliable trio.
C'est un film qui présente des moeurs décomplexés, il exprime la liberté mais il y a toujours le côté amer de l'existence qui est présent.
Cette impression est représentée à l'écran par le personnage de Catherine.
J'ai la sensation que ce personnage est une pierre précieuse, belle et fragile à la fois mais également impossible à maîtriser et à enfermer.
Au-delà de l'amitié entre Jules et Jim, c'est ce personnage qui m'a le plus émue et, au risque de tomber dans le cliché, je retiendrai à jamais cette si belle scène lorsqu'elle chante "Le tourbillon de la vie", chanson résumant en partie l'histoire qu'elle vit avec Jules et avec Jim.

Ce fut un réel plaisir de découvrir ce classique du cinéma français abordant un trio amoureux dans un monde qui change avec une forte intensité dramatique.

Le tourbillon de la vie

Emma de Diarmuid Lawrence


Orpheline de mère, seule auprès d'un père en mauvaise santé, Emma Woodhouse, désormais la maîtresse de maison, s'est mis en tête de marier Harriett Smith, une jeune fille qu'elle a recueillie chez elle. Ce faisant, ne s'est-elle pas attribué un rôle qui n'est pas (ou pas encore) pour elle ? Son inexpérience des coeurs et des êtres, ses propres émotions amoureuses, qu'elle ne sait guère interpréter ou traduire, lui vaudront bien des déconvenues et des découvertes... (Allociné)

Ce téléfilm est une adaptation faite par la BBC du roman éponyme de Jane Austen.

Je n'ai pas encore eu l'occasion de lire ce livre, mais le visionnage de ce téléfilm m'en a en tout cas donné l'envie, du fait du principal défaut que je lui reproche.
En effet, il y a beaucoup trop de raccourcis par rapport à l'oeuvre originale, ce qui est compréhensible dans une certaine mesure pour une adaptation, sauf que là, je l'ai ressenti pendant toute la durée du téléfilm.
Les personnages ne sont pas bien présentés, les liens entre eux non plus, il y a trop de passages elliptiques où j'ai eu la sensation d'avoir raté des épisodes.
C'est dommage, pour faire tenir cette histoire en 1h40 trop de raccourcis ont été empruntés et finalement, la complexité de l'histoire n'est pas toujours bien rendue.

Sur le principe, l'histoire éveille l'intérêt.
Emma, une jeune femme vivant avec son père, décide de s'improviser entremetteuse et se met en tête de marier Harriet Smith, une jeune femme qu'elle a pris sous son aile.
Mais voilà, elle va faire les choses de travers, va piétiner les sentiments des personnes de son entourage et ira même jusqu'à être odieuse envers des personnes faisant preuve d'une grande bonté à son égard.
Au passage, elle mettra beaucoup de temps à découvrir ses propres sentiments envers Mr Knightley, et ce n'est d'ailleurs une surprise pour personne la relation entre ces deux personnages.
Certes, le personnage d'Emma n'a pas le même charisme que peut avoir une Elizabeth Bennet, mais elle arrive à capter l'attention du spectateur avec ses défauts, ses faux pas, son inexpérience, sans jamais agacer tout à fait complètement.
Le casting est bien choisi, ce rôle va très bien à Kate Beckinsale et idem pour celui de Mr Knightley à Mark Strong.
La mise en scène est bien faite, avec une scène d'ouverture et une de fermeture à l'identique, ce qui permet de clore définitivement cette histoire.
Les lieux de tournage sont bien choisis, car l'un des intérêts de cette histoire, c'est de décrire la vie de la classe provinciale aisée.

J'ai trouvé qu'il y avait en toile de fond de cette adaptation télévisuelle, de l'ironie, un côté narquois et de l'humour qui doivent certainement se retrouver de manière plus prononcée dans le livre.
Malgré des raccourcis et le sentiment d'une histoire tronquée, j'ai apprécié cette adaptation qui apparaît tout de même légèrement démodée au niveau de la qualité de l'image.

mercredi 14 mars 2012

Trash circus de Joseph Incardona


Frédéric Haltier travaille dans l’univers schizophrène de la télé réalité. Version trash. Argent, sexe, drogue, cynisme et hypocrisie… Mais ce jeune homme moderne entretient également une passion secrète pour les rassemblements hooligans, leur violence et leur sauvagerie. Tout irait donc pour le mieux dans cette existence soigneusement compartimentée si Haltier n’avait pas l’idée malencontreuse de mélanger le travail et le plaisir. Un de ses collègues en paiera le prix sur un fauteuil roulant. Dès lors, d’inquiétants messages s’accumulent dans la boîte vocale, sur l’ordinateur ou dans les poches d’Haltier. Toujours les mêmes : « Je sais qui vous êtes Frédéric Haltier… ». La traque commence… (Parigramme Eds)

Sex, drugs and violence, voilà qui résumerait assez bien ce livre et son personnage principal.

Frédéric Haltier travaille à la télévision, c'est un jeune loup (et c'est peu dire) qui cherche à s'imposer et ne recule devant rien pour arriver à ses fins, pour qui les femmes sont uniquement des objets sexuels servant à assouvir ses fantasmes, qui comprend "oui" lorsqu'elles disent "non", qui vit dans le luxe et la richesse, et qui adore les rassemblements hooligans lors des matchs de foot pour leur violence.
Ironiquement parlant, c'est le gendre rêvé par toute belle-mère.

De sexe, il en est beaucoup question dans le livre, d'ailleurs le cerveau de Frédéric Haltier se situe à son entre-jambe tellement il ne pense qu'à ça et ne semble presque vivre que pour ça.
L'auteur a choisi d'utiliser un langage cru, parfois choquant, afin de mieux cadrer avec l'univers dans lequel il a placé son histoire : celui de la télévision, mais pas n'importe laquelle : la télé-réalité.
Et là, plus c'est trash, mieux c'est !
Donc il lui fallait en faire autant avec son livre et y mettre de la vulgarité, de la misogynie, des moeurs dépravées (orgies, call-girl ...).
L'histoire est racontée à la première personne du singulier, ainsi le lecteur est directement en contact avec Frédéric Haltier et partage absolument toutes ses pensées, ce qui fait que dès les premières phrases j'ai été prise par la lecture.
Pourtant, l'auteur n'épargne rien au lecteur des pensées plus ou moins abjectes de son personnage : "Qu'est-ce qui te prend de penser à ces connasses et à leur vie ? Pourquoi pas choisir celle à gros nichons, lui demander d'ôter son dentier et de la lui foutre bien profond dans sa gorge de vieille ?"
C'est la paradoxe de cette lecture, elle est prenante alors que je ne ressentais aucune apathie pour le personnage.
De drogue, il en est aussi beaucoup question car Frédéric Haltier est un pur et dur junkie, il est même incapable de vivre sans ses pilules et c'est uniquement grâce à elles qu'il réussit à garder le rythme dans sa vie professionnelle : "Je pourrais attendre que quelqu'un arrive, profiter de ... Non, Fred. Aujourd'hui, tu vas bien, tu as volontairement renoncé à prendre la pilule miracle. La coke a été absorbée par ton corps, personne n'en saura rien, sauf si tu décèdes de mort violente ces prochains jours et qu'un échantillon prélevé de tes cheveux en révèle la présence. On en tirerait alors les conclusions qui s'imposent, c'est-à-dire rien du tout, si ce n'est de gonfler un camembert de statistiques."
Enfin, il est aussi question de violence, car le personnage de Frédéric Haltier habite en lui une grande violence, il aime se défouler les soirs de match, prendre part aux bagarres, et il va même jusqu'à mélanger sa passion personnelle avec son milieu professionnel (deux de ses collègues en feront les frais).
Toute cette violence masque en partie une enfance difficile, il s'est érigé des murs pour se protéger mais en agissant ainsi, il est l'artisan de son propre malheur : "L'amour je n'en veux surtout pas, pas besoin d'amour.", bien qu'ayant également en lui une fort propension à l'égoïsme : il ne voit quasiment jamais ses filles et ne cherche surtout pas à avoir de contact avec.

Au-delà du personnage tout à fait détestable qu'est Frédéric Haltier, j'y ai vu une critique en bonne et due forme de l'auteur envers la société actuelle où chacun à la volonté de réussir à tout prix et ce à n'importe quel prix.
Pour cela, il a notamment construit un personnage abominable et superficiel car vivant d'artifices, mais il a également pris un malin plaisir à glisser quelques subtilités dans son texte.
Ainsi, la société de production s'appelle Pendémol, ce qui n'est pas sans rappeler Endémol; et puis j'ai trouvé qu'il avait choisi les noms de famille de ses personnages les plus horribles en contradiction avec leur personnalité : Thierry Muguet (qui est tout sauf une fleur de printemps), Frédéric Haltier (son attitude n'a rien de noble, non seulement il se croit supérieur mais il le dit et le fait sentir aux autres, rabaissant régulièrement son assistante).
Je reprocherai toutefois à ce livre que le côté polar arrive tardivement, trop d'ailleurs, et qu'il n'est pas exploité à fond. Il n'y a pas de réel suspens, tout se dénoue trop facilement, alors que l'auteur aurait pu développer beaucoup plus tôt cet aspect et faire sombrer complètement dans la paranoïa son personnage.
Ce qui rejoint mon deuxième reproche, l'auteur aurait pu aller plus dans la descente aux enfers de son personnage, finalement il reste très soft par rapport à tout le trash de son écriture.
C'est en tout cas le sentiment que j'ai ressenti, tant de trash et de vulgarité pour une banale scène où le harcèlement prend son sens, scène qui d'ailleurs a un aspect représentation au cirque.

Je ne regrette pas cette lecture, bien que je ne cautionne absolument pas le comportement du personnage, car de moi-même je ne serai pas forcément allée vers ce polar noir.
Cela m'a permis de découvrir ce style et si j'ai été gênée par certaines scènes violentes et/ou immorales je restais captivée par l'histoire, pour voir la chute du personnage qui était inéluctable selon moi.
C'est un livre particulier, avec une ambiance et un style littéraire qui peuvent déranger et mettre mal à l'aise, mais il est également saisissant.

Je remercie Babelio et les éditions Parigramme Noir 7.5 pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une opération spéciale Masse Critique.

dimanche 11 mars 2012

Après le tremblement de terre de Haruki Murakami


Un recueil à la construction originale, puisque chacune des nouvelles saisit un moment de bascule dans les vies qu'elles traversent. Elles sont aussi liées par une unité de temps - " L'Après... " - à la manière dont Jim Jarmusch a composé plusieurs de ses films.
Murakami est un observateur attentif des chaos intimes de ses personnages, avec un sens de l'humour et une tendresse jamais en défaut.
Sa description nuancée du mal de vivre de l'époque, son style dépouillé, l'universalité de ses propos et de ses personnages le rendent plus proche que jamais de l'auteur américain qu'il considère comme son maître, Raymond Carver. (10/18)


Le point de départ de ce recueil de nouvelles de Haruki Murakami est l'après tremblement de terre à Kobe de 1995 qui a marqué de loin chacun des personnages dont il est question dans ces nouvelles.
Finalement, de ce tremblement de terre, il n'en sera toujours question qu'indirectement, par le biais de la télévision ou au détour d'une conversation, mais il résonnera comme un séisme intérieur pour chacun des personnages.

Toutes ces nouvelles n'apparaissent pas de prime abord de même qualité, j'ai trouvé que plus j'avançais dans le livre plus elles se bonifiaient et finalement, j'ai réalisé qu'elles avaient toutes des thèmes communs qui étaient abordés différemment par l'auteur.
La somme de toutes ces nouvelles finit par créer une union assez intéressante et c'est là que réside tout l'art de l'auteur : réussir à aborder des thèmes généraux (le mal être essentiellement) dans des situations différentes les unes des autres.
En effet, il peut s'agir de burlesque, ou alors de science-fiction ("Crapaudin sauve Tokyo" met en scène un crapaud qui sauvera Tokyo en combattant Lelombric dans les entrailles de la ville).

J'ai trouvé trois thèmes récurrents dans ces nouvelles : le vide, la mort, le sommeil.
Le vide, car chacun des personnages principaux reconnaît qu'il est une coquille vide, ou alors qu'il y a un vide dans leur vie : "Oui, vide, creux, je n'ai pas de contenu." ("Un ovni a atterri à Kushiro"), "Je suis vide." ("Paysage avec fer").
D'ailleurs, dans "Un ovni a atterri à Kushiro", Mlle Shimao émet l'hypothèse que la boîte transportée par Komura contient justement le contenu de cet homme : "C'est parce que dans cette boîte, dit Mlle Shimao d'une voix calme, il y avait ton contenu."
La mort, car c'est un thème sous-jacent avec le tremblement de terre, mais également au coeur des préoccupations des personnages : dans "Paysage de fer", Miyake propose à Junko de mourir avec lui, ce à quoi Junko répond par l'affirmative : "Je ne pourrai sans doute pas vivre avec lui, songea Junko; Parce que je ne crois pas que je pourrais pénétrer dans son coeur. Mais mourir avec lui, ça, je peux peut-être le faire."
Le sommeil, car il est la source de délivrance des personnages : "Puis il ferma les yeux et sombra dans un sommeil paisible, sans rêve." ("Crapaudin sauve Tokyo"), "Oui, voilà ce que je dois faire. Dormir. Et attendre le rêve." ("Thaïlande").

Outre le caractère métaphorique de ce livre, son autre point fort est les personnages qui sont tous très attachants.
Qu'il s'agisse d'un homme abandonné par sa femme, d'une jeune femme un peu perdue amie avec un peintre marginal, d'une femme médecin divorcée sans enfant, ou d'un homme transi d'amour pour une femme qui a épousé son meilleur ami, ils portent tous en eux un petit quelque chose de nous-mêmes, ce qui les rend proches de nous.
Enfin, le style d'écriture de Haruki Murakami est très agréable tout en étant simple.

J'ai beaucoup apprécié la lecture de ce livre à la construction originale avec une forte portée métaphorique et des personnages particulièrement attachants.
Haruki Murakami m'a donc conquise et je continuerai de découvrir ses livres avec grand plaisir.

samedi 10 mars 2012

Je rends grâce d'Agnès Cornier


« Arnaud a 20 ans, il va intégrer Polytechnique.
[…] Retour en arrière. Le voile du passé se déchire comme celui qui permet à l’eau de mon corps de couler, annonce d’un enfantement mais qui arrive trop tôt. Toute ma chair sent que c’est grave mais mon être pensant n’y croit pas. Journée angoissante où mon corps ne répond plus malgré les visages médicaux qui se penchent anxieusement sur ce ventre d’où un être veut sortir malgré tout… »
Dans un style incisif et toujours à fleur de peau, Agnès Cornier livre un texte coup-de-poing qui prend la forme d’un témoignage, d’un héritage, au fil des pages.
Son histoire est celle, poignante, d’une mère courageuse et aimante, également l’histoire d’une femme délaissée par son mari, mais à la personnalité bien trempée et dont la droiture impressionne. Un bel exemple de courage et d’indépendance. (Société des écrivains)


"Je rends grâce.", tel est le mantra de la narratrice de ce récit d'Agnès Cornier qui donne également son titre au livre.

A travers ce court récit, la narratrice revient, à l'occasion de l'entrée de son fils à l'école Polytechnique, sur les passages clés de sa vie, sur les drames qui l'ont jalonnée.
C'est dans un style incisif et percutant qu'Agnès Cornier livre le récit de cette femme, à tel point que cela en devient presque un témoignage et que je m'interroge encore une fois ma lecture achevée sur la part de réalité et la part de fiction dans ce récit.
En effet, la narratrice y est d'une incroyable lucidité sur les rapports homme/femme dans un couple en train d'exploser et a des phrases d'un réalisme impressionnant pour décrire tout d'abord le désintérêt que finit par porter cet homme à sa femme : "Un étranger, toujours en voyage; un animal à sang-froid plus préoccupé par sa réussite professionnelle; un ambitieux qui préfère une femme à haut poste qu'une petite prof de banlieue. Et qui le dit !"; mais également son égoïsme et sa tentative de justification de leur abandon : " "Ils seront heureux de me voir heureux", la phrase la plus égoïste que j'aie jamais entendue d'un homme, leur père !"
La narratrice finit par synthétiser cet homme par cette phrase éclatante : "Abîme d'égoïsme qu'est l'homme transi d'amour !"

Le style narratif d'Agnès Cornier est elliptique et construit de façon intelligente, ce qui rend la lecture très agréable et n'enlise pas l'histoire mais, bien au contraire, la sert en ne présentant au lecteur que les passages les plus importants.
Ainsi, le récit se focalise sur les mois de juillet 2008, 1988, 2001, 2010 et avril 2011.
Les sauts dans le temps ne m'ont absolument pas gênée pendant ma lecture, j'ai même trouvé agréable ce récit fragmenté qui finit par faire un tout au final et qui résume assez bien la personnalité bien trempée de la narratrice.
Je n'ai relevé qu'une répétition dans la partie consacrée à juillet 2001, la narratrice revient une nouvelle fois sur la naissance de son fils et les difficultés de ses premiers jours, c'est dommage car cela avait déjà été exposé par l'auteur plusieurs pages précédemment et cette redite n'était pas nécessaire à l'histoire.
Mais c'est la seule faute que j'ai pu relever dans ce récit travaillé finement d'un bout à l'autre.
J'ai trouvé pendant la première moitié du récit une forme de machisme de la part de l'auteur car sa narratrice ne replonge dans ses souvenirs que grâce à son fils, c'est lui l'élément central de son récit et quasiment de sa vie et il n'est jamais question de ses deux filles.
C'est une façon de concevoir la famille dépassée pour moi et je ne comprenais pas complètement pourquoi cette femme si moderne, avec une telle force de caractère tenait un raisonnement vieux de plus de soixante ans. D'un autre côté, la naissance si particulière de ce fils expliquait en partie sa façon de penser.
Finalement la deuxième moitié du récit vient rétablir l'équilibre et les filles sont également évoquées par la narratrice, cela gomme donc cette impression que j'ai pu avoir.

La tonalité de ce récit pourrait donner une première impression de tristesse et de noirceur.
En effet, il y est question d'une naissance précoce, des difficultés de survie de ce garçon, de la lutte du corps médical pour le garder en vie, de divorce, d'une famille qui explose car le père décide de les abandonner pour aller vivre avec son amour de jeunesse, d'une femme qui essaye de lutter chaque jour pour ses enfants, les biens les plus précieux de sa vie, mais qui découvre aussi le plaisir avec un autre homme : "Mon corps chante."
Au final, je trouve que ce récit est au contraire porteur d'espoir et de courage, il démontre que malgré toutes les difficultés que l'on peut rencontrer dans une vie, aucune n'est réellement insurmontable.
Ce récit est donc une belle leçon de vie, il tend en permanence vers le positif et vers l'espoir : "Ensemble, la vie est porteuse d'espoir."

Le titre est également bien choisi, il comporte une dimension religieuse qui est toujours présente de façon sous-jacente tout au long du récit.
Car c'est un amour quasi religieux qui unit cette mère à son fils, mais également à ses autres enfants.
Elle se dévoue totalement pour eux et les fait passer avant toute autre chose, tout en avouant que pour son premier enfant : "Je n'avais pas vraiment un instinct maternel et de plus, il était mis à rude épreuve.", ce que je trouve particulièrement courageux d'écrire de la part d'une femme.
Tout au long du récit, la narratrice rend grâce à la fois à Dieu mais également à la Vie et ce caractère religieux est montré ouvertement dans la dernière page de l'histoire qui se déroule lors d'une messe.
J'ai été aussi particulièrement touchée par la signature de l'auteur à la fin de son récit, uniquement avec son prénom, ce qui est venu renforcer mon trouble entre la part de réalité et la part de fiction de l'histoire.

Si l'une des dernières phrases qui clôt ce récit est d'une beauté touchante : "Les larmes lavent mon âme.", j'ai trouvé que ce livre permettait de se laver de la morosité actuelle à travers l'histoire de cette femme blessée dans sa chair par une naissance difficile et dans son âme par l'abandon de son mari mais si forte, si indépendante, et qui donne ici une formidable leçon de vie au lecteur.

Je remercie le site Les agents littéraires et la maison d'édition Société des écrivains pour l'envoi de ce livre.
Pour information, le blog des Agents littéraires a été créé fin mars 2011 pour aider les livres des éditeurs indépendants ou des auteurs auto-édités à se faire connaître grâce au web.

Bal de givre à New-York de Fabrice Colin


Anna Claramond ne se souvient plus de rien. Seul son nom lui est familier. La ville autour d’elle est blanche, belle, irréelle. Presque malgré elle, la jeune fille accepte les assiduités du beau Wynter, l’héritier d’une puissante dynastie. Bal de rêve et cadeaux somptueux se succèdent avec lui mais Anna sent que quelque chose ne va pas. Qu’elle est en danger. De plus, des indices et des messages sont semés à son attention par l’insaisissable Masque, un fugitif recherché. Qui est son ennemi, qui est son ami ? Anna sait qu’elle doit se souvenir. Mais que lui réservera sa mémoire une fois retrouvée ? (Albin Michel Jeunesse)

L'ouverture de ce livre était prometteuse, la suite beaucoup moins à part le rebondissement final.

Anna vient d'avoir un accident et ne se souvient de rien hormis de son prénom, c'est au même moment qu'elle fait la rencontre de Wynter Seth-Smith, riche héritier de l'empire du même nom, avec une sensation étrange : "J'étais sûre de le connaître, certaine de ne l'avoir jamais vu."
Ce début était prometteur mais j'ai bien vite décroché.

Pour une amnésique, Anna se rappelle de son adresse, du chemin pour aller chez elle, de son majordome, bref dès qu'elle revoit quelque chose de connu tout lui revient en mémoire.
L'histoire commençait dès lors à perdre en crédibilité.
Et puis cela a continué par la suite.
Je n'ai pas aimé la vie de lycéenne d'Anna, l'auteur s'attarde trop sur la vie des jeunes gens aisés, cela n'apporte absolument rien à l'histoire, au contraire j'ai même eu l'impression qu'il s'était senti obligé de placer ses personnages dans un contexte de richesse et de luxure, et à quasiment aucun moment les personnages ne côtoient le "petit peuple", autant dire que cet élitisme ne m'a pas plu du tout.
Ensuite l'histoire sombre trop dans la mièvrerie amoureuse, Anna finit par dire : "Peu à peu, j'en vins à me considérer comme une princesse de roman à l'eau de rose.", le problème c'est que l'auteur l'a effectivement transformée en princesse de roman à l'eau de rose, cette histoire d'amour est d'une facilité déconcertante et ne repose que sur des clichés maintes fois utilisés en littérature. J'ai commencé à m'ennuyer pendant cette partie du roman à force de ne rien voir venir côté action et rebondissement.
Jusqu'à l'arrivée du personnage du Masque, là au moins il y a un peu plus d'action, le problème c'est que cela m'a mise sur la piste du rebondissement final.
Les ficelles déployées par l'auteur ne sont donc pas très subtiles et ne renouvellent absolument pas l'éternelle lutte entre la Vie et la Mort.
Les personnages ne sont pas non très attachants, Anna est trop insaisissable et incapable de réfléchir toute seule pour s'attirer la sympathie du lecteur, Wynter est bien trop beau pour être honnête et crédible, il est manipulateur et n'invite pas du tout au rêve.
De plus, Fabrice Colin a un style d'écriture en phrases courtes et cela m'a gênée lorsque j'ai commencé cette lecture.

J'ai trouvé deux points positifs à cette lecture.
Le premier concerne le lieu de l'histoire : la ville de New-York.
L'auteur a choisi de lui donner un côté irréel en s'inspirant des bâtiments existants mais en déformant la réalité, c'est à la fois une bonne chose car cela donne une dimension irréelle à son histoire et s'accorde assez bien avec le titre du livre et à la fois une mauvaise chose, car cela peut mettre sur la piste du dénouement final.
L'aspect positif l'emporte tout de même sur l'aspect négatif et permet de rendre un peu d'intérêt à cette histoire : "Les toits de New York, sur les bords de l’Hudson, dessinaient sous la brume un patchwork éblouissant. Partout, des géants d’acier et de verre se frayaient un chemin vertical entre des lacis de ponts aériens. Des faisceaux argentés fouaillaient le ciel."
Le deuxième concerne l'épilogue de l'histoire et le rebondissement final.
C'est même là que réside tout l'intérêt de ce livre et son originalité.

En conclusion, cette histoire comporte trop d'inconnues pour l'héroïne et du même coup pour le lecteur.
Elle commence bien mais a très vite cessé de me captiver par manque d'action et de rebondissement, d'autant plus que l'héroïne n'est pas attachante du tout et que j'ai été mise assez rapidement sur la piste du dénouement.
C'est trop confus car mal maîtrisé par l'auteur, trop mièvre car celui-ci a privilégié une histoire d'amour à classer dans la série Harlequin, la construction de cette histoire étant à l'image du New-York imaginé par Fabrice Colin : en verre, fragile, facilement cassable et s'auto-détruisant par elle-même.
La lecture devient intéressante uniquement à l'épilogue, ce qui est fort dommage pour un roman.

Ce livre a été lu dans le cadre du challenge New-York en littérature 2012