lundi 30 avril 2012

Surcouf Tome 1 Naissance d'une légende d'Erick Surcouf, Guy Michel, Arnaud Delalande


Fin du 18e siècle.
La Révolution est en marche. Mais l’Angleterre est maîtresse des mers. Le roi de France a recours à des armateurs privés qui offrent à des aventuriers la possibilité de s’enrichir sur le dos de l’ennemi. Ainsi est créée la course en mer. Un acte officiel, la « lettre de marque », en fixe le cadre légal. Les corsaires ne sont pas des pirates : ils ne peuvent attaquer que des bateaux en guerre avec leur pays, ou transportant des marchandises ennemies. Or, tandis que la guerre navale se déchaîne, un jeune homme s'apprête à quitter Saint-Malo.
Il deviendra un héros de légende… La terreur des océans et de l’Angleterre... Un symbole de courage, d’audace et d’aventure, dont le nom claque comme une voile au vent... Surcouf ! Le Tigre des Mers ! Le futur « roi des corsaires » ! Et voici qu’un mystérieux journaliste du Times, alors naissant, se lance sur ses traces (12 Bis Editions)



J'étais curieuse de voir ce que la vie de Robert Surcouf, émérite corsaire et personnalité incontournable de Saint-Malo, pouvait donner en bande dessinée, et bien je reconnais que ce premier tome est une belle réussite.

Plutôt que d'utiliser une trame narrative traditionnelle, les auteurs de cette bande dessinée ont choisi une narration de la vie de Robert Surcouf par le biais d'un personnage dont l'identité ne sera révélée qu'à la toute fin de ce premier tome : "Mon nom est Jonas Wiggs.[...] Je n'étais pas seulement journaliste pour le "Times" ... mais aussi, espion, pour la couronne d'Angleterre."
Pour remettre l'histoire dans son contexte, Robert Surcouf a pris la mer très jeune afin de devenir riche et de pouvoir épouser la femme qu'il aime et a vite appris.
Il est devenu capitaine corsaire à 22 ans, ce qui est extrêmement jeune à l'époque, et très vite il s'est forgé une solide réputation et est devenu la terreur de l'Angleterre sur mer.
Ce premier tome se focalise sur la jeunesse, l'apprentissage et les débuts de capitaine corsaire de Robert Surcouf.
C'est à la fois suffisant pour un premier tome mais constitue également une mise en bouche et frustre quelques peu, notamment vers la fin où l'action prend une place importante.
L'histoire est en tout cas fidèle à la réalité et donne envie de connaître la suite.

Du point de vue des dessins et des couleurs, cette bande dessinée est particulièrement bien travaillée, certaines images mettant bien en avant le côté bestial des combats en mer, la fièvre qui s'empare des hommes à ce moment-là.
Il y a un côté carnassier, notamment au niveau du personnage de Surcouf, qui retranscrit assez bien au lecteur ce que devait être la vie en mer à cette époque.
Esthétiquement, cette bande dessinée est très agréable à lire, les personnages ne sont peut-être pas toujours bien tranchés, les femmes notamment se ressemblent beaucoup, mais les combats navals et les bateaux sont d'un réalisme saisissant et j'ai senti le travail minutieux qu'il y a eu au moment de l'élaboration des dessins.
Quant au choix des couleurs, c'est un sans faute sur toute la ligne, elles s'entremêlent les unes aux autres pour livrer de superbes images.

"La naissance d'une légende", premier tome de l'autobiographie de Robert Surcouf en bande dessinée, est une très bonne entrée en matière qui ravira les amateurs d'histoires de corsaires ou plus généralement d'aventures et qui donne envie de découvrir la suite.
Alors, à quand le deuxième tome ?

Je remercie Babelio et les éditions 12 Bis pour l'envoi de cette bande dessinée dans le cadre de l'opération Masse critique - Bande dessinée

jeudi 26 avril 2012

Cristallisation secrète de Yoko Ogawa


L'île où se déroule cette histoire est depuis toujours soumise à un étrange phénomène : les choses et les êtres semblent promis à une sorte d'effacement diaboliquement orchestré.
Quand un matin les oiseaux disparaissent à jamais, la jeune narratrice de ce livre ne s'épanche pas sur cet événement dramatique, le souvenir du chant d'un oiseau s'est évanoui tout comme celui de l'émotion que provoquaient en elle la beauté d'une fleur, la délicatesse d'un parfum, la mort d'un être cher. Après les animaux, les roses, les photographies, les calendriers et les livres, les humains semblent touchés : une partie de leur corps va les abandonner.
En ces lieux demeurent pourtant de singuliers personnages. Habités de souvenirs, en proie à la nostalgie, ces êtres sont en danger. Traqués par les chasseurs de mémoires, ils font l'objet de rafles terrifiantes... Un magnifique roman, angoissant, kafkaïen. Une subtile métaphore des régimes totalitaires, à travers laquelle Yoko Ogawa explore les ravages de la peur et ceux de l'insidieux phénomène d'effacement des images, des souvenirs, qui peut conduire à accepter le pire. (Actes Sud)



A travers ce roman flirtant en permanence avec le fantastique, la science-fiction et la poésie, Yoko Ogawa livre une formidable métaphore sur les régimes totalitaires.

L'histoire, racontée par une narratrice dont le lecteur ne connaîtra jamais le nom, se situe sur une île frappée par un étrange phénomène : depuis toujours des choses y disparaissent, physiquement mais également dans l'esprit de ses habitants. Ainsi, un matin ce sont les oiseaux qui disparaissent, puis un autre jour les roses, un autre les livres et ainsi de suite jusqu'au jour où ce sont des parties du corps qui disparaissent à leur tour. En même temps que ces choses disparaissent, elles le sont également de la mémoire collective et plus personne ne se souvient du chant des oiseaux, de l'odeur des fleurs, de l'utilité d'un livre ni même sa façon de l'écrire, comble absolu pour la narratrice dont le métier était écrivain.
Pour les récalcitrants qui ne veulent pas supprimer les choses disparues, il y a une police secrète en charge de surveiller la bonne mise en oeuvre des disparitions.
Et pour ceux incapables d'oublier, qui conservent leur mémoire et leurs souvenirs, ils disparaissent à leur tour, traqués par la police secrète et sont emmenés pour une destination inconnue.

La narratrice a vu sa mère, sculptrice, disparaître, emmenée par les chasseurs de mémoire qui ne rapporteront que sa dépouille.
Puis son père va mourir et elle se retrouvera seule avec le grand-père, l'un de ses voisins, et son éditeur qu'elle cachera chez elle aidée par le grand-père.
Très vite, l'histoire se centralise autour de ces trois personnages, reléguant les autres à des passagers traversant le récit à un moment donné.
Une relation particulière va se nouer entre la narratrice et son éditeur, elle ira même jusqu'à lui déclarer : "Mais c'est très difficile d'écrire des histoires dans cette île. On dirait qu'à chaque disparition qui se produit, les mots s'éloignent de plus en plus. Peut-être que si je réussis à continuer à écrire, c'est parce que votre coeur dont rien ne s'efface est toujours à mes côtés."
Sans dire quoi que ce soit sur l'héroïne, l'auteur a su créer une empathie avec le lecteur, et c'est un véritable tour de force.
Ces trois personnages sont très différents les uns des autres et pourtant deviendront vite indissociables les uns des autres, créant une symbiose entre eux.
Et lorsque le grand-père ne sera plus là, la narratrice ne pourra que se confier à son éditeur, notamment lorsque les membres commencent à disparaître et que malgré ses efforts elle n'arrive pas à se souvenir des choses effacées : "Mon coeur endormi ? S'il était seulement endormi, ce serait bien, mais il s'est effacé et il a disparu."

Ce récit se lit facilement grâce à la finesse de l'écriture de l'auteur, et c'est tout en subtilité qu'elle amène le lecteur vers l'angoisse, la peur, une métaphore des régimes totalitaires où des personnes disparaissent du jour au lendemain vers une destination inconnue.
Yoko Ogawa réveille les peurs et les souvenirs d'un passé pas si lointain que cela où le pire finit par être accepté puisque parmi ceux qui subissent des pertes personne ou presque ne se révolte et tous ou presque les acceptent; et où des rafles sont organisées par la police secrète pour traquer et fair disparaître ceux qui se souviennent.

Il s'agissait d'une première lecture de cette auteur, j'en suis bouleversée et conquise, "Cristallisation secrète" étant un roman superbe qu'il ne faut ignorer sous aucun prétexte.
L'exercice aurait pu être délicat mais Yoko Ogawa le réussit avec aisance, livrant ainsi un roman captivant et envoûtant, au titre mystérieux, qui secoue le lecteur au plus profond de son être et de son âme.

Ce livre a été lu dans le cadre du challenge ABC critiques 2011/2012 - Lettre O

Lady Susan de Jane Austen


Une veuve spirituelle et jolie, mais sans un sou, trouve refuge chez son beau-frère, un riche banquier. Est-elle dénuée de scrupules, prête à tout pour faire un beau mariage, ou juste une coquette qui veut s'amuser ? Le jeune Reginald risque de payer cher la réponse à cette question... (Gallimard)



"Lady Susan" est un court roman épistolaire de Jane Austen et est l'un des premiers écrits de cette romancière anglaise.

A travers une correspondance effrénée et sans concession, Jane Austen centre son histoire sur le personnage de Lady Susan, une veuve particulièrement égoïste, ne reculant ni ne refusant aucun flirt et s'occupant très mal de sa fille Frederica, allant même jusqu'à parler d'elle en ces termes : "L'ingénuité n'aboutira jamais à rien en amour, et une fille est d'une niaiserie sans remède qui est ingénue par nature ou par affection.".
Car Frederica est l'exacte opposée de sa mère, et la seule amie de Lady Susan est Mrs Alicia Johnson avec qui elle partage tous ses secrets.

Ce roman, composé de 41 lettres, livre surtout la correspondance entre Lady Susan et Mrs Johnson ainsi qu'entre Mrs Vernon (épouse du beau-frère de Lady Susan) et sa mère Lady de Courcy et autant le dire, ces deux clans se détestent prodigieusement car : "Lorsqu'on a envie de détester quelqu'un, on n'est jamais à court de raisons pour cela."

Jane Austen livre à travers ce court mais prenant roman épistolaire une magnifique étude de caractères de ses personnages à dominante féminine, particulièrement avec l'odieuse Lady Susan, ainsi qu'une formidable reconstitution des moeurs et coutumes du 18ème siècle.
Les personnages sont très travaillés et affinés sur un plan psychologique.
Mais le tour de force de ce livre, c'est de réussir à créer et faire vivre une histoire ainsi que des personnages et surtout de créer une atmosphère et de donner un aperçu visuel et précis des lieux de l'action alors qu'il n'y a aucune description et uniquement des échanges de lettres.

Jane Austen signe là un roman féroce centré autour de la redoutable Lady Susan qui se lit avec grand plaisir pour la plume de l'auteur et la galerie savoureuse de personnages qui y sont dépeints.

Ce livre a été lu dans le cadre du challenge ABC critiques 2011/2012 - Lettre A

Le voisin de Tatiana de Rosnay


Un mari souvent absent. Un métier qui ne l'épanouit guère. Un quotidien banal. Colombe Barou est une femme sans histoires. Comment imaginer ce qui l'attend dans le charmant appartement où elle vient d'emménager ? À l'étage supérieur, un inconnu lui a déclaré la guerre. Seule l'épaisseur d'un plancher la sépare désormais de son pire ennemi... Quel prix est-elle prête à payer pour retrouver sommeil et sérénité ? Grâce à un scénario implacable, Tatiana de Rosnay installe une tension psychologique extrême. Situant le danger à notre porte, elle réveille nos terreurs intimes. (Le Livre de Poche)

Colombe Barou est l'archétype de l'épouse aimante, de la femme au foyer, de celle qui se fait perpétuellement discrète et que personne ne regarde jamais, celle qui s'est oubliée pour ne vivre que pour son mari et ses enfants : "Balthazar. Oscar. Stéphane. Elle sait tout de leurs goûts, leurs habitudes, leurs manies, leurs peurs, leurs passions. Du coup, elle en oublie les siennes."
Mais voilà que suite à un déménagement, le voisin du cinquième, le docteur Faucleroy, va lui faire vivre chaque nuit où elle sera sans son mari "Un viol auditif", passant successivement de Mick Jagger à des bruits plus ou moins insolites, privant définitivement Colombe du sommeil, la transformant en zombie et la faisant doucement mais sûrement basculer dans la folie.

Ce roman de Tatiana de Rosnay oscille perpétuellement entre le thriller, le conflit domestique et la quête de soi. Ni récit romantique, ni récit d'horreur, l'histoire se situe quelque part entre les deux et je n'ai pas toujours réussi à bien me positionner au cours de cette lecture.
Je reconnais pourtant que l'histoire est bien menée, il y a un basculement dans la folie de l'héroïne bien amené et travaillé et puis le revirement final est subtil et quelque peu surprenant, voire déstabilisant pour le lecteur.
Tatiana de Rosnay a su créer une tension psychologique et renvoie chaque lecteur a ses peurs intimes, ses peurs d'enfant du noir, des monstres sous le lit ou sous l'armoire.

Les personnages sont également bien travaillés, à commencer par Colombe. L'auteur a réussi à se mettre dans la peau d'une femme malheureuse dans sa vie personnelle, qui n'aime plus son mari mais ne s'en rendra compte qu'au cours de ses nuits blanches; mais également professionnelle, à force d'être toujours le "nègre" de quelqu'un et de rester dans l'ombre alors qu'elle aspire à écrire son propre livre.
J'ai particulièrement aimé le fossé qui se creuse entre Colombe et son mari tout au long du récit, le paroxysme étant atteint lors d'un dialogue sur la tromperie où ces deux personnages sont en totale opposition, pour Colombe c'est non et "ses yeux sont francs et doux" tandis que "Stéphane éteint la lumière. C'est plus facile de mentir dans le noir."
D'ailleurs, le personnage de Stéphane devient de plus en plus infect et se révèle sous un jour de macho : "C'est pire, ce que tu me fais endurer. C'est bien pire, une épouse infidèle."
Néanmoins, j'ai été quelque peu déçue par le personnage du Docteur Faucleroy.
Pendant les trois quart du récit il semble être machiavélique, manipulateur, et j'ai été déçue lors de la confrontation réelle, elle est déjà courte et aurait pu être bien plus angoissante, elle apparaît fade par rapport à la tension psychologique présente auparavant.

J'ai aussi trouvé qu'il y avait quelques passages fragiles du point de vue narratif.
Au début de l'histoire, je trouve dommage la conclusion suivante lors de l'emménagement : "Elle ne le sait pas, elle ne se doute de rien, mais elle savoure une de ses dernières nuits de sommeil.", il y a déjà une tension psychologique, cette phrase n'était pas utile.
Je trouve également que le début n'est pas judicieux, ce prologue retarde l'entrée dans l'histoire et, alors que la tension psychologique n'a pas été encore créée ni montée crescendo, cela vient un peu comme un cheveu sur la soupe.
De plus, les chapitres sont inégaux et je trouve l'utilisation de l'astérix - * - pour séparer les paragraphes abusive, par moment on saute trop d'une histoire à l'autre.

"Le voisin", malgré quelques maladresses dans le style narratif et un prologue superflu, est un roman psychologique plutôt bien maîtrisé dans l'ensemble par Tatiana de Rosnay et il se lit avec curiosité et un certain plaisir.

Ce livre a été lu dans le cadre du challenge ABC critiques 2011/2012 - Lettre R

mercredi 25 avril 2012

Je suis une légende de Richard Matheson


Chaque jour, il doit organiser son existence solitaire dans une cité à l'abandon, vidée de ses habitants par une étrange épidémie. Un virus incurable qui contraint les hommes à se nourrir de sang et les oblige à fuir les rayons du soleil...
Chaque nuit, les vampires le traquent jusqu'aux portes de sa demeure, frêle refuge contre une horde aux visages familiers de ses anciens voisins ou de sa propre femme.
Chaque nuit est un cauchemar pour le dernier homme, l'ultime survivant d'une espèce désormais légendaire. (Gallimard)


Avec ce roman de science-fiction, Richard Matheson offre un point de vue original sur le vampirisme ainsi qu'une vision post-apocalyptique du monde différente de celle traditionnellement rencontrée dans la science-fiction.

L'auteur a instauré dès les premières lignes un climat oppressant qui ne quittera plus le récit.
En choisissant une narration à la première personne du singulier, il a également créé une empathie immédiate entre le lecteur et le personnage de Robert Neville et cela contribue à faire circuler entre ces deux protagonistes un climat oppressant et sombre, les émotions ressenties par Robert Neville ainsi que ses difficultés dans la vie quotidienne, notamment lorsque vient la fin du jour : "la nuit, ils étaient les plus forts. La nuit leur appartenait."

La construction de l'histoire est particulièrement intéressante, car au gré des chapitres Richard Matheson va aborder plusieurs thèmes : tout d'abord la solitude de Robert Neville entouré uniquement de vampires quand vient la nuit; puis sa rencontre avec un chien et ses tentatives pour l'apprivoiser, ce qui constitue un premier remède à la solitude; enfin la rencontre d'une femme, deuxième remède contre la solitude et tentative de se ré-humaniser, mais cette femme restera mystérieuse.

J'ai trouvé qu'il y avait dans cette histoire une forte dimension spirituelle voire biblique : la solitude du premier homme, la femme par qui tout va basculer, mais dans un ordre inversé : dans le cas présent il s'agit du dernier homme, la Terre se dépeuple des humains au profit des vampires, pour finir par le sacrifice du dernier humain pour permettre à cette nouvelle humanité de vivre et de s'épanouir. Il y a un parallèle très intéressant entre l'Ancien Monde et le Nouveau Monde versus l'Ancien Testament et le Nouveau Testament. Cette inversion de la création est le fil conducteur du roman, dans l'ancien monde les vampires n'étaient qu'une légende alors que dans le nouveau monde ce sont les humains qui le deviennent.
Et que dire de la fin, à part qu'elle est remarquable et que jusqu'à présent j'avais rarement lu un tel retournement dans une situation finale.
Car il n'y aura pas de fin heureuse pour Robert Neville, il n'y aura qu'un sacrifice, un anéantissement final de l'Humanité : "Robert Neville considéra le nouveau peuple de la Terre. Il savait qu'il n'en faisait pas partie. De même que les vampires, il était pour eux une abomination, un objet de sombre terreur."

Je reprocherai juste à ce roman quelques invraisemblances. En effet, l'électricité continue de fonctionner alors qu'il n'y a plus personne pour travailler dans les centrales, ce n'est pas crédible, et concernant la nourriture, je trouve cela impossible de trouver presque facilement de la nourriture et surtout de faire des réserves de viande au congélateur depuis trois ans ! Mais le passage où cela est le plus flagrant, c'est lorsque le héros se transforme en chercheur et tente de créer un antibiotique simplement en lisant quelques ouvrages à la bibliothèque. Là les ficelles sont énormes et c'est tout simplement inconcevable, pas crédible une seule seconde et impossible, d'autant que l'auteur a laissé des pistes auparavant laissant penser que Robert Neville ne travaillait absolument pas dans ce secteur du tout où la Terre était encore peuplée d'humains.

J'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir Richard Matheson à travers son roman "Je suis une légende" qui apporte une vision intéressante et sortant de l'ordinaire sur le vampirisme.
Un très bon livre de science-fiction, un classique du genre, qu'il faut découvrir sans plus attendre.

Ce livre a été lu dans le cadre d'une lecture commune du club de lecture de Babelio d'Avril 2012


lundi 23 avril 2012

Blueberry Tome 2 Tonnerre à l'ouest de Jean Giraud et Jean-Michel Charlier


Blueberry est affecté à Fort Navajo (Arizona). En cours de chemin vers le Fort il rencontre le Lieutenant Graig. Blueberry va devoir manœuvrer entre l'inconscience de Graig et la haine des Indiens qui anime le commandant Bascom, bras droit du Colonel Dickson à Fort Navajo. (Dargaud)

Il s'agissait de ma première lecture de la saga "Blueberry" et par là même de ma découverte de Jean Giraud alias Moebius.

Ce deuxième tome des aventures de Blueberry est un régal à lire.
Servi par l'excellent scénario de Jean-Michel Charlier, les dessins de Jean Giraud sont très agréables à regarder et cela a été l'occasion de découvrir une très belle plume de la bande dessinée.
Il y a une ambiance de Far West / Western qui se dégage du livre, par les dessins et le choix des couleurs, mais également par l'histoire, avec un chef militaire qui veut en découdre avec les indiens et les indiens qui cherchent à se venger.
Le personnage de Mike Blueberry est très charismatique et l'histoire passe vite tout en étant bien ficelée, de telle façon que l'on a envie de connaître la suite.

Si parfois il est possible de s'affranchir de la lecture du premier tome, dans le cas de "Blueberry" ce n'est pas possible car l'histoire est la continuité du premier tome, autant dire que j'ai quelque peu regretté le fait de ne pas l'avoir lue et qu'il m'a fallu un petit temps d'adaptation pour comprendre les tenants et les aboutissants.
Je reprocherai juste le choix du caractère d'écriture pour les dialogues, à titre personnel cela a rendu la lecture un peu plus difficile parfois.

Une lecture agréable et une belle découverte à la fois des auteurs mais également du personnage de Blueberry.

Livre lu dans le cadre du club de lecture BD d'avril de Babelio - Jean Giraud / Moebius

jeudi 19 avril 2012

De la politique en musique ou de la musique en politique

A moins de venir d'une autre galaxie ou d'un autre système solaire, tout le monde est au courant que c'est L'évènement en France (avec un L majuscule); et à moins de vivre en ermite, tout le monde a forcément au moins une fois entendu parler/vu/lu un article traitant du sujet de préoccupation majeure (ou pas) de tous les français : l'élection présidentielle !

Stop, je m'arrête là.
Si comme moi vous ne supportez plus d'en entendre parler à toutes les sauces matin, midi, soir et même la nuit, si vous aussi la campagne (franchement lamentable, il n'y en a pas un pour relever l'autre) vous sort par les narines et les oreilles, la suite de cet article est pour vous.
Je tiens à apporter une précision avant de passer à la suite (et de me faire copieusement traiter de mauvaise citoyenne entre autres), certes la campagne électorale m'insupporte mais ce n'est pas pour autant que je ne voterai pas, bien au contraire.

J'ai décidé d'aborder cette campagne sous un angle musical : les clips officiels.
J'ai bien précisé musical : il s'agit donc de chansons, je ne vais pas vous abreuver des clips que vous pouvez déjà voir à la télévision.
Et comme je n'avais pas du tout envie d'être sérieuse, il s'agit donc de chansons parodiques et/ou complètement délurées.

Car les comiques et/ou les chanteurs français s'en sont donnés à coeur joie, et il était dommage de ne pas leur rendre un petit hommage.

J'ai découvert l'univers merveilleux des chansons/clips de campagne à travers la chanson de Victoire Passage qui déclare sa flamme à Jean-Luc Mélenchon :


Prends le pouvoir sur moi Jean-Luc Melenchon -...

Puis, j'ai entendu en faisant ma vaisselle un matin (très dangereux de diffuser cette chanson le matin pendant la vaisselle) une superbe chanson dédiée à Philippe Poutou (Poupoupidou) :




Et donc, j'ai décidé de creuser, et là est apparue la vérité.

Sérieusement, vous y croyez vous à cette jeune femme qui déclare sa flamme à Jean-Luc Mélenchon ? Ré-écoutez la chanson une deuxième fois, vous êtes sûr de ne pas trouver certaines paroles un peu niaises et faciles ?
Et oui, bien sûr ! Il s'agissait d'un canular : Le canular c'est par là
Il n'empêche, ça a fait le buzz sur internet et les chaînes de radio.

Bon, et la deuxième chanson ? Vous croyez vraiment que Philippe Poutou allait diffuser lors de ses meetings cette chanson ? Idem, ré-écoutez la chanson, vous ne trouvez pas qu'il y a quelque chose qui cloche ?
Et oui, cette fois-ci il s'agit de musiciens du nord qui se sont regroupés sous le label Olga Records et qui chantent la campagne à leur manière.



















Et pour finir, il n'était pas pensable de passer à côté de Guignols de l'info qui eux aussi ont parodié quelques chansons pour certains candidats :

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Et bien, si avec ça vous ne savez pas pour qui voter dimanche ... je ne serai pas si surprise que cela !

Allez courage, dans un peu plus de deux semaines c'est fini et ça s'écharpera moins pour les législatives (enfin je l'espère).

Exercices de style de Raymond Queneau


L'autobus arrive Un zazou à chapeau monte Un heurt il y a Plus tard devant Saint-Lazare Il est question d'un bouton

Cette brève histoire est racontée quatre-vingt-dix-neuf fois, de quatre-vingt-dix-neuf manières différentes. Mise en images, portée sur la scène des cabarets, elle a connu une fortune extraordinaire. (Gallimard)


Paru en 1947, ce livre raconte 99 fois la même histoire, de 99 façons différentes, et a été écrit par Raymond Queneau.
C'est d'ailleurs l'un des textes précurseurs du mouvement de l'Oulipo que Raymond Queneau co-fondera en 1960.

Ce livre est un remarquable exercice d'écriture, il change des lectures habituelles et permet d'amener une forme de fantaisie dans la littérature.
Il ne lasse jamais, au contraire, il peut même être lu plusieurs fois, le plaisir est toujours intact à chaque fois.
A partir d'une histoire très simple, Raymond Queneau explore les figures de style et laisse parfois de côté le côté esthétique de l'histoire et des mots pour mieux jongler avec des figures de style.
Certains exercices sont difficilement lisibles du fait de la structure choisie par l'auteur, mais comme l'histoire est connue ils restent faciles à comprendre et offrent une nouvelle dimension à la lecture.

"Exercices de style" est un livre intéressant à plusieurs niveaux, tout d'abord d'un point de vue littéraire mais aussi du point de vue de l'écriture, et la lecture de cette oeuvre invite à la création littéraire, particulièrement à partir de contraintes.
Il s'agissait de ma deuxième lecture de cette oeuvre et j'y ai pris autant de plaisir que la première fois, ce plaisir étant sans doute proportionnel au travail fourni par l'auteur pour l'écriture de cet exercice littéraire.

Ce livre a été lu dans le cadre du challenge ABC critiques 2011/2012 - Lettre Q

Une fausse bonne idée ... d'Alain Trimpont


Dans la salle fumeur des bureaux belges de la TED, une compagnie de livraison de courriers internationale, Louis et Alain discutent régulièrement des destinations de ce dernier, qui profite de son temps de loisir pour voyager. Comme il a un accès direct à l’état des transports de presque tous les pays du monde, par sa fonction, Louis est en mesure de renseigner Alain sur les derniers événements se déroulant en Russie, car l’employé compte s’y rendre ce week-end pour une exposition exceptionnelle. Au même moment, à Moscou, Vladimir et Victor apportent les dernières touches nécessaires au bon fonctionnement du coup qu’ils mettent sur pied depuis plus d’un an.
Un roman policier bien ficelé qui propose au lecteur de suivre en parallèle l’évolution de l’enquête et le destin des braqueurs. L’auteur de cette passionnante aventure propose également un voyage touristique bien documenté, et l’on découvre avec plaisir Moscou, Bruxelles et Strasbourg entre autres. Une prose coulée, sans faille, et un brin d’humour apportent une dernière touche de qualité à ce livre complet qu’on lit d’une traite, sans même s’en rendre compte. Une réussite. (Société des Ecrivains)


Ce roman policier d'Alain Trimpont propose de suivre en parallèle l'enquête menée par la police de Moscou aidée d'un employé de la TED, une compagnie de livraison de courriers internationale; et les aventures des cambrioleurs, du vol en passant par la fuite à travers l'Europe, l'écoulement des marchandises volées pour finir par leur arrestation.

Autant le principe et l'histoire de départ étaient intéressants, voire alléchants à partir du résumé, autant j'ai été quelque peu déçue par la suite.
Pourtant, ce roman débutait bien et l'histoire était prenante, notamment avec le vol particulièrement bien monté et préparé des bijoux de l'exposition à Moscou.
Et puis l'histoire finit par s'effilocher, le soufflé retombe assez vite et ce qui était une idée originale finit par tomber dans la banalité, se lit avec un petit plaisir mais sans palpitation ni surprise.

L'un des atouts de ce livre est son intrigue internationale se déroulant à Moscou, à Bruxelles, en France, au Liban, au Maroc.
De plus, l'auteur a également choisi de faire un mini guide touristique avec son récit, présentant au lecteur les principaux monuments, mais surtout les meilleures tables et les plats typiques de chaque pays.
De ce point de vue, l'auteur s'est bien documenté et a réussi à retranscrire le principal de ses recherches.

Le récit s'attachant au devenir des cambrioleurs est sans doute le plus intéressant et le plus constant sur la durée de l'histoire, quoi qu'à mon avis il était superflu de suivre également les péripéties de quelques uns des voleurs, les têtes pensantes du groupe étaient suffisantes pour monter une intrigue et donner un souffle à l'histoire.
C'est également dans ces parties qu'il y a le moins de situations rocambolesques, je les définirai même comme les points forts du livre.
Par contre, j'ai trouvé nettement plus en demi-teinte les parties consacrées à l'enquête, particulièrement celles avec Alain, employé de la TED, en renfort de la police russe.
Cette situation, dans la réalité, n'est pas franchement crédible et puis il y a énormément de situations rocambolesques dues uniquement à la chance, d'ailleurs les voleurs ne doivent leur arrestation qu'à un concours de circonstance au Maroc, ce qui fait dire à Alain que ce choix du Maroc pour se partager le butin : "Pour eux, ce fut sans doute une fausse bonne idée."
Je n'ai pas apprécié ces parties, d'autant plus que les appellations "mon ami" entre le commissaire Valery Leonov et Alain et leur amitié virile si rapidement conclue n'apporte rien à l'histoire et semble trop évidente, trop facile.

D'une façon générale, ce livre est peuplé de personnages exclusivement masculins, à tel point qu'en tant que lectrice je me suis toujours sentie exclue de l'univers, du petit cercle d'amis et je n'ai jamais pu rentrer complètement dans l'histoire.
J'ai aussi trouvé certains dialogues sans relief et surtout à connotation très française.
Ainsi il est trop souvent question de week-end, de jours de congés, ce qui, en soit, fait très "discussion et préoccupation de français", n'apporte franchement rien à l'histoire et dépeint les personnages comme fades et futiles.
Enfin, l'intrigue ne prend jamais réellement son envol et finit même vers la moitié du livre par s'installer dans une forme de routine, si bien que j'ai longtemps cru que les voleurs s'en tireraient à bon compte.
Même l'épilogue avec son rebondissement n'a pas créé de surprise, il aurait peut-être fallu disséminer dans le récit quelques éléments pour faire s'interroger le lecteur, or là, ce n'est pas le cas.
Enfin, sur un plan pratique, plutôt que des notes en fin de récit sur les personnages, j'aurai préféré un appendice reprenant, par exemple, les différentes mafias russes. Il est question à un moment des Vory V Zakone, pour qui ne connaît pas cela le reste tout autant une fois la lecture achevée.
Cet appendice aurait apporté une deuxième touche culturelle à ce récit et aurait été enrichissant.

Ce roman policier d'Alain Trimpont n'est pas une fausse bonne idée, mais une idée mal exploitée avec du potentiel.
Au final, ce fut une lecture moyennement plaisante, où les aspects bancals ont fini par l'emporter sur les meilleurs aspects de l'intrigue.
A noter toutefois une belle couverture qui illustre bien l'intrigue générale développée dans ce livre.

Je remercie le site Les agents littéraires et la maison d'édition Société des écrivains pour l'envoi de ce livre.
Pour information, le blog des Agents littéraires a été créé fin mars 2011 pour aider les livres des éditeurs indépendants ou des auteurs auto-édités à se faire connaître grâce au web.

Le club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia


Michel Marini avait douze ans en 1959. C'était l'époque du rock'n'roll et de la guerre d'Algérie. Lui, il était photographe amateur, lecteur compulsif et joueur de baby-foot au Balto de Denfert-Rochereau. Dans l'arrière-salle du bistrot, il a rencontré Igor, Léonid, Sacha, Imré et les autres. Ces hommes avaient franchi le Rideau de fer pour sauver leur peau. Ils avaient abandonné leurs amours, leur famille, trahi leurs idéaux et tout ce qu'ils étaient. Ils s'étaient retrouvés à Paris dans ce club d'échecs d'arrière-salle que fréquentaient aussi Kessel et Sartre. Et ils étaient liés par un terrible secret que Michel finirait par découvrir. Cette rencontre allait bouleverser définitivement la vie du jeune garçon. Parce qu'ils étaient tous d'incorrigibles optimistes. (Le Livre de Poche)

Il s'agit du premier roman de Jean-Michel Guenassia et à voir le volume du livre et le sujet traité, c'est presque à se demander s'il n'a pas cherché à éblouir et frapper un grand coup en débutant avec une histoire à tiroirs pendant et après la guerre d'Algérie.

Ce livre est découpé par période et l'histoire principale couvre 1959 à 1964.
L'histoire débute en 1980 à l'occasion des funérailles de Jean-Paul Sartre et permet à Michel de replonger dans ses souvenirs et de raconter sa vie d'adolescent dans le début des années 60, sa découverte du Club des Incorrigibles Optimistes et des échecs.

Michel est un adolescent comme un autre, qui vit dans une famille en apparence soudée bien que ses parents viennent de milieux sociaux différents. Il se décrit ainsi à cette époque : "Ce qui m'intéressait dans la vie, c'était le rock'n'roll, la littérature, la photographie et le baby-foot."
Puis, il va changer et grandir, tout d'abord en rencontrant deux filles : Cécile, la petite amie de son frère aîné Franck et soeur de son ami Pierre, avec qui il aura une relation quelque peu ambiguë; et Camille : "Une de ses belles passantes que l'on ne sait pas retenir.", qui sera son premier flirt.
Puis en vivant la guerre d'Algérie au sein de sa famille, avec la désertion de Franck après son engagement, le rapatriement de ses oncle, tante et cousins, la mort de son ami Pierre quelques jours avant la fin des combats; et surtout avec l'éclatement de son noyau familial et la séparation de ses parents.

Il n'est pas possible de reprocher à ce livre des approximations du contexte historique, il est très minutieux dans la reconstitution de l'époque, avec un arrière fond sonore de baby-foot et de discussions animées à la terrasse d'un café.
Le contexte historique est double : la guerre d'Algérie et la fuite du régime soviétique communiste.
Ces deux thèmes sont assez bien traités, ne s'étendent pas trop sur les détails mais rendent assez fidèlement l'ambiance, pour le premier dans le Paris des années 60 mais aussi pour les rapatriés; pour le deuxième dans l'Union Soviétique communiste où les dénonciations sont courantes et les disparitions tout autant.
J'ai presque plus apprécié le deuxième contexte historique que le premier, notamment grâce à la partie se situant à Leningrad en 1952, qui met en place un véritable climat de terreur.
L'histoire se passe également dans le milieu littéraire de l'époque, ainsi le personnage de Michel va croiser Jean-Paul Sartre, Joseph Kessel, tandis que Cécile prépare sa thèse sur Louis Aragon.
Le contexte politique est en toile de fond, et s'il est souvent question de communisme, il n'y a aucune propagande.

Le personnage principal est Michel, tout gravite autour de lui et l'histoire est narrée de ses yeux d'adolescent, ce qui est plutôt un bon parti pris de la part de l'auteur.
J'ai trouvé que les femmes de ce roman étaient toutes plus ou moins mystérieuses et gardaient systématiquement une part de mystère, traversant l'histoire à un moment donné mais sans une présence continue, exception faite de la mère de Michel, comme pour marquer encore plus l'antagonisme homme/femme (il n'y a d'ailleurs aucune femme admise dans le Club).

Néanmoins, je reproche à ce livre une histoire trop "grandiose", qui cherche trop par moment à éblouir le lecteur et qui tourne parfois en rond sans avancer dans l'intrigue.
L'auteur aurait, à mon avis, gagné en fluidité du texte en réduisant certains passages plutôt que de s'étendre sur le passé des membres du club qui, il faut bien le dire, est à peu de chose près, le même pour tous.
Il n'y a aucune ellipse dans l'histoire et cela finit par la transformer en pavé. Il faut attendre les cent dernières pages pour avoir enfin un peu d'action et un nouveau souffle dans l'histoire.
Les différentes parties sont d'ailleurs inégales en longueur.

Sans doute l'auteur a-t-il cherché à éblouir le lecteur avec son premier roman, mais l'ampleur du projet est telle qu'il aurait nécessité un travail d'écriture plus minutieux et plus elliptique pour conserver un rythme et un souffle dans l'écriture.
Ce roman reste tout de même un beau portrait d'adolescent dans le Paris des années 60 avec sa découverte de la vie et d'une certaine philosophie grâce à un club d'échec fréquenté par Jean-Paul Sartre, Joseph Kessel mais surtout créé et animé par d'incorrigibles optimistes.

Ce livre a reçu le Prix Goncourt des Lycéens 2009

mardi 3 avril 2012

La minute culturelle de la Saint Richard

Aujourd’hui, c’est la Saint Richard.

Qui donc peut bien être ce fameux saint ?

Il naquit en Angleterre et fût évêque de Chichester de 1197 à 1253 - à ne pas confondre avec le Cheshire Cat d’ « Alice au pays des merveilles ».


Il se fit remarquer par sa grande condescendance pour les petits et par sa miséricorde pour les pauvres.

Durant 2 ans, de 1197 à 1199, il y eut donc 2 Richard célèbres en Angleterre : le futur Saint Richard et Richard Ier d’Angleterre, plus connu sous le nom de Richard Cœur de Lion (rien à voir avec le camembert, hormis qu’il a été Duc de Normandie).

Aujourd’hui, j’ai décidé de mettre en lumière Richard Cœur de Lion qui est considéré comme un héros et est souvent décrit comme tel dans la littérature.
A savoir qu’il a aussi été un poète et un écrivain célèbre à son époque, notamment pour ses compositions en limousin (un régionaliste avant l’heure !).
Le gisant de Richard est visible à l’Abbaye de Fontevraud.


Lors de la 3ème croisade il est fait prisonnier et son frère Jean (le fameux Sans Terre) tente de s’emparer du trône d’Angleterre.
Le suspens est à sa comble … va-t-il réussir ou non ?

Et bien non ! Puisque pendant la même période, un certain Robin des Bois cherche à préserver les intérêts de son bien aimé roi tout en détroussant les riches pour donner aux pauvres.
Oui, il s’agit bien de ce Robin-là, un brigand au grand coeur rôdant en forêt de Sherwood affublé de collants quelques peu douteux :


Je rappelle d'ailleurs que Disney a brillamment adapté la légende de Robin des bois en le représentant sous la forme d’un animal rusé : le renard.

Le fringant Robin des bois


L’abominable Jean sans Terre


Au rayon des adaptations, vous avez aussi (en vrac) la version avec Kevin Costner en « prince des voleurs » et Russel Crowe qui, de gladiateur est devenu brigand, belle progression du petit Russell dans l’échelle sociale !
L’adaptation littéraire la plus connue est sans nul doute « Ivanhoé » de Walter Scott.

Que de noms en R en cette journée !

(Ne vous inquiétez pas, ça m'arrive de temps en temps d'avoir une minute culturelle au travail que je fais partager à certains collègues, cette fois-ci j'ai décidé de la publier également. Si cela vous intéresse, j'en ai une sur Mac Mahon et son célèbre "Que d'eau, que d'eau" ! accompagnée de la Saint Gontran)

lundi 2 avril 2012

Photo de groupe au bord du fleuve d'Emmanuel Dongala


Ce matin, quand Méréana se réveille, elle sait que la journée qui l'attend ne sera pas comme les autres. Elles sont une quinzaine à casser des blocs de pierre dans une carrière au bord d'un fleuve africain. Elles viennent d'apprendre que la construction d'un aéroport a fait considérablement augmenter le prix du gravier, et elles ont décidé ensemble que le sac qu'elles cèdent aux intermédiaires coûterait désormais plus cher, et que Méréana serait leur porte-parole dans cette négociation. L'enjeu de ce qui devient rapidement une lutte n'est pas seulement l'argent et sa faculté de transformer les rêves en projets - recommencer des études, ouvrir un commerce, prendre soin de sa famille... Malgré des vies marquées par la pauvreté, la guerre, les violences sexuelles et domestiques, l'oppression au travail et dans la famille, les "casseuses de cailloux" découvrent la force collective et retrouvent l'espoir. Cette journée ne sera pas comme les autres, c'est sûr, et les suivantes pourraient bien bouleverser leur existence à toutes, à défaut de changer le monde. Par sa description décapante des rapports de pouvoir dans une Afrique contemporaine dénuée de tout exotisme, Photo de groupe au bord du fleuve s'inscrit dans la plus belle tradition du roman social et humaniste, l'humour en plus. (Actes Sud)

Méréana, comme toutes ses compagnes d'infortune du chantier, a eu son lot de misères dans sa vie.
Sa soeur est morte du sida, puis elle s'est séparée de son mari aujourd'hui ministre car elle avait perdu toute confiance en lui après avoir vu ce qu'il était arrivé à sa soeur, ne doutant pas que la contamination venait du mari de celle-ci, en plus de ses deux garçons elle élève la petite fille de sa soeur et la voilà aujourd'hui réduite à casser des cailloux pour gagner sa vie.
Mais voilà, ce matin-là, elle sait que plus rien ne sera jamais pareil et qu'aujourd'hui ne sera pas une journée ordinaire sur le chantier.

Ensemble, toutes ces femmes vont refuser de continuer à vendre leur sac de cailloux dix mille francs mais vont exiger vingt mille francs, espérant en obtenir quinze mille francs, car elles ne supportent plus de se faire spolier par des hommes qui gagnent de l'argent sur leur dos alors qu'elles arrivent à peine à subvenir à leurs besoins :"Quand ils nous battent au foyer, nous ne disons rien, quand ils nous chassent et prennent tous nos biens à la mort de nos maris, nous ne disons rien, quand ils nous paient moins bien qu'eux-mêmes, nous ne disons rien, quand ils nous violent et qu'en réponse à nos plaintes ils disent que nous l'avons bien cherché, nous ne disons toujours et aujourd'hui ils pensent qu'en prenant de force nos cailloux, encore une fois, nous ne dirons rien. Eh bien non ! Cette fois-ci ils se trompent ! Trop, c'est trop !", d'autant que le chantier de l'aéroport est un formidable argument pour appuyer leur demande : puisqu'ils ont tant besoin de cailloux, ils finiront par céder.
Mais très vite, et comme c'est bien souvent le cas en Afrique, ce conflit mineur dégénère en drame : l'une des ouvrières mère de deux enfants en bas âge est mortellement touchée.
Et c'est tout le système politique qui se mêle à ce conflit : de la ministre de la Femme et des Handicapés, au ministre de l'Intérieur à la femme du Président, car dans le même temps le pays s'apprête à accueillir la réunion des femmes de chef d'Etat de tout le continent africain qui fête son dixième anniversaire.
Au final, ces femmes réussiront à obtenir gain de cause sans toutefois changer le monde de par leur action, mais elles en ressortiront grandies, plus fortes, et avec de l'espoir : "elles savent maintenant que la vie offre d'autres alternatives pour manger, s'habiller et se soigner que de casser la pierre."

Méréana, le personnage principal, est une femme instruite qui n'aurait jamais dû se retrouver à casser des cailloux.
Tous les matins, elles écoute les nouvelles à la radio, et elle s'indigne lorsqu'elle entend que dans un autre pays une jeune fille a été lapidée après avoir été violée : "Deux fois punie, une fois parce que violée et une deuxième fois parce que lapidée. La simple raison ? Elle était née femme ! Au secours, les hommes sont devenus fous. Dieu, ces hommes qui jettent des pierres prétendent le faire en ton nom : si tu ne les arrêtes pas, si tu laisses ce rime ignoble impuni, c'est que toi aussi tu es devenu fou comme eux."
Elle réfléchit aussi beaucoup, particulièrement sur la condition des femmes en Afrique et en mêlant sa propre histoire avec les confessions qu'elle recueille d'autres femmes, elle en arrive à penser que l'Afrique est sans nul doute le pire endroit sur Terre pour une femme : "Ce fut sur ces mots que vous vous séparâtes ce jour-là alors que dans ta tête tu te demandais, en te référant à ce que toi aussi tu avais vécu, s'il y avait pire endroit pour une femme sur cette planète que ce continent qu'on appelle Afrique."
Mais voilà, la vie lui a tracé un tout autre destin que celui d'une épouse aimante au foyer attendant le soir le retour de son mari, et elle va donc se retrouver à partager le quotidien de femmes au vécu différent du sien mais avec comme point commun d'avoir toutes beaucoup souffert dans leur vie.

Le personnage de Méréana est très fort et très attachant, c'est la femme la plus instruite et ce n'est pas innocemment qu'elle est désignée à l'unanimité par les femmes du chantier pour être leur porte-parole.
Avec sa force de caractère et une sagesse qu'elle puisera dans le souvenir de sa soeur, elle finira par s'attirer le respect de tous, à commence par la ministre de la Femme et des Handicapés, et pourquoi pas, trouvera l'amour au bout du chemin.
Mais ce qui est encore plus fort, c'est l'osmose entre toutes ces femmes qui ont eu des vies marquées par la misère, la guerre, les violences sexuelles et domestiques, le poids des traditions et de la famille, l'abandon; et qui finissent par s'unir pour apprendre que toutes ensemble elles sont plus fortes et qu'elles peuvent réussir à obtenir quelque chose dans la vie.
Derrière l'histoire narrée dans ce livre s'esquisse l'espoir, pour toutes ces femmes et plus généralement pour les femmes africaines, et indirectement aussi pour le lecteur.
Comme quoi, même sans instruction et en étant de simples "casseuses de cailloux", on peut finir par concrétiser des projets et se créer une nouvelle vie.
L'autre point fort de ce roman, c'est la description sans concession que fait l'auteur du système politique complètement gangrené dans cette Afrique qui n'a plus rien d'une image de carte postale ou de guide touristique.
Si l'auteur est sans pitié, l'histoire l'est tout autant, et si j'ai été déstabilisée au début par une narration à la deuxième personne du singulier quelque peu hésitante, j'ai vite fini par être happée par l'histoire et à vouloir connaître la suite et le dénouement de cette aventure qui se conjugue quasi exclusivement au féminin.
L'auteur, outre le système politique, y décrit également de façon assez précise le mode de vie et les coutumes, ainsi je retiens l'expression du "deuxième bureau" désignant les maîtresses des hommes mariés.
Après la lecture du livre "Une si longue lettre" de Mariama Bâ, que Méréana évoque d'ailleurs au début du récit, "Photo de groupe au bord du fleuve" apporte une description plus proche de notre époque de la vie domestique en Afrique, mais contient également des passages faisant sourire ainsi que des drames, et j'avoue avoir été particulièrement touchée émotionnellement par le vécu de certaines des femmes du chantier.
Ce roman est de plus assez visuel alors que paradoxalement il ne contient pas beaucoup de description, cela est dû à mon avis au style narratif qui finit par impliquer le lecteur à l'histoire et lui donne l'illusion d'y assister en tant que spectateur.
Le style narratif est à lui seul une forme de mise en scène, mais il est aussi question à plusieurs reprises dans le livre d'une autre forme de mise en scène, par la photographie.
Le titre du livre n'est pas anodin, à plusieurs reprises toutes ces femmes vont se photographier ensemble sur le chantier, pour garder une trace et un souvenir de leur lutte.
D'ailleurs, à la toute fin du livre, Zizina, la fille d'une des femmes du chantier, demandera à Méréana comme souvenir "une photo de groupe au bord du fleuve", ainsi les presque dernières lignes du livre résonnent comme un écho à son titre.

"Photo de groupe au bord du fleuve" est un livre qui m'a beaucoup touchée et qui apporte un éclairage sans concession ni fioriture sur l'Afrique contemporaine.
C'est une illustration parfaite du roman social et humaniste, entremêlant drame et humour dans une histoire qui prend le lecteur aux tripes et au coeur.

dimanche 1 avril 2012

A défaut d'Amérique de Carole Zalberg


A la disparition d'Adèle, l'amour de jeunesse de son père, Suzan, une avocate américaine, revient sur le parcours de cette femme lumineuse et étrangère issue d'une famille qui a fui la Pologne pour se réfugier à Paris au moment du ghetto de Varsovie, et découvre peu à peu en quoi elle reste, à son corps défendant, l'héritière des peurs et des déracinements de tant de générations avant elle. Avec ce roman où les fantômes sont aussi présents que les vivants, Carole Zalberg propose une rencontre inoubliable avec la grande Histoire telle qu'elle s'est incarnée à travers des individus remarquables d'humanité dont les personnages de ce roman sont autant d'exemples. (Actes Sud)

"Alors repos."
Ainsi s'achève "A défaut d'Amérique" de Carole Zalberg, comme un écho à la scène d'ouverture dans un cimetière parisien à l'occasion de l'enterrement d'Adèle, mais également aussi comme un état bien mérité pour tous les personnages qui ont traversé ce roman.

L'histoire est narrée par deux personnages féminins : Suzan, une américaine incapable de vivre et d'aimer et rongée par un terrible secret; et Fleur, une française portant difficilement le passé de sa famille.
A aucun moment ces deux personnages ne se rencontreront, un océan les séparera toujours hormis dans cette scène d'ouverture, où Suzan épie la cérémonie de l'enterrement d'Adèle au cimetière et pourtant ne manifestera pas sa présence : "Elle ne jurerait pas qu'ils sont émus. Pas d'où elle se tient : un refuge d'ombre qui la dissimule aux regards et aux interrogations. A cette distance, on ne perçoit rien du deuil ou d'un soulagement. Le petit groupe amassé autour de la tombe évoque une assemblée de longs volatiles penchés au-dessus d'une trouvaille. Collés les uns aux autres pour faire barrage au vent. Piétinant d'impatience ou de froid."
Car Adèle, Suzan l'a connue, c'est même grâce à elle que son père a retrouvé la trace de cet amour de jeunesse alors qu'il venait libérer la France de la domination allemande en 1944 et qu'Adèle était mariée et venait de perdre son premier enfant, et c'est encore grâce à elle qu'Adèle viendra leur rendre visite aux Etats-Unis.
Et autant le père de Suzan a aimé Adèle, allant jusqu'à lui proposer de l'épouser désormais qu'ils sont libres de toute attache afin de rompre leur veuvage et continuant à l'aimer malgré le refus de celle-ci; autant Suzan n'a jamais réussi à aimer Adèle, tout ou presque en elle l'énervait et l'a presque conduit à s'éloigner de son père, ou du tout moins à ne plus reconnaître l'homme qu'elle connaissait depuis toujours : "Le silence de son père, face à cet étalage de hauts faits et de fierté, avait été aussi violent pour Suzan que s'il avait déchiré sous ses yeux toutes traces de leur passé commun. C'était cela qui avait achevé de l'écoeurer."
Pourtant, c'est l'enterrement d'Adèle qui sera l'élément déclencheur pour chacune de ces femmes et les amènera à se confronter à elles-mêmes : l'une découvrira qui était réellement sa mère tandis que l'autre revivra l'histoire d'Adèle qui a traversé le vingtième siècle en survivante.

A travers des chapitres concis et percutants, Carole Zalberg retrace la grande Histoire mais également l'histoire familiale d'Adèle qui finira par s'entrecroiser avec celle du père de Suzan.
L'auteur a choisi d'alterner les souvenirs de Fleur, la française, avec ceux de Suzan, l'américaine, jusqu'à ce que ces deux femmes prennent conscience de leur passé et finissent par l'accepter pour enfin vivre pleinement leur vie.
Pour Fleur, la révélation viendra en se replongeant dans les photos et l'histoire familiale, à travers le puissant personnage d'Adèle qui traversât toutes les époques et les conflits mondiaux en portant toujours sa famille à bout de bras, sans jamais faillir et en gardant toujours espoir.
Pour Suzan, il lui faudra lire la correspondance envoyée par sa tante qu'elle ne connaît pas afin de découvrir qui était réellement sa mère, quelles étaient ses aspirations, et quelle ne sera pas sa surprise de découvrir que sa mère a beaucoup changé entre ses rêves de jeune fille, son mariage et son enfant.
La révélation du sens qu'elle donnera à sa vie ne lui viendra qu'au cours d'un voyage en Afrique du Sud pour rencontrer cette tante inconnue : "Et elle le sait à la seconde : au bout du compte, elle n'ira nulle part ailleurs que là où elle a grandi et où le monde vient d'exploser.", et à cet instant-là, sa vie pourra enfin commencer.

Il serait réducteur de penser que ce livre tourne autour de Fleur et de Suzan, car à ces deux femmes vient sans cesse se greffer une troisième : Adèle, la battante, la survivante, cette superbe héroïne si forte qui donne tout son sens à ce récit; et plus subtilement une quatrième : Kreindla, la mère d'Adèle, la voix de la sagesse.
Le choix de la couverture du livre, judicieusement choisie et belle à contempler, n'est pas innocent puisque sur cette photo quatre femmes sont perdues au milieu de nul part, un peu comme si elles erraient entre deux mondes, et c'est un parallèle particulièrement intéressant une fois la lecture achevée, puisque cette histoire est peuplée des fantômes des disparus qui vont aider, de là où ils reposent désormais, les vivants égarés dans leur vie.
L'histoire narrée dans ce roman contient également beaucoup de nostalgie mais ne sombre jamais dans l'apitoiement, bien au contraire, le personnage d'Adèle est à lui seul une véritable force de la nature et une machine humaine de vie et d'amour.

"A défaut d'Amérique" est une formidable et émouvante histoire intergénérationnelle prenant place sur trois continents écrite par une femme, reposant sur des femmes qu'il me sera bien difficile d'oublier et qui résonnent encore dans mon esprit bien longtemps après avoir refermé ce livre.
D'humanité, ce livre n'en manque pas, et passer à côté d'un tel bijou littéraire pourrait incontestablement être considéré comme un défaut.

Une si longue lettre de Mariama Bâ


Une si longue lettre est une œuvre majeure, pour ce qu'elle dit de la condition des femmes.
Au cœur de ce roman, la lettre que l'une d'elle, Ramatoulaye, adresse à sa meilleure amie, pendant la réclusion traditionnelle qui suit son veuvage. Elle y évoque leurs souvenirs heureux d'étudiantes impatientes de changer le monde, et cet espoir suscité par les Indépendances. Mais elle rappelle aussi les mariages forcés, l'absence de droits des femmes. Et tandis que sa belle-famille vient prestement reprendre les affaires du défunt, Ramatoulaye évoque alors avec douleur le jour où son mari prit une seconde épouse, plus jeune, ruinant vingt-cinq années de vie commune et d'amour. La Sénégalaise Mariama Bâ est la première romancière africaine à décrire avec une telle lumière la place faite aux femmes dans sa société. (Editions du Rocher / Serpent à plumes)


Pour son premier roman publié en 1979, Mariama Bâ a choisi le récit épistolaire mais sous une forme plutôt audacieuse, puisqu'en fait ce roman est une seule et unique lettre adressée par Ramatoulaye au moment du décès de son mari à son amie Aïssatou .
A travers cette longue lettre, Ramatoulaye va se confier à Aïssatou sur sa situation de veuve, ses relations mauvaises avec sa co-épouse (la deuxième épouse plus jeune de son mari) tout en revenant sur le passé, car des années auparavant, Aïssatou a également connu cette situation, mais autant Ramatoulaye a gardé et tenu son rôle d'épouse jusqu'au bout qu'Aïssatou a elle choisi un chemin différent vers l'émancipation.
Pour Ramatoulaye, il est important de revenir sur le passé, même s'il n'est pas possible de le changer, car il fait partie d'elle : "Si les rêves meurent en traversant les ans et les réalités, je garde intacts mes souvenirs, sel de ma mémoire.", d'autant que dès les premières lignes le lecteur ressent bien l'attachement profond qui la lie à Aïssatou.
Ramatoulaye ne regrette rien, et même si elle s'est rendue compte tardivement de son erreur dans le choix de son mari : "Les paroles de ma mère me revenaient : "Trop beau, trop parfait." Je complétais enfin la pensée de ma mère par la fin du dicton : "Pour être honnête."", elle restera fidèle et intègre jusqu'à la fin à ce mari ayant pourtant déserté le foyer familial après vingt cinq années de vie commune et d'amour.

A travers ce livre, Mariama Bâ offre le formidable récit d'une femme à la fois belle et forte, digne et honnête, et apporte une vision juste sur l'Afrique qui se retrouve d'ailleurs dans ce propos qu'elle fait tenir à son héroïne : "Mais l'Afrique est différente, morcelée. Un même pays change plusieurs fois de visage et de mentalité, du Nord au Sud ou de l'Est à l'Ouest."
De traditions il en est beaucoup question dans ce roman, et c'est à travers des propos justes et sans concession que l'auteur apporte une vision précise de la condition des femmes en Afrique et notamment de la place qui leur est faite dans la société Africaine, du poids des traditions et de la religion.
A travers le personnage de Ramatoulaye et une narration à la première personne du singulier, Mariama Bâ se fait la voix de ces femmes qui se taisent, écrasées par le poids des traditions, de la religion, de la polygamie, de la belle-famille qui cherche à s'approprier le plus de biens possible dans le cas du décès d'un époux.
Cette narration à la première personne du singulier finit par être troublante pour le lecteur, car Mariama Bâ dévoile dans ce récit ses peurs, ses craintes, mais aussi ses espoirs, si bien que la frontière entre la part fiction du récit et vérité voire vécu de l'auteur est franchie, ce qui donne à ce roman une dimension culturelle encore plus grande.
C'est un regard extrêmement lucide qui est porté sur la condition de la femme en Afrique, dans le cas présent plus particulièrement au Sénégal, mais il est à la fois rempli d'espoir en l'amour.
Le personnage de Ramatoulaye est à la fois traditionnel mais également fort, moderne, et ouvert au monde, c'est d'ailleurs pour cela que "Une si longue lettre" va à l'encontre de la vision traditionnelle de la femme africaine plutôt perçue comme un être n'ayant aucun droit et vivant dans un état de servitude, à préparer les repas, s'occuper de son mari et de ses enfants et chamboule ainsi les croyances souvent erronées des lecteurs.
La femme Africaine sait faire face et affronte avec dignité tous les maux qui peuvent frapper son foyer, c'est en tout cas l'un des enseignements que j'ai retenu de ce livre.
Et si pour Louis Aragon "La femme est l'avenir de l'homme", ceci s'applique particulièrement à l'Afrique et illustre remarquablement bien la femme narratrice de ce récit.

"Une si longue lettre" est un livre d'une sensibilité rare qui a su me toucher, m'apporter un regard nouveau sur l'Afrique ainsi qu'une meilleure compréhension de la société Africaine.
Cette correspondance n'est nullement trop longue, elle est juste remarquable.

Avril - In your arms / The one you say goodnight to Kina Grannis

Pour avril, j'ai décidé de mettre à l'honneur la troisième pépite découverte en même temps que "La place du fantôme" de La Grande Sophie et "Born to die" de Lana del Rey.
Il s'agit de Kina Grannis, avec son album "Stairwells".

Je ne connaissais absolument pas, la pochette a attiré mon regard, j'ai commencé à écouter et j'ai bien accroché.

Kina Grannis est une chanteuse-compositrice également guitariste américaine.
"Stairwells" est son quatrième album, produit comme indépendant il est sorti le 23 février 2010.
Il reprend la majeure partie de ses titres originaux ainsi que des nouvelles chansons tel que "In your arms".
Très vite cet album se classe dans le Billboard 200 et est dans le classement des 25 albums les plus vendus sur itumes.com, le tout sans aucune publicité.
Aujourd'hui cet album a dépassé les frontières de l'Amérique et se trouvent chez tout bon disquaire.

Je n'arrivais pas à me décider entre deux chansons, donc j'ai décidé de les garder toutes les deux.

Il s'agit de "In your arms", dont le clip a connu un grand succès, ayant nécessité près de 288 000 jelly beans (sorte de Dragibus) et 2 ans de travail.

Hush now, let's go quiet to the park where it first started
Cold night, us lying in the dark
I felt my heart was trying to find a place for you to stay
A place where I'd feel safe

Anything we have known
Anything we've forgotten
In the rain, in the dark we'll lay
In your arms, in your arms I'll stay

Take my hand, let's go into the trees
Behind the branches, falling on our knees
I remember feeling like this part of us would never change

Anything we have known
Anything we've forgotten
In the rain, in the dark we'll lay
In your arms, in your arms I'll stay

Follow me
We both know the way
It's always been the same

Anything we have known
Anything we've forgotten
In the rain, in the dark we'll lay
In your arms, in your arms I'll stay



La deuxième chanson est "The one you say goodnight to".

I will be the one you say goodnight to.
I will be the one you say goodnight to.

Let me first say that you're so charming.
Don't you think that you could use someone to charm?
I would sit back, I would laugh, I would laugh again.
Ohh.
And maybe you'd like someone to greet you at the door after a long, long day.
I'm here for you, if you let me.

I will be the one you say goodnight to.
I will be the one you say goodnight to.

Funny thing is I'm trying hard and it's unlike me to get so caught up in things.
But I won't quit, I won't quit 'til you smile at me.
Ohh.
And I just cry if you don't stop to say hello.
It hurts the longer this goes.
I'd cry for you, if you let me.

I will be the one you say goodnight to.
I will be the one you say goodnight to.

Oh, oh, oh.
If you let me.
Oh, oh, oh.
If you let me.
Oh, ooh, ooh.
If you let me.
Oh, woah.
Oh, woah.
Oh, woah.

I will be the one you say goodnight to.
I will be the one you say goodnight to.
I will be the one you say goodnight to.
I will be the one you say goodnight to.