jeudi 28 juin 2012

Les Suites Vénitiennes Tome 2 - Rouge Venise d'Eric Warnauts et Guy Raives


"Dans la Venise du milieu du XVIIIe siècle, celle de Casanova, Goldoni et Canaletto une série de meutres qui semblent suivre un certain rituel, pousse Alessandro à mener l'enquête, et à utiliser les incantations magiques de Tshano, sa compagne noire, en se cachant des Inquisiteurs de la Sérénissime." (Casterman)

Ce deuxième tome est dans la continuité du premier et s'illustre par une intrigue relevée sans aucun temps mort.

Comme dans le premier tome, l'histoire s'ouvre sur un plan de Venise sous un ciel sombre et sous la pluie, et là aussi il faut attendre la quatrième page pour avoir un dialogue.
L'ouverture en matière est particulièrement bien menée et amène le lecteur a être d'emblée pris par l'intrigue, d'autant plus qu'il a en principe une forte envie de connaître le dénouement et l'assassin, ce qui était le cas pour moi.

Alessandro mène sa propre enquête et a de sérieux doutes sur son propre père qui lui a pourtant demandé de suivre l'enquête de près.
Il a en effet découvert dans sa bibliothèque des documents et des dessins dont il ne saisit pas encore tout le sens mais qui pourrait être la clé de l'énigme.
Quant à Clara, sa demi-soeur, elle joue un double jeu très étrange : novice dans un couvent le jour et muse d'un peintre fou d'elle la nuit.
L'intrigue s'accélère lorsque les enquêteurs découvrent la demeure de l'artiste littéralement couverte de sang du sol au plafond en passant sur les murs, mais ce qui est encore plus intriguant c'est le fait que "Nous n'avons trouvé personne de vif ou de mort lorsque le concierge nous a ouvert la porte ..."
Le dénouement de l'histoire en plus d'être explosif est particulièrement surprenant et même si j'avais deviné qu'il s'agissait d'une vengeance, j'étais bien loin de la vérité !
Elle a aussi un aspect troublant, ce qui fait d'ailleurs dire à Alessandro : "Je ne comprends plus rien à cette fable ...", et si lui est désemparé le lecteur l'est tout autant, car il n'a qu'une hâte : connaître la suite de ces aventures vénitiennes !

"Rouge Venise" porte bien son nom car de sang il en est beaucoup question dans ce deuxième tome et l'historie de vengeance développée est particulièrement prenante et machiavélique.
Du point de vue de l'histoire c'est un sans faute, il n'y a aucun temps mort, les situations s'enchaînent les unes aux autres et il y a un rythme au récit qui se ressent à la lecture : plus Alessandro avance dans son enquête plus le lecteur se met à tourner les pages fébrilement jusqu'à la découverte du dénouement.
Il en est de même pour les dessins et le choix des couleurs, les auteurs jouant là aussi sur le contraste entre la Venise extérieure, sombre et sous la pluie, et les intérieurs riches peuplés de personnes portant des habits tous plus colorés les uns que les autres.

La bande dessinée "Les Suites Vénitiennes", en plus de développer une intrigue prenante connaissant beaucoup de rebondissements, offre une vision différente de la ville Sérénissime au 18ème siècle.
Une lecture très agréable et fortement addictive qui mérite de laisser sa gondole quelques temps à Venise.

Livre lu dans le cadre du challenge Il Viaggio


Les Suites Vénitiennes Tome 1 - Esquisses d'Eric Warnauts et Guy Raives


"Dans la Venise du milieu du XVIIIe siècle, celle de Casanova, Goldoni et Canaletto une série de meutres qui semblent suivre un certain rituel, pousse Alessandro à mener l'enquête, et à utiliser les incantations magiques de Tshano, sa compagne noire, en se cachant des Inquisiteurs de la Sérénissime." (Casterman)

Dès les premières images, les auteurs ébranlent la vision romantique que chacun a de Venise : ciel sombre, pluie, bras ensanglanté avec une action prenant place majoritairement la nuit.
Loin des clichés et du romantisme de Venise, les auteurs inscrivent leur histoire dans une Venise inhabituelle, noire, dans le cercle fermé de l'aristocratie et des maîtres de Venise, le Conseil des Dix.
Mais voilà que depuis quelques temps, des crimes violents ont lieu sur des femmes, les laissant tailladées et défigurées hormis une partie du corps laissée intouchée, à chaque fois différente et à chaque fois dont le nom est écrit en lettres de sang derrière la victime.
Cette fois-ci, le crime concerne une des personnes influentes de Venise, et c'est à Messer Grande que l'enquête est confiée, secondé d'Alessandro Beltrame, fils illégitime d'un des maîtres de Venise : "Que tu le veuilles ou non, tout le monde sait que mon sang coule dans tes veines. Cela t'ouvre bien des portes; ce dont par ailleurs tu profites à souhait ... Mets tes compétences à mon service. Je te le demande Alessandro ... Ne m'oblige pas à faire pression sur toi ... Tu sais que je le peux ..."

L'ambiance générale est plutôt feutrée et l'action se déroule majoritairement en intérieur.
La reconstitution historique de Venise au 18ème siècle est très fidèle, on sent que des recherches documentaires ont été faites pour placer le cadre de l'histoire et lui donner du réalisme, ainsi qu'au niveau des costumes qui sont vraiment très beaux.
J'ai d'ailleurs beaucoup aimé le contraste adopté par les auteurs : autant Venise et ses rues sont sombres et sous une pluie quasi perpétuelle, autant les habits sont colorés et dans les salons c'est une explosion de couleurs sur les différents personnages.
Et puis il y a aussi un petit clin d'oeil fort sympathique au carnaval, car certains personnages évoluent masqués, c'est d'ailleurs ainsi que le lecteur découvre pour la première fois le personnage masculin principal : derrière un masque, et également une jeune femme novice dans un couvent.
C'est aussi une façon de signifier qu'à Venise à cette époque tout n'était qu'apparence et que la vérité était cachée, que les personnes jouaient un rôle en société qui ne reflétaient pas forcément leurs opinions ni leur caractère réel.
Du point de vue des graphismes, ils sont très réussis et j'apprécie beaucoup ce style de coup de crayon.
Le personnage principal d'Alessandro est plutôt attachant avec son côté dandy, son apparence quasi libertine et la relation étrange qu'il entretient avec Tshano, une femme maîtrisant des rituels magiques voire chamaniques.
Sa situation particulière lui permet d'accéder à tous les salons de Venise, y compris dans les cercles les plus fermés, il joue un double jeu assez intéressant et intrigue le lecteur sur certains aspects autant qu'il l'amuse avec son ironie : "Bien sûr ... Si les victimes font partie de la plèbe, il n'y a pas à s'inquiéter ... La République n'est pas menacée. Tandis que maintenant ..."

Ce premier tome s'intitule "Esquisses" et il ne porte que trop bien son nom.
Effectivement, il est trop rapide à mon goût, avec une fin ouverte.
Il crée une addiction du lecteur qui s'attache facilement à l'intrigue et aux personnages, si bien que je me suis précipitée aussitôt sur le deuxième tome pour connaître la suite.
"Les Suites Vénitiennes" sont une très belle découverte en bande dessinée et méritent d'être connues.

Livre lu dans le cadre du challenge Il Viaggio


mercredi 27 juin 2012

Ce qui est à nous - 1ère époque - La Mano Nera d' Erwan Le Saëc et David Chauvel


Al Capone, Lucky Luciano, Bugsy Siegel... Toutes ces figures historiques du crime organisé sont les protagonistes de cette saga de la mafia américaine, des débuts du XXe siècle à nos jours. Partez à la découverte du New York du siècle dernier, celui du métro aérien et des taudis de Hell's kitchen. (Delcourt G. Productions)

Leurs trois noms ne vous sont pas inconnus, ils ont fait les beaux jours de la pègre et de la mafia américaine : Al Capone, Lucky Luciano, Franck Costello.
Mais avant d'être connus et de s'appeler ainsi, ils ont vécu à New-York et s'appelaient à l'époque : Alphonse Caponi, Salvatore Lucania et Francesco Castiglia, tous trois fils d'immigrés italiens ou siciliens.
Et autant le dire tout de suite, ils filaient déjà mauvais coton à cette époque, traînaient dans la rue et étaient à la tête de leur gang.

L'histoire de "La Mano Nera" se passe en novembre 1909, dans le quartier de Lower East Side, à New-York, et tout son enjeu est la somme de 1 000 dollars en petite coupure.
Racontée par un gamin de la rue, Leonardo Teresi dit Bricks, cette histoire pourrait se résumer comme il le dit à "La Mano Nera joue et perd."
Un gang sévit et rançonne régulièrement les familles d'un quartier, cette fois-ci c'est le tour du chaudronnier Alfredo Morici, il doit livrer 1 000 dollars en petite coupure sous peine de représailles.
Le problème, c'est que Samuzzo est un jeune homme trop curieux, il va tout entendre, le répéter à un ami qui s'empressera d'en informer deux chefs de gang de sa connaissance : Alphonse Caponi et Salvatore Luciana.
Et c'est ainsi qu'une presque banale histoire de rançon finira par une nuit de bagarre, de violence, de sang et verra s'affronter deux gangs pour récupérer l'argent, ainsi qu'un troisième, celui de Francesco Castiglia, présent sur les mêmes lieux pour une toute autre raison.

Basée sur des faits historiques réels (la partie de billard entre Rothstein et Conway, l'échauffourrée entre Caponi et un soldat notamment), l'histoire s'attache à montrer une partie de la jeunesse de trois des plus célèbres mafieux américains, comment ils en sont arrivés là et pourquoi.
Mais c'est aussi l'occasion de montrer le New-York du début du 20ème siècle et la vie dans les quartiers populaires peuplés par des immigrés italiens et siciliens venus chercher le rêve américain et offrir une vie meilleure à leurs enfants : "L'école était la chose la plus sacrée pour nos parents. En Italie et en Sicile, elle était réservée aux gosses de riches, à ceux qui avaient du bien. Pour nos vieux qui n'y avaient pas eu droit, elle représentait l'accès à une vie meilleure, pour lequel ils s'étaient sacrifiés au point de quitter leur pays pour affronter la jungle de New-York. Et ce luxe qui nous était offert, nous lui tournions ostensiblement le dos, en bons petits salopards inconscients que nous étions, comme un affamé qui cracherait dans une assiette remplie de caviar ... pourquoi ? Parce qu'elle n'était pas faite pour nous."
Pour les parents, la vie est difficile : "Entassés dans des immeubles lamentables et bruyants, sans chauffage central, ni eau courante, ni salle de bains, ils travaillaient comme des forçats pour moins de dix dollars par semaine." et pendant le même temps leurs enfants traînent dans les rues, apprenant à truander comme ils le voient quotidiennement faire.

Cette bande dessinée est intéressante sur bien des aspects.
Tout d'abord, l'histoire est très prenante et bien menée, racontée par un oeil extérieur le suspens monte crescendo pour finir en apothéose.
Cette narration par une tierce personne permet de plus en apprendre sur les conditions de vie à cette époque, sur les regroupements par quartier et sur la vie des gangs et surtout d'entraîner immédiatement le lecteur dans l'histoire, en le rendant familier avec les lieux, les personnages et l'action qui va se dérouler.
Du point de vue de l'histoire, il y a beaucoup de faits réels et les notes en fin de bande dessinée sont bienvenues pour faire la part du vrai et la part de fiction.
C'est très bien documenté et cela n'en rend la lecture que plus agréable.
Les dessins sont de très bonne qualité, ce qui est un atout supplémentaire pour cette bande dessinée. Les traits sont agréables à regarder, il y a eu une recherche sur le New-York de cette époque, les tenues et les scènes sont vivantes avec beaucoup de mouvement.
J'en profite également pour signaler que la mise en couleurs de Scarlett Smulkowski est faite de façon intelligente, il n'y a pas de couleurs criardes mais plutôt une harmonisation des couleurs en fonction de l'action et du moment temporel où elle se situe.
En plus, même s'il s'agit d'une série, chaque tome s'attache à un évènement bien précis, il n'est donc pas obligatoire de les lire dans l'ordre.

Je n'ai pas vu le temps passer avec cette lecture, j'ai passé un très bon moment pendant lequel je me suis retrouvée à New-York en 1909, "La Mano Nera" est une réussite sur toute la ligne.
Je ne regrette pas la lecture de ce premier tome, j'ai découvert là une bien belle série prometteuse dont j'ai hâte de lire les autres tomes.

Ce livre a été lu dans le cadre du challenge New-York en littérature 2012


mardi 26 juin 2012

Petits miracles de Will Eisner


Lorsque la bonne fortune coïncide avec la vie quotidienne pour nous réconcilier avec le genre humain... Will Eisner nous livre ces chroniques optimistes, inspirées de son enfance passée dans les quartiers populaires new-yorkais. Toutes les histoires de ce recueil se déroulent dans le quartier de Dropsie Avenue, quartier imaginaire de New York et théâtre des nombreux récits d'Eisner. (Delcourt)

Avec cette bande dessinée, Will Eisner propose de faire vivre au lecteur, à travers quatre histoires, le quotidien de familles dans le quartier imaginaire de Dropsie Avenue.

La première histoire, "Le miracle de la dignité", m'a plutôt fait sourire par son côté quelque peu ironique et par le renversement de situation à la fin.
Parti de rien et clamant qu'il veut retrouver sa dignité, l'oncle Amos réussira à manoeuvrer pour devenir riche tandis que son cousin Irving qui l'avait aidé financièrement s'appauvrit.
La situation s'inverse, mais voilà, il connaîtra un revers de fortune et se retrouvera dans sa situation antérieure, sauf que cette fois-ci chacun dans la famille se gardera bien d'aider l'oncle Amos à repartir de zéro, puisque "C'était, après tout, un homme d'une si grande dignité."
Je ne peux m'empêcher de trouver à cette histoire un petit côté moralisateur, comme quoi l'argent ne fait pas le bonheur et surtout ne peut pas contribuer à lui seul à rendre sa dignité à un homme.

La deuxième histoire, "Magie de rue", commence à devenir un peu plus cruelle, dans le sens où la violence de certains quartiers de New-York commence à se faire sentir.
Très courte, elle n'en est pas moins percutante et j'ai beaucoup aimé son côté optimiste, dans le sens où l'un des personnages prend un risque et finalement s'en sort très bien.
Là aussi, s'il devait y avoir une morale ce serait "Tel est pris qui croyait prendre".

La troisième histoire, "Un nouveau dans le bloc", est la plus longue de toute et sans doute celle qui m'a le plus marquée.
Elle revêt un caractère magique, surnaturel, que les autres histoires n'ont pas, et pendant longtemps j'ai, naïvement, espéré une conclusion heureuse.
Un jeune garçon apparaît mystérieusement dans un bloc de Dropsie Avenue et à partir de ce moment des petits miracles ont lieu.
Il ne parle pas, ne sait ni lire ni écrire, c'est un enfant sauvage sans mémoire sauf qu'il apporte le bonheur à ce bloc.
Mais voilà, les hommes sont cruels, et pour une malheureuse histoire comme quoi cet enfant ne va pas à l'école, il s'enfuira et disparaîtra à jamais : "Le garçon s'était évanoui aussi mystérieusement qu'il était apparu."
Mais ce que j'ai trouvé de plus amer encore, c'est la phrase de conclusion : "Et en fin de compte, on n'entendit plus jamais parler du garçon qui était venu dans le bloc.", c'est sans doute l'histoire la plus sombre, la plus triste et la plus amère de cette bande dessinée.
J'ai beaucoup de mal à y voir les petits miracles qui donnent son titre à l'oeuvre, tant elle décrit la noirceur de l'âme humaine.

La quatrième et dernière histoire, "Une bague de fiançailles spéciale", revêt également un côté moralisateur et, sans être aussi amère que la précédente, a tout de même un caractère sombre qui éclipse quelque peu le miracle lié à la bague de fiançailles.
Deux êtres peu gâtés par la vie vont se retrouver mariés par l'entremise de leur mère respective et vont alors connaître le bonheur, grâce à la bague de fiançailles.
mais voilà, alors que la femme retrouve sa voix, elle sort, abandonne son mari et finit par lui dire : "Je veux divorcer.", "Je ne peux plus vivre comme ça ! Ce n'est pas un bon mariage ! Après tout, il a été ... arrangé !"
C'est alors qu'elle connaîtra un revers de fortune et finira par revenir à de meilleurs sentiments et vers son mari qui l'aime toujours.
De manière plus marquée que dans les précédentes histoires, il y a un côté punitif à cette histoire qui lui donne un aspect triste et déstabilise quelque peu l'idée que l'on se fait du bonheur.

Avec uniquement des dessins en noir et blanc et un coup de crayon sûr, Will Eisner dresse à travers "Petits miracles" quatre histoires de la vie quotidienne dans le quartier imaginaire de New-York de Dropsie Avenue.
Ce quartier imaginaire n'est pourtant pas sans rappeler certains quartiers bien réels de cette ville, et même si la violence n'est pas trop présente, le lecteur arrive à ressentir l'aspect déshumanisé que peut prendre une grande ville comme New-York.
C'est pourquoi l'auteur choisit d'apporter dans le quotidien des habitants de ce quartier des petits miracles qui vont rendre la vie plus belle.
Oui, mais jusqu'à un certain point, car je ne peux m'empêcher de ressentir un goût amer à la fin de cette lecture et je n'y ai pas vu un optimisme permanent mais plutôt furtif.
Visuellement et graphiquement, cette bande dessinée est réussie et permet de se plonger dans le quotidien d'un quartier New-Yorkais.
A lire pour découvrir une part de l'enfance de Will Eisner dans des quartiers populaires et également un autre aspect de la mégalopole qu'est New-York.

Ce livre a été lu dans le cadre du challenge New-York en littérature 2012


Requiem pour une cité de verre de Donna Leon


Un auteur qui mêle habilement intrigue policière, charme vénitien et engagement politique. Venise, un jour de printemps. Le Commissaire Brunetti et son adjoint Vianello sont appelés à la rescousse pour faire libérer Ribetti, un ami de Vianello, qui s’est fait bêtement coffrer lors d’une manifestation des défenseurs de l’environnement. Ribetti est un fervent écologiste mais tout à fait non-violent. D’où la surprise de Brunetti, quand, à la sortie du commissariat, les trois hommes tombent sur Giovanni De Cal, le beau-père de Ribetti, qui l’insulte copieusement… De fait, De Cal est connu pour ses menaces et son agressivité vis-à-vis de son gendre qu’il déteste. De Cal est le propriétaire d’une usine de verre, très polluante, son gendre est écolo, certes… Mais de là à proférer des menaces de mort ? Quelques jours plus tard, le gardien de nuit de l’usine est retrouvé mort au pied d’un haut-fourneau. Accident ou meurtre ? L’homme avait auprès de lui une copie de L’Enfer de Dante… Il collectionnait les petits carnets sur lesquels il inscrivait des notes codées… Et il était obsédé par la pollution des eaux de la lagune, qui, selon lui, avait causé le handicap mental de sa petite fille. Sa croisade l’aurait-elle amené à découvrir des secrets qu’aucun des grands verriers de Murano ne souhaitait voir exposer ? Brunetti s’obstine, malgré les pressions insistantes des hommes politiques de la cité et finira par découvrir la clé de l’énigme… (Calmann-Lévy)

Avec "Requiem pour une cité de verre" je faisais ma première incursion dans l'univers de Donna Leon et son personnage du commissaire Brunetti qui évolue à Venise.

J'ai été surprise par ce livre, non pas parce qu'il est de moindre qualité, mais par l'aspect policier qui diffère quelques peu de ce que j'ai l'habitude de lire pour ce genre littéraire.
Pendant près de la moitié du livre, le commissaire Brunetti mène une enquête alors qu'il n'y a eu encore aucun meurtre, ou tout du moins aucun cadavre de retrouvé.
Autant dire que cela peut être déstabilisant, mais au final ça ne l'est pas, car la plume de Donna Leon est légère et se lit agréablement.
L'un des atouts indéniables de ce livre, c'est le lieu de l'action : Venise et également l'île de Murano, domaine des souffleurs de verre.
L'auteur maîtrise extrêmement bien cette ville, ses monuments, ses principaux lieux, et pour cause, elle y habite depuis plus de vingt ans.
Ce qui fait que Venise est un personnage à part entière de l'histoire, a une importance considérable, et Donna Leon y promène avec sa connaissance son lecteur pour le plus grand bonheur de ce dernier.
N'ayant que des images de Venise en tête et n'étant pas encore allée dans cette ville, j'avoue avoir très bien imaginé le cadre de ce récit.
Les descriptions sont très imagées et très vivantes, c'est un plaisir de lire ce livre, uniquement pour déambuler dans les rues et les canaux de Venise avec le commissaire Brunetti et son adjoint Vianello.

L'autre surprise vient du dénouement, plutôt gonflé de la part de l'auteur et inhabituel dans le genre policier.
Plutôt que de privilégier une fin fermée, c'est au contraire une fin ouverte qui marque le début d'une enquête sérieuse et non orientée vers des manoeuvres politiques, Brunetti concluant ainsi : "Je vais saboter le déjeuner du vice-questeur."
Car le commissaire Brunetti n'est pas un homme tout à fait ordinaire, il a tendance à faire de l'ironie dans ses propos et de mener ses enquêtes comme bon lui semble, n'ayant pas peur de froisser sa hiérarchie : "Auquel cas Brunetti serait bien avisé de se contenter de la satisfaction intime que lui procurait la déconfiture de Patta, et de garder son souffle, comme le conseille Jane Austen dans un de ses romans, pour refroidir son thé."
Le lecteur s'attache très vite à ce personnage et le suit dans ses déambulations dans les rues de Venise et ses préoccupations culinaires.

Plutôt que de mettre en avant l'aspect romantique de Venise, Donna Leon y place ses intrigues policières, rendant cette ville plus mystérieuse que le lecteur n'a tendance à l'imaginer, ce qui est un tour de force assez bien réussi. Avec une intrigue presque reléguée au second plan, "Requiem pour une cité de verre" est un livre attachant et une belle découverte, dont la vedette est sans nul doute la ville de Venise, la sérénissime.

Livre lu dans le cadre du challenge Il Viaggio


jeudi 21 juin 2012

Alack Sinner Mémoires d'un privé de José Muñoz et Carlos Sampayo


Né dans un quartier pauvre de New York, Alack Sinner a quitté les flics à cause de leur propension à effectuer des expéditions punitives, voire des massacres, et est devenu détective privé. Solitaire, lucide et sarcastique, il évolue dans le milieu des industriels véreux et des avocats marrons. Sa bouée de sauvetage : l’amitié dont il a fait une éthique. Voici les circonstances précises de sa démission de la police, ainsi que ses premières enquêtes à son compte. (Casterman)

Ce volume raconte, à travers trois histoires, les raisons de la démission de la police d'Alack Sinner et ses premières enquêtes à son compte.

La première, intitulée "Conversation avec Joe", revient sur les motivations d'Alack Sinner de quitter la police face aux expéditions punitives qu'il ne supportait pas et à l'attitude plus générale des policiers, ses collègues.
"C'est une histoire pas propre.", c'est ainsi qu'Alack Sinner débute son récit à son ami barman, et cette histoire n'est effectivement pas propre, tout comme les deux suivantes.
Il faut entrer dans la bande dessinée et dans l'histoire, car pendant plusieurs planches il n'y a aucun dialogue, juste un décor qui est planté, et les graphismes deviennent rapidement violents.
Le fait que les dessins soient en noir et blanc accentuent également ce côté sombre, violent, voire oppressant.
L'univers d'Alack Sinner est loin d'être le New-York glamour des beaux quartiers, c'est au contraire l'envers du décor : des ruelles sombres, des affrontements entre bandes, et une violence présente partout.
Cette première histoire ne comporte pas d'intrigue mais permet d'enchaîner directement sur la deuxième.

Il s'agit de la première enquête d'Alack Sinner : "L'affaire Webster".
Même si la violence de la police n'est plus présente, l'histoire commençant par la remise en liberté d'Alack Sinner : "Merci, Nick. Par moment, tu as presque l'air humain.", le fond de l'histoire est extrêmement sanglant, avec un double meurtre horrible et dont aucun détail n'est épargné au lecteur.
Là encore, j'ai été frappée par le côté plutôt cru de la part des auteurs, les meurtres sont d'une violence extrême, et la fin l'est tout autant, dans un registre plus psychologique avec un personnage qui sombre définitivement dans la folie.
Je reprocherai une enquête un peu lente au début et qui s'accélère trop à la fin, il n'empêche il y a des rebondissements et la narration d'Alack Sinner que je perçois comme monotone prend en fait le lecteur au jeu : plus il avance dans son récit plus le lecteur a envie de connaître la suite.
Du point de vue graphique, j'ai plus apprécié que la première histoire, les personnages masculins ont des traits moins arrondis donnant une impression de chair flasque, par contre les personnages féminins m'ont déçue lorsqu'ils sont dessinés de profil, je n'ai pas aimé le coup de crayon.
Même si l'intrigue se passe dans une famille riche et donc dans les quartiers chics, le New-York présenté par les auteurs est encore celui des quartiers pauvres, notamment avec les premières images montrant des enfants près de poubelles débordant de déchets.

La troisième enquête, intitulée "Fillmore" est à mon sens la plus réussie, sur tous les plans.
Katty Fillmore, nouvelle cliente d'Alack Sinner, lui demande d'enquêter car elle soupçonne ses parents de séquestrer son grand-mère dans une clinique d'internement : "Je devais la voir le soir même, chez elle ... mais pas de la façon la plus orthodoxe : au cours d'une soirée, en faisant semblant d'être un de ses invités. Je me dis que le bon whisky me faciliterait l'interprétation. Erreur. Je n'ai pas la dégaine d'un ami de Katty. Et pas l'âge non plus."
L'histoire ne connaît aucun temps mort, j'ai même trouvé qu'elle avait un véritable côté "enquêteur privé" que les autres n'avaient pas.
Cela est peut-être lié au fait que le lecteur s'est habitué à Alack Sinner et connaît de mieux en mieux le personnage.
Cette fois-ci je n'ai rien à dire sur les dessins, ils sont réussis et j'ai trouvé qu'Alack Sinner prenait plus corps que dans les précédents, d'autant plus que le personnage de Katty est réussi et ne connaît pas les défauts de la précédente histoire.
Le côté glauque de New-York est moins présent, l'histoire se passe plus dans des lieux glamours, par contre la violence est toujours présente, cette fois-ci à l'encontre d'une personne âgée.
L'histoire se conclue d'une façon intéressante et clôt les mémoires d'Alack Sinner pour cet opus.

Alack Sinner est un personnage en décalé : "Je suis d'une génération qui a du mal à surmonter les choses.", il n'était pas à l'aise dans la police, il l'est un peu moins en étant détective privé, mais il reste toujours en marge du monde, évoluant dans sa sphère, arpentant les rues d'un New-York pauvre, violent, parfois glauque.
Loin du glamour, des strass et des paillettes, José Muñoz et Carlos Sampayo ont créé un personnage ressemblant fort à un anti-héros mais auquel le lecteur finit par s'attacher.
Privilégiant le noir et blanc à la couleur, et n'omettant aucun détail des crimes ou de la violence physique, ils ont choisi de s'attacher à un personnage solitaire, sarcastique et lucide et le font évoluer dans les sphères plus ou moins reluisantes de New-York, le confrontant à des enquêtes dont il est difficile d'arrêter la lecture avant la fin.
A découvrir pour le personnage d'Alack Sinner, l'ambiance et les graphismes des auteurs, et une autre vision de New-York.

Ce livre a été lu dans le cadre du challenge New-York en littérature 2012


mardi 19 juin 2012

La petite pièce hexagonale de Yoko Ogawa


Dans les vestiaires d'une piscine, une jeune femme est soudain attirée par une inconnue. Banale, sans aucun intérêt, cette silhouette effacée et silencieuse vient d'entrer dans sa vie. Banale, sans aucun intérêt, cette silhouette effacée et silencieuse vient d'entrer dans sa vie. Quelques jours plus tard elle la retrouve accompagnée d'une vieille dame, marchant dans la rue et, de nouveau, la jeune femme est fascinée. D'abord discrètement puis beaucoup plus naturellement elle les suit longtemps. Dans une loge de gardien, les deux femmes sont assises sur des chaises, elles semblent attendre leur tour. La plus vieille se lève, entre dans une grande armoire hexagonale : la petite pièce à raconter. (Actes Sud)

Sous couvert d'une histoire simple et somme toute banale, Yoko Ogawa a écrit une métaphore philosophique de la psychanalyse.

L'héroïne est une femme un peu perdue qui n'est pas très heureuse dans sa vie, particulièrement sentimentale, et qui va croiser une femme mystérieuse à l'allure banale à la piscine qu'elle fréquente pour des problèmes de mal de dos et qu'elle va suivre dans la rue.
C'est par cette femme qu'elle découvrira l'existence de la petite pièce dans laquelle celui qui le souhaite peut s'y enfermer le temps nécessaire pour raconter ce qui lui pèse sur le coeur, bien que comme le dit l'un des personnages :"La profondeur du coeur humain est sans limites."
Pourtant, comme le dit l'un des protagonistes :"C'est difficile d'expliquer son utilité, voyez-vous.", elle apparaît dans une ville pendant un certain temps, puis elle disparaît comme elle est venue pour se retrouver ailleurs, elle va là où les personnes ont besoin d'elle.
Mieux que des séances chez un psychanalyste, cette pièce va se révéler un excellent exutoire pour l'héroïne qui finira par y livrer le secret qui lui pèse sur l'esprit et sur la conscience et qui avait déclenché de façon insidieuse don mal de dos.
Ce récit est court mais d'une précision nette, il n'y aucun superflu, l'auteur a su aller droit à l'essentiel.
Le style de Yoko Ogawa est extrêmement plaisant à lire et revêt une forme de caractère envoûtant qui fait qu'une fois ce livre entamé il est impossible de le lâcher et que le lecteur se trouve autant attiré par cette pièce à raconter que l'héroïne.
A travers cette pièce à raconter ambulante, l'auteur livre une belle métaphore philosophique de la psychanalyse, et d'une façon plus générale de la façon dont un secret peut influer sur notre vie quotidienne. Dans le cas de l'héroïne, c'est un mal de dos persistant malgré les soins recommandés par le médecin et les séances à la piscine.
J'ai beaucoup aimé le concept de cette pièce et des deux personnes l'accompagnant. La première, rencontrée à la piscine est tout ce qu'il y a de plus banal, mais elle dégage un charisme, une attirance, qui fait que les personnes ayant besoin de la pièce à raconter le sentent et se mettent à la suivre pour pouvoir y accéder.
Ces deux personnes sont en quelque sorte la personnification du rôle de la pièce à raconter, ils ne sont pas tout à fait psychanalystes mais ils servent de pont entre les personnes mal dans leur peau et la pièce.
Avec la fin, l'auteur a également insufflé une légère dimension fantastique qui n'a pas été pour me déplaire.

"La petite pièce hexagonale" de Yoko Ogawa se lit plus qu'elle ne se raconte.
Il se dégage de ce livre une ambiance envoûtante et la magie de l'écriture de Yoko Ogawa agit comme un puissant addictif à cette auteur.
J'ai non seulement trouvé le concept développé intéressant, mais c'est très bien écrit et j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre, d'autant que tout est suggéré et rien n'est dit clairement, il n'y a pas un côté moralisateur ou bien pensant.
Décidément, je suis conquise par Yoko Ogawa et il me tarde de continuer la découverte de cette auteur.

Arria Marcella de Théophile Gautier


" Elle était brune et pâle ; ses cheveux ondés et crêpelés, noirs comme ceux de la Nuit, se relevaient légèrement vers les tempes à la mode grecque, et dans son visage d'un ton mat brillaient des yeux sombres et doux, chargés d'une indéfinissable expression de tristesse voluptueuse et d'ennui passionné ; sa bouche, dédaigneusement arquée à ses coins, protestait par l'ardeur vivace de sa pourpre enflammée contre la blancheur tranquille du masque ; son col présentait ces belles lignes pures qu'on ne retrouve à présent que dans les statues. Ses bras étaient nus jusqu'à l'épaule, et de la pointe de ses seins orgueilleux, soulevant sa tunique d'un rose mauve, partaient deux plis qu'on aurait pu croire fouillés dans le marbre par Phidias ou Cléomène. En regardant cette tête si calme et si passionnée, si froide et si ardente, si morte et si vivace, il comprit qu'il avait devant lui son premier et son dernier amour, sa coupe d'ivresse suprême. " (Le Livre de Poche)

Publiée pour la première fois en 1852 et sous-titrée "Souvenir de Pompéi", "Arria Marcella" est une nouvelle fantastique dont l'histoire se déroule en Campanie, dans la ville de Pompéi.

Trois amis sont en vacances en Italie et lors d'une visite au musée de Naples, suivie de celle de la citéde Pompéi, Octavien tombe amoureux d'une jeune femme en voyant sa silhouette, particulièrement le galbe de son sein, prisonnière à jamais de la cendre.
Car oui, cette femme est morte depuis très longtemps, elle a péri dans l'éruption du Vésuve de 79 après Jésus Christ.
Après un dîner bien arrosé, Octavien retourne en fraude sur le site pour y passer la nuit, c'est alors qu'il traverse le temps pour se retrouver en 79 après JC, quelques temps avant l'éruption.

Théophile Gautier a choisi d'ancrer sa nouvelle fantastique dans le réel, le vérifiable.
La villa d'Arrius Diomèdes existe bel et bien, par contre elle ne se visite plus (en tout cas pour ma part elle était fermée et non accessible au public, juste visible à travers les grilles de la porte), comme d'ailleurs la majorité des plus belles villas de Pompéi, elle se situe en périphérie de la ville, juste avant la célèbre Villa des Mystères et 18 corps y ont été retrouvés.


La villa entre 1812 et 1834

Mais ce récit est avant tout une nouvelle fantastique, et cela se ressent rien qu'au champ lexical utilisé par l'auteur tout au long du récit et ce dès le début : "Il faisait une de ces heureuses journées si communes à Naples, où par l'éclat du soleil et la transparence de l'air les objets prennent des couleurs qui semblent fabuleuses dans le Nord, et paraissent appartenir plutôt au monde du rêve qu'à celui de la réalité."
Le basculement dans le fantastique se fait à la faveur de la nuit et Octavien se retrouve alors dans une Pompéi entièrement de bout et qui s'anime.
A partir de ce moment, il vit son rêve, se mêle à la population, assiste à une pièce de théâtre, rencontre la fameuse femme dont il est tombé amoureux et suit son esclave pour la rejoindre dans sa villa le plus simplement du monde et sans poser aucune question :"Ma maîtresse vous aime, suivez-moi."
Octavien se laisse complètement porter par les évènements et ne maîtrise plus rien. Pour expliquer cette situation et son retour à la vie, Arria Marcella lui déclare :"Ton désir m'a ramenée à la vie", ponctuée d'autres déclarations au caractère fort romantique : "la croyance fait le dieu, et l'amour fait la femme", ou encore : "Rien ne meurt, tout existe toujours; nulle force ne peut anéantir ce qui fut une fois."
J'ai été frappée par l'obéissance aveugle d'Octavien à cette femme, il est littéralement sous son charme, ne pense plus et se laisse entièrement happée par cette femme d'un autre siècle (et morte, ne l'oublions pas).
Durant une scène de repas entre ces deux personnages, le côté fantastique laisse place à un côté romantique.
Et puis, comme bien souvent dans le genre fantastique, l'auteur se rappelle au souvenir du lecteur en introduisant la peur, car si Octavien semble avoir oublié, le lecteur lui se souvient que cette femme est morte et s'interroge sur les motivations qui la poussent à agir ainsi.
J'ai trouvé qu'il se dégageait du personnage d'Arria Marcella un côté sombre et inquiétant, comme si elle allait brusquement se transformer en serpent et avaler tout cru Octavien.
C'est là que de façon très intelligente Théophile Gautier réintroduit le fantastique, cette fois-ci par le biais du père d'Arria Marcella, et de façon plus crue : "Arria, Arria, dit le personnage austère sur un ton de reproche, le temps de ta vie n'a-t-il pas suffi à tes déportements, et faut-il que tes infâmes amours empiètent sur les siècles qui ne t'appartiennent pas ? Ne peux-tu laisser les vivants dans leurs sphères ? Ta cendre n'est donc pas encore refroidie depuis le jour où tu mourus sans repentir sous la pluie de feu du volcan ? eux mille ans de mort ne t'ont donc pas calmée, et tes bras voraces attirent sur ta poitrine de marbre, vide de coeur, les pauvres insensés enivrés par tes philtres."
C'est dit très clairement, Arria Marcella est morte, lui-même est mort, et ce moment de romantisme revêt alors la forme d'un piège.
Puis c'est le retour à la réalité, soit par le biais d'Arrius Diomèdes et de sa déclaration soit par le biais du son de cloche, cela n'est pas défini clairement mais l'enchantement est brisé.


Théophile Gautier maîtrise de bout en bout le fantastique ce qui donne une nouvelle des plus agréables.
C'est non seulement très bien écrit, mais c'est aussi très maîtrisé et bien défini, que ce soit les paysages, les lieux de l'action ou les personnages avec leurs caractères différents.
J'ai beaucoup apprécié cette maîtrise et j'ai littéralement dévoré cette nouvelle.
En plus, je trouve l'histoire originale et intéressante, tout comme le lieu de l'action.
Revenant d'ailleurs il y a peu de Campanie, et ayant bien entendu été à Pompéi (deux fois plutôt qu'une), j'ai retrouvé lors de cette lecture certaines de mes impressions et de mon ressenti de la ville mais de façon plus générale des paysages de la Campanie et du Golfe de Naples : "Quiconque a vu une fois cette lumière d'or et d'azur en emporte au fond de sa brume une incurable nostalgie.", ce que je ne peux que confirmer.


"Arria Marcella" réunit tous les ingrédients d'une bonne histoire fantastique mêlée d'un soupçon de peur et de romantisme.
Cette nouvelle est extrêmement agréable à lire, pour le style narratif de Théophile Gautier mais aussi pour s'imaginer ou revivre Pompéi, cité ensevelie qui a traversé les siècles et ne cesse, aujourd'hui encore, de fasciner les esprits.

Livre lu dans le cadre du challenge Il Viaggio


mercredi 13 juin 2012

La belle amour humaine de Lyonel Trouillot


Dans un petit village côtier d'une île des Caraïbes, une jeune Occidentale est venue, sur les traces de son père, éclaircir l'énigme aux allures de règlement de comptes qui fonde son roman familial. Au fil de récits qu'elle recueille et qui, chacun à leur manière, posent une question essentielle – "Quel usage faut-il faire de sa présence au monde ?" –, se déploie, de la confrontation au partage, une cartographie de la fraternité nécessaire des vivants face aux appétits féroces de ceux qui tiennent pour acquis que le monde leur appartient. (Actes Sud)

Parce qu'elle a à peine connu son père et qu'elle voudrait en apprendre plus sur lui et aussi pour comprendre son passé familial, Anaïse se rend dans un petit village côtier d'Haïti.
C'est Thomas qui sera son guide pendant son voyage, mais il la met tout de suite en garde "Qu'il est des faits sans importance qui ne valent pas le bavardage, et d'autres dont les causes sont d'une telle profondeur qu'elles échappent à toute analyse, et qu'il convient pour être heureux de les laisser à leur mystère."
Ainsi, sur la mort mystérieuse de son grand-père le même jour que son meilleur ami elle n'apprendra rien et personne ne lui dira quoi que ce soit à ce sujet, parce qu'il y a des choses plus importantes dans la vie que de chercher à éclaircir et comprendre le passé, que cela peut même empêcher de vivre le présent, et puis de toute façon : "Rien, mis à part la cruauté, ne pouvait justifier l'amitié qui lia jusque dans la mort le colonel Pierre André Pierre et l'homme d'affaires Robert Montès."

Ecrit en quasi totalité sous la forme d'un monologue de Thomas à l'adresse d'Anaïse, "La belle amour humaine" est un livre qui touche et qui remue au plus profond du coeur.
Il se dégage de chaque ligne une ambiance bien particulière, j'ai eu l'impression tout au long de ma lecture de me trouver en Haïti, j'ai ressenti les émotions, senti les odeurs, vu les paysages, je faisais le voyage en même temps qu'Anaïse et je me suis laissée bercer par la narration de Thomas.
Ce récit est très humain et prône la fraternité ainsi que la justice.
Anaïse en repartira changée, et je crois aussi que chaque lecteur l'est à la fin de cette lecture.
Parce qu'il y a une question récurrente à ce récit, et qui sera abordée de différentes manières par les différents personnages : quel usage faut-il faire de sa présence au monde ?
Et sans aucun côté moralisateur, l'auteur pose aussi les questions de pourquoi naît-on dans un endroit et pas dans un autre, en l'occurrence au Nord ou au Sud ? Pourquoi naît-on blanc ou noir ? Riche ou pauvre ? Puissant ou non ?
Finalement, c'est le personnage de Thomas qui aide à trouver une forme d'équilibre dans la vie, en apportant des clés pour se forger soi-même les réponses à toutes ces questions.
J'ai également apprécié les deux derniers chapitres, plus courts, écrits pour le premier du point de vue d'Anaïse et pour le deuxième développant la thèse de la belle amour humaine qui donne son titre au livre.

C'est non seulement très bien écrit, mais il y a une ambiance plaisante qui se dégage de ce livre et l'auteur rappelle au lecteur que le bonheur tient à peu de choses et qu'il ne faut pas s'encombrer du passé pour pouvoir vivre le présent.
En voilà une belle leçon sur un concept finalement simple et pas aussi complexe que l'on cherche à le rendre.
"La belle amour humaine" est un formidable moment de lecture, c'est un livre qui prend et avale le lecteur pour le recracher changé, plus humble et plus conscient du bonheur.

mardi 12 juin 2012

Borgia Tome 2 - Le pouvoir et l'inceste de Milo Manara et Alexandro Jodorowski


Rome n'est plus une ville sainte, mais un chaos sans foi ni loi. La mafia Borgia, les premiers parrains de l'histoire, en sont les maîtres. (Vent des Savanes)


Luxure, pouvoir et décadence à Rome continuent avec ce deuxième tome de la saga Borgia.

Rodrigo Borgia officie maintenant en tant que pape, sous le nom d’Alexandre VI, après de sombres machinations et manigances pour accéder au pouvoir.
Mais il ne s’arrête pas là, pour s’assurer de son emprise il va placer ses enfants dans des places stratégiques, et aménager pour sa fille Lucrèce un mariage l’arrangeant dans sa quête du pouvoir et son assise (le Duché de Milan, rien que ça).
Lucrèce en est bien consciente : "Dites-le de façon plus juste maître : le destin de Rome est entre mes cuisses !"
Rien ni personne ne lui résiste : meurtres d'innocents, parjures, mariage arrangé il va même jusqu’à pousser son fils aîné et sa fille à coucher ensemble car : "Ma fille, le premier homme avec lequel couche une femme devient le maître de son coeur et de ses actes. Je ne veux pas que tu donnes les clés de Rome à un étranger. C'est pour cette raison que je souhaite que tu te donnes à ton frère. La loyauté à la famille doit passer par-dessus tout. Nous devons nous protéger entre nous et ne jamais renoncer aux liens qui nous unissent. Dans le cas contraire, nous serons détruits. Si vous êtes de véritables Borgia, déshabillez-vous !"
De la morale il n’en aucune, juste une soif illimitée de pouvoir et de domination.

Profondément immorale, cette histoire l’est sans aucun doute, et c’est avec un bonheur assez évident que les auteurs de cette bande dessinée se sont roulés dans la fange la plus crasseuse pour livrer cette histoire hautement sulfureuse et visuellement enchanteresse.
Au niveau du scénario, Alexandro Jodorowski maîtrise l’histoire d’une main de maître et sait en retranscrire les éléments principaux.
A noter que je lui reproche toutefois la disparition du personnage de la mère de façon inexpliquée et que j’aurai bien aimé savoir ce qu’elle devenait dans cette ascension de son amant.
Au niveau des dessins, il est évident que Milo Manara maîtrise sa plume et sait parfaitement mettre en image et en couleur l’histoire orchestrée par son compère.
Visuellement, cette bande dessinée est un véritable plaisir à lire, d’autant que les lieux (Rome), les décors et les tenues de l’époque sont dessinés avec minutie et précision, ce qui confère au récit un ancrage géographique et historique fort.

Avec ce deuxième tome, cette bande dessinée s’attachant à la famille Borgia revêt une forme hors-norme et inoubliable pour cette fresque dessinée se déclinant en quatre tomes.
C’est bien simple, je n’ai qu’une envie : lire la suite, et qu’une frustration : ne pas avoir à porter de main les deux derniers tomes.


Livre lu dans le cadre du challenge Il Viaggio


La délicatesse de David Foenkinos


Il passait par là, elle l'avait embrassé sans réfléchir. Maintenant, elle se demande si elle a bien fait. C'est l'histoire d'une femme qui va être surprise par un homme. Réellement surprise. (Gallimard)


Ce n’est pas trop par sa délicatesse que brille ce livre, mais plutôt par sa banalité et ses situations prévisibles.
Lu d’une seule traite, cette lecture fluide et facile étant sans doute sa qualité, tout est très prévisible du début à la fin et je ne suis jamais tout à fait rentrée dans le texte, d’ailleurs les notes de bas de page de l’auteur n’y aident pas.
Je suis donc restée extérieure à cette histoire que je qualifierai de mignonne.

Nathalie s’est mariée jeune, s’est retrouvée veuve sans enfant jeune, et s’est donc consacrée à sa carrière.
Et puis un jour, par hasard, elle va embrasser Markus et se retrouver surprise par cet homme.
Mais voilà, pour moi je ne vois nulle part de sentiments amoureux entre ces deux-là, j’ai plus l’impression que Nathalie est tombée amoureuse de la délicatesse de Markus.
Tout est dit dans le résumé, inutile de s’attendre à des rebondissements, il n’y en a pas.
Les relations humaines sont à peine esquissées, il n’y aucune étude des caractères ni de portraits bien brossés des personnages.
Tout sonne creux dans ce roman, et l’auteur a cru bon d’alterner les chapitres de l’histoire avec des chapitres courts donnant des informations complémentaires qui n’ont aucun intérêt.
Le style général est lourd, certaines phrases sont même d’une banalité affligeantes et n’ont aucun sens : "Il voulait se mettre sur son 31. Il aurait même voulu se mettre au moins sur son 47, ou sur son 112.", ce n’est même pas une écriture expérimentale, cela contribue au contraire à maintenir le lecteur en dehors du récit.
Quant à l’histoire, son rythme est aussi plat que l’encéphalogramme du mari décédé de Nathalie et elle ne traite aucunement de la souffrance, du deuil, c’est juste un enchaînement de banalités qui constitue au final un rien, un néant narratif, avec de rares bons passages d’une histoire qui aurait pu être réussie.

"La délicatesse" est, pour moi, un roman qui est resté trop gentil servi par une histoire trop prévisible et par des personnages sonnant creux.
Il y a beaucoup trop de battage médiatique et de marketing autour de ce livre et les 10 prix qu’il a reçus étaient jusqu’alors quasi inconnus de moi (à noter qu’il est juste précisé qu’il les a reçus sans les nommer, et pour cause !).
Ce fut une rencontre ratée avec David Foenkinos et une déception quant à cette lecture où son seul intérêt réside dans sa lecture facile et qui fait passer le temps … pour passer à un autre livre ! 

La guerre de Troie n'aura pas lieu de Jean Giraudoux


«La guerre de Troie n'aura pas lieu», dit Andromaque quand le rideau s'ouvre sur la terrasse du palais de Priam. Pâris n'aime plus Hélène et Hélène a perdu le goût de Pâris, mais Troie ne rendra pas la captive car pour tous les hommes de la ville «il n'y a plus que le pas d'Hélène, la coudée d'Hélène, la portée du regard ou de la voix d'Hélène », et les augures eux-mêmes refusent de la laisser partir. Hector, pour Troie, et Ulysse, pour la Grèce, tentent à tout prix de sauver la paix. Mais la guerre est l'affaire de la Fatalité et non de la volonté des hommes. La guerre de Troie aura lieu. Pièce en deux actes, La guerre de Troie n'aura pas lieu a été représentée pour la première fois le 22 novembre 1935 au Théâtre de l'Athénée, sous la direction de Louis Jouvet. Son succès fut éclatant et immédiat et ne s'est jamais démenti depuis. (Le Livre de poche)


Jouée pour la première fois en 1935, "La guerre de Troie n’aura pas lieu" est une pièce de théâtre bâtie sur le paradoxe et dont le titre même est paradoxal.
Les années 30/40 ont d’ailleurs été propices à la revisitation moderne de pièces de théâtre de l’antiquité grecque par plusieurs auteurs : Jean Giraudoux, Jean Cocteau, pour ce citer qu’eux.

A travers cette pièce de théâtre, Jean Giraudoux dénonce tout d’abord la guerre, ayant lui-même été blessé à deux reprises lors de la Première Guerre Mondiale il est un fervent défenseur de la paix, mais il évoque également la crise de 1929 qui continue à se faire sentir et la montée des extrémismes dans les pays européens, à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale.
Il dénonce la bêtise des hommes, leur entêtement et établit un parallèle très intéressant entre la situation en Europe où tous les pays sentent venir la guerre mais où aucun ne fait rien pour l’arrêter et celle de l’Antiquité avec la guerre de Troie.

La pièce de théâtre est découpée en deux actes et les personnages eux-mêmes sont découpés en deux clans : ceux pour la paix (Andromaque, Hector, Cassandre notamment) et ceux pour la guerre (Pâris, Priam, Démokos entre autres) avec au centre Hélène, qui ne sait pas ce qu’elle veut et se laisse porter au gré des évènements.
Ne souhaitant pas se contenter de traiter d’un sujet tragique, Jean Giraudoux y mêle également le registre de la comédie, n’hésitant pas à mettre certaines scènes modernes et anachroniques (la prise de la photo d’Hélène par exemple).
Pour le côté comique, j’aime énormément les scènes avec les vieillards qui acclament Hélène et louent sa beauté, mais uniquement avec des mots sans "r" puisqu’ils n’ont plus de dents.
C’est non seulement l’un des aspects novateurs de cette pièce, mais c’est aussi l’un des atouts qui fait que je l’apprécie énormément, avec également les jeux de scène que se permet l’auteur, avec le rideau commençant à tomber à la fin pour se relever et laisser voir Hélène et Troïlus s’embrassant derrière les Portes de la Guerre.
En arrière fond, la notion de destin est toujours présente et c’est une bien malheureuse conclusion qu’en tire l’auteur : c’est une force contre laquelle l’homme ne peut agir, et qui résonne comme un écho prémonitoire pour l’embrasement à venir des pays européens dans une guerre qui surpassera en horreur toutes les précédentes.

L’autre atout indéniable de cette pièce de théâtre, c’est le nouvel éclairage qu’apporte Jean Giraudoux sur les personnages.
Ainsi, Hector est un fervent défenseur de la paix, n’hésitant pas à se laisser gifler par un Grec pour éviter la guerre. Il est loin de l’image du guerrier que l’on peut sans faire.
Quant à Ulysse, ses intentions ne sont pas claires.
Les femmes ne sont pas effacées et, au contraire, n’hésitent pas à exprimer leur opinion et à chercher à influencer les décisions des hommes.
C'est ainsi qu'Hécube dira cette phrase très juste : "Ce ne sont pas ceux qui font l'amour ou ceux qui sont la beauté qui ont à les comprendre."
Même les Dieux ne sont pas épargnés, ils sont ridiculisés, l’un demandant qu’Hélène soit rendue aux Grecs sinon il y aura la guerre et l’autre qu’Hélène ne soit pas rendue car sinon il y aura la guerre, le summum étant atteint avec Iris, la messagère des Dieux qui oublie son écharpe en partant.
Quant à la Paix, c’est malade qu’elle apparaît à la fin du premier acte.
Cassandre est sans doute le personnage le plus clairvoyant, au-delà de sa malédiction de s’exprimer par phrases uniquement négatives elle sait bien que les dés sont jetés et que la guerre aura bien lieu.
Elle représente en quelque sorte la conscience de chacun.
Mais le personnage le plus énigmatique est sans nul doute Hélène, à la fois frivole et incertaine, à la limite écervelée, c’est la belle qui ne réfléchit pas par elle-même et obéit aveuglément lorsqu’on lui demande de dire ou de faire quelque chose, qui dit des hommes : "Je ne les déteste pas. C'est agréable de les frotter contre soi comme de grands savons. On en est toute pure ..." et de son amour pour Pâris : "Je suis aussi à l'aise dans cet amour qu'une étoile dans sa constellation.", mais finalement tout cela n’est qu’apparence, elle est avec Cassandre le personnage ayant le plus conscience de l’inéluctabilité de la guerre et a de belles phrases très justes : "L'humanité doit autant à ses vedettes qu'à ses martyrs."

Se clôturant sur le réplique suivante de Cassandre : "Le poète troyen est mort ... La parole est au poète grec.", "La guerre de Troie n’aura pas lieu" est une pièce de théâtre résolument moderne et indémodable, riche d’anachronismes, de mises en scène, d’un mélange savamment dosé entre tragédie et comique, dotée d’une lecture à plusieurs niveaux et j’ai pris beaucoup de plaisir à la relire et à la redécouvrir, cette fois-ci sous un œil moins académique que lors de mon baccalauréat de français.

lundi 11 juin 2012

La maison d'à côté de Lisa Gardner


Un fait divers dans une banlieue résidentielle de Boston passionne les médias. Sandra Jones, jeune maîtresse d’école et mère modèle, a disparu. Seul témoin : sa petite fille de quatre ans. Suspect Nº1 : son mari Jason. Dès que l’inspectrice D.D. Warren pénètre chez les Jones, elle sent que quelque chose cloche : les réticences de Jason à répondre à ses questions, son peu d’empressement à savoir ce qui a bien pu arriver à son épouse "chérie"… Tente-t-il de brouiller les pistes ou cherche-t-il à protéger sa fille, à se cacher ? Mais de qui ? Après avoir lu ce suspense, vous ne regarderez jamais plus une porte déverrouillée, une fenêtre entrouverte ou une page Web de la même façon… Les fans de Sauver sa peau apprécieront cette nouvelle enquête particulièrement surprenante de la non moins surprenante D.D. Warren ! (Albin Michel)


Sandra Jones, une jeune maîtresse d’école et mère modèle disparaît au beau milieu de la nuit de sa maison d’une banlieue résidentielle de Boston.
Seul témoin : sa fille de quatre ans.
Principal suspect : son mari, Jason Jones, qui refuse de répondre aux questions de la police et s’enferme dans une indifférence des plus suspectes.
Et lorsque D.D. Warren, commandant chargé de l’enquête, pénètre dans la maison, elle sent tout de suite que quelque chose ne va pas.
Tout y est trop juste : propre comme il faut, négligé comme il faut.
Et surtout, les fenêtres sont munies de barreaux et les portes de verrous, cette maison est aussi protégée qu’un fort de haute sécurité.

Avec cette histoire à suspense, Lisa Gardner possédait tous les ingrédients pour une recette à succès.
Pourtant, la sauce n’a pas totalement prise.
Est-ce parce que j’ai lu un certain nombre de livres dits de suspense que je ne suis plus surprise par certaines ficelles ?
Je me doutais depuis le début de la fin du livre, de ce qu’il était advenu de Sandra Jones.
D’ailleurs l’auteur ne s’en cachait pas tellement puisqu’elle livrait régulièrement des chapitres en italique écrits du point de vue de Sandra.
Au même titre que j’avais bien envisagé les relations entre Sandra et son père.
Heureusement, j’ai eu quelques surprises tout de même au cours de ma lecture, ce qui a su maintenir un intérêt pour ce livre.
Du point de vue de l’histoire, il n’y a rien à redire.
Lisa Gardner plante un décor et un suspense qui ne se relâchent pas tout au fil de l’histoire.
En utilisant le principe d’une narration à trois voix, elle a donné de la fluidité à son récit et a su garder l’attention du lecteur.
L’utilisation qu’elle a fait d’internet et du monde de l’informatique l’est de façon simple, compréhensible par tous et non rébarbative.
Elle a ancré son histoire dans la thématique des apparences, qui sont souvent trompeuses et peuvent cacher un passé lourd que les personnes cherchent à oublier. C’est un thème intéressant et bien traité à travers ce récit.
L’autre atout de son livre, ce sont ses personnages, plus particulièrement le commandant D.D. Warren.
Elle se révèle très attachante, avec ses frustrations, et surtout plutôt maligne et accrocheuse, ce qui donne du piment à l’histoire, et puis elle est surprenante, ce qui est rafraîchissant.

Hormis quelques ficelles faciles à deviner, je reprocherai à ce livre une mauvaise traduction par moment.
Certains passages sont difficiles à comprendre car écrits en mauvais français, j’en ai donc déduit qu’ils avaient été mal traduits.
Ou alors cela est lié à l’édition (France Loisirs) dans laquelle j’ai lu ce livre, mais j’ai été déroutée par cet aspect.
Je suis toujours étonnée de voir de grosses fautes d’orthographe, ou des phrases maladroites, cela aurait tendance à confirmer que les livres ne sont même pas relus avant impression.

"La maison d’à côté" de Lisa Gardner est un bon livre de suspense, malgré quelques ficelles facilement devinables par les amateurs du genre, avec une intrigue à rebondissements bien menée du début à la fin du livre.
J’ai pris du plaisir à le lire et une fois commencé il est difficile de s’arrêter, d’autant que le style fluide de l’auteur rend la lecture facile.
Avec ce livre je découvrais également Lisa Gardner, je lirai d’autres livres de cette auteur qui maîtrise plutôt bien son sujet et crée des histoires prenantes.


Ce livre a été lu dans le cadre du challenge ABC critiques 2011/2012 - Lettre G


jeudi 7 juin 2012

Polina de Bastien Vivès


Très douée pour la danse, la petite Polina Oulinov est sélectionnée pour suivre les cours de Nikita Bojinski, un maître d’une exigence absolue, à la fois redouté et admiré. Au fil de son enseignement, qu’elle suit des années durant, Polina devenue jeune fille développe avec son mentor une relation complexe, entre antagonisme et soumission – et finit par le quitter pour explorer de nouvelles expériences artistiques, en toute indépendance. (Casterman)


Polina est une petite fille très douée pour la danse, qui va se retrouver à suivre les cours de Bojinski, un grand maître de la danse, puis partira dans une institution qu’elle finira par quitter pour mieux s’épanouir dans des troupes de danse et atteindre le sommet de son art.

Avec cette histoire sur fond de danse, Bastien Vivès nous propose de suivre l’itinéraire de Polina, de l’enfance à l’âge adulte.
Polina n’est pas forcément très jolie, elle est plutôt ingrate petite et osseuse et tout en muscle adulte, mais voilà, quand elle danse il se dégage d’elle un charme et une grâce qui font tout s’éclipser.
Bojinski, quant à lui, est imposant et puissant et il est facile d’imaginer sa voix, son attitude et son ton dans ses paroles : "La souplesse et la grâce ne s'apprennent pas. C'est un don.".
Il sera tout au long de la carrière de Polina son mentor, son point de repère, et leur relation connaîtra une jolie évolution, passant de celle de maître/élève à une avec un respect mutuel.
Il n’y a pas de repère temporel dans le récit, mais il est facile de se repérer du fait de l’évolution graphique du personnage de Polina.
Pour dérouler son histoire, l’auteur a choisi la sobriété, en utilisant exclusivement du noir et blanc, avec des nuances de gris.
Le coup de crayon est sûr et précis, et il y a beaucoup de vie et de mouvement dans les dessins.
C’est un roman graphique très vivant, qui connaît de belles envolées avec les scènes de danse et où il y a sans cesse du mouvement, que ce soit au niveau des personnages où des lieux où ils se trouvent.
Et puis il y a aussi de très belles subtilités à travers le regard de Polina.
Pour elle, Bojinski reste toujours le même jusqu’à ces images vers la fin de l’histoire où Polina ne le regarde plus et où Bastien Vivès le représente tel qu’il est, âgé.
L’auteur a su jouer avec les nuances de noir et de blanc pour raconter l’histoire du point de vue de Polina, en tout cas d’une certaine façon, pour qui le mentor de son enfance reste toujours le même et ne connaît pas les affres du temps.
L’une des choses qui m’a marquée est la solitude quasi permanente de Polina, il n’est question de sa mère qu’en début de roman et c’est seule qu’elle va se construire et finir l’histoire, même lorsqu’elle est en couple il y a une certaine distance, comme si Polina pour mieux se découvrir et s’épanouir était condamnée à rester seule, comme une sorte de malédiction qui frappe les plus grands artistes dans les domaines de l’art.
C’est donc également un œil critique que Bastien Vivès pose sur le monde de la danse, ou du spectacle de façon plus générale.

Je regrette toutefois quelques fautes d’orthographe repérées à la lecture et également quelques petites erreurs dans les faits ou les noms.
C’est dommage, cela vient un peu gâcher la belle réussite de l’ensemble et laisse croire qu’il n’y a eu aucune relecture.

Si Polina est une danseuse émérite et douée, Bastien Vivès l’est tout autant dans une autre forme de l’art : la bande dessinée.
Avec "Polina", Bastien Vivès a atteint une forme de maturité et signe-là, à mon sens et avec ce que j’ai lu de lui, son album le plus abouti à ce jour.

La petite poule rouge vide son coeur de Margaret Atwood


"Le corps féminin type se présente muni des accessoires suivants : un porte-jarretelles, un panty, une crinoline, une camisole, une tournure de jupe, un soutien-gorge, un corsage, une chemise, une ceinture de chasteté, des talons aiguilles, un anneau dans le nez, un voile, des gants de Chevreau, des bas résilles, un fichu, un bandeau, une guêpière, une voilette, un tour de cou, des barrettes, des bracelets, des perles, un face-à-main, un boa, une petite robe noire, une gaine de soutien, un body en Lycra, un peignoir de marque, une chemise de nuit en flanelle, un teddy en dentelle, un lit, une tête. " Sur un ton drôlatique, vingt-sept façons de tordre la réalité, les croyances de chacun, les habitudes de chacune, ou l'art de se dévisser le cou pour se regarder droit dans les yeux. Un régal de mise en pièces de nos mythes, des plus anciens aux actuels, sans compter quelques utiles conseils ou recettes tels que Rendons grâce aux sottes et Fabriquer un homme. (Rocher/Serpent à plumes)


A travers "La petite poule rouge vide son cœur", livre au titre original et hautement intrigant, Margaret Atwood vide son cœur mais nous offre également un recueil de 27 nouvelles absolument géniales, parfois déjantées, tordant la réalité, s’attaquant aux mythes anciens et récents pour finalement permettre à chacun de porter un regard différent sur l’autre et sur soi-même.

Impitoyable, l’auteur l’est sans aucun doute dans son écriture, elle n’épargne rien ni personne et égratigne plus d’une fois, mais elle n’est jamais grinçante et trop cynique car elle utilise pour cela l’humour, une arme hautement efficace en littérature, ainsi que des métaphores.
Ainsi, j’ai pris un extrême plaisir à lire ce livre, j’ai souri plus d’une fois et j’ai été bien souvent surprise, mais dans le bon sens du terme.
J’ai adhéré au style d’écriture de Margaret Atwood, a son côté déjanté qu’elle montre à travers ces nouvelles et certaines chutes sont tout simplement fabuleuses : "Oh ! Oh ! A quoi penses-tu ? Claudius aurait tué ton père ? Eh bien ! ce n'est pas étonnant que tu te sois montré aussi grossier avec lui à table ! Si j'avais su cela, je t'aurais détrompé tout de suite. Parce que ce n'était pas Claudius, mon chéri. C'était moi."
Il faut dire que ces nouvelles sont toutes plus savoureuses les unes que les autres, mais j’ai particulièrement aimé "Rendons grâce aux sottes" qui m’a fait sourire et rire à la lecture et avec cette merveilleuse conclusion en pied de nez : "Ô mon hypocrite lectrice ! Ma semblable ! Ma soeur ! Rendons grâce aux sottes qui nous donnèrent la littérature."

"La petite poule rouge vide son cœur" est une très belle découverte littéraire, qui bouscule le lecteur et les idées reçues et joue avec la réalité pour la déformer, tout cela pour mieux permettre à Margaret Atwood de vider son cœur et d’emmener le lecteur à se poser des questions et à reconsidérer son point de vue sur la société.

Abécédaire de Monique Guetta


"Philosophie et art se rejoignent dans leur quête de liberté et encouragent à oser le refus… Né de l’utopie d’un monde où nous serions tous frères, ce recueil de poésie est un cri d’amour et de révolte, où se mêlent musique des mots et beauté de la nature. Alors il a glissé vers elle sur des rêves glacés L’infini mêlait ses étoiles jumelles à leurs jeux Alors il a glissé vers elle sur les cimes enneigées Aux pays de l’enfance Et dans le miel de leurs lèvres Ils ont tourné Comme deux astres" Dès qu’elle a su lire, Monique Guetta a commencé à écrire des histoires qui l’ont accompagnée durant toute sa vie, d’enfant délaissée, de femme et de mère (un de ses fils est le célèbre DJ David Guetta). Docteur en psychologie, elle a préparé notamment les élèves de l’ENSCI (École nationale supérieure de Création industrielle) à soutenir leur diplôme, grâce à ses travaux en expression corporelle alliée aux expressions écrites et orales. (Persée)


Avec "Abécédaire", Monique Guetta offre un recueil de poèmes déclinant quasiment toutes les 26 lettres de l’alphabet et traitant de l’amour, de la nature, de la liberté, parfois de tous ces thèmes à la fois : 
"J'ai eu un amant qui m'aimait
Comme le vent aime la mer
Comme la pluie coule à la terre
Comme l'éclair zèbre le ciel
Comme la vague couvre le sable
En passant"

La plupart des poèmes sont adressés directement au lecteur et prennent la forme d’une déclaration d’amour : "Dans les lits des bordels
Sous les ponts
Sur les quais
Dans les métros bondés
Dans les cafés de faim
Et dans les promenades
Pieds nus et meurtris
Je t'aime", 
ou d’un cri d’amour adressé à l’Humanité : 
"Je crie à la révolte d'à jamais refuser
La faim le froid la pauvreté
Et je dis aux jurés de ne pas condamner
J'appelle celui que j'aime j'appelle celui que j'aime"

J’ai été frappée par la vie qui se dégage de ces poèmes, chacun en traite un aspect et même si l’amour est dominant il n’y a jamais de redite.
La nature est également omniprésente, ce qui contribue à rendre les poèmes très visuels, d’autant que certains ont été illustrés par l’auteur.
Concernant ces illustrations, je regrette un peu qu’elles soient uniquement en noir et blanc, j’aurai bien vu pour certaines de la couleur comme pour l’illustration sur la couverture de ce recueil.
Cette couverture est d’ailleurs très réussie, elle attire le regard et s’accorde à merveille avec le titre et le contenu de l’ouvrage.
Dans une autre dimension illustrative, j’ai beaucoup aimé certaines images utilisées par l’auteur, tout comme les jeux de mots qu’elle s’est parfois permis et qui nécessitent une lecture pour en saisir toute la subtilité : "Demain de boue nous serons revêtus"

Il se dégage aussi une certaine musique des mots choisis par l’auteur, cela crée une dynamique dans la lecture et lui donne un rythme.
Néanmoins pour moi cette partition n’est pas parfaite du fait de l’absence totale de ponctuation dans tout le recueil.
Peut-être est-ce un choix délibéré de la part de l’auteur, mais même la plus belle symphonie ou le plus grand concerto se ménage des instants de respiration pour reprendre son souffle.
Là le rythme n’est cassé à aucun moment et c’est dommage, d’autant plus lorsque l’on passe ces poèmes en récitation orale.

"Abécédaire" de Monique Guetta est un recueil de poèmes où l’art se mêle à l’amour, à la nature, pour tendre vers la liberté.
Une belle découverte et aventure littéraire, qui se lit très vite et permet de s’évader dans un monde rêvé quasi idéal où tout le monde serait frère.


Je remercie le site Les agents littéraires et Les éditions Persée pour l'envoi de ce livre.
Pour information, le blog des Agents littéraires a été créé fin mars 2011 pour aider les livres des éditeurs indépendants ou des auteurs auto-édités à se faire connaître grâce au web.

Blade Runner de Philip Kindred Dick


L'androïde Nexus 6 n'est pas un simple robot. Son intelligence est bien supérieure à celle de certains êtres humains. Et parce qu'ils ne supportaient plus l'âpreté de la vie sur Mars, huit d'entre eux ont assassiné leurs gardiens avant de s'enfuir sur Terre. La brigade spéciale des blade runners a mis Rick Deckard, son meilleur chasseur d'androïdes, sur l'affaire. Les renégats seront difficiles à coincer, même avec le test standard... Mais la paie proposée devrait lui permettre de concrétiser son rêve : remplacer son simulacre électrique de mouton par un vrai ! Cependant, quand surgit face à lui la belle Rachel, toutes ses certitudes sont remises en cause... (J'ai Lu)

Originellement appelé "Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?" le livre a été rebaptisé "Blade runner suite à la sortie du film de Ridley Scott.
Certes, ce titre était certainement moins accrocheur, mais il avait le mérite de refléter le contenu du livre et surtout les questions philosophiques sous-jacentes tout au long du récit.

Avec ce livre, Philip K. Dick offre un formidable roman de science-fiction qui pourrait apparaître comme démodé mais qui finalement ne l'est pas et recèle au contraire des richesses, avec une philosophie et de vrais questionnements derrière l'histoire, notamment à travers les personnages des androïdes.
Dès le début se met en place une ambiance oppressante, avec la quête perpétuelle de posséder un véritable animal domestique et non un robot, puisque cela est symbole de richesse et d'ascension sociale.
Rick Deckard n'y échappe pas, il cache que son mouton est un robot et veut à tout prix posséder un animal, c'est même l'une de ses motivations pour rechercher et éliminer les androïdes venus sur Terre.
Finalement, le lecteur sait peu de choses sur les humains partis dans les colonies de l'espace, il n'y a que trois catégories de personnages : ceux dits sains car non contaminés, les spéciaux et les androïdes, et l'un des aspects dominants est la distinction qui est faite entre ces trois catégories.
Cela n'est pas sans rappeler la quête de l'Homme parfait, du monde idéal, où ceux sortant du rang doivent être éliminés.
D'ailleurs, peut-être que les colonies représentent le monde idéal.

Comme dans d'autres récits de science-fiction, la religion est également très présente et a une forte influence sur les personnages lorsqu'ils y croient ou alors aucune lorsqu'ils la rejettent. Il n'y a pas de demi mesure, soit on croit soit on ne croit pas.
La religion est ainsi un point de repère pour certains, tandis que d'autres s'en affranchissent, ce qui est le cas de Rick Deckard avant un retournement en fin d'histoire. Il sait que ce qu'il fait est mal, mais il doit le faire : "Mercer a dit que c'était mal, mais je devais le faire quand même."
Car la religion développée par Philip K. Dick est le mercerisme qui via des boîtes à empathie permet la fusion de chacun avec Wilbur Mercer, un homme capable d'inverser le temps.
Que ce soit la quête d'avoir un véritable animal ou celle de la religion, de la recherche de la fusion via la boîte à empathie, ce n'est au fond qu'une quête perpétuelle de la non solitude où chacun essaie de ne pas être seul. Paradoxalement, les humains dits normaux ne se tournent pas vers les androïdes, et cette quête apparaît comme désespérée, et si au fond tout cela n'était que le reflet d'une Humanité qui se meurt ?

L'histoire est rythmée et ne s'essouffle jamais, d'autant qu'il y a des scènes très fortes et hautement symboliques.
Deux scènes m'ont particulièrement marquées : lorsque Rick Deckard fait passer le test Voight-Kampff à Rachel, et lorsque Rick Deckard se fait dénoncer par une androïde à la police et que celle-ci lui met alors un doute dans la tête, prétendant n'avoir jamais entendu parler de lui ni de son supérieur, lui affirmant même que le quartier général des Blade runners n'est pas à l'adresse qu'il indique mais à une autre.
Pendant toute cette partie, l'auteur a réussi à semer le doute dans ma tête, et je me suis demandée si Rick Deckard n'était pas en fait lui-même un androïde, un de ces Nexus 6 si performants.
C'est pour moi l'un des moments les plus forts du récit, d'ailleurs cette interrogation est également sous-jacente dans la version cinématographique.
J'ai également trouvé un côté misogyne à ce récit car les femmes n'ont pas le beau rôle.
Elles sont présentées comme pénibles (la femme de Rick Deckard), pour les humaines, et manipulatrices (Rachel, Priss Stratton, Irmgard Baty), pour les androïdes.
Elles ne sont pas franchement dotées de qualité et sont même plutôt dépeintes sous un mauvais jour, d'autant que Rachel est une séductrice, qu'elle le sait, et qu'elle joue de son charme sur les Blade runners pour les court-circuiter et les rendre inaptes à leur fonction.

"Blade runner" est l'un de ces livres incontournables, un des piliers de la science-fiction, et j'ai pris beaucoup de plaisir à le lire.
Il soulève de vraies questions et propose une dimension philosophique au récit, ce qui le rend riche et extrêmement plaisant à lire.
Je pense même qu'il faut en faire plusieurs lectures pour saisir toutes les subtilités développées par l'auteur.
Un très bon moment de lecture et d'évasion dans un monde futuriste quelque peu angoissant, oppressant mais intrigant et attachant.

Ce livre a été lu dans le cadre du challenge ABC critiques 2011/2012 - Lettre D


mercredi 6 juin 2012

Juin - Everyday is a winding road de Sheryl Crow

Pour le mois de juin, ça sera Sheryl Crow avec "Everyday is a winding road", so enjoy the show ! 

I hitched a ride with a vending machine repair man 
He says he's been down this road more than twice 
He was high on intellectualism 
I've never been there but the brochure looks nice 
Jump in, let's go Lay back, enjoy the show 
Everybody gets high, everybody gets low, 
These are the days when anything goes 

(Refrain) 
Everyday is a winding road 
I get a little bit closer 
Everyday is a faded sign 
I get a little bit closer to feeling fine 

He's got a daughter he calls Easter 
She was born on a Tuesday night 
I'm just wondering why I feel so all alone 
Why I'm a stranger in my own life 
Jump in, let's go 
Lay back, enjoy the show 
Everybody gets high, everybody gets low 
These are the days when anything goes 

(Refrain) 

I've been swimming in a sea of anarchy 
I've been living on coffee and nicotine 
I've been wondering if all the things I've seen 
Were ever real, were ever really happening 

(Refrain)