jeudi 21 juin 2012

Alack Sinner Mémoires d'un privé de José Muñoz et Carlos Sampayo


Né dans un quartier pauvre de New York, Alack Sinner a quitté les flics à cause de leur propension à effectuer des expéditions punitives, voire des massacres, et est devenu détective privé. Solitaire, lucide et sarcastique, il évolue dans le milieu des industriels véreux et des avocats marrons. Sa bouée de sauvetage : l’amitié dont il a fait une éthique. Voici les circonstances précises de sa démission de la police, ainsi que ses premières enquêtes à son compte. (Casterman)

Ce volume raconte, à travers trois histoires, les raisons de la démission de la police d'Alack Sinner et ses premières enquêtes à son compte.

La première, intitulée "Conversation avec Joe", revient sur les motivations d'Alack Sinner de quitter la police face aux expéditions punitives qu'il ne supportait pas et à l'attitude plus générale des policiers, ses collègues.
"C'est une histoire pas propre.", c'est ainsi qu'Alack Sinner débute son récit à son ami barman, et cette histoire n'est effectivement pas propre, tout comme les deux suivantes.
Il faut entrer dans la bande dessinée et dans l'histoire, car pendant plusieurs planches il n'y a aucun dialogue, juste un décor qui est planté, et les graphismes deviennent rapidement violents.
Le fait que les dessins soient en noir et blanc accentuent également ce côté sombre, violent, voire oppressant.
L'univers d'Alack Sinner est loin d'être le New-York glamour des beaux quartiers, c'est au contraire l'envers du décor : des ruelles sombres, des affrontements entre bandes, et une violence présente partout.
Cette première histoire ne comporte pas d'intrigue mais permet d'enchaîner directement sur la deuxième.

Il s'agit de la première enquête d'Alack Sinner : "L'affaire Webster".
Même si la violence de la police n'est plus présente, l'histoire commençant par la remise en liberté d'Alack Sinner : "Merci, Nick. Par moment, tu as presque l'air humain.", le fond de l'histoire est extrêmement sanglant, avec un double meurtre horrible et dont aucun détail n'est épargné au lecteur.
Là encore, j'ai été frappée par le côté plutôt cru de la part des auteurs, les meurtres sont d'une violence extrême, et la fin l'est tout autant, dans un registre plus psychologique avec un personnage qui sombre définitivement dans la folie.
Je reprocherai une enquête un peu lente au début et qui s'accélère trop à la fin, il n'empêche il y a des rebondissements et la narration d'Alack Sinner que je perçois comme monotone prend en fait le lecteur au jeu : plus il avance dans son récit plus le lecteur a envie de connaître la suite.
Du point de vue graphique, j'ai plus apprécié que la première histoire, les personnages masculins ont des traits moins arrondis donnant une impression de chair flasque, par contre les personnages féminins m'ont déçue lorsqu'ils sont dessinés de profil, je n'ai pas aimé le coup de crayon.
Même si l'intrigue se passe dans une famille riche et donc dans les quartiers chics, le New-York présenté par les auteurs est encore celui des quartiers pauvres, notamment avec les premières images montrant des enfants près de poubelles débordant de déchets.

La troisième enquête, intitulée "Fillmore" est à mon sens la plus réussie, sur tous les plans.
Katty Fillmore, nouvelle cliente d'Alack Sinner, lui demande d'enquêter car elle soupçonne ses parents de séquestrer son grand-mère dans une clinique d'internement : "Je devais la voir le soir même, chez elle ... mais pas de la façon la plus orthodoxe : au cours d'une soirée, en faisant semblant d'être un de ses invités. Je me dis que le bon whisky me faciliterait l'interprétation. Erreur. Je n'ai pas la dégaine d'un ami de Katty. Et pas l'âge non plus."
L'histoire ne connaît aucun temps mort, j'ai même trouvé qu'elle avait un véritable côté "enquêteur privé" que les autres n'avaient pas.
Cela est peut-être lié au fait que le lecteur s'est habitué à Alack Sinner et connaît de mieux en mieux le personnage.
Cette fois-ci je n'ai rien à dire sur les dessins, ils sont réussis et j'ai trouvé qu'Alack Sinner prenait plus corps que dans les précédents, d'autant plus que le personnage de Katty est réussi et ne connaît pas les défauts de la précédente histoire.
Le côté glauque de New-York est moins présent, l'histoire se passe plus dans des lieux glamours, par contre la violence est toujours présente, cette fois-ci à l'encontre d'une personne âgée.
L'histoire se conclue d'une façon intéressante et clôt les mémoires d'Alack Sinner pour cet opus.

Alack Sinner est un personnage en décalé : "Je suis d'une génération qui a du mal à surmonter les choses.", il n'était pas à l'aise dans la police, il l'est un peu moins en étant détective privé, mais il reste toujours en marge du monde, évoluant dans sa sphère, arpentant les rues d'un New-York pauvre, violent, parfois glauque.
Loin du glamour, des strass et des paillettes, José Muñoz et Carlos Sampayo ont créé un personnage ressemblant fort à un anti-héros mais auquel le lecteur finit par s'attacher.
Privilégiant le noir et blanc à la couleur, et n'omettant aucun détail des crimes ou de la violence physique, ils ont choisi de s'attacher à un personnage solitaire, sarcastique et lucide et le font évoluer dans les sphères plus ou moins reluisantes de New-York, le confrontant à des enquêtes dont il est difficile d'arrêter la lecture avant la fin.
A découvrir pour le personnage d'Alack Sinner, l'ambiance et les graphismes des auteurs, et une autre vision de New-York.

Ce livre a été lu dans le cadre du challenge New-York en littérature 2012


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