dimanche 30 septembre 2012

Le glacis de Monique Rivet


« Le Glacis, au nord de la ville, c’était une grande avenue plantée d’acacias qui séparait la ville européenne de la ville indigène. Une frontière non officielle, franchie par qui voulait et gravée pourtant dans les esprits de tous comme une limite incontestable, naturelle, pour ainsi dire, à l’instar d’une rivière ou d’une orée de forêt. Le temps où j’ai habité la ville était le temps de cette violence. Le temps de ce que le langage officiel déguisait d’un intitulé pudique : les “événements”, quand l’homme de la rue disait : la guerre. La guerre d’Algérie. Ce pays, je ne lui appartenais pas, je m’y trouvais par hasard. J’y étais de guingois avec tout, choses et gens, frappée d’une frilosité à fleur de peau, incapable d’adhérer à aucun des mouvements qui s’y affrontaient. Cette guerre, je ne la reconnaissais pas, elle n’était pas la mienne. Je la repoussais de toutes mes forces. Si j’avais eu à la faire... – s’il avait fallu que je la fasse, aurais-je pu la faire aux côtés des miens ? Je l’ai oubliée. Je ne suis pas la seule : nous l’avons tous oubliée, ceux qui n’ont pas eu le choix et ceux qui ont refusé de choisir ; ceux qui n’ont pas voulu s’en mêler et ceux qui s’y sont perdus. » Laure a 22 ans lorsque, à la fin des années 1950, elle est nommée professeur de lettres classiques dans un lycée d’une petite ville de l’Oranais. Elle regarde ce monde dont elle ne possède aucun des codes. (A.M. Métailié)

"Ce qu'on appelait glacis, c'était une large avenue coupée d'un terre-plein et bordée, côté indigène, d'une rangée de boutiques arabes.".
Le glacis, c'est un quartier de la ville d'El-Djond dans laquelle Laure, vingt-cinq ans, vient y occuper un poste de professeur de lettres dans un lycée.
El-Djond, ville au nom fictif, est située en Algérie, et c'est au cours des années 50 que Laure y arrive, en pleine guerre qui ne veut pas encore dire son nom mais dont l'horreur est déjà bien installée de le quotidien de tous les habitants.
Laure est jeune, naïve, elle ne réfléchit ni à ce qu'elle dit ni à ses fréquentations, elle ne comprend pas vraiment ce qui se passe : "Le mur de verre qui nous séparait de leur quartier m'était d'autant plus invisible que tous les jours des individus le franchissaient pour venir travailler dans la ville européenne et qu'aucune loi ne nous interdisait à nous de le traverser, en sens inverse, si nous avions quelque chose à faire dans le "village nègre" - mais il était suspect d'avoir quelque chose à y faire ...", et elle mesure encore moins la portée de ses paroles et de ses actes, ni des conséquences qu'ils pourraient avoir.
Je nuance en précisant que Laure n'est pas inconsciente, son père est mort en déportation à Dachau et cela l'a profondément marquée, mais ce sont ses côtés légers et naïfs du fait de son âge qui l'empêchent de se rendre compte de la situation et ce n'est qu'au fur et à mesure des évènements qu'elle ouvrira les yeux et prendra conscience de bon nombre de choses.
Elle finira par se demander comment sera perçu son absence d'engagement par ses élèves : "Je pensais aussi : elles m'en voudront un jour ou l'autre de ne pas avoir pris le parti des leurs. De n'avoir pris parti pour rien, de ne m'être intégrée à rien, d'être restée dans mon splendide isolement.", quelle est la raison de sa présence et si l'exercice de son métier a encore une raison d'être : "Il me semblait que ma vie se terminait là, que quelque chose s'était cassé, j'avais tout raté, mon métier n'avait pas de sens, car à quoi bon mettre de la littérature ou de la grammaire dans la tête des gens si c'est pour qu'on les retourne du pied sur une voie de chemin de fer, un trou dans la poitrine ?".
Mais sa légèreté et sa naïveté seront définitivement anéanties avec son arrestation, sa journée passée en prison, l'interrogatoire qu'elle subira et la confiscation de ses papiers jusqu'à son expulsion d'Algérie : "Je suis prisonnière de ce pays qui n'est pas le mien, de cette ville sans âme, de cette guerre sans nom, où les employés des postes ont des manières de policiers, où on ne sait pas si on couchera dans son lit le soir ni, à supposer que l'on y couche, si l'on y sera pas égorgé par un émissaire dont personne ne saura jamais quelle cause il a prétendu servir en vous assassinant.".

Ecrit par Monique Rivet au même âge que celui du personnage de Laure, ce livre a dormi dans un tiroir pendant toutes ces années, ce qui est fort regrettable car il livre une vision sans concession de la Guerre d'Algérie.
Parce qu'à l'époque il n'était pas bien vu de parler de cette guerre, parce qu'il ne fallait surtout pas dire ce qui se passait en Algérie, parce qu'il fallait essayer à tout pris de conserver cette colonie française, parce que nous, français, n'avions pas encore compris que c'était inexorable et inévitable que l'Algérie devienne un pays indépendant.
Sans doute pour toutes ces raisons et pour bien d'autres encore, ce livre n'avait jamais été publié jusqu'à présent.
"Le glacis", c'est le récit initiatique de Laure, une jeune femme qui va beaucoup apprendre sur les autres et sur elle, et qui va évoluer et mûrir au cours de ce récit.
C'est aussi la rencontre et le télescopage de personnes aussi différentes les unes des autres.
Il y a de nombreux personnages dans ce roman, le principal étant Laure, ils apportent tous quelque chose au récit et ont un rôle à y jouer.
Et même si Monique Rivet a écrit ce livre très jeune, elle arrive à analyser avec finesse et justesse les relations difficiles et contradictoires entre les différents personnages : l'univers des français vivant en Algérie d'un côté, celui des algériens se battant pour obtenir leur indépendance de l'autre, et au milieu, quelques personnes qui essayent d'échanger, de se mélanger, de former un tout uni.
Ecrit dans un ton en majorité léger, à l'image de Laure, ce récit arrive à faire la part entre une narration à la première personne par Laure et une narration à la troisième personne pour tout ce qui concerne les évènements dramatiques, comme si ces derniers étaient vécus par un oeil extérieur, démontrant ainsi le recul pris par Laure sur le drame qui se déroule sous ses yeux.
Monique Rivet évoque avec pudeur et sans concession aucune les exactions commises par l'armée française en Algérie, elle arrive à dépeindre la cruauté de cette guerre et à faire circuler des émotions et un ressenti entre son récit et le lecteur.

"Le glacis" est un beau livre ayant valeur de témoignage, écrit avec beaucoup de pudeur et tout en retenu par une jeune femme dans les années 50, et qui lève une partie du voile sur la Guerre d'Algérie à travers le personnage de Laure en évoquant avec sincérité et réalisme les évènements qui s'y sont déroulés.

Livre lu dans le cadre du Prix Océans


Sauvage de Nina Bouraoui


« À la fin des années 1970, Sami, un jeune garçon, disparaît au centre de la campagne algéroise. Pour ne jamais l’oublier, Alya, son amie d’enfance, écrit chaque jour son histoire, leur histoire, réinventant le passé, fixant le présent, temps de l’attente et de l’imagination. Il m’est difficile de savoir la personne que je suis mais il m’est facile de savoir pourquoi j’écris. C’est arrivé en 1979. Dans les nuits algériennes où mes rêves n’étaient plus des rêves d’enfant. C’est arrivé dans l’attente d’un amour qui ne reviendrait pas. C’est arrivé dans l’espoir de devenir une personne qui trouverait sa place dans le monde. C’est arrivé tous les soirs, quand je regardais le soleil tomber derrière les plaines de la Mitidja. Chaque fois je me disais qu’il emportait une part de moi-même. Tout tourne, tout s’efface et tout recommence et je ne sais pas si l’on retrouve un jour ce que l’on a perdu. Sauvage est le récit de cette année-là. » (Stock)

Alya vit à Alger, dans un ensemble d'immeubles, avec ses parents et sa soeur : "J'étais bien à Alger. J'avais une vie particulière. Une vie dans les jardins et les forêts. Une vie que nous inventions, tous les jours, ma soeur et moi.", elle cherche l'attention et l'affection des gens : "Je voulais devenir la personne au centre de la scène.", et l'évènement à venir, c'est le passage en 1980, année de nombreux fantasmes.
Mais auparavant, l'évènement marquant de la vie d'Alya, c'est la disparition de Sami, son ami d'enfance.
Pour ne pas l'oublier lui ni les évènements qu'ils ont vécu ensemble, Alya se raconte, dans son journal, sous la forme d'un monologue qui durera tout le long du livre.
Alya entretient une relation ambigüe avec Sami, faite d'amour/amitié et de haine dont la raison ne sera donnée qu'à la toute fin du livre.
Mais ce qui ressort de son histoire, c'est le côté sauvage de leur amitié et de chacun de ces deux êtres pris séparément : "On avait d'autres envies. On avait d'autres désirs. On manquait de liberté. On n'avait pas eu d'enfance, on renonçait à notre jeunesse. Il nous fallait toujours plus. Toujours plus fort. Toujours plus vite. On ne voulait pas de limites.".
Alya est aussi croyante, que ce soit en une religion : "J'aimais l'idée du sacrifice aussi. Je trouvais ça généreux. Mais je gardais cela pour moi parce que mon sentiment pour Dieu me dépassait. Je n'arrivais pas à le définir. Je ne savais pas si c'était lui qui venait à moi ou moi qui allais à lui. Je n'avais ni les mots ni l'histoire de Dieu, mais j'en éprouvais le besoin comme l'on peut éprouver le besoin d'être aimé et d'exister pour quelqu'un.", ou en des rêves qu'elle faits : "Les rêves c'est la partie de soi que l'on ne peut pas montrer. Parce que c'est l'âme sans défense.".

A travers "Sauvage", Nina Bouraoui transporte le lecteur dans une Algérie tel qu'elle en a conservé le souvenir.
Ni tout à fait récit oriental ni tout à fait récit de science-fiction, "Sauvage" oscille en permanence entre ces deux genres littéraires.
Il y a à la fois le côté enchanteur de l'Algérie, des sensations, des odeurs, des paysages; et un univers fantastique exacerbé par l'imagination d'Alya, avec l'arrivée probable d'extraterrestres, la fin du monde avec le passage en 1980, le tout sous fond de musique avec la chanson "Spacer" de Sheila.
Il y a un côté voyeur dans ce roman qui m'a beaucoup plu, le récit à la première personne du singulier d'Alya y étant certainement pour beaucoup.
Avec elle, le lecteur découvre son univers quotidien, son immeuble et ses voisins, ses relations avec ses parents et sa soeur, et les moindres de ses pensées intimes.
Elle parle sans retenu des garçons, de sexe, des relations entre adultes qui la fascinent, de toutes ces questions qui passent par la tête d'une jeune fille de 13/14 ans, s'attirant ainsi l'intérêt et la curiosité du lecteur dès les premières phrases, deux sentiments qui ne le quitteront plus jusqu'à la fin du récit.
Il y a aussi une ambiance qui se dégage des mots, c'est un livre que je qualifierai d'animal tant il arrive à faire passer au lecteur des sensations et des impressions, ceci étant d'ailleurs renforcé par des passages très sensuels montrant, notamment, l'éveil à l'amour, au sentiment amoureux.
Le lecteur ne se contente pas de lire le journal d'Alya, il le vit et lui donne vie, c'est en tout cas ce que j'ai ressenti tout au long de la lecture.
Le style est beau et l'écriture maîtrisée, Nina Bouraoui livre avec "Sauvage" le très beau portrait d'une jeune fille dans une époque en pleine mutation, dans un pays qui commence à s'agiter et dans un monde qui change.

"Sauvage" est un roman qui se lit et qui se vit, porté par l'écriture audacieuse de Nina Bouraoui à travers un monologue de plus de deux cent pages et par Alya, une jeune fille très attachante, qui offre au lecteur une vision sans compromis de sa vie et de ses pensées.

Livre lu dans le cadre du Prix Océans


Camille redouble de Noémie Lvovsky



Camille a seize ans lorsqu’elle rencontre Eric. Ils s’aiment passionnément et Camille donne naissance à une fille… 
25 ans plus tard : Eric quitte Camille pour une femme plus jeune. Le soir du 31 décembre, Camille se trouve soudain renvoyée dans son passé. Elle a de nouveau seize ans. Elle retrouve ses parents, ses amies, son adolescence… et Eric. Va-t-elle fuir et tenter de changer leur vie à tous deux ? Va-t-elle l’aimer à nouveau alors qu’elle connaît la fin de leur histoire ? (Allociné)

Replonger dans son adolescence à 40 ans et revivre des moments clés qui conditionneront sa vie d'adulte, tel est le propos du film "Camille redouble".

Si mon avis sur ce film est plutôt enthousiaste, je me suis tout de même posée de sérieuses questions pendant les 10/15 premières minutes.
Je trouve que la mise en scène de Noémie Lvovsky souffre de maladresses, et clairement, le début est construit de façon très maladroite et n'est pas du tout le reflet de la suite du film.
On y voit une femme amère, à 40 ans, qui gagne sa vie en tenant des petits rôles dans des films de série Z, en train de se séparer de son mari et qui ne s'exprime avec lui qu'à travers des cris et les objets qu'elle lui balance au visage.
A ce moment-là, je me demandais où j'étais et quelle allait être la suite tant je n'accrochais pas au film.
Et puis vient cette fameuse nuit du réveillon où Camille retrouve ses amies de lycée (au passage on comprend que cela fait quelques années qu'elle n'a plus de leurs nouvelles) et où elle s'écroule à minuit et se réveille ... à 15 ans, à l'hôpital après une cuite et où ses parents viennent la récupérer.


A partir de là, le film décolle et prend son sens véritable.
Il y a un changement complet de registre, il y a de l'humour, des scènes et des répliques très drôles et surtout, le personnage de Camille a changé du tout au tout.
Aux yeux de tous c'est une adolescente, sauf à ceux du spectateur puisque c'st toujours la même de 40 ans, mais c'est une adolescente un peu particulière, puisqu'elle a gardé son âge adulte dans sa tête et qu'elle sait ce qui va se produire dans sa vie : dans quelques mois la mort de sa mère, sa rencontre avec Eric, leur premier baiser, leur première nuit ensemble, la conception de leur fille ... .
Il est vrai que Noémie Lvovsky aurait pu être rajeunie par le maquillage pour coller à son personnage de 15/16 ans, que des jeux de lumière auraient pu être utilisés, mais le parti pris est une utilisation minimale du maquillage et cela passe très bien, car c'est dans ses gestes et dans ses attitudes que Camille est une adolescente, le physique finalement ne compte pas tant que cela.
A noter que ceci a surtout été utilisé pour le personnage de Camille, ses amies ou son futur compagnon ont eux été rajeunis par le maquillage.


Le film entre alors dans un revival des années lycées et surtout des années 80 : changement de look, de musique, d'ambiance.


Les chansons sont entraînantes, les quatre amies partagent une joie de vivre et une solide amitié qui fait plaisir à voir, mais là où les scènes sont les plus hilarantes c'est lorsque Camille rencontre Eric, son futur mari.
Elle aura beau tout faire, lutter, rien n'y fera, elle ne changera pas sa destinée et retournera avec lui.
Même si elle sait qu'au prochain lampadaire il l'embrassera, qu'une prochaine nuit ils concevront leur fille, que 25 ans plus tard il la quittera pour une femme plus jeune (c'est ce que dit Camille mais cela n'est pas vérifiable).
Camille a beau avoir fait un retour dans son passé, elle ne changera pas le cours de sa vie. Elle pourra juste se rendre compte à quel point ses décisions sont déterminantes, mais que finalement elles aboutissent toutes à la même conclusion.


Même si Noémie Lvovsky est sans concession sur l'adolescence et ne l'auréole pas comme une période bénie de la vie, bien au contraire, cette partie souffre aussi de quelques travers vers la fin.
Ainsi, le personnage de Denis Podalydès prend une place trop importante et surtout inappropriée à mon sens.
Quel besoin avait le personnage de Camille se se rapprocher autant de lui ?
J'en cherche encore la raison.
Et Noémie Lvovsky n'aurait-elle pas pu être plus mordante ou plus ironique dans certains des propos d'une adolescente de 16 ans avec l'esprit d'une quadragénaire ?
Je pense qu'elle aurait pu creuser un peu plus en profondeur l'histoire fantastico-réaliste qui sert de base à son film, mais là, c'est parce que je chipote un peu trop, pour une fois que ce genre est adapté au cinéma en France.

Servi par une belle brochette de comédiens, "Camille redouble" de Noémie Lvovsky est une histoire fantastico-réaliste pleine de fantaisie et de mélancolie, dont les bons moments atténuent quelques maladresses de mise en scène.


Je ne peux pas résister à l'envie de vous laisser écouter quelques chansons du film.





samedi 29 septembre 2012

Sherman Tome 3 La passion, Lana de Griffo et Stephen Desberg


Bonjour, monsieur Sherman. J'ai peur d'avoir de mauvaises nouvelles pour vous. Vous allez tout perdre. Après votre fils, on va vous arracher toute votre fortune. Et quand on vous aura pris jusqu'à votre dernier dollar, on finira par tuer votre fille. Tout se paye ici-bas. Et le moment est venu de payer pour ce que vous avez fait, monsieur Sherman !(Lombard)

Ce troisième tome de la série Sherman est toujours aussi bien ficelé du point de vue du scénario, par contre, il rend le personnage de Jay Sherman de moins en moins sympathique.
Du garçon de rue qui cherchait à se sortir de sa situation, il est devenu arriviste, séducteur, père délaissant ses enfants ou tout du moins sa fille, mari ne s'occupant plus vraiment de sa femme mais obnubilé par Lana, son ancienne maîtresse et femme de son pire ennemi.
Cela a un double mérite : celui de montrer les travers d'un personnage à l'origine pauvre qui a laissé de côté une partie de sa conscience pour s'élever (n'oublions pas qu'il a conclu l'affaire avec son ami allemand Karl Jurgen dans le dos de son beau-père propriétaire de la banque pour laquelle il travaille) et qui en agissant de la sorte s'est attiré beaucoup d'ennemis au cours de ces années; celui de faire intervenir de plus en plus un personnage jusqu'à présent de second plan : Jeannie, la fille de Jay Sherman, disparue depuis plusieurs années.
C'est sans doute l'atout de ce troisième tome : l'entrée de ce personnage dans l'histoire, même si physiquement elle n'est toujours pas là.
"Jeannie a toujours été quelqu'un de très indépendant. Quelqu'un qui ne faisait que ce qu'elle voulait.", c'est ainsi que la décrit son père, et avec raison.
Jeannie le dit elle-même alors encore adolescente en embrassant un garçon noir : "Je suis libre. Je fais ... toujours ... ce que je veux !".
Rejetée par sa famille, elle s'est créée la sienne, dans l'univers du jazz des années 30 à New-York : "Ceci, c'est Harlem. Le jazz. C'est chez moi !", et elle rappellera à son père alors que celui-ci lui reproche sa conduite qu'il a été absent toutes ces années et que désormais il est trop tard pour revenir en arrière : "Pense ce que tu veux, papa. Je ne sais pas où tu étais, toutes ces années. Mais tu ne nous changeras plus !".
C'est en Allemagne qu'il perdra définitivement sa fille.
Ce changement géographique pour la dernière partie de ce tome est aussi l'une de ses réussites : la famille Sherman se rend, sur l'invitation de Karl Jurgen, en Allemagne, au moment de l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler.
L'antisémitisme est déjà présent : "Haber n'est pas allemand, il est juif !", la folie du Troisième Reich se fait déjà ressentir dans la population et le lecteur pressent que l'industrie chimique de Karl Jurgen avec son fils Otto va être mise à contribution durant cette sombre période.
D'ailleurs, il est question d'Otto Jurgen, entre autres, dans ce tome, comme personne cherchant à se venger de Jay Sherman.
Sauf qu'il y a un obstacle, et de taille : "Otto est mort. C'est Jeannie qui l'a tuée !".
Voilà une ficelle bien amenée qui finalement n'apporte rien au lecteur, à part une envie de plus en plus pressante de connaître la suite.

Je ferai deux reproches à ce tome.
Le premier est que le titre n'est pas approprié, il était plus question de Lana dans le deuxième tome que dans celui-ci, c'est dommage que le titre soit en décalage avec le contenu de l'histoire.
L'autre, c'est que Jay Sherman est un peu trop séducteur à mon goût, et que l'agent chargé de sa protection tombe dans ses bras était une ficelle bien trop grosse et surtout prévisible, d'autant que, pour l'instant, cela n'apporte rien à l'histoire.

Avec "La passion, Lana", la série Sherman se poursuit, basé sur un scénario à rebondissement de Stephen Desberg et servi par les très beaux dessins de Griffo.
Décidément, "Sherman" est une série prenante qui mérite vraiment d'être découverte.

Ce livre a été lu dans le cadre du challenge New-York en littérature 2012


vendredi 28 septembre 2012

Sherman Tome 2 L'ascension, Wall Street de Griffo et Stephen Desberg


Bonjour, monsieur Sherman. J'ai peur d'avoir de mauvaises nouvelles pour vous. Vous allez tout perdre. Après votre fils, on va vous arracher toute votre fortune. Et quand on vous aura pris jusqu'à votre dernier dollar, on finira par tuer votre fille. Tout se paye ici-bas. Et le moment est venu de payer pour ce que vous avez fait, monsieur Sherman ! (Lombard)

"Robert est mort, Jay, et toi, on a déjà tenté deux fois de te tuer. Il faut absolument que nous trouvions une piste, Jay ! Le plus vite possible !", la course contre la montre est engagée : il faut trouver le plus vite possible qui est derrière tout cela, car après son fils mort, c'est sa fille que le mystérieux commanditaire aurait retrouvée.

Ce second tome est dans la continuité du premier : il continue à explorer le passé de Jay Sherman en mêlant le présent avec les interrogatoires des personnes interrogées - les ennemis les plus évidents de Jay Sherman -  et les souvenirs de Jay Sherman où celui-ci se raconte, notamment sur la façon dont il a acquis sa fortune.
Parmi ses ennemis les plus acharnés : David Sterling : "Tu n'es qu'un chien fou qui a grandi dans la rue. Tout le reste n'est que de la poudre aux yeux avec laquelle tu as séduit Donna Wallace et trompé son père." , que Jay a fini par faire évincer de la banque de son beau-père en ayant, au préalable, séduit sa femme et couché avec.
Jay Sherman pense toucher la vérité lorsqu'il répond à une invitation et qu'un homme mystérieux lui annonce :  "Comment pourrait-on détruire tout ce que vous avez construit, alors que la plus grande partie de votre fortune est bien cachée ?", mais encore une fois, il en réchappe de peu et en sait aussi peu qu'avant.

Jay Sherman s'éloigne de l'image du Golden Boy distillé dans le premier tome.
Il apparaît sous un autre jour : celui d'un séducteur, qui n'hésite pas à séduire Lana, la femme de David Sterling, son pire ennemi à la banque; mais aussi sous les traits d'un mauvais père, dans le sens où il n'y en a que pour son fils dont il bourre le crâne de son rêve qu'il soit un jour président des Etats-Unis, délaissant ainsi totalement sa fille qui ne cesse d'essayer de le séduire et de s'attirer les bonnes grâces de son père.
Jeannie est encore jeune, mais elle ne supporte plus ce manque d'intérêt de la part de son père : "Eh bien moi, je ferai toujours ce que je veux. Et peut-être que je ne voudrai plus de toi. Voilà !", et avec son caractère, elle est nettement plus forte que son frère.
Ce personnage pourtant si sympathique dans le premier tome voit son image s'effriter dans ce second opus, mais cela va dans le sens voulu par l'histoire.
Le scénario de Stephen Desberg est aussi efficace que dans le premier tome, l'histoire est très bien construite, de façon intelligente, et chaque tome apporte son lot de révélations, donnant ainsi envie de connaître la suite.
Les dessins de Griffo sont de belle facture et les couleurs sont particulièrement bien choisies.

"L'ascension, Wall Street" est un deuxième tome d'aussi bonne qualité que le premier et qui se lit avec le même plaisir.
Il se dégage de cette série une ambiance qui rend la lecture agréable et cela est dû en grande partie à la qualité des dessins et au choix des couleurs, la prohibition étant d'ailleurs au coeur de ce deuxième tome, son atmosphère est bien rendu.
Sherman est une série à découvrir, ne serait-ce que pour se plonger dans le New-York des années 1920.

Ce livre a été lu dans le cadre du challenge New-York en littérature 2012


jeudi 27 septembre 2012

Sherman Tome 1 La promesse, New-York de Griffo et Stephen Desberg


Fin des années 40, Robert Sherman, candidat démocrate à la présidence, est assassiné en plein discours de campagne. Son père, Jay Sherman, véritable incarnation du rêve américain, parti de rien et devenu à présent un magnat de la finance, assiste, impuissant, à la scène. Alors que son fils est entre la vie et la mort, Jay reçoit un étrange appel : il doit payer POUR CE QU’IL A FAIT ! Après son fils, ce sera le tour de sa fille, Jeannie, et aussi de sa fortune. Il va tout perdre ! Le FBI, adversaire historique de la pègre, va mener l’enquête et assurer la protection de Jay. Griffo et Desberg nous plongent en plein roman noir et dans le passé de Jay afin de découvrir pourquoi on lui en veut autant. Mais il semble que détruire Jay ne soit pas l’objectif principal de son mystérieux ennemi. Tout cela cache quelque chose de plus vaste encore. (Lombard)

"Bonjour, monsieur Sherman. J'ai peur d'avoir de mauvaises nouvelles pour vous. Vous allez tout perdre, monsieur Sherman.[...]Après votre fils, on  va vous arracher toute votre fortune, monsieur Sherman. Et quand on vous aura pris jusqu'à votre dernier dollar, on finira en tuant votre fille.[...]Tout se paye ici-bas. Et le moment est venu de payer pour ce que vous avez fait monsieur Sherman !"
Tel est le contenu du mystérieux coup de téléphone que reçoit Jay Sherman, alors que son fils, candidat à la présidence des Etats-Unis, est entre la vie et à la mort à l'hôpital après s'être pris plusieurs balles en pleine poitrine.
Il va devoir se replonger dans son passé pour découvrir qui lui voue une haine aussi féroce et qui cherche à se venger de lui après toutes ces années.

Jay Sherman est un personnage atypique, il vient de la rue, a vu son père assassiné sous ses yeux : "Certainement pas le meilleur des pères. Mais c'est le seul que j'ai eu.", il a fait partie d'un gang, autant dire que son passé est loin d'être reluisant.
Il s'en est sorti grâce à un homme, un policier, qui a su trouver les mots pour le remettre dans le droit chemin.
Aujourd'hui cet homme est à ses côtés pour mener l'enquête.
Il lui a promis que lui ou son fils serait président des Etats-Unis, pour Jay Sherman c'est sans doute trop tard, il en est de même pour son fils qui décède à l'hôpital.
Quant à sa fille Jeannie, il ne sait pas où elle se trouve, elle est partie il y a des années de cela, coupant tout lien avec sa famille.
Pour se sortir de la rue et de ses mauvaises fréquentations, Jay Sherman va utiliser sa force pour gravir un à un les échelons : "En Amérique, il n'y a pas de milieu. Seulement des gagnants et des perdants. Pour découvrir ce que l'on est, autant le savoir, on n'a pas le choix ... Et il faut au moins être prêt à sa battre !".
Il va aussi être aidé par sa femme, fille unique d'un riche banquier : "La première fois que je l'avais vue, j'avais pressenti qu'elle deviendrait ma femme. Après avoir fait l'amour avec elle la première fois, j'ai su que ce ne serait pas la dernière.".

Côté histoire, cette nouvelle série en 6 tomes est extrêmement bien ficelée et se lit très rapidement.
L'intrigue se met en place dès les premières images et elle s'enchaîne vite, alternant entre le présent et le passé.
Ces nombreux flash-backs permettent de donner un rythme soutenu au scénario de Stephen Desberg et de garder une cohérence dans le déroulement de l'intrigue.
L'autre atout de cette série, c'est qu'elle est limitée dans son nombre de volume : 6, et que les bandes dessinées ont été sorties dans un temps relativement court : sur un an.
Cela évite des frustrations et satisfait la curiosité du lecteur.
Côté dessins, la plume est maniée avec grande habilité par Griffo, avec une mise en couleurs de Roberto Burgazzoli supervisée par Griffo.
Les dessins sont très beaux et servent à merveille le scénario, les personnages ont tous une présence et des traits bien caractéristiques, quant aux extérieurs ou aux intérieurs ils sont particulièrement soignés.
Griffo a le souci du détail, en plus d'un très joli coup de pinceau, ce qui est un atout supplémentaire à cette bande dessinée.

"Sherman" a tous les ingrédients d'une bonne série : un scénario bien ficelé qui tient la route, un personnage principal charismatique au passé mystérieux, et est servi par un très beau graphisme.
"La promesse, New-York" est un premier tome qui tient toutes ses promesses, en plus de tenir le lecteur en haleine.
Une série à découvrir.

Ce livre a été lu dans le cadre du challenge New-York en littérature 2012


mardi 25 septembre 2012

Le pont des arts de Catherine Meurisse


Vous ne savez pas distinguer un chef-d'oeuvre d'une croûte ? Laissez Baudelaire vous l'apprendre ! Vous ne pouvez pas voir les fruits de mer en peinture ? Diderot risque de vous convaincre du contraire... Les impressionnistes vous lassent ? Zola vous remettra le compas dans l'oeil ! Après les hommes de lettres, visitez le musée idéal de Catherine Meurisse, où les peintres et les écrivains nourrissent des amitiés extraordinaires pour l'amour de l'art. (Sarbacane)

Je ne sais pas si à l'issue de la lecture de cette bande dessinée je saurai sans l'ombre d'un doute distinguer un chef-d'oeuvre d'une croûte (tous les goûts ne sont-ils pas dans la nature ?), mais une chose est sûre : j'ai pris beaucoup de plaisir à cette promenade artistique proposée par Catherine Meurisse.

L'auteur propose ici son musée idéal, elle sélectionne les peintres qui ont marqué leur époque et pour en parler fait interagir des écrivains célèbres, forme de clin d'oeil à l'une de ses précédentes bandes dessinées "Mes hommes de lettres".
C'est extrêmement drôle, il y a des jeux des mots, ainsi Diderot s'adressant à son valet : "Arrêtez d'être fataliste, Jacques, c'est usant à la fin !", des phrases cinglantes telle celle de George Sand : "Le problème c'est que, quand un tableau accuse une paralysie mentale à ce point, je ne peux m'empêcher de déplorer l'erreur du maître.", le mystère sur la Joconde est résolu (ou pas) par un gardien : "Si vous croyez vous adresser à une demoiselle, vous vous gourez. Vingt ans que je suis ici, vingt ans que je dis que cette bonne femme est un homme.", Emile Zola se désespère quelque peu de l'incompréhension des personnes de son époque : "Un chat. Noir. Ca les fait rire. Ah bien sûr, vous n'avez pas perdu votre journée, quand vous trouvez un chat. C'est la seule métaphore sexuelle que vos pauvres cerveaux de frustrés puissent comprendre.", tandis que Charles Baudelaire s'enthousiasme pour le génie de Delacroix : "Pas hautain. Supérieur à nous tous. Retenez bien ça : Delacroix est le plus suggestif de tous les peintres ... celui dont les oeuvres rappellent à la mémoire des sentiments et des pensées poétiques qu'on croyait enfouis pour toujours dans la nuit du passé.".
J'ai en tout cas souri voire ri par moment et ce, du début à la fin, ce fut donc un très bon moment de lecture.
Il y a aussi d'autres phrases plus profondes, plus sérieuses : "Le génie de l'artiste peut certes être comparé à une difformité du cerveau, à une folie, mais c'est croire alors que la perle est une infirmité de l'huître !", quelques vérités énoncées sur des peintres qui auront eu du mal à percer : "Longtemps incompris et méprisé, Cézanne connaîtra le succès sur le tard. Ses "ratés" ouvriront la voie ... au cubisme. L'art a ses raisons que la raison, heureusement, ne connaît point.", en somme, cette bande dessinée est un condensé fort agréable d'art, qu'il soit littéraire ou de peinture.
C'est ludique et à aucun moment barbant, c'est écrit de façon intelligente, sans chercher à donner une leçon magistrale et cela convient quel que soit le niveau de culture du lecteur.
J'ai particulièrement apprécié l'articulation que fait ressortir l'auteur entre les peintres et les écrivains, généralement ces deux formes d'art sont présentées séparément or, elles sont liées l'une à l'autre.
Le graphisme relève de la caricature mais cela ne m'a aucunement dérangée, je trouve même que cela colle parfaitement avec le ton de cette bande dessinée.
L'index en fin d'ouvrage des personnalités croisées dans le récit est bienvenue et complète à merveille celui-ci.

"Le pont des arts" est un album plein de fraîcheur et d'humour, qui se lit avec beaucoup de plaisir, servi par la plume caricaturale de Catherine Meurisse, et qui permet de revisiter de façon ludique les classiques de la peinture française.



"Point de pâte d'amande dans du lait, ici ... Vous avez des personnages de tous les jours, en muscles et en os, peints grandeur nature ! Géniale indécence ! Et puis , avouez : une femme à poil, peinarde, entourée d'hommes habillés, qui en outre a le culot de vous regarder dans les yeux, ça vous remue, n'est-ce pas ?"




"Là, vous avez la sauvagerie de la peinture pure ... et non de la peinture "astiquée"!" (Charles Baudelaire)




dimanche 23 septembre 2012

Il était une fois l'Algérie de Nabile Farès


Il s’agit d’un fait divers très commun, répété durant les années dites, en Algérie, « noires»: l’enlèvement d’une jeune femme, Selma, raconté selon un mode fantastique traversant les différents personnages, Tania, fille de Selma, devenue mutique, Slimane Driif, journaliste, apprenti écrivain, Le Directeur d’un journal, «La république des lettres», Linda, peintre exilée d’Algérie, Un ministre de la santé, Un Président de la république, une psychothérapeute qui, à travers des bribes d’histoires, reconstitue ce fait « divers.» Les récits se rapportent à des moments historiques, vécus, de l’Algérie contemporaine : « Accords d’Evian », assassinat de M. Khemisti, manifestation et répression d’octobre 88, tremblement de terre de Boumerdès... Une écriture tragique, cocasse, transparente, lisible, explicite, raffinée, poétique, nous donne à lire, comprendre, refuser, la mise en péril subjective, la psychothérapeute du récit dirait ix psychique », historique, des générations nées, en Algérie, après que ce pays devint, «une fois » dit, « libre et indépendant ». (Editions Achab)

Si la première partie du livre pouvait encore passer malgré un style déroutant et rendant la lecture plus difficile, il n'en est rien de la deuxième dans laquelle l'auteur s'affranchit complètement des règles de grammaire et de ponctuation.
En effet, l'auteur a décidé de s'affranchir, dans un premier temps, des règles de ponctuation, et dans un deuxième temps des règles de grammaire, ponctuant ses longues phrases de majuscules dont je cherche encore la signification (la personnalisation ne pouvant même pas expliquer ceci puisque même des articles le sont).
Déjà que pour la ponctuation cela était troublant et rendait la lecture difficile, mais le style de la deuxième partie de ce conte la rend ardue, à la limite du compréhensible, puisque le lecteur se retrouve à lire des phrases telle que celles-ci : "Le moral C'est cela : le moral ne tient plus Bien sûr Ici Ce n'est pas du tout drôle du tout D'autant que ce n'est pas fini Et, de plus, vous n'avez rien trouvé sur Comment dites-vous Selma Selma Bent Chaïd ?".
D'autant plus que l'auteur se plaît à utiliser une liste de mots impressionnante, il les juxtapose les uns à côté des autres, certains étant soit des synonymes du précédent soit son contraire, transformant ainsi son récit en une longue énumération sans queue ni tête, ou alors si poésie il y avait, je suis complètement passée à côté.
Cela a achevé de me faire décrocher de la trame narrative, j'étais perdue dans cet assemblage de mots qui essayaient de me dire quelque chose et dont je ne saisissais pas le sens.

Par conséquent, je suis restée hermétique à cette histoire décousue qui pourtant sur le fond était intéressante : l'enlèvement d'une jeune femme pendant les années "noires" en Algérie et la quête de Slimane Driif, journaliste, pour la retrouver.
Nabile Farès a choisi de raconter cette histoire dans un mode fantastique, où il est notamment question d'Ogres : "L'homme est devenu un Ogre pour les siens !", mais aussi des ravages psychologiques, héritages des années noires pendant la Guerre d'Algérie : "A l'ASP, où je travaille, -aide sociale et psychologique- il nous est difficile de lutter contre les suicides, les désespoirs, désolations qui déchirent femmes et hommes, jeunes filles, jeunes gens, agrippés aux murs d'immeubles anciens, déglingués ou en suspens au-dessus d'abîmes marins dont on entend gronder les colères, sourdre les rages et les faims.".
Le fond était bon, et l'idée de raconter cette histoire sous la forme d'un conte, si elle avait été mieux exploitée, aurait pu faire de cette lecture une belle découverte.
Au final je me suis retrouvée perdue au milieu de ce récit fantastique faisant se percuter différents personnages qui me sont restés totalement étrangers.

"Il était une fois l'Algérie" est un conte fantastique auquel je suis restée imperméable, qui souffre d'un style lourd et d'un affranchissement des règles de ponctuation les plus classiques, rendant ainsi la lecture ardue et difficilement compréhensible.

Livre lu dans le cadre du Prix Océans


samedi 22 septembre 2012

Grand challenge Babelio de la rentrée littéraire 2012


A l'occasion de la rentrée littéraire 2012, Babelio propose un challenge consistant à lire et à critiquer un ou plusieurs livres de cette rentrée littéraire 2012.

Avec 646 livres publiés en cette rentrée littéraire, autant dire que le choix est large et qu'il y a de quoi s'occuper !

- Kaïken de Jean-Christophe Grangé
- La vie rêvée d'Ernesto G. de Jean-Michel Guenassia
- La mer, le matin de Margaret Mazzantini
- Parfums de Philippe Claudel
- Une vie inachevée de Mark Spragg
- De flammes et d'argile de Mark Spragg
- A travers les champs bleus de Claire Keegan

J'arrête ce challenge en ce début d'année 2013 qui marque traditionnellement une nouvelle rentrée littéraire.
J'ai donc lu 7 livres de la rentrée littéraire 2012, tous ont été un moment de lecture agréable, j'ai privilégié la qualité et la découverte à la quantité.
Je me suis piquée au jeu de me jeter sur les nouveautés pour les lire, à faire tout de même avec modération car ça devient vite grisant et consommateur de temps au détriment d'autres lectures en attente depuis un petit moment.
Je ne dis tout de même pas que je ne recommencerai pas l'année prochaine.

Des fourmis dans la bouche de Khadi Hane


Gratteurs d'écailles dans une poissonnerie, vendeurs ambulants de montres de pacotille ou de statuettes en bois, journaliers payés au noir pour décharger des sacs d'un camion, hommes à tout faire d'un commerçant pakistanais qui revendait des pots de crème à l'hydroquinone censés procurer aux nègres l'éclat d'une peau blanche, la leur ne faisant plus l'affaire. Sur le marché Dejean, on trouvait de tout... 
Née au Mali, Khadîdja élève seule quatre enfants à Paris, dans le quartier de Château-Rouge. Pétrie de double culture, musulmane mais le doute chevillé au corps, elle se retrouve exclue de sa communauté du fait de sa liaison avec Jacques, le père de son fils métis. Cercle après cercle, depuis ses voisines maliennes jusqu'aux patriarches du foyer Sonacotra et à ses propres enfants, Khadîdja passe en jugement. Mais cette absurde comparution, où Africains et Européens rivalisent dans la bêtise et l'injustice, réveille en elle une force et un humour inattendus. Tableau intense de Château-Rouge, Des fourmis dans la bouche est porté par une écriture inventive au ton très singulier, fondée sur la double appartenance. Un roman qui dit la difficile liberté d'une femme africaine en France. (Denoël)

Je suis partagée sur ce livre qui a suscité lors de sa lecture des sentiments très contrastés.

D'un côté, il y a le personnage de Khadîdja, une femme éprise de liberté mais qui se rebelle contre le poids de sa religion et le poids des traditions maliennes qui sont presque plus présentes à Paris qu'au Mali. Elle veut s'affranchir des traditions, ne plus avoir à subir les questions intempestives de ses voisines sur son célibat ni le regard de la communauté malienne de son quartier du fait de sa liaison avec un homme marié.
Elle veut aimer librement, qui elle veut, d'ailleurs les relations avec les hommes sont l'une des thématiques au coeur de ce récit : "Quelque fois, on est tellement en manque que l'on ne voit même pas la couleur de ses chaussures. Peu importe qu'il soit noir, bleu ou jaune, si son entrejambe sourit, si sa bosse prédit l'ivresse, on se jette sur lui, sans penser à cette foutue loi qu'on fait semblant de respecter. L'homme remplira son office, à coup sûr.".
Khadîdja est aussi une femme fière qui prend sur elle de devoir faire appel à une assistante sociale pour essayer de s'en sortir et donner de quoi manger à ses enfants : "Puisant au plus profond de moi, j'avais troqué ma fierté contre le courage d'affronter le regard de cette inconnue aux lèvres déformées par la grimace réglementaire des travailleurs sociaux.".
Toute cette facette du personnage est intéressante, car elle permet d'offrir un éclairage assez complet sur les traditions et les coutumes du Mali.
Ainsi, au fil de la narration à la première personne du singulier, Khadîdja va revenir sur son marchandage, sa vente à un homme plus âgé du village, sa convocation au conseil des sages du fait de sa conduite jugée inappropriée, uniquement parce qu'elle a couché avec un blanc et que celui-ci est le père de son dernier enfant, sur les traditions d'accueil qui se perpétuent en France.
Le personnage revient également sur son passé, sa vie au Mali et les raisons qui l'ont poussée à venir s'installer en France ainsi que son désenchantement : "Mon silence ne faisait que répandre ma rancune envers Paris. Cette ville, sans le savoir, nous avait promis de belles choses. Nous avions quitté notre pays pour nous y faire une place que nous croyions au soleil. Mais il n'y avait pas de soleil à Paris."
Mais Khadîdja est une femme cherchant à s'émanciper : "J'avais alors soif de vivre. Je voulais ma liberté d'agir, de penser."
Ce sont des passages durs mais nécessaires, qui permettent de mieux cerner la personnalité de Khadîdja et qui expliquent, en partie, son comportement actuel.

Et puis, de l'autre côté, il y a toujours ce même personnage de Khadîdja, mais en femme amère et désabusée : "La noblesse d'une pauvre négresse de la rue de l'Inconnu dans le dix-huitième arrondissement de Paris importait peu à ceux qui, comme moi, mouraient de faim dans leur appartement délabré.", qui n'attend plus vraiment grand chose de la vie, qui doute dans sa foi, qui n'est ni du Mali ni de Paris, elle est de nulle part et a beau essayer de sa battre, rien n'y fait, elle coule sans aucune bouée à laquelle se rattraper.
Cette facette a plus eu tendance à me déranger, car le personnage tombe dans une cruauté profonde, que ce soit envers ses propres enfants ou envers les personnes essayant de l'aider.
Khadîdja sombre dans l'amertume : "J'avais fini par me lasser de Paris, de ses habitants grincheux, de son bruit, de son caquetage et par-dessus tout de ses promesses jamais tenues.", ainsi que dans une forme de caricature : la méchante et l'ennemie, c'est l'assistante sociale; le méchant c'est son ex amant blanc qui pourtant ne lui a jamais rien promis, étant marié de son état; cette forme de caricature oscille d'ailleurs vers le racisme.
Sur ce plan, je précise bien qu'il s'agit du personnage de Khadîdja et non de l'auteur.
J'ai eu le sentiment que ce personnage était dans un état de non retour, définitivement déracinée du Mali ou de Paris, vivant sans vraiment vivre, essayant de survivre sans y réussir.
Par contre, je reprocherai à Khadi Hane de ne montrer qu'une partie de la réalité.
Il est en effet ici question uniquement des africains qui vivent dans la misère la plus complète, comme si l'auteur avait cherché à coller à l'image véhiculée par la presse, or, il aurait aussi sans doute été intéressant d'évoquer les africains qui ont réussi.

Portrait sans concession de la vie des émigrés africains à Paris et au titre fortement évocateur, "Des fourmis dans la bouche" me laisse au final un sentiment de malaise du fait de l'amertume qui se dégage de ce récit.
Mais c'est un livre qui ne laisse pas non plus indifférent et qui amène se poser beaucoup de questions, permettant ainsi d'apporter une autre vision sur la dure vie quotidienne des émigrés africains à Paris.

Livre lu dans le cadre du Prix Océans


jeudi 20 septembre 2012

Challenge Lettres San Franciscaines



Emily du blog Enlivrons-nous propose un challenge Lettres San Franciscaines.

Ce challenge est basé sur le même principe que son challenge "jumeau" New-York en littérature auquel je participe.
Il consiste à lire le plus de romans, recueils de nouvelles ou de poésies, bandes dessinées, mangas, se passant totalement ou en partie à San Francisco.

Ce challenge a commencé le 1er septembre 2012 et prendra fin le 1er septembre 2013.

N'arrivant pas à me décider entre les deux logos que je trouve aussi réussis l'un que l'autre, j'utiliserai alternativement les deux.

Livres lus dans le cadre du challenge :

- "Desolation Road" de Jérôme Noirez
- "Le faucon de Malte" de Dashiell Hammett


mercredi 19 septembre 2012

Voyage au centre de la Terre de Jules Verne


Dans la petite maison du vieux quartier de Hambourg où Axel, jeune homme assez timoré, travaille avec son oncle, l'irascible professeur Lidenbrock, géologue et minéralogiste, dont il aime la pupille, la charmante Graüben, l'ordre des choses est soudain bouleversé. Dans un vieux manuscrit, Lidenbrock trouve un cryptogramme. Arne Saknussemm, célèbre savant islandais du xvi siècle, y révèle que par la cheminée du cratère du Sneffels, volcan éteint d'Islande, il a pénétré jusqu'au centre de la Terre ! Lidenbrock s'enflamme aussitôt et part avec Axel pour l'Islande où, accompagnés du guide Hans, aussi flegmatique que son maître est bouillant, ils s'engouffrent dans les mystérieuses profondeurs du volcan... En décrivant les prodigieuses aventures qui s'ensuivront, Jules Verne a peut-être atteint le sommet de son talent. La vigueur du récit, la parfaite maîtrise d'un art accordé à la puissance de l'imagination placent cet ouvrage au tout premier plan dans l'oeuvre exceptionnelle du romancier. (Le livre de poche)

"Otto Lidenbrock n'était pas un méchant homme, j'en conviens volontiers; mais, à moins de changements improbables, il mourra dans la peau d'un terrible original.", c'est pourquoi en tout bon original qui se respecte et après avoir mis la main sur un parchemin d'Arne Saknussemm et l'avoir déchiffré, il se lance avec son neveu et narrateur de l'histoire, Axel, et le guide Hans Bjelke, dans un voyage périlleux pour rallier le centre de la Terre.
Au début, le doute habite le professeur Lidenbrock tandis qu'il n'arrive pas à déchiffrer le parchemin, mais lorsque tout s'éclaire, grâce à Axel, il se lance dans les préparatifs du voyage : "Il était dans la pose d'un homme stupéfait, mais dont la stupéfaction fit bientôt place à une joie insensée.".
Le voyage est périlleux et ce sont mille obstacles qui attendent les personnages, des obstacles naturels, mais également des animaux d'un autre temps, disparus de la surface de la Terre mais toujours présents dans ses entrailles : "Impossible de fuir. Ces reptiles s'approchent; ils tournent autour du radeau avec une rapidité que des convois lancés à grande vitesse ne sauraient égaler; ils tracent autour de lui des cercles concentriques.".
Et si Axel est pendant longtemps réfractaire à ce périple, il en ressortira grandi et heureux : "Ah ! quel voyage ! quel merveilleux voyage ! Entrés par un volcan, nous étions sortis par un autre, et cet autre était situé à plus de douze cents lieues du Sneffels, de cet aride pays de d'Islande jeté aux confins du monde !".

Fallait-il craindre que ce roman de Jules Verne ait vieilli et apparaisse comme démodé ?
Non, car il n'en est de toute façon rien et c'est avec beaucoup de plaisir que je l'ai lu.
Certes, l'époque n'est plus la même, mais les personnages sont loin d'apparaître comme désuets et l'histoire avec son côté fantastique n'a pas pris une ride.
C'est avec énormément de plaisir que j'ai suivi les aventures du professeur Lidenbrock, que je suis descendue avec eux dans le volcan du Sneffels, que j'ai affronté une mer et des animaux préhistoriques, que je suis ressortie par le Stromboli.
Il n'y a a aucun temps mort dans le livre, il se lit très bien et très vite.
Les chapitres étant courts cela donne du souffle à la trame narrative et finalement le lecteur se trouve à enchaîner les chapitres les uns à la suite des autres pour connaître la suite de l'histoire.
De plus, dans la version que j'ai lue, le récit est illustré par Edouard Riou, ce qui rend le récit encore plus vivant et permet de visualiser les situations et les personnages.
L'auteur avec cette histoire a fait preuve de beaucoup d'imagination, et c'est un réel plaisir que de pénétrer son univers et de se plaire à imaginer les aventures vécues par les personnages.
L'équilibre entre science et fantastique est savamment dosé et les descriptions des paysages d'Islande sont de toute beauté.
Alors certes, les personnages ne sont pas vraiment creusés et leur caractère tient en une phrase, mais ils ont tout de même une certaine prestance et présence dans le récit.
Les femmes sont laissées de côté et ont un rôle secondaire, mais cela ne m'a pas dérangée outre mesure, d'ailleurs je n'imagine pas la nièce du professeur venir avec eux.
C'est une aventure pour des hommes écrite par un homme mais qui se lit aussi bien par un homme que par une femme.

"Voyage au centre de la Terre" n'a non seulement pas vieilli, mais c'est toujours un formidable roman haletant riche en aventures, où l'imagination débordante et  fantaisiste de Jules Verne prédomine.

Livre lu dans le cadre du club de lecture de septembre de Babelio

Livre lu dans le cadre du challenge ABC critiques 2012/2013 - Lettre V



Ce livre a été lu dans le cadre du challenge La face cachée des Disney


mardi 18 septembre 2012

Challenge ABC critiques 2012/2013


On prend les mêmes et on recommence ... enfin on reprend le même challenge pour une nouvelle année en changeant les auteurs et les livres (un peu trop facile sinon).

Le principe est simple, il faut lire en un an 26 livres pour les 26 lettres de l'alphabet (un auteur par lettre).

Ce challenge a commencé le 13 septembre 2012 et prend fin le 13 septembre 2013.

A - Cristina Alger "Park Avenue" #critique
B - James Matthew Barrie "Perter Pan" #critique
C - Philippe Claudel "Parfums" #critique
D - Marc Dugain "L'insomnie des étoiles" #critique
E - Andreas Eschbach "Des milliards de tapis de cheveux" #critique
F - Hans Fallada "Seul dans Berlin" #critique
G - Jean-Christophe Grangé "Kaïken" #critique
H - Dashiell Hammett "Le faucon de Malte" #critique
I - Takuji Ichikawa Irving "Je reviendrai avec la pluie" #critique
J - Rona Jaffe "Rien n'est trop beau" #critique
K - Claire Keegan - A travers les champs bleus #critique
L - François Bourgeon et Claude Lacroix "Le cycle de Cyan" #critiqueTome1 #critiqueTome2 #critiqueTome3 #critiqueTome4 #critiqueTome5
M - Kent Meyers "Twisted Tree" #critique
N - Jérôme Noirez "Desolation road" #critique
O - Julie Otsuka "Quand l'empereur était un dieu" #critique
P - Dorothy Parker "La vie à deux" #critique
Q - Raymond Queneau "Hazard et Fissile" #critique
R - Monique Rivet "Le glacis" #critique
S - Mark Spragg - "De flammes et d'argile" #critique
T - Jirô Taniguchi "Quartier lointain" #critique
U - René Gosciny et Albert Uderzo "Astérix légionnaire" #critique
V - Jules Verne "Voyage au centre de la terre" #critique
W - Edith Wharton "Les lettres" #critique
X - Xinran "Funérailles célestes" #critique
Y - Richard Yates "La fenêtre panoramique" #critique
Z - Cecily von Ziegesar "You're the one that I want" #critique

En chute libre de Carl de Souza


«Il faut que je me lève pour faire échec au sommeil et au duel dans lequel il me jette continuellement. Je réalise, durant les courts intervalles où la fièvre me laisse en paix, que cette rencontre, je dois la disputer hors de mon sommeil, et qu'elle me mettra aux prises avec l'enfant que j'étais. Il faut que je me lève pour suivre des yeux la grève jusqu'à la baie où s'est dressé le Don Diego, en réalité le Don Diego Fernandez, Golf et Spa, au milieu de bungalows qui semblent avoir été fabriqués en série à Bali, des voiles multicolores des dériveurs en attente sur une plage artificielle quotidiennement peignée, des paillotes, des dattiers transplantés. Il faut que je me lève parce que j'ai décidé de me mouvoir une demi-heure par jour. » 
Jeremy Kumarsamy paye cher son entêtement. Handicapé suite à une blessure mal soignée, sous la menace d'une arrestation parce qu'il a agressé une autorité sportive, ce champion de badminton de niveau international a dû rentrer, après quinze ans d'absence, dans son pays d'origine, une ancienne colonie britannique. Reclus dans la maison de sa mère, il retrouve le fil de son enfance, et surtout d'un parcours chaotique fait de drames, d'échecs et de gloire. Peu à peu se dessine le destin d'un jeune homme ambitieux, en butte aux turbulences politiques de son pays et à des enjeux sportifs qui le dépassent. (Editions de L'Olivier)

"Tu n'es pas comme tout le monde, toi.", c'est ce que dit Litchi à Jeremy Kumarsamy, encore jeune mais déjà avec des rêves de badminton plein la tête.
Jeremy est un entêté, la seule chose qui l'intéresse dans la vie c'est le "bad" et les parties acharnées aux règles fluctuantes qu'il dispute avec sa tante.
L'école ne trouve pas grâce à ses yeux, lors d'émeutes à Port-Benjamin il suit le mouvement, perd son père dans le camp adverse et ne le reverra que longtemps après, profondément changé et blessé à vie, il entretient une relation que je qualifierai de conflictuelle avec sa mère : "Une part de moi séchait, un désert me rongeait, me vidait de ceux qui m'étaient proches.", c'est pourquoi lorsqu'il a l'opportunité de partir en Angleterre pour travailler le badminton il la saisit et ne reviendra à Port-Benjamin que quinze ans plus tard, handicapé suite à une blessure mal soignée et sous la menace d'une arrestation parce qu'il a agressé une autorité sportive : "Peut-être que s'il avait été davantage à l'écoute, s'était tenu coi sous sa pirogue, n'avait été tenté d'affronter quiconque, ou même s'y était simplement rendu pour des femmes comme les grands de la classe, rien ne se serait passé.".
Trop vite, trop jeune, Jeremy Kumarsamy s'est brûlé les ailes et en paye aujourd'hui le prix fort.

Ce roman m'a laissé une sensation étrange car j'ai eu beaucoup de mal à rentrer dedans, j'ai même cru que je n'allais jamais y arriver, puis j'ai fini par être prise dans l'histoire, mais cela n'a duré qu'un temps car j'ai de nouveau décroché à la fin.
Ceci vient sans doute de sa construction, le début mêle trop le passé et le présent et cela m'a perdue, je me suis demandée quelle histoire je lisais exactement et quels en étaient les tenants et les aboutissants.
Puis pendant une bonne moitié du livre, ce n'est qu'un retour dans le passé et cela m'a permis de mieux comprendre l'histoire et le personnage, et surtout je me suis laissée prendre au jeu et à la passion dévorante du badminton qui anime le personnage principal.
Et puis vers la fin il y a de nouveau des situations trop emmêlées et l'explication de la blessure et du handicap est décevante, mon intérêt était de nouveau retombé.
La narration est dérangeante, parfois à la première personne du singulier, d'autres fois non, tout cela contribue à perdre définitivement le lecteur, en tout cas ce fut mon cas.
Autre souci, je n'ai jamais accroché au personnage principal de Jeremy Kumarsamy, il est beaucoup trop centré uniquement sur lui et sur son nombril, il ne s'ouvre jamais aux autres, à un point qu'il en devient antipathique pour le lecteur.
Il ne cherche même pas à savoir ce qu'est devenu son père, les femmes vont et viennent sans qu'il ne s'attache jamais, je m'arrête là car je ne lui ai pas trouvé une seule qualité, voilà un personnage qui n'a pas grand chose pour lui et qui finit par déclencher une réaction allergique.
On ne peut être qu'indifférent à ce personnage, il n'a jamais réussi à se présenter comme sympathique, les drames de sa vie coulent sur le lecteur comme l'encre sur le papier.
A contrario d'autres personnages comme sa tante, Felicity, sont intéressants mais finissent par être abandonnés en cours de roman et il n'est plus jamais question d'eux.

"En chute libre" porte bien son nom, il est ici question de la chute inexorable et toujours plus profonde de Jeremy Kumarsamy, ancien champion international de badminton qui s'est totalement laissé dépasser par les évènements, tout comme le lecteur qui perd trop souvent pied dans ce roman à la construction particulière et inégale, mélangeant trop le passé et le présent dans une ficelle trop complexe pour être démêlée et appréciée.

Livre lu dans le cadre du Prix Océans


jeudi 13 septembre 2012

Astérix le gaulois d'Albert Uderzo et René Goscigny


Dans un petit village d’Armorique, en 50 avant J.-C., d’irréductibles Gaulois bagarreurs et ripailleurs résistent aux puissantes légions de César. Le secret de leur invincibilité : une forte susceptibilité, beaucoup d’humour et une bonne rasade de potion magique… Lorsqu’ils créent le personnage d’Astérix pour le tout premier numéro de l’hebdomadaire Pilote, René Goscinny et Albert Uderzo sont loin d’imaginer que les péripéties de leur héros deviendront un véritable phénomène de société : plus de 250 millions d’albums vendus dans le monde entre 1961 et 1993 ! Avec ses trouvailles référencées, ses savants anachronismes, ses jeux de mots et ses gags visuels, Astérix a généré un engouement bien mérité. (Hachette Astérix)

"Astérix le gaulois" est la première aventure du plus célèbre breton de France.
Nous sommes en 50 avant Jésus Christ et "Toute la Gaule est occupée ... Toute ? ... Non ! Car une région résiste victorieusement à l'envahisseur. Une petite région entourée de camps retranchés romains ...".
Et ces gaulois en font baver aux romains, surpuissants qu'ils sont grâce à une potion magique préparée par leur druide Panoramix !
Et les romains les craignent comme la peste, encore que la peste serait peut-être plus douce que de croiser le chemin d'Astérix : "Supérieure en nombre ... On ne peut pas dire !!! Ils étaient un ... et pas bien gros avec ça !"
Ce premier album est l'occasion de présenter les personnages, du côté des gaulois, mais aussi des romains.
C'est en effet la première confrontation entre Astérix et Jules César, ce dernier, magnanime, lui rend sa liberté : "Quant à vous, en échange du service que vous venez de me rendre, je vous accorde la liberté ... mais ce n'est que partie remise, gaulois. Nous nous retrouverons !", sans doute aurait-il mieux fait d'y réfléchir à deux fois ... .
Il est évident à la lecture de cet album qu'il s'agit du premier, les dessins et les traits des personnages ne sont pas encore bien définis, les auteurs cherchaient encore à fixer les représentations de leurs personnages.
C'est par exemple le cas avec Panoramix, dont la barbe est différente dans cet album par rapport aux suivants; il n'est pas non plus encore question d'attacher à un arbre le barde pour l'empêcher de pousser la chansonnette..
L'atout indéniable de cette bande dessinée, c'est son humour ravageur et constamment présent.
Il y a des passages extrêmement drôles, notamment l'un dans le camp romain avec des échanges de jeux de mots entre Astérix et Panoramix.

"Astérix le gaulois" est une bande dessinée fort sympathique, avec beaucoup d'humour, et qui laisse présager de la suite des aventures de ce gaulois, escorté de son fidèle ami Obélix et du chien Idéfix (le premier chien écologique de l'histoire qui devient méchant lorsque l'on déracine un chêne).
A découvrir ou à re-découvrir pour un bonheur identique à tout âge !

La page blanche de Pénélope Bagieu et Boulet


Une jeune femme reprend ses esprits sur un banc sans se rappeler ni son nom ni ce qu'elle fait là. Menant l'enquête tant bien que mal, elle tente de retrouver la mémoire et son identité. Mais que va-t-elle découvrir ? Un passé romanesque fait de drames et de romances ou l'existence banale d'une femme ordinaire ? Et dans ce cas, saura-t-elle devenir quelqu'un après avoir été quelconque ? (Delcourt G. Productions)

"La page blanche" est une bande dessinée qui avait tout pour plaire à l’origine : Boulet au scénario et Pénélope Bagieu au dessin et aux couleurs.
Sauf que le résultat n’est pas à la hauteur des espérances, c’est en tout cas mon ressenti.

Tout commence avec une jeune femme, Eloïse, qui reprend ses esprits sur un banc, sans se rappeler de son nom ni de ce qu’elle fait là : "Je faisais quoi, déjà ? ... Je suis où, là ?".
Elle retrouve son appartement en s’aidant des papiers sur elle, mais il lui faut se rendre à l’évidence : elle a perdu la mémoire et a beau y faire, rien ne lui revient.
Même les médecins ne savent trop quoi faire : "L'amnésie, telle que vous la décrivez ... n'existe pas."
Eloïse a de l’imagination, son passé pourrait être romanesque et truffé de drames, et si au final elle n’était qu’une jeune femme banale à la vie tout à fait ordinaire ?
Le problème, c’est que l’histoire va continuer ainsi à tourner en rond sans jamais aboutir jusqu’à la fin.
D’ailleurs, la fin pourrait apparaître comme une déception.
Etrangement, elle me convient plutôt bien et vient contrebalancer la platitude de l’histoire développée.
Mais c’est en grattant le vernis superficiel de cette histoire qu’apparaît la trame de fond, celle que les auteurs ont voulu développer à travers ce récit : avec une culture de masse et de consommation tout le monde finit par se ressembler et plus personne ne sort du lot : "Plus elle cherchait, à se forger une identité, plus elle devenait ... TOUT LE MONDE. Et puis un jour elle est devenue PERSONNE. Elle s'est EFFACEE. Pouf. Remise à zéro. C'est assez ironique, non ? Elle a disparu. Elle a tout effacé, alors qu'elle cherchait désespérément à devenir quelqu'un.".
Finalement, cette amnésie aura cela de salutaire pour l’héroïne : elle deviendra une toute autre jeune femme, plus ouverte sur les autres, avec une réelle personnalité qui n’est pas un copier/coller de celle de ses ami(e)s.
Impossible de ne pas reconnaître le coup de crayon de Pénélope Bagieu dans les dessins, ni dans le choix des couleurs.
Malgré un thème plutôt sombre, cette bande dessinée est illustrée par des couleurs vives et vivantes.
De plus, il y a un humour assez féroce par moment, ce qui lui offre quelques moments assez drôles.

Je reconnais des qualités à cette bande dessinée née de l’alliance entre Pénélope Bagieu et Boulet, néanmoins je ne peux m’empêcher d’être un peu déçue par le résultat, du fait d’une histoire sans fin qui tourne et se cherche pendant tout le récit.

Bizango de Stanley Péan


Dans les rues de Montréal, erre un homme doté de facultés extraordinaires qui s'apparentent à une malédiction. Une nuit, après être venu à la rescousse d'une prostituée haïtienne malmenée par le bras droit de son pimp, il se lie d'amitié avec cette jeune femme rebaptisée Gemme pour sa clientèle. Une inquiétante cavale s'ensuit. Non seulement cet être étrange et sa protégée sont poursuivis par les sbires lancés à leurs trousses par le redoutable gangster et proxénète Chill-O, mais ils essaient aussi d'échapper aux enquêteurs de la police. Mais qui est-il à la fin ? D'où vient-il ? S'agirait-il comme le suggère Papy Bòkò, le vieux sage consulté par Gemme, d'un bizango, une de ces créatures issues du folklore haïtien capables de se dévêtir de leur peau humaine pour devenir autre chose ? (Editions Les Allusifs)


"Bizango" est un roman comportant plusieurs entrées et une seule sortie.
C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles pendant plus de la moitié du livre l’histoire s’alterne entre différents protagonistes, ces derniers finissant par tous se trouver à la fin.
C’est aussi une histoire qui oscille entre réalité sociale dans le Montréal d’aujourd’hui et folklore haïtien avec un bizango, être capable de quitter sa peau humaine pour prendre l’apparence de n’importe qui ou n’importe quoi d’autre, déambulant dans les rues de Montréal et s’étant érigé comme protecteur de Gemme, une prostituée haïtienne fuyant Chill-O, son proxénète.
Pour certaines personnes ayant déjà croisé la route du bizango, il ne peut être que l’incarnation du Diable sur Terre : "C'est-à-dire, ma belle, que c'est un démon, j'en suis convaincue. Peut-être bien Satan en personne !".
Pour d’autres personnes, notamment Gemme, c’est un ange descendu du ciel pour les protéger et les sauver d’une mort quasi certaine.
D'autres s'accordent à dire qu'il est bizarre : "Juste un peu bizarre : le moins qu'on puisse dire, dans les circonstances !".
Qui est le plus diabolique ?
Le bizango sans visage et sans odeur ou le proxénète prêt à tout pour remettre la main sur sa "propriété", sa prostituée, pour mieux l’asservir ?

Ecrit sous la forme d’un polar, "Bizango" en a en tout cas toutes les caractéristiques et c’est comme tel que je l’ai lu.
J'ai pris beaucoup de plaisir à le lire, car c'est un roman vivant, qui bouge sans cesse et avec un enchaînement d'actions, et qui, néanmoins, laisse toujours la sensation de ramper au sol tel un serpent. 
Si l'action se déroule à Montréal de nos jours, je regrette quelque peu que cette ville soit peu présente au coeur de l'intrigue.
Elle n'est en effet qu'évoquée par les personnages, notamment grâce au recours à des idiomes québécois, mais je n'ai jamais pu en saisir véritablement le rythme et la saveur.
Par contre, il est énormément question du folklore de Haïti et cela contribue à rendre la lecture plaisante et entraînante.
Cela donne au roman une touche de surnaturel bienvenue, car sans cela, l'histoire et les personnages ne transcendaient pas l'ordinaire et ce livre n'aurait pas autant éveillé mon intérêt qu'il a pu le faire.

Qu’il soit ange ou qu’il soit démon, une chose est sûre : le bizango ne laisse pas indifférent, et pour tenter de saisir sa véritable essence, je vous invite à découvrir ce très bon polar de Stanley Péan mêlant le Québec moderne au folklore Haïtien.


Livre lu dans le cadre du Prix Océans


L'empreinte à Crusoé de Patrick Chamoiseau

Robinson Crusoé vient de passer vingt ans de solitude dans son île déserte. Il a dû reconstruire son équilibre. C'est avec fierté – celle d'avoir soumis l'île à sa domination – qu'il entame ce matin-là une promenade rituelle sur la plage où il avait mystérieusement échoué il y a tant d'années. C'est alors qu'il découvre l'inconcevable : dans le sable, une empreinte. Celle d'un homme. Passé l'affolement, puis la posture agressive et guerrière, le solitaire s'élance à la recherche de cet Autre qui lui apporte ce dont il avait oublié l'existence : l'idée même de l'humain. Commence alors une étrange aventure qui le précipite en présence de lui-même et d'une île inconnue jusqu'alors. Celui qui avait réussi à survivre sans civilisation, sans culture, sans autrui, doit maintenant affronter ce qu'il n'aurait pu imaginer ailleurs qu'ici : la relation à l'impensable. (Gallimard)

Avec ce livre, Patrick Chamoiseau se propose de revisiter l'histoire de Robinson Crusoé.
Ici, il est plus question de psychologie, de ce qui se passe dans la tête de ce naufragé présent sur cette île depuis plus de vingt ans, enfin, selon son repère spatio-temporel.
Il a dû se reconstruire, physiquement, mais surtout psychologiquement, apprivoiser la solitude et l'île : "après avoir posé de multiples questions enchâssées dans des formules ad hoc, je m'étais mis à l'écoute de leurs signes et conseils; seul un silence grisâtre m'était revenu, avec parfois un remugle d'abîme qui laissait à penser que j'étais désormais bien au-delà de toute réalité, en une contrée où la puissance des morts elle-même ne laissait aucun accès possible à une quelconque chance;".
Et puis un beau jour, c'est le grand bouleversement, avec la découverte d'une empreinte dans le sable, preuve qu'il n'est pas seul : "en m'isolant dans l'île, en m'isolant de l'île, je m'étais aussi isolé de moi-même;", c'est alors qu'il se prépare à rencontrer l'Autre, à imaginer comment il serait, comment il va l'accueillir.
Il lui faut ré-apprivoiser l'idée de rencontrer un autre humain, de vivre de nouveau une relation humaine : "je n'étais ni ému, ni terrifié, ni impatient d'être en face des hommes; j'étais seulement porté par une plénitude ni béate, ni inquiète, mais pleine d'elle-même, toute sphérique et puissante, sans aucun tremblement, et qui chez moi, seigneur, accompagnait maintenant le surgissement d'une beauté; au bout des vingt-cinq ans de cette immobile aventure, je fermais avec vous la boucle ultime d'une immense rencontre ...".

Le style d'écriture est surprenant, pas de majuscule ni de point, un enchaînement de phrases ponctuées de virgules et de points virgules.
Autant dire que cela m'a quelque peu dérangée, hormis que cela redonne ses lettres de noblesse au point virgule peu usité et tombé dans l'oubli, car j'apprécie généralement les textes aérés; et puis il n'y a aucun dialogue, ce qui rend le récit très dense, peut-être parfois trop.
L'histoire est une suite d'interrogations, de travail sur la psychologie et si j'ai pu l'apprécier pendant un temps, cela a fini par me lasser quelque peu dans ma lecture.
Même si cela illustre une forme de folie, le personnage se lance dans la quête de l'autre et tourne en rond tel un poisson dans son bocal (ou ici tel un naufragé sur une île).
Le récit narratif est interrompu par le journal de bord d'un capitaine, mais c'est trop distillé et cela aurait pu redonner du souffle au récit en étant utilisé un peu plus souvent.
La pirouette finale est jolie, j'avais pensé à une toute autre, mais celle-ci est jouissive et intelligente.

Patrick Chamoiseau maîtrise son écriture de bout en bout, avec un style bien à lui qui lui permet de laisser son empreinte dans la littérature francophone d'aujourd'hui.
Son travail sur Robinson Crusoé est intéressant et cette version a des qualités, elle se focalise néanmoins parfois trop sur le psychisme au risque de lasser le lecteur.
"L'empreinte à Crusoé" est un livre à découvrir, pour cette nouvelle vision apportée sur le personnage de Robinson Crusoé.

Livre lu dans le cadre du Prix Océans