samedi 2 février 2013

L'insomnie des étoiles de Marc Dugain


Automne 1945, alors que les Alliés se sont entendus pour occuper Berlin et le reste de l’Allemagne, une compagnie de militaires français emmenée par le capitaine Louyre investit le sud du pays. En approchant de la ville où ils doivent prendre leurs quartiers, une ferme isolée attire leur attention. Les soldats y font une double découverte : une adolescente hirsute, qui vit là seule comme une sauvage, et le corps calciné d’un homme. Incapable de fournir une explication sur les raisons de son abandon et la présence de ce cadavre, la jeune fille est mise aux arrêts. Contre l’avis de sa hiérarchie, le capitaine Louyre va s’acharner à connaître la vérité sur cette affaire mineure, au regard des désastres de la guerre, car il pressent qu’elle lui révélera un secret autrement plus capital. Il ne se trompe pas : au fil de son enquête, il va découvrir une autre « solution finale », antérieure à la Shoah, et qui en est à la fois le prologue et la répétition générale. À savoir l’extermination par les procédés les plus barbares des malades mentaux – et de tout individu classé comme tel, car considéré comme « inadapté » au régime nazi. (Gallimard)

L'histoire de base de ce récit était intéressante, l'auteur avait en effet choisi de traiter un aspect de la Seconde Guerre Mondiale plutôt méconnu et rarement abordé en littérature : celui de l'extermination par les nazis des handicapés et malades mentaux, prémice du massacre de masse des Juifs et des Tsiganes dans les camps d'extermination.
Pour cela, il aborde cette histoire par le petit bout de la lorgnette, en s'intéressant tout d'abord à Maria, une jeune fille vivant seule dans la ferme familiale car son père est parti au front et sa mère est morte, qui reçoit la visite de deux policiers pas très clairs, puis de militaires français, chargés d'occuper la zone et de traquer des criminels nazis.
Arrêtée pour la découverte d'un cadavre carbonisé chez elle, elle finit par être prise sous l'aile du capitaine Louyre qui se met en tête dans un premier temps de résoudre l'énigme du cadavre calciné, puis dans un deuxième temps occulte totalement cet aspect pour se concentrer sur la maison de repos aujourd'hui désaffectée et dont le médecin a été mis à la retraite, et se met alors à enquêter sur les évènements qui s'y sont produits.
Mais voilà, l'histoire est assez inégale, ne serait-ce déjà que par le traitement que l'auteur en fait en donnant plusieurs os à ronger à son personnage du capitaine Louyre, qui finit par délaisser son idée première pour en suivre une autre qui constitue le coeur de l'intrigue.
Pourquoi dans ce cas ne pas l'avoir lancé tout de suite sur cette piste ?
Si ce récit est bien écrit, les chapitres sont inégaux, ceci allant de pair avec le traitement de l'intrigue.
Ainsi, certains chapitres sont courts, certains composés quasi exclusivement de dialogues tandis que d'autres sont longs et denses du point de vue de la narration.
Cela se traduit par des passages très beaux et captivants et sur d'autres qui tiennent plus de l'argumentaire et du raisonnable, cherchant à rattacher l'histoire au réel, au possible.
Au final, il n'y a pas de réelle surprise pour le lecteur qui a deviné depuis longtemps ce dont il était question, sans doute car la quatrième de couverture en dévoile trop, de plus, il n'y a pas non plus de réelle conséquence.
Quel était alors le but recherché par l'auteur ? Juste présenter les faits et s'arrêter ainsi en plein vol ?
Pourtant, l'horreur de la réalité est là, elle se dévoile dans la confession du médecin et apparaît dans toute sa nudité horrible : "L'espèce humaine porte en elle-même les germes de sa propre destruction, à l'inverse des espèces animales qui vivent un cycle préétabli selon des règles propres à chacune d'elles.".
Les personnages gardent aussi une certaine distance avec le lecteur, cela se ressent plus particulièrement sur le personnage du capitaine Louyre, qui, sous des phrases pleines de profondeur : "Les nouvelles c'est un peu comme le poisson : des jours de transport sans glace, ça ne leur donne pas l'oeil vif.", ne se dévoilent à aucun moment et restent une énigme pour tout le monde : les hommes de son unité, Maria mais également le lecteur.
Quant à Maria, son rôle est plus important dans la première partie, dans la deuxième elle est éclipsée par l'enquête menée par le capitaine Louyre.
Elle se retrouve pourtant la seule femme dans un milieu d'hommes, attirant la convoitise et revêtant un aspect de fantasme : "Il ressentait juste une sorte de précaution jalouse où elle tenait un rôle indéfinissable à mi-chemin entre le passe-temps et le fantasme.".
Là où je m'attendais à un peu de zizanie dans cette population masculine, il n'en est rien, l'auteur la relègue au second plan car son utilité est moindre que dans la première partie qui lançait l'intrigue.
Je ne peux m'empêcher de ressentir un sentiment d'inachevé par rapport à ce personnage.
Enfin, le titre reste un mystère complet pour moi, je ne vois pas la relation entre l'histoire et le titre, ou alors de très loin et uniquement par rapport au personnage du capitaine Louyre.

"L'insomnie des étoiles" est un livre moins fort que "La chambre des officiers" du même auteur, ne serait-ce que par le fait que Marc Dugain s'est moins attaché à ses personnages, gardant toujours une distance vis-à-vis d'eux, distance que ressent aussi le lecteur à la lecture de ce récit.
Pourtant, je ne condamne pas non plus ce livre, le thème abordé l'est de façon délicate et habilement menée, il y a de très beaux passages forts dans ce récit, me laissant ainsi en équilibre et sans avis tranché dans un sens ou dans l'autre.

Livre lu dans le cadre du challenge ABC Critiques 2012/2013 - Lettre D

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