samedi 30 novembre 2013

La fabrique du monde de Sophie Van der Linden


Et je me vois là, dans tout ça. Une petite chinoise de dix-sept ans, une paysanne, partie à l’usine parce que son grand frère entrait à l’université. Quantité des plus négligeables, petite abeille laborieuse prise au piège de sa ruche. Enfermée là pour une éternité. 
Confrontant un souffle romantique à l’âpre réalité, La Fabrique du monde est une plongée intime dans un esprit qui s’éveille à l’amour, à la vie et s’autorise, non sans dommage, une perception de son individualité. Aujourd’hui en Chine. Mei, jeune ouvrière de dix-sept ans vit, dort et travaille dans son usine. Elle rêve aussi. (Buchet - Chastel)

La fabrique du monde dont il est question présentement, c'est la Chine, pays réalisant la grande majorité des vêtements vendus partout dans le monde.
Mais de façon plus métaphorique, c'est aussi l'endroit où Mei va se découvrir et découvrir la vie, rêver, aimer, en quelque sorte se fabriquer.

Mei est une jeune fille de dix-sept ans, vivant, dormant et travaillant dans l'usine qui l'emploie, prisonnière de ce monde impitoyable et sacrifiée par ses parents pour que son frère puisse aller à l'université : "Quantité des plus négligeables, petite abeille laborieuse prise au piège de sa ruche. Enfermée là pour une éternité.".
Mais Mei n'est pas qu'une quantité négligeable passant des heures penchée sur son ouvrage à coudre, elle est aussi un être humain et à ce titre ressent des émotions, éprouve des sensations, rêve à une vie meilleure et commence à refuser son existence de quasi-esclave : "Je suis étourdie, je secoue la tête, je veux sortir de là, sortir de moi, j'ai mal, c'est trop de rancœur, de regrets, de colère. Les larmes reviennent, des larmes furieuses, je voudrais grogner.".
Mei est un personnage extrêmement touchant, faite de rêves, d'envie, de colère, de tristesse et de désespoir, difficile de résister, de ne pas l'aimer, et surtout de ne pas s'y attacher.
Si le premier chapitre peut déstabiliser, il faut absolument poursuivre la lecture de ce roman car la suite est tout simplement magnifique.
Dans un premier temps, l'auteur s'attache à décrire la déshumanisation au travail, toutes ces jeunes femmes qui passent leur vie à travailler jusqu'à l'accident ou l'épuisement, avec au milieu d'elles une Mei qui se prend à espérer et à rêver : "Sans bouger, au sortir du sommeil et pas encore dans ma vie éveillée, dans ce bref intervalle, tout est possible, imaginable, derrière mes paupières fermées.", l'auteur fait en tout cas très bien passer la dimension tragique, les dures conditions de vie et de travail en Chine.
Puis, dans un deuxième temps, l'auteur se détache de cette noirceur pour décrire l'éveil aux sens, à l'amour et à la vie de Mei, une partie plus lumineuse qui n'en est que plus belle.
Mei est amoureuse, cela devient son centre de gravité, sa raison de vivre : "Ce qui devait être exceptionnel est devenu l'essentiel.", et c'est avec beaucoup d'émotions que j'ai suivi le parcours de cette jeune femme.
Ce roman à la couverture magnifique est certes court, mais il se lit d'une traite et véhicule beaucoup d'émotions.
Je ne connaissais pas Sophie Van der Linden, auteur de littérature pour la jeunesse, mais même si ce livre est son premier roman et n'est pas forcément parfait sur tous les aspects, je l'ai trouvé très réussi et sa lecture m'a donné envie de découvrir les écrits pour la jeunesse de son auteur.

"La fabrique du monde" est une très belle découverte, un magnifique récit qui en dit long en peu de mots et fait passer énormément d'émotions en un court nombre de pages, un roman qui fait partie de mes plus belles découvertes de cette rentrée littéraire 2013.

Un grand merci à George pour le prêt de ce livre ! 

Ce livre fait partie du Prix Talents à découvrir de Cultura 2013.

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