jeudi 20 février 2014

Juillet 42 Les enfants aussi de Claude Izner


Eté 42, Dinah et Tauba, sa petite sœur, étouffent dans leur étroit appartement parisien. Depuis quelques temps, les enfants juifs, comme elles, ne peuvent plus sortir librement et doivent porter une étoile jaune. Au lendemain du 14 juillet, bravant les interdits, elles vont au cinéma sans l’étoile. Cette fugue va leur sauver la vie.

Sous le pseudonyme de Claude Izner se cache deux soeurs : Liliane Korb et Laurence Lefèvre, que je connaissais pour leurs enquêtes de Victor Legris dans le Paris de la fin du 19ème siècle.
Ici, cet ouvrage s'adresse à un public plus jeune, la cible visée étant les élèves de quatrième/troisième, et aborde la Rafle du Vel d'Hiv des 16 et 17 juillet 1942.

Narrée du point de vue de Dinah, l'aînée, l'histoire commence le 14 juillet 1942 dans un Paris en plein été, mais dans un Paris en guerre où les premières lois anti-juives ont été promulguées depuis quelques mois, obligeant les Juifs au port de l'étoile jaune, limitant leur accès au rationnement alimentaire et les empêchant d'exercer leur profession, ce qui est le cas du père des deux fillettes : "Alors là, je n'ai pas compris. Notre institutrice nous avait justement appris que la France est une terre d'asile et de liberté, le pays des droits de l'homme. Cette loi qui privait papa de son gagne-pain, elle était promulguée par les Français, pas par les Allemands !".
Cette petite fille en âge de réfléchir ne comprend plus, la France était une terre d'asile aujourd'hui elle est devenue dangereuse et l'individu ne se définit plus que rapport à ses papiers d'identité : "C'est curieux, on vient au monde, on respire, on rêve, on aime, mais si l'on est dépourvu de papiers on est incomplet, puisque sur cette terre - l'homme se compose de trois parties : le corps, l'âme et le passeport !".
En mettant des mots simples dans la bouche de Dinah, les auteurs réussissent à expliquer à de jeunes enfants la complexité de la situation et les sentiments que pouvaient ressentir les Juifs à cette époque.
De plus, il était intéressant de placer le point de vue au niveau d'une fillette d'une dizaine d'année, cela permet au jeune lecteur de ressentir de l'empathie pour elle et de suivre avec intérêt son histoire.
Dinah est certes réaliste mais elle possède encore une forme d'innocence propre à la jeunesse qui lui permet de rêver à un monde meilleur, en tout cas d'y croire : "Si les gens comprenaient vraiment que nous n'avons pas d'autre maison que cette petite planète qui roule dans l'espace, se feraient-ils encore la guerre ?".
Par un hasard de circonstances, Dinah se retrouve coincée avec sa sœur dans un cinéma le soir du 15 juillet, c'est ce qui leur sauvera la vie mais elles ne le savaient pas : "Je me souviens des paroles de papa. "Quoi qu'il arrive, restez ensemble. Vous êtes l'une pour l'autre l'être le plus proche, le même sang coule en vous, celui de maman et le mien. Ne l'oubliez jamais.".".
Pour évoquer la Rafle, les auteurs ont choisi de ne pas mettre les deux fillettes en spectatrice directe mais plus de décrire les sensations perçues par Dinah des événements qui se jouent dès le petit matin dans tout Paris.
Ce court livre s'adressant à un jeune public, il est inutile de raconter toute l'horreur de cette Rafle à de jeunes enfants, ils l'apprendront bien assez en grandissant.
Néanmoins, les auteurs ont choisi de l'évoquer avec des images fortes et parlantes, ainsi Dinah assiste au départ de familles entières dans des autobus : "Sur les trottoirs, sur la chaussée, des familles entières arrachées à leurs foyers se serrent les unes contre les autres. Une majorité de femmes, de vieillards, d'enfants. Dans l'affolement de l'arrestation ils ont rassemblé à la hâte des couvertures, des ustensiles de cuisine, un peu de nourriture - deux jours de vivres, ont conseillé les policiers. Des valises mal ficelées s'entassent autour d'eux.".
Tout de suite, ce sont des images qui viennent à l'esprit et qui rendent le récit vivant.
C'est la désorganisation, Dinah et sa sœur échapperont à la Rafle grâce à des voisins qui les cacheront dès leur retour chez elle et les garderont jusqu'à ce que les événements se tassent, mais cela ne les empêchera pas d'avoir vu ce qui se passait et d'en garder souvenir à jamais : "Je les verrai toujours, ces enfants, ces bouts de nez collés aux carreaux dans les autobus, ces petites mains qui font "au revoir". Il fait beau, c'est le mois de juillet. Sur le boulevard, les arbres sont verts, et Paris est plein d'oiseaux.".

"Juillet 42 Les enfants aussi" est un roman qui aborde de façon intelligente et sensible la Rafle du Vel d'Hiv et qui conviendra très bien à de jeunes lecteurs pour une première approche de cette tâche dans l'histoire de la France, la notice historique en fin de volume constitue également un bon complément à cette lecture.

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