dimanche 13 avril 2014

Her de Spike Jonze



Los Angeles, dans un futur proche. Theodore Twombly, un homme sensible au caractère complexe, est inconsolable suite à une rupture difficile. Il fait alors l'acquisition d'un programme informatique ultramoderne, capable de s'adapter à la personnalité de chaque utilisateur. En lançant le système, il fait la connaissance de 'Samantha', une voix féminine intelligente, intuitive et étonnamment drôle. Les besoins et les désirs de Samantha grandissent et évoluent, tout comme ceux de Theodore, et peu à peu, ils tombent amoureux… (AlloCiné)


Furieuse envie de légèrement parodier la nouvelle chanson d'Emmanuelle Seigner avec ce film : "Virtual lover / Where have you been ? / I need you right here / In front of me".
Theodore Twombly est un homme en procédure de divorce, sensible mais seul, terriblement seul, jusqu'au jour où il acquiert un nouvel OS - Operating System, et qu'il choisit de lui attribuer une voix féminine, qui s'auto-nomme Samantha et qui va très vite lui devenir indispensable.
Samantha est intelligente, programmée pour répondre aux attentes de Theodore, elle est intuitive, drôle, sexy et en perpétuelle évolution.
Les besoins et les envies de Samantha évoluent, tout comme ceux de Theodore, et ce qui devait arriver arrivât : ils tombent amoureux l'un de l'autre.
Original de tomber amoureux d'un OS, non ?
Pourtant, au visionnage de ce film, c'est à se demander dans quelle limite le réalisateur n'a pas été inspiré par l'actualité et a placé son histoire dans un futur proche qui pourrait méchamment ressembler à ce qui nous attend.
L'histoire se déroule dans un Los Angeles légèrement futuriste, peuplé d'immenses tours dans lesquelles soit on se loge soit on travaille, il n'y a plus de voitures mais des espaces verts et de grands sentiers de promenade inspirés de la Coulée Verte à Paris ou de la Highline à New York.
Il n'y a pas que l'absence de véhicules qui frappe dans ce film, mais également la présence d'enfants plutôt rare et l'absence totale d'animaux.
Tout est devenu virtuel ou presque, même les relations humaines et le téléphone rose a repris du service dans une scène à hurler de rire.
Chacun prend les transports avec l'oreillette rivée à l'oreille, consultant ainsi les nouvelles, la météo, ou dialoguant avec des OS, les personnes n'ont plus vraiment le temps de rien, ou en tout cas plus de temps à se consacrer à eux-mêmes puisque même les courriers sont rédigés par une société spécialisée, c'est d'ailleurs ce en quoi consiste le travail de Theodore.


Si c'est cela l'ultra moderne solitude, autant dire que l'avenir n'est pas des plus gais, c'est d'ailleurs le postulat de ce film.
L'étrange histoire d'amour qui se noue entre Samantha et Theodore est touchante, à la fois parce que c'est la rencontre de deux solitudes mais aussi parce que pendant un certain temps elle semble idéale puisqu'ils ne vivent que les bons côtés d'une relation et ne connaissent pas vraiment les mauvais.
Mais comme déjà dit, Samantha évolue, se pose des questions, tandis que Theodore se voit jeter à la figure le fait qu'il est incapable d'assumer le réel et ses congénères et qu'il se réfugie alors dans le virtuel.
Ce n'est pas totalement faux et cette première crise du couple marque également un tournant décisif dans leur relation.
Après un rapide retour de flamme, Samantha disparaît, réapparaît, est de moins en moins joignable, de plus en plus distante, rencontre d'autres OS, échange avec eux, avec une soif toujours plus grande de curiosité et d'envies jusqu'à disparaître définitivement de la vie de Theodore, comme d'autres OS le font avec des humains auxquels ils s'étaient attachés.
Et quand Samantha disparaît, il ne reste que du vide et l'absence, celle de sa voix si particulière et à laquelle le spectateur a fini par s'attacher sans être à aucun moment gêné de ne jamais voir physiquement ce personnage.


Si ce film est triste dans le fond, il est particulièrement réussi du point de vue esthétique.
Certes, l'histoire se place dans un cadre futuriste, mais pour autant l'ambiance générale qui s'en dégage à un goût rétro des années 30 follement envoûtant, à l'image de la construction des flashbacks dans l'histoire de Theodore.
L'autre aspect frappant, c'est l'absence de recours à des effets visuels, tout ou presque est filmé en lumière naturelle.
Durant tout le film, j'ai eu la sensation que cette façon de filmer et que, d'une certaine façon la trame de fond de l'histoire, pouvaient tout à fait coller avec l'ambiance de "Fahrenheit 451", les images du film de François Truffaut ne m'ont d'ailleurs jamais quittée tout au long de la séance.
Le personnage de Theodore porte en lui la mélancolie et la quête désespérée d'un Guy Montag, comme dans l'univers de Ray Bradbury ou de François Truffaut, le virtuel a aussi pris le pas sur le réel par le biais d'écrans géants qui diffusent dans l'appartement l'histoire d'une famille virtuelle.
Ici, Theodore a Samantha et son amie Amy, créatrice de jeux vidéos, mais au milieu de toute cette tristesse il y a beaucoup d'humour et certaines scènes sont franchement très drôles, ce qui contrebalance bien le fond du scénario.
Et que dire du casting qui est une réussite sur toute la ligne : Joaquin Phoenix est particulièrement inspiré et donne toute l'étendue de son talent à travers le personnage de Theodore, les femmes qui l'entourent, qu'il s'agisse d'Amy Adamas ou de Rooney Mara ou d'Olivia Wilde ont de la présence, mais la performance qui envoûte le plus est sans nul doute celle de Scarlett Johansson, prêtant sa voix à Samantha et encore plus présente et charismatique que si elle apparaissait à l'écran.
Quant à la musique signée Arcade Fire, elle est particulièrement soignée et colle parfaitement avec l'ambiance qui se dégage du film.


"Her" de Spike Jonze fait partie de ces belles surprises cinématographiques de ce début d'année 2014, non seulement ce film se regarde avec grand plaisir mais il distille un message auquel il faut prêter attention sous peine de courir le risque de se retrouver d'ici quelques années à l'image des personnages.
Le virtuel c'est bien et ça peut être utile, mais le réel c'est bien mieux et rien ne pourra le remplacer.





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