samedi 22 novembre 2014

Le choeur des femmes de Martin Winckler


Je m'appelle Jean Atwood. Je suis interne des hôpitaux et major de ma promo. Je me destine à la chirurgie gynécologique. Je vise un poste de chef de clinique dans le meilleur service de France. Mais on m'oblige, au préalable, à passer six mois dans une minuscule unité de «Médecine de La Femme», dirigée par un barbu mal dégrossi qui n'est même pas gynécologue, mais généraliste ! S'il s'imagine que je vais passer six mois à son service, il se trompe lourdement. Qu'est-ce qu'il croit ? Qu'il va m'enseigner mon métier ? J'ai reçu une formation hors pair, je sais tout ce que doit savoir un gynécologue chirurgien pour opérer, réparer et reconstruire le corps féminin. Alors, je ne peux pas – et je ne veux pas – perdre mon temps à écouter des bonnes femmes épancher leur cœur et raconter leur vie. Je ne vois vraiment pas ce qu'elles pourraient m'apprendre. (Folio)

Jean Atwood est un pur produit de l'université de médecine, mieux que ça même : elle est sortie major de toutes les promotions.
Aussi vit-elle très mal le fait de ne pas avoir eu l'affectation qu'elle désirait pour pratiquer de la chirurgie gynécologique et de se retrouver au service de "médecine de la femme" de l'unité 77 du centre hospitalier de Tourmens : "J'imagine que Karma m'a imposé de passer une semaine entre ses murs pour me convaincre de rester, que je peux me rendre utile et qu'il a des choses à m'apprendre, mais tout le mal que je me suis donné depuis quatre ans pour devenir ce que je veux, tout ce que j'ai appris, tout ce que je sais faire, et faire mieux que bien, mieux que la plupart des autres chirs, c'est beaucoup trop bien pour le gâcher en écoutant des nanas qui se plaignent d'avoir mal aux seins ou qui flippent parce qu'elles ont peut-être un polichinelle dans le tiroir ! Tu comprends, quand je ne prends pas mon pied à les opérer, les bonnes femmes, moi, je m'en passe très bien.".
Jean arrive complètement arrogante dans ce service, à la limite d'être odieuse avec Karma, son assistante et les patientes qui défilent, mais Karma, le médecin responsable de l'unité, va vite lui apprendre l'humilité, mais à sa manière : "Major ou majorette ou pas, tout ce que vous avez appris par cœur pour passer vos examens est daté, partial, insuffisant ou faux. Et souvent les quatre à la fois. Dans les foutues facultés françaises, on déforme des médecins au point qu'ils s'imaginent, une fois leur diplôme en poche, qu'ils savent tout et n'ont plus rien à apprendre.".
Auprès de Karma, Jean va découvrir une nouvelle médecine, plus proche du patient, qui prend le temps de l'écouter, ne lui impose pas d'examens inutiles, ne lui pose pas de questions superflues et surtout, ne porte jamais aucune jugement sur les motivations de la visite : "Un soignant, ça n'est pas un inquisiteur.".

Si j'ai trouvé que ce livre était en dents de scie, avec une début prometteur, un soufflé qui retombe, une reprise de souffle et finalement une fin d'une banalité affligeante, je lui reconnais le mérite de soulever de bonnes et de vraies questions autour de la médecine et plus particulièrement de la gynécologie, et de faire s'interroger le lecteur.
Si l'histoire en elle-même ne révolutionne pas, les propos sous-jacents eux si, et je me sens nettement mieux armée désormais pour affronter un médecin qui outrepasserait sa fonction.
En tant que femme on a toutes vécu au moins une visite chez un(e) gynécologue, je crois que pour personne ce n'est une partie de plaisir et que l'on a beaucoup à redire sur les méthodes pratiquées voire même les questions qu'il nous arrive d'entendre (si, si, je confirme qu'au 21ème siècle pour certain(e)s gynécologues un contraceptif est une hérésie ...).
En ça, ce roman, écrit par un médecin, a le mérite de nous faire nous interroger et d'en parler autour de nous et pose quelques principes de base que l'on a oublié depuis longtemps voire même auxquels on a jamais songé car si les médecins sont formatés les patients le sont tout autant : "Une femme qui demande la pilule n'est pas malade, elle veut se protéger. Si elle n'a pas déjà de rapports sexuels, c'est qu'elle a l'intention d'en avoir et veut éviter d'être enceinte. En quoi le fait de l'interroger sur ses rapports sexuels est-il pertinent ?".
Sur le fond ce roman a donc le mérite de soulever de nombreux débats qui seront, à n'en pas douter, animés.
Je tiens à préciser que je m'interroge quand même dans quelle mesure le propos de Martin Winckler n'est pas exagéré sur la façon d'être de certains médecins.
Sur la forme par contre j'ai beaucoup plus à redire.
Les personnages sont complètement stéréotypés : le médecin d'un certain âge encore séduisant, compréhensif, à l'écoute de ses patientes, d'une patience d'ange; et en face de lui la jeune interne très brillante avec des dents qui rayent le parquet et qui sait déjà tout sur tout.
Quant à l'intrigue, elle est téléphonée du début à la fin et ne ménage aucun suspens tant elle est prévisible.
C'en est même un peu trop gros sur la fin où tout s'enchaîne à une vitesse folle qui frise l'absurdité.
C'est dommage car ce livre commençait bien, puis très vite le lecteur devine ce qui va advenir et la fin est une calamité et un dégoulinement de guimauve rose bonbon.
A côté de ça, il y a quelques histoires particulièrement touchantes et un auteur qui sait piquer de curiosité le lecteur, en tout cas la lectrice, et quasi l'obliger à aller faire un tour sur son site.
Je précise bien que ce livre n'est pas réservé exclusivement à un public féminin car le titre pourrait laisser penser le contraire.

"Le chœur des femmes" de Martin Winckler ne fera pas partie de mes lectures marquantes car sur la forme ce livre souffre de faiblesses et de concours de circonstances manquant cruellement de subtilité, par contre l'intérêt de le lire peut sans doute résider sur le fond; en tout cas c'est un livre qui ne peut laisser personne indifférent.

Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices 2014


Livre lu dans le cadre du Plan Orsec 2014 pour PAL en danger / Chute de PAL


2 commentaires: