mercredi 24 décembre 2014

Little Tulip de Jérôme Charyn et François Boucq


Emprisonné en même temps que ses parents, c'est à l'âge de sept ans que Pavel découvre l'enfer du goulag. Séparé des siens, il doit apprendre à survivre seul. Quelques années plus tard, il connaît bien les règles qui régissent son univers : la violence permanente, l'incurie des gardiens, la toute-puissance des chefs de gangs. Il sait que s'endurcir ne suffit pas. Grâce à ses talents de tatoueur, il obtient la protection de Kiril-la-Baleine et s'intègre dans l'univers cruel des caïds. Mais dessiner pour le diable a toujours un prix... (Le Lombard)

Pavel a sept ans lorsqu'il est arrêté et emprisonné en même temps que ses parents au goulag.
Sans nouvelles d'eux, il doit apprendre à survivre, seul, et se faire une place dans la hiérarchie très établie des différents clans du goulag.
"Le dessin est un art qui consiste à essayer de donner forme à l'invisible.", et c'est grâce au dessin que Pavel va se faire un nom, une réputation, en tant que tatoueur, ce qui lui permettra peut-être d'apprendre ce qui est arrivé à ses parents.

Le destin de Pavel est d'une cruauté et d'une dureté sans nom, encore gamin il se trouve plongé dans un enfer d'adultes où la survie est une priorité de chaque instant.
Jérôme Charyn et François Boucq proposent ici de suivre le destin hors du commun de cet homme : dans le présent à New York où il tient une boutique de tatouage et où un mystérieux Père Noël viole et tue des jeunes femmes dans des ruelles la nuit; dans le passé où le lecteur suit l'évolution de cet enfant en jeune homme dans un monde de terreur et de violence.
"Mon maître disait que les hommes étaient des songes qui vivent dans un songe ignorant qui les rêve. Nous sommes l'étoffe d'un rêve. La grâce du dessin nous donne le pouvoir de le modifier, disait-il encore. L'art avait libéré son esprit. Il pouvait vivre dans cette prison. Son esprit, lui, était libre.", ce n'est donc pas que grâce au dessin que Pavel va s'en sortir, mais aussi par les rencontres qu'il va faire, celui qu'il appelle son maître et qui va lui apprendre l'art sacré du tatouage et d'une certaine manière Kiril-la-Baleine, ce chef de gang qui va le prendre sous son aile et lui offrir une forme de protection.
Les auteurs ont su recréer de façon glaçante l'univers du goulag et ont porté un grand soin à l'élaboration des personnages et à leurs relations les uns avec les autres.
Pavel passera par plus d'une forme d'initiation : "Prouve-moi ton amour du dessin ! Sois à la hauteur de ton ambition. Si tu veux que le dessin se donne à toi, tu dois te donner à lui sans retenue, comme un forcené !", ces épreuves feront de lui l'homme qu'il est aujourd'hui et qui garde secret son passé ainsi que les tatouages qui ornent son corps et racontent son histoire, ses racines, son passé : "C'est toute ta vie qui est gravée dans ta chair, et ce loup qui hurle, c'est toi.".
Oui, Pavel est un loup qui hurle et c'est bien ainsi que les auteurs ont créé son histoire et lui ont donné vie par le dessin.
Le scénario de Jérôme Charyn m'a littéralement transportée à tel point que j'ai lu cette bande dessinée d'une traite.
La violence qu'elle contient ne m'a jamais mise mal à l'aise comme avait pu le faire le fond de l'histoire de "La femme du magicien", l'alternance entre le passé et le présent est bien dosée et j'ai particulièrement apprécié cette intrigue qui est riche et bien développée.
Quant aux dessins de François Boucq, si le trait de crayon n'est pas de celui qui m'attire au premier regard je reconnais qu'il a tout de même du style et du charme et qu'il cadre très bien avec les personnages et le fond historique.
Le graphisme est d'un réalisme à faire froid dans le dos, mais j'ai l'impression que le fait de choquer avec l'histoire et/ou les dessins fait partie de la marque de fabrique de ces deux auteurs.

"Little Tulip" de Jérôme Charyn et François Boucq n'est sans doute pas une bande dessinée à mettre entre toutes les mains, ou alors dans celles d'un public averti, mais quel festival de virtuosité et quel régal de lecture !
Décidément, lorsque ce duo est réuni, il fait des étincelles et des merveilles !

Un grand merci à Babelio et aux Editions Le Lombard pour l'envoi de cette bande dessinée.

Livre lu dans le cadre du Club des Chroniqueurs Signé

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