samedi 28 mars 2015

Du soleil sur la joue de Marylin Sachs


Nicole vit une enfance joyeuse entre sa petite soeur et ses parents à Aix-les-Bains. Mais lorsque la seconde guerre mondiale gronde, son univers s'écroule. Les Juifs ne sont plus en sécurité nulle part et sa famille est menacée. Nicole n'a pas onze ans quand son père part à la guerre. Tout change autour d'elle... Réussira-t-elle à rester avec les siens ? « Papa n'était toujours pas revenu. Depuis le début du mois de juin, un courant ininterrompu de réfugiés venait de Paris et d'autres régions de la France occupée. Ils cherchaient un ailleurs où s'installer pour échapper aux Allemands... » (Flammarion Jeunesse)

J'ai lu ce roman dans ma jeunesse, c'est d'ailleurs le public auquel il s'adresse en premier lieu, et j'ai eu envie de le relire il y a quelques temps
Parce qu'il y a comme ça des livres qui marquent et que l'on a envie de relire des années après
C'est plutôt bien, car il faut bien avouer que je ne me souvenais plus de grand chose, hormis que Nicole était une petite fille Juive qui allait se trouver séparée de sa famille durant la guerre à la suite d'une rafle.
Et ce souvenir est finalement réducteur, car au-delà de cette histoire permettant à un public jeune de découvrir avec des mots choisis la persécution des Juifs pendant la Seconde Guerre Mondiale, il y a surtout les tourments d'une petite fille qui va finir par mûrir plus vite qu'elle ne l'aurait dû et qui va découvrir le véritable sens du chagrin et de la solitude : "Maintenant, je sais que le chagrin n'est pas une chose qu'on porte sur son visage. Il est en vous, la nuit, quand vous êtes allongé dans votre lit. Là, j'entends les internes parler de leurs familles. Elles savent où est leur mère, où est leur père, et moi je n'en sais rien. Le chagrin, c'est de voir arriver les paquets, avec un petit morceau de fromage, du saucisson, une écharpe chaude - il n'y a jamais de paquet pour moi. C'est de voir les parents qui viennent chercher leurs filles pour les emmener à la maison, pour les vacances ou pour le dimanche - et leurs visages tout ridés de sourire à la vue de leur enfant. Mais il n'y a pas de visage pour moi.".
Au début de ce roman, Nicole est une petite fille insouciante, certes il y a la guerre mais elle ne la touche pas personnellement, jusqu'au jour où son père part au front et revient, et surtout lorsque commence à défiler chez elle des personnes réfugiées qui ont perdu leur maison et parfois même leur femme et enfants : "Depuis le début du mois de juin, c'était à Aix-les-Bains un courant ininterrompu de réfugiés venant de Paris et d'autres régions de la France occupée. Certains se dirigeaient vers la Suisse tandis que d'autres cherchaient ailleurs où s'installer pour échapper aux Allemands.".
Puis vient le temps des brimades à l'école, où Nicole se fait insulter par une camarade sans comprendre pourquoi : "Qu'est-ce que ça veut dire sale juive ? En tout cas, elle s'est trompée sur mon compte, parce que je ne suis pas une sale juive. Et je me demande qui peut bien l'être.".
Nicole grandit, commence à comprendre, prête des serments d'enfant : "Moi, si nous étions séparées de vous, je vous chercherais, c'est tout ce que je ferais. Je vous chercherais, et je vous retrouverais, et je ne rirais pas avant de vous avoir retrouvés.", jusqu'au jour où elle se retrouve séparée de ses parents, ne doit de survivre qu'à quelques personnes qui la protègent et découvrent la solitude ; "Jour après jour, ma solitude avait grandi et devenait insoutenable. Les premiers jours de mon retour à l'école, l'excitation d'être hors la loi m'avait soutenue, avec l'espoir, encore, que mes parents s'échapperaient peut-être, d'une manière ou d'une autre. Mais l'espoir s'était amenuisé, tandis que s'allongeaient les heures de solitude noire.".
Je ne me rappelais pas tant de noirceur dans ce roman jeunesse, mais l'auteur a su trouver les mots justes et simples pour faire passer les sentiments de Nicole à un public du même âge que l'héroïne.
Elle arrive à bien reconstituer l'atmosphère de ces années et crée une empathie entre le lecteur et la jeune Nicole.
Marylin Sachs a sans doute dû se documenter, d'autant qu'elle est américaine, elle a su reconstituer la France de ces années-là avec une certaine justesse, et surtout, ce qui est à mon avis le plus réussi dans ce roman, se mettre dans la tête d'une petite fille d'une dizaine d'années
La construction du récit à rebours est également intéressante, d'autant que l'auteur a vraiment su s'adapter à un public jeune en décrivant justement les faits sans entrer dans les détails les plus terribles et en laissant une fin relativement ouverte qu'ils ne comprendront que plus tard, le but recherché n'étant pas de traumatiser les enfants mais de leur transmettre l'histoire passée des Nicole et de tous les autres enfants Juifs ayant vécu à cette période afin qu'ils ne tombent pas dans l'oubli.

"Du soleil sur la joue" de Marylin Sachs est un beau roman jeunesse poignant sur la Seconde Guerre Mondiale et la traque des Juifs à travers le regard de la jeune Nicole.
Le sujet est traité intelligemment et sensiblement pour un public jeune et se relit avec autant de plus plaisir en étant plus grand.

Livre lu dans le cadre du Challenge Romancières américaines


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