dimanche 11 octobre 2015

Barracuda de Christos Tsiolkas


Daniel Kelly sort de prison. 
Vingt ans plus tôt, il était Danny « Barracuda », le grand espoir de la natation australienne. Un adolescent rageur, animé par la soif de vaincre, tout entier tendu vers un seul but : devenir champion. Pour n'être plus le petit métèque, fils d'une coiffeuse grecque et d'un routier australien. Pour montrer à ces petits bourges pour qui tout semble facile que lui, le boursier, peut les battre. Pour ne plus être prisonnier de ce corps encombrant, de ces pensées qui lui viennent dans les vestiaires. 
Aujourd'hui, Daniel est ce champion déchu qui a commis l'irréparable. Il est cet homme que la prison a à la fois brisé et révélé. Il est ce fils, ce frère qui veut se réconcilier avec les siens. Il est cet adulte qui va devoir une dernière fois se confronter à l'ado qu'il était pour mieux tenter de revivre... (Belfond)

Je n'ai pas lu "La gifle" de Christos Tsiolkas mais j'en ai entendu parler, c'est pourquoi je n'ai pas hésité lorsque l'on m'a proposé de lire le nouveau roman de cet auteur Australien.
Il est ici question de Daniel Kelly, un homme sortant de prison et retrouvant le contact avec la vie réelle et ses proches.
Vingt ans plus tôt, ce même Daniel Kelly était un espoir de la natation, surnommé "Barracuda".
Alors qu'a-t'il bien pu se passer pour que ce prodige se transforme en criminel ?

Ce roman sert, entre autres, à répondre à cette question, mais aussi à mettre Daniel Kelly en confrontation face à lui-même pour lui permettre d'avancer dans la vie et de se construire la sienne, enfin.
Le personnage de Daniel Kelly est extrêmement bien fouillé et disséqué par l'auteur : il y a le Danny de la jeunesse, celui à qui ses talents de nageur lui ont permis d'intégrer une école fréquentée par la grande bourgeoisie uniquement; il y a le Dan adolescent qui perd pied et sombre irrémédiablement dans la délinquance jusqu'au geste fatal; et puis il y a le Daniel adulte qui sort de prison et qui essaye de se reconstruire, d'expier ses fautes et son passé et de trouver le pardon auprès de toutes les personnes qu'il pense avoir déçues.
Danny est un rageur qui veut à tout prix se débarrasser de l'étiquette de métèque qui lui colle à la peau, celui qui pense que c'est par les bassins et son appétit de victoire qu'il va atteindre son but, celui qui finit par nager non plus par plaisir mais par haine : "La haine, il s'en servirait, il ne l'oublierait pas, elle ferait de lui un meilleur nageur.".
C'est à partir de ce moment-là que la psychologie de ce jeune garçon vacille mais personne de son entourage ne semble s'en rendre vraiment compte, sauf peut-être son père qui émet des doutes face à la trop grande importance accordée à la natation et à tous les sacrifices que cela engendre pour l'intégralité de la famille.
Daniel Kelly finit par se transformer en un adolescent à l'esprit dérangé : "Le diable est en moi.", qui dispense le mal partout autour de lui et coule, mais personne n'est vraiment là pour lui jeter une bouée de sauvetage.
Enfin, il y a Daniel Kelly que la prison a changé, a brisé pour lui permettre de mieux se reconstruire et de devenir enfin la personne qu'il aspire à être depuis toutes ces années : "J'ai appris un certain nombre de leçons, en prison, la plus importante étant que j'avais fait une connerie et qu'il fallait la payer. On se construit une échelle, on grimpe les échelons pour sortir de l'enfer qu'on s'est créé et retrouver le monde réel en haut. Cela s'appelle expier, un verbe que j'ai aussi appris là-bas.".
C'est donc un personnage très dense et j'ai été impressionnée par la justesse d'analyse qu'en fait l'auteur.
Là où j'ai été un peu plus surprise, c'est que personne de son entourage ne semble se rendre compte de la transformation de la chrysalide en un papillon qui se brûle les ailes, à moins que ce point de vue soit voulu par l'auteur étant donné que l'histoire est racontée à la première personne du singulier par Daniel Kelly.
Il y a des thèmes forts qui sont développés de façon sous-jacente : une Australie divisée entre l'élite et les étrangers, une Australie qui ne reconnaît pas les droits fondamentaux des Aborigènes et qui d'un autre côté est en train de changer pour s'ouvrir un peu plus aux différentes cultures du fait de la venue des Jeux Olympiques en 2000, une partie de l'Australie qui se laisse porter par le courant tandis que l'autre trime pour s'en sortir.
Daniel Kelly est un personnage qui a la rage, il fait partie d'une minorité, de marginaux avec ses amis qui sont issus du même milieu que lui.
C'est dur et je peux comprendre qu'il souhaite s'en sortir à tout prix et se débarrasser de l'étiquette qui lui colle à la peau, mais je n'adhère pas à la façon de faire.
Il est sûr que ce personnage fait s'interroger le lecteur et qu'il cristallise en lui beaucoup d'aspects de la personnalité humaine.
Ce qui est fort regrettable, c'est que toute cette analyse si intelligente et à fleur de peau soit noyée dans une construction qui m'a gênée plus que séduite.
Il y a trop de découpages temporels et trop de passages des uns aux autres, cela m'a particulièrement gênée pendant ma lecture de la première partie et pour tout dire j'étais même perdue au début pour m'y retrouver.
Il faut attendre la deuxième partie pour avoir un nouvel éclairage et que les morceaux du puzzle s'assemblent, enfin.
Dommage qu'il faille attendre si longtemps pour les émotions surgissent enfin et que le personnage de Daniel finisse par toucher véritablement le lecteur.
C'est la raison principale qui ne me permet pas de dire que ce roman a été un coup de cœur.
Car j'ai eu l'impression de nager le papillon au cours de ma lecture, c'est une nage que je n'apprécie que moyennement et que je suis très loin de maîtrisée techniquement.

"Barracuda" de Christos Tsiolkas est un roman fort sur la déconstruction et la reconstruction d'une personne après un séjour en prison et présente l'Australie sous un jour différent de la carte postale à laquelle nous sommes habitués.
La littérature Australienne étant peu connue en France j'invite à la découvrir notamment au travers de ce livre et de son auteur.

Je remercie Babelio et les Editions Belfond pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une opération spéciale Masse Critique.

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