mardi 29 mars 2016

Top Ten Tuesday #146


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 plus beaux livres objets de votre bibliothèque

Après avoir regardé la définition de "livre objet" il s'avère que je n'en ai aucun dans ma bibliothèque actuellement, ce TTT est donc vite vu.

dimanche 27 mars 2016

Evariste de François-Henri Désérable


À quinze ans, Évariste Galois découvre les mathématiques ; à dix-huit, il les révolutionne ; à vingt, il meurt en duel. Il a connu Raspail, Nerval, Dumas, Cauchy, les Trois Glorieuses et la prison, le miracle de la dernière nuit, l'amour et la mort à l'aube, sur le pré. C'est cette vie fulgurante, cette vie qui fut un crescendo tourmenté, au rythme marqué par le tambour de passions frénétiques, qui nous est ici racontée. (Gallimard)

Cher François-Henri Désérable,

Puisque vous avez choisi de vous positionner en narrateur masculin de cette histoire à l'attention d'une jeune fille (dont j'ai bien senti que vous aviez envie de lui ôter ses vêtements et pas uniquement de lui conter fleurette, mais ceci est une autre histoire), à mon tour de vous rendre la pareille et de partager avec vous mon avis sur votre récit.
Soyez assuré que je ne peux détester votre roman, citer dans un texte mon film de référence sur la Révolution Française avec cette scène mythique d'ouverture ne pouvait que vous attirer mes bonnes grâces.
Néanmoins, il n'est ici point question de révolution, quoi que, mais de la vie, de l'oeuvre et de la mort d’Évariste Galois : "Car cette histoire, mademoiselle, n'est pas celle du gladiateur sans nom à la merci d'un seul doigt; non, cette histoire est celle d’Évariste Galois, mathématicien de génie qui mourut en duel à vingt ans.".
Même Arthur Rimbaud, auquel vous vous référez dans votre récit, a réussi à être une étoile moins filante qu’Évariste Galois.
Évariste Galois a eu en tout et pour tout cinq ans pour révolutionner les mathématiques (finalement il est bien question de révolution dans ce qui constitue votre deuxième récit).
Je vous ai lu, j'ai tout compris à Évariste Galois.
Oh rassurez-vous, en disant cela je ne fais pas allusion à la théorie mathématique qu’Évariste a développé, je laisse ce soin à des cerveaux bien plus féconds que le mien dans ce domaine, mais bien à l'essence même qui faisait Évariste Galois, ce génie incompris qui s'est ennuyé ferme sur les bancs du lycée Louis-le-Grand, qui a échoué par deux fois au concours d'entrée à Polytechnique, qui, en désespoir de cause, est entré à l'Ecole Normale Supérieure et a fini par participer à la Révolution de Juillet et a séjourné en prison.
Évariste aurait pu jeter l'éponge, mais que nenni : "Et alors on se dit qu’Évariste aurait pu se morfondre, se révolter, de guerre lasse envoyer chier les mathématiques, mais il aimait les mathématiques, il les aimait passionnément, furieusement, et de nouveau il s'y adonna tout entier, comme Galilée sa lunette braquée sur les étoile s'adonnait à l'astronomie, comme Commode dans Rome à quatre pattes s'adonnait aux sexes des gitons, comme la Rimbe venant de Charleville s'adonnera aux bouts rimés (et peut-être qu'à quatre pattes lui aussi ...).", le voilà reparti de plus belle à noircir des pages et des pages sur sa vision des mathématiques.
Mais voilà, Évariste s'amourache d'une personne du beau sexe, il se retrouve pris dans un micmac sentimental, convoqué à un duel et pan !
C'est le coup fatal, il a vingt ans, il n'a plus le temps de finir ses écrits, ni de les remettre au propre, ni de les compléter, il n'a plus le temps de rien : "Il a vingt ans. Il va mourir. Il n'est pas prêt.".
Clap de fin, au revoir Évariste et claque de plusieurs décennies pour l'avancée des mathématiques, perte d'un génie, d'un enfant pour sa mère, d'un être humain fauché dans la fleur de l'âge.

Jusqu'alors, Évariste Galois était surtout un nom et une théorie de mathématiques, désormais c'est une personne à part entière à qui vous avez redonné vie, même si vous avez beaucoup brodé, parce qu'il n'existe que très peu d'écrits sur lui, même s'il est difficile de se le représenter tant il existe peu de portrait de lui.
De vous je ne connaissais rien, pas même votre précédent écrit, pas même votre seconde vie de hockeyeur sur glace (ni votre minois ma foi assez charmant).
J'ai beaucoup aimé votre style enlevé, vos références culturelles (non mais "La Révolution Française" de Robert Enrico et Richard Effron, si vous saviez ce que j'ai pu regarder ce film en étant jeune ... et même en grandissant ... et la danse de la joie que j'ai faite lorsqu'il a enfin été édité en DVD, parce que ma copie VHS était plus qu'usée), la façon que vous avez de raconter et de jouer avec le lecteur (bon je me demande si l'effet est le même si votre lecteur est de sexe masculin), votre découpage de l'histoire en vingt chapitres, comme l'âge auquel est mort ce génie qu'était Évariste Galois.
Souvent, je suis assez partagée sur l'utilisation du langage moderne et grossier dans un texte narrant une époque bien particulière, finalement ici cela passe très bien et ne m'a pas gênée au cours de ma lecture.
Je dois vous avouer que je suis désormais très curieuse de lire votre précédent ouvrage consacré à Danton (pour ma part j'ai un petit faible pour le meilleur ami bègue de Robespierre, des fois que vous auriez envie d'écrire un nouveau récit autour d'un personnage de la Révolution Française) et que j'attends avec impatience votre prochain match de hockey sur glace même si je ne connais rien non plus à ce sport, ah non pardon, il est ici question de littérature, c'est donc votre prochain roman que j'attends avec impatience.

Soyez assuré, cher François-Henri Désérable, que je n'oublierai pas de montrer votre livre au peuple : il en vaut la peine.

Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices 2015

mercredi 23 mars 2016

Midnight Special de Jeff Nichols

     
     

Fuyant d'abord des fanatiques religieux et des forces de police, Roy, père de famille et son fils Alton, se retrouvent bientôt les proies d'une chasse à l'homme à travers tout le pays, mobilisant même les plus hautes instances du gouvernement fédéral. En fin de compte, le père risque tout pour sauver son fils et lui permettre d'accomplir son destin. Un destin qui pourrait bien changer le monde pour toujours. (AlloCiné)


Une annonce à la télévision : Alton (Jaeden Lieberher), un enfant de huit ans, est recherché, il a été enlevé par un certain Roy (Michael Shannon).
Une voiture filant dans la nuit, à son bord Roy, son ami et flic Lucas (Joel Edgerton) et Alton, qui s'avère être le fils de Roy.
Et si ce dernier l'a kidnappé, c'est parce son fils est différent, qu'il a son destin à accomplir, et qu'il ne laissera personne, pas même le FBI ou cette communauté baptisée "Le Ranch" pour qui Alton est un messie, se mettre en travers de son chemin.


Dès les premières secondes le ton est donné.
Cela commence comme un polar mais bien vite le spectateur comprend qu'il s'agit de toute autre chose, de la science-fiction.
Cet enfant ne peut vivre que la nuit, il possède d'étranges facultés que beaucoup de personnes cherchent à s'approprier et pas forcément pour faire le bien autour d'eux.
Mais ce n'est pas non plus que de la science-fiction, c'est aussi un film qui raconte l'amour d'un père, Roy, et d'une mère, Sarah (formidable Kirsten Dunst) pour leur enfant, des parents qui cherchent comment élever au mieux leur enfant et lui permettre d'accéder au bonheur.
C'est aussi un film qui traite de la croyance en quelque chose, à l'image d'un Lucas qui finit par croire en Alton, ou d'un agent, Paul Sevier (Adam Driver), qui choisit de faire confiance aveuglément à Alton.
"Midnight Special" est un film inquiétant à plus d'un titre, de par son ambiance mais aussi par ses personnages.
Qui est exactement Alton ? Pourquoi est-il doté de tels pouvoirs ?
Et ce ne sont pas les seules questions que soulèvent ce film : pourquoi Sarah et Roy se sont-ils séparés ? Dans quelle circonstance se sont-ils rencontrés ? Qu'est-ce que vient faire au beau milieu de cette histoire familiale Lucas, un ami que Roy n'a plus vu depuis des années ? Qui est "Le Ranch" ? Comment vivent ces gens ? Pourquoi sont-ils persuadés qu'Alton est leur messie ?
Si vous espérez avoir des réponses à toutes ces questions inutile d'aller voir le film, vous n'en aurez aucune.
Et c'est l'une des plus grandes réussites de ce film, toutes ces interrogations rendent l'histoire tout simplement merveilleuse.
Mais le scénario est bien complexe qu'il peut apparaître au premier abord, ce film a plusieurs niveaux de lecture.
Pour ma part, j'y ai vu dans sa dimension fantastique une allégorie de parents se trouvant confrontés à la différence de leur enfant, à sa maladie et pour finir à sa mort.
Paradoxalement cette histoire d'amour est à un deuxième niveau une histoire de deuil et d'acceptation de la disparition.
Ce film est très intense et j'ai été prise par l'atmosphère qui s'en dégage dès les premiers instants.
Cela faisait quelque temps que je n'avais pas été aussi prise par le scénario d'un film de science-fiction (pour être honnête la dernière fois remonte à "Interstellar", il y a d'ailleurs du Christopher Nolan dans ce film de Jeff Nichols), voire même d'un film tout court.
Outre un scénario particulièrement bien léché l'interprétation des acteurs est tout simplement formidable, à commencer par celle de Michael Shannon.
J'ai retrouvé certains acteurs connus, comme une touchante et formidable Kirsten Dunst ou encore un Adam Driver bien loin du sombre Kylo Ren, j'en ai découvert d'autres.
Esthétiquement la mise en scène est particulièrement soignée, même si la plupart des scènes se passent en nocturne.
Ce film joue de sa magie dès les premiers instants et envoûte le spectateur, jusqu'à la dernière image qui soulève une nouvelle interrogation dans la tête du spectateur.
Et que dire de la musique signée par David Wingo qui contribue à mettre dans l'ambiance dès les premières notes, c'est là aussi un des points forts de ce film.
Autant vous dire que je vais me précipiter pour voir les précédents films de Jeff Nichols car ce fut une très belle découverte cinématographique et ce jeune réalisateur me semble non seulement très talentueux mais aussi très prometteur.


"Midnight Special" est un formidable et intelligent film de science-fiction digne d'un Christopher Nolan, en tout cas l'un des meilleurs films de science-fiction que j'ai pu voir ces dernières années.



mardi 22 mars 2016

Top Ten Tuesday #145


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 phrases tirées de la page 81 de vos 10 dernières lectures

Evidemment je n'ai plus sous la main tous les livres lus récemment, donc ça ne sera pas exactement les dix dernières lectures.

1) "C'est donc après l'épisode de la raclée monumentale de Lowell que notre amitié débuta véritablement et que Harry Quebert, mon professeur de littérature la journée, devint Harry tout court, mon partenaire de boxe le lundi soir, et mon ami et mon maître certains après-midi de congé où il m'apprenait à devenir un écrivain." - "La vérité sur l'affaire Harry Quebert" de Joël Dicker
2) "La certitude de e qui l'attendait la plongea dans un état de panique." - "La veuve" de Gil Adamson
3) "Dites-moi, vous suis-je d'une aide quelconque ?" - "Le problème Spinoza" d'Irvin Yalom
4) "Vous avez une excellente idée, ma petite Eva." - "Le château de la juive" de Guy des Cars
5) "Un conseervateur à lunettes en veste de tweed et noeud papillon, visiblement bouleversé, expliquait que c'était une honte qu'ils ne laissent pas les spécialistes entrer dans le musée pour s'y occuper des oeuvees d'art." - "Le chardonneret" de Donna Tartt
6) "Il était quelle heure ?" - "Prendre Gloria" de Marie Neuser
7) "Au sein de cette masse grouillante et de plus en plus soupçonneuse, et dans ces voix énervées et agitées, Elizabeth perçoit tout de même, sans qu'elle puisse le verbaliser, que quelque chose se passe dans la tête des gens." - "Libération" de Sandor Marai
8) "Mais en même temps, je sentais que ce kaléidoscope n'était qu'une pauvre chose dérisoire, de simples morceaux de verre colorés, assemblés sans ordre et sans dessin et ce kaléidoscope s'était brisé et les morceaux de verre gisaient pêle-mêle à terre sous mes yeux." - "Le mépris" d'Alberto Moravia
9) "L'arrivée de nouveaux voisins ne manquait jamais d'alimenter les conversations." - "Mrs Bridge" d'Evan S. Connell
10) "Un enfant de cinq ans - il va falloir être réaliste." - "Pardonnable, impardonnable" de Valérie Tong Cuong

lundi 21 mars 2016

Des nouvelles de la planète Mars de Dominik Moll

     
     

Philippe Mars, ingénieur informaticien divorcé, essaye tant bien que mal de mener une vie tranquille, entre un fils collégien devenu subitement végétarien, une fille lycéenne obsédée par la réussite, une sœur artiste peintre aux œuvres terriblement impudiques et une ex-femme qui bosse à la télé… L’irruption accidentelle de Jérôme, un collègue légèrement perturbé, achève de transformer son existence en chaos. Mais dans un monde qui a perdu la raison, la folie est-elle vraiment si mauvaise conseillère ? (AlloCiné)


Philippe Mars (François Damiens) est ingénieur informatique, il vit sa petite vie de divorcé bien tranquillement, sauf lorsque son ex-femme Myriam (Léa Drucker), journaliste, lui laisse régulièrement leurs deux enfants (Sarah, Jeanne Guittet, et Grégoire, Tom Rivoire) sur les bras, et que sa sœur lui refourgue la crotte lui servant de chien tandis qu'elle part à l'étranger pour son travail, madame étant artiste peintre.
Mais tout bascule un beau jour au travail, il se retrouve obligé à travailler (comprendre surveiller) avec Jérôme (Vincent Macaigne), un homme quelque peu dérangé qui finit par péter un câble et blesse involontairement Philippe.
Jérôme s'échappe de l'hôpital psychiatrique et trouve refuge chez Philippe, qui traverse actuellement une crise avec sa fille lui reprochant d'être un looser et son fils qui a décidé d'être végétarien et de piquer les grenouilles de son collège qui
Philippe accueille Jérôme, ce dernier lui parle très vite d'une femme, Chloé (Veerle Baetens), qu'il a rencontré à l'hôpital et dont il est amoureux (le hic c'est que la dam a la phobie de tout contact physique), et bien vite il invite Chloé chez Philippe.
Et là, la vie bien tranquille de Philippe Mars se transforme en véritable chaos.


La bande annonce de ce film était réjouissante : un personnage banal dont l'univers bascule dans la folie suite à son agression, bien involontaire, par son collègue de travail quelque peu dérangé du ciboulot qui s'invite chez lui et en profite pour ramener sa nouvelle copine de l'hôpital psychiatrique (plus on est de fous plus on rit !).
Ajoutez à cela une sœur artiste affublée d'un toutou aussi ridicule que minuscule et dont la dernière exposition consistait en des toiles en noir et blanc représentant leurs parents nus avec des sexes démesurés et des enfants qui ont décidé de piquer leur crise, chacun à leur manière.
Philippe Mars, l'homme qui rêve qu'il voit la terre d'en haut affublé d'une tenue de cosmonaute, y perd son latin et les pédales et cela aurait pu être une comédie franchement déjantée.
Sauf que c'est déjanté mais soft, et que la bande annonce en dit beaucoup trop.
En fait, elle présente les meilleurs moments du film, en moins de deux minutes, alors derrière il ne reste pas grand chose.
Je m'attendais à quelque chose de plus drôle, plus décalé, au final je n'ai que parfois souri.
Hormis le personnage de Philippe Mars les autres auraient mérité d'être un peu plus creusés, la folie de Jérôme un peu plus et mieux exploitée.
Difficile de ne pas faire le parallèle avec le personnage de Harry, Jérôme a ce même côté dangereux, mais contrairement à Harry c'est un dangereux loufoque et pas méchant.
Mais pour moi il manque un grain de folie à cette histoire, ou pour être plus précise un deuxième grain de folie, car il y en a tout de même bien un.
Les comédiens ne sont absolument pas en cause, ils sont même géniaux dans leur rôle.
Le duo François Damiens / Vincent Macaigne fonctionne à merveille, j'ai trouvé Veerle Baetens formidable, mais avoir de bons comédiens ne suffit parfois pas toujours.
Tout comme une bonne mise en scène, car là aussi Dominik Moll a soigné cet aspect : des tons plutôt sombres, l'action a majoritairement lieu de nuit, les plans sont serrés et cadrés, enfermant le spectateur dans la vie quelque peu étriquée de Philippe Mars.
Je crois qu'en fait ce qui me gêne le plus dans tout cela c'est que le réalisateur s'est perdu à un moment, il a voulu faire passer un message à travers cette comédie quelque peu déjantée mais il ne s'y est pas forcément bien pris.
Ou alors je n'ai pas su le comprendre.


Depuis "Harry un ami qui vous veut du bien" je n'ai jamais réussi à apprécier un nouveau film de Dominik Moll et "Des nouvelles de la planète Mars" ne fait pas exception à la règle.
La prochaine Dominik Moll j'espère que les nouvelles seront un peu plus convaincantes.


     
     

dimanche 20 mars 2016

Le chardonneret de Donna Tartt


Qui est Theo ? Que lui est-il arrivé à New York pour qu'il soit aujourd'hui, quatorze ans plus tard, cloîtré dans une chambre d'hôtel à Amsterdam comme une bête traquée ? Qu'est devenu le jeune garçon de treize ans qui visitait des musées avec sa mère et menait une vie de collégien ordinaire ? D'où vient cette toile de maître, Le Chardonneret, qu'il transporte partout avec lui ? (Plon)

Tout commence dans une chambre d'hôtel à Amsterdam, dans laquelle Theo vit en reclus et dans la peur.
Qui est-il ? Que lui est-il arrivé ? Pourquoi s'est-il retrouvé dans une telle situation ?
Il y a plus de dix ans, Theo Decker vivait à New York avec sa mère adorée, tout se passait à peu près bien pour lui, hormis cette exclusion temporaire de son école pour laquelle lui et sa mère étaient convoqués un peu plus tard dans la journée, et tout finit par basculer lors d'une visite avec sa mère au Metropolitan Museum of Art où un attentat a lieu.
Sa mère est tuée, Theo en réchappe et porte secours à un vieil homme, repéré au cours de sa visite pour la jeune fille rousse qui l'accompagnait, qui juste avant de mourir lui donne une bague, lui lâche un nom et surtout lui demande d'emporter le tableau d'un peintre Néerlandais représentant un chardonneret.
Theo sort des ruines du musée avec le tableau et arrive à cacher cette oeuvre d'art recherchée par la police.
Commence alors pour lui un long apprentissage de la vie : recueilli par la riche famille de son ami d'enfance, les Barbour, il retrouve la belle fille rousse rescapée de l'attentat mais lourdement blessée, rencontre Hobbie, l'associé du vieil homme qui lui a demandé de prendre Le chardonneret, puis son père finit par se manifester et l'emmène avec lui et sa nouvelle compagne à Las Vegas, son chemin croise alors celui de Boris qui devient son ami, un jeune homme déjanté et abandonné par son père, qui lui fait découvrir l'alcool et la drogue, puis Theo revient à New York, vit avec Hobbie et finit par se lancer dans la vente d'antiquités et de meubles.
Et pour découvrir comment cela tout finit, il ne vous reste qu'à lire ce roman.

Vous reprendrez bien une part de Tartt ?
Vous savez, l'auteur Américaine qui sort un livre tous les ans, un pavé évidemment à chaque fois, cette auteur qui cultive le mystère et le silence et qui a su s'imposer dans la Panthéon de la littérature dès son premier roman.
C'est pourquoi, en toute logique, j'ai commencé par son troisième et dernier roman publié à ce jour.
Et finalement, je n'aurai peut-être pas dû aborder cette auteur par ce roman, non pas que je n'ai pas aimé "Le chardonneret", mais j'ai la sensation de ne pas avoir lu le meilleur de Donna Tartt.
C'est en tout cas un livre qui éveille beaucoup de questions et de commentaires.
L'apothéose de ce roman fleuve se situe paradoxalement dans son début, à savoir l'explosion au Metropolitan Museum of Art.
Formidablement décrite à travers les yeux de Theo il en ressort toute la confusion qui règne à ce moment-là, les blessés mais surtout les morts, la poussière, la panique, l'odeur métallique du sang, en un mot le chaos, pour ne pas dire l'apocalypse.
Le chaos ne se contente pas d'être extérieur mais il est aussi intérieur pour Theo, dans ses émotions, ses sentiments, le fait qu'il se retrouve seul, pris en charge par les Barbour parce que c'est le premier nom qu'il a donné aux services sociaux, et puis à terme dans sa vie.
Theo a bien compris qu'il n'était pas possible de revenir en arrière, que l'événement qui lui avait ôté sa mère n'était pas effaçable, mais il espère encore qu'un chemin différent s'offre à lui : "Ce qui s'était passé, je le savais, était irrévocable; pourtant il semblait en même temps exister un moyen pour que je retourne dans la rue pluvieuse et fasse en sorte que tout se déroule différemment.".
Au milieu de ce chaos il y a aussi les œuvres d'art qui ont disparu, soient détruites par l'explosion soient endommagées par celle-ci soient volées, à l'image de ce Chardonneret dont s'est emparé Theo, parce qu'un vieil homme lui a dit de le faire et qui va rythmer sa vie des années durant.
A ce stade, le lecteur se dit que c'est peut-être le choc de l'explosion qui a conduit Theo à dérober cette oeuvre sans réfléchir aux conséquences, ni à comment la garder ou la préserver, malheureusement non, la suite démontrera que bien souvent Theo agit sans réfléchir.
Après New York Theo atterrit à Las Vegas, dans une maison isolée dans le désert car ils sont à peu près les seuls habitants du quartier.
Il y découvre la solitude, l'alcool, la drogue, bref les paradis artificiels, et se demande ce qu'il fait là : "Comment avais-je atterri dans cette drôle de nouvelle vie où des étrangers soûls criaient autour de moi au beau milieu de la nuit, où tous mes vêtements étaient sales et où personne ne m'aimait ?".
Je vous rassure, une nouvelle fois Theo ne réfléchit pas trop, sachez juste qu'il finit par rentrer à New York et que la suite de sa vie est loin d'être réjouissante ni une partie de plaisir.
Le jeune Theo orphelin de mère a su me toucher, beaucoup moins le Theo adolescent qui se met à faire n'importe quoi avec n'importe qui et carrément pas le Theo adulte qui s'enfonce dans des sacs d'embrouille dont il lui sera difficile de s'extirper.
Certains comparent ce roman à une initiation à la Charles Dickens, au moins dans ses romans c'est d'une tristesse à pleurer pour le personnage principal, ici c'est juste d'une tristesse et je n'ai pas eu envie de pleurer.
Parce que j'estime qu'à un certain point on est en partie responsable de ce que l'on est et ce que l'on devient, et que Theo ne fait vraiment rien pour changer sa vie.
Certes, il regrette d'être né et d'avoir vécu : "Pour moi - et je continuerai à le répéter obstinément jusqu'à ma mort, jusqu'à ce que je casse mon ingrate pipe nihiliste et sois trop faible pour le répéter; mieux vaut ne jamais être né que d'être né dans ce cloaque.", mais qu'a-t'il fait pour prendre en main sa destinée ?
Rien, il n'a fait que subir ce que le destin lui réservait et utiliser des paradis artificiels pour oublier la dureté du monde.
Je suis peut-être un peu dure avec ce personnage mais à un moment donné trop c'est trop et je n'ai plus réussi à m'y attacher et à éprouver de l'empathie pour lui.
Dans ce roman-pavé il se passe beaucoup de choses, mais il souffre à mon sens de nombreuses répétitions et des coupes auraient pu être apportées.
L'auteur redit parfois les mêmes choses, le lecteur a fini par comprendre les sentiments qui traversent Theo lorsqu'il est sous l'effet de cachets de médicaments, il est par exemple inutile de le répéter à chaque fois.
A contrario, certains points ou personnages auraient mérité d'être plus approfondis mais ils disparaissent tout simplement.
L'arc narratif est aussi construit autour du tableau de Carel Fabritius, j'ai assez aimé cet aspect dans la construction du roman néanmoins j'aurais apprécié qu'il soit un peu plus exploité qu'il ne l'est.
Il y a peu d'amour et de sexe dans ce roman pourtant présenté comme le récit initiatique de Theo Decker, il faut dire que la mort de sa mère signifie pour Theo la fin (ou presque) de l'amour, et c'est là aussi un aspect que j'ai apprécié, tout comme l'amour, ou en tout cas ce qu'il croit l'être, que Theo ressent envers Pippa.
Finalement, Theo aime et est attiré par ce qu'il ne peut atteindre : une stabilité dans sa vie, une jeune fille marquée comme lui dans sa chair et dans son cœur par les événements ayant eu lieu au Metropolitan Museum of Art; et ne cesse de fréquenter des personnes qui ne lui apportent rien de bon.
Theo se brûle les ailes et ce roman pourrait être assimilé à la chute d'Icare et à sa renaissance, tel un phœnix, le tout accompagné d'une toile représentant un chardonneret.
En fait, il y a beaucoup de symboliques dans ce roman, sans doute trop pour toutes les saisir à la première lecture qui s'avère être dense, très dense.
Et si la fin m'a grandement déçue par sa platitude et sa banalité je trouve ce roman admirable en un point : c'est qu'il est possible, à partir de l'explosion au musée et de la mort de la mère de Theo, d'écrire une autre histoire tout aussi conséquente que celle-ci et pourtant différente, la vie de Theo est multiple, à moins que je n'éprouve ce sentiment uniquement parce que le récit qu'en fait Donna Tartt ne me satisfait pas pleinement.

Chère Donna Tartt rassurez-vous, je ne vais pas attendre dix ans et votre prochaine publication pour vous relire, si "Le chardonneret" me laisse quelque peu mitigée je m'en vais découvrir un de ces jours vos deux autres romans.


"Le chardonneret"

Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices 2015

samedi 19 mars 2016

Notre mère la guerre - Tome 2 : Deuxième complainte de Maël et Kris


Janvier 1915, en Champagne pouilleuse. Cela fait six mois que l'Europe est à feu et à sang. Six mois que la guerre charrie ses milliers de morts quotidiens. Mais sur ce lieu hors de raison qu'on appelle le front, ce sont les corps de trois femmes qui font l'objet de l'attention de l'état-major. Roland Vialatte, lieutenant de gendarmerie, militant catholique, humaniste et progressiste, mène l'enquête, à la demande du capitaine Janvier. Une étrange enquête, à cause des victimes, à cause des tranchées... Le 8 janvier, la section Peyrac perd au combat les deux tiers de ses soldats. Même s'ils étaient des repris de justice, mineurs de surcroît, libérés de prison pour être envoyés au front, le caporal Gaston Peyrac, socialiste et antimilitariste, les aime ces gamins. Il se moque de ce qu'ils ont pu faire avant, son unique but est de les garder en vie. Alors, quand Vialatte et Janvier portent leurs soupçons sur ses hommes, ça le met en rage... (Futuropolis)

Bienvenue en janvier 1915 en Champagne dans la boue, le froid, la vermine et le sang.
Pendant que les hommes meurent au front trois femmes ont été assassinées et leur dépouille traînée en première ligne, histoire de remonter un peu plus le moral des troupes.
Le lieutenant de gendarmerie Vialatte est en première ligne, au milieu des hommes du caporal Peyrac, et tandis que les deux tiers de cette troupe sont tombés au combat Vialatte continue son enquête et découvre des indices laissant croire que le ou les meurtrier(s) pourraient faire partie du groupe.
Car, rappelons-le, cette troupe est constituée de repris de justice dont certains sont mineurs.
Mais pas le temps d'enquêter plus, le lieutenant Vialatte est rappelé par le capitaine Janvier, une quatrième femme vient d'être découverte, et il se trouve que le capitaine la connaissait bien car elle était sa bonne amie dirons-nous : "Oui, ça a continué. On ne guérit pas de la folie.".

Le mystère s'épaissit dans ce second tome, et plutôt que d'obtenir des réponses ce sont de nouvelles questions qui sont soulevées.
Mais le point central ici n'est peut-être pas tant l'intrigue que la guerre, omniprésente, beaucoup d'images lui sont consacrées : combats, violence, corps explosant, se disloquant et se répandant sur une terre boueuse; et elle est bien entendu à l'esprit de tous les personnages, tout le temps : "Le front est une ligne mortelle et ensorcelante. La guerre fait naître un monde de sentiments inconnus, insoupçonnés. Ces heures plus qu'humaines ont le parfum définitif de l'absolu. C'est une fenêtre à laquelle on respire un air chargé de ciel, une région au bord du monde, tout près de dieu. C'est peut-être là seulement qu'on meurt dans la plus totale liberté.".
Il est aussi beaucoup question de solidarité entre les soldats, d'instants touchants voire même d'humanité entre des personnes qui n'auraient jamais dû se retrouver là, ou qui en d'autres circonstances n'auraient pas bougé le petit doigt pour autrui, mais la guerre est ainsi faite, elle noue des relations fortes entre les hommes et les poussent à s'entraider, à agir d'instinct : "Un homme n'est rien pour vous et la minute suivante vous êtes prêt à braver l'enfer pour lui, dans un élan spontané, instinctif.".
Le personnage de Vialatte est celui qui connaît l'évolution la plus importante, sa vision des choses et des personnes changent, il a définitivement perdu ses illusions et voit désormais la guerre dans toute son horreur.
Mais ce deuxième volume s'intéresse un peu moins à l'aspect humain pour mettre en avant la guerre des tranchées, la guerre de l'horreur et toute la violence qui en découle.
Une nouvelle fois les dessins sont très soignés et participent grandement à la réussite de cette bande dessinée, la mise en couleurs est sobre : dominante de gris/marron, mais juste et en parfaite harmonie avec le contexte.

Après le rassemblement le temps est désormais à la parole, chacun s'exprime et donne son opinion dans ce deuxième volume de "Notre mère la guerre" mais la messe est loin, bien loin d'être dite, et la paix des esprits et des âmes n'est pas pour tout de suite.

mercredi 16 mars 2016

Mustang de Deniz Gamze Ergüven

     
     
C'est le début de l'été. Dans un village reculé de Turquie, Lale et ses quatre sœurs rentrent de l’école en jouant avec des garçons et déclenchent un scandale aux conséquences inattendues. La maison familiale se transforme progressivement en prison, les cours de pratiques ménagères remplacent l’école et les mariages commencent à s’arranger. Les cinq sœurs, animées par un même désir de liberté, détournent les limites qui leur sont imposées. (AlloCiné)


Mustang et moi au cinéma, c’est un rendez-vous loupé à deux reprises, pourtant j’étais assez curieuse de voir ce film dont tout le monde en dit le plus grand bien.
Pour être tout à fait honnête, lorsque j’ai lu le pitch du film j’ai immédiatement pensé à "Virgin Suicides" de Sofia Coppola et effectivement, "Mustang" a un faux air de "Virgin Suicides" Turque, mais pas que.
Elles sont cinq sœurs, c’est le début de l’été et la fin des cours, aussi en rentrant de l’école elles vont jouer avec des garçons au bord de la mer, à se jeter de l’eau, à faire des batailles fille contre fille, chacune sur les épaules d’un garçon.
Vivant avec leur grand-mère (les parents sont morts il y a plusieurs années), le village s’empresse bien entendu d’aller lui rapporter ce qu’ils ont vu, et c’est le scandale.
Les cinq sœurs se retrouvent enfermées, la maison familiale se transforme au fur et à mesure en véritable prison : rehaussement des murs, barrières aux fenêtres, tandis que les cours de cuisine remplacent les leçons d’école et que les mariages comment à s’arranger.

Mais les cinq sœurs ne sont pas décidées à en rester là et bientôt elles trouvent des subterfuges pour détourner les limites que l’on cherche à leur imposer.


Cette histoire de jeunes filles se retrouvant prisonnières de leur domicile et de leur famille n’est pas une première au cinéma, sauf qu’ici l’histoire se déroule à notre époque en Turquie.
Il y a un problème générationnel et de coutume, le spectateur comprend bien que la grand-mère n’est pas hyper stricte et que jusqu’à présent elle avait laissé les cinq filles plutôt libres de mouvements.
Mais voilà que le restant masculin de la famille s’en mêle, il faut enfermer ces filles, comme si cela allait leur couper les ailes, les éduquer à devenir de bonnes cuisinières, des femmes humbles faisant de parfaites épouses, comme si cela allait suffire pour supprimer des années de liberté.
Lale est la plus jeune des sœurs et c’est à travers ses yeux que le spectateur va suivre l’histoire et l’évolution de cette fratrie.
Mais c’est aussi la plus déterminée, la plus farouche et en un sens la plus émancipée des sœurs, sans nul doute la plus attachante.
Très vite on sent qu’il y a un drame sous-jacent, qu’à un moment donné toute cette parfaite comédie si bien rôdée va voler en éclat, mais quand ?
Il y a une tension qui se crée, le spectateur sent bien que l’une de ces jeunes filles va exploser en plein vol, mais laquelle.
Alors il cherche, il émet des hypothèses, et puis petit à petit il devine.
Et ce n’est pas pour autant que lorsque le drame arrive il en est moins douloureux.
L’atmosphère finit à un moment donné par être étouffante, la vie se résume aux murs de la maison, c’est l’été et il fait chaud, mais il faut rester enfermer.
Pour son premier long métrage, Denis Gamze Ergüven a su manier habilement sa caméra, elle arrive à sublimer ces jeunes filles, à les faire briller au milieu de tant de noirceur d’étroitesse d’esprit, à leur donner un côté sauvage tel l’animal qui donne son titre au film, mais sa mise en scène est à mes yeux un peu trop classique et manque d’une certaine forme d’audace et de prise de risque.

J’attends donc de voir sa prochaine réalisation pour constater si cette réalisatrice a su prendre définitivement son envol et marquer de son empreinte le renouveau du cinéma Turque.


Il n’en demeure pas moins que "Mustang" est un beau portrait de jeunes femmes qui tels des mustangs, ces chevaux fougueux et indomptables, ne se laissent pas faire et cherchent à s’émanciper et à gagner leur liberté, à n’importe quel prix.



mardi 15 mars 2016

Top Ten Tuesday #144


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 péchés mignons qui vous accompagnent lors de vos moments de lecture

1) Boire un thé;
2) Grignoter un gâteau;
3) M'installer bien confortablement;
4) Poser mon marque-page à portée de main.

samedi 12 mars 2016

Notre mère la guerre - Tome 1 : Première complainte de Maël et Kris


Janvier 1915, en Champagne pouilleuse. Cela fait six mois que l’Europe est à feu et à sang. Six mois que la guerre charrie ses milliers de morts quotidiens. Mais sur ce lieu hors de raison qu’on appelle le front, ce sont les corps de trois femmes qui font l’objet de l’attention de l’état-major. Trois femmes froidement assassinées. Et sur elles, à chaque fois, une lettre mise en évidence. Une lettre d’adieu. Une lettre écrite par leur meurtrier. Une lettre cachetée à la boue de tranchée, sépulture impensable pour celles qui sont le symbole de la sécurité et du réconfort, celles qui sont l’ultime rempart de l’humanité. Roland Vialatte, lieutenant de gendarmerie, militant catholique, humaniste et progressiste, mène l’enquête. Une étrange enquête. Impensable, même. Car enfin des femmes… c’est impossible. Inimaginable. Tout s’écroulerait. Ou alors, c‘est la guerre elle-même qu’on assassine… (Futuropolis)

Jacques Tardi et Jean-Pierre Verney l'ont appelée "Putain de guerre !" dans leur série, ici le titre donné à la Première Guerre Mondiale a une dimension plus religieuse, voire mystique, rendant le contraste d'autant plus saisissant avec l'illustration de couverture.
Nous sommes en janvier 1915, cela fait quelques mois que l'Europe est à feu et à sang, et le lieutenant de gendarmerie Roland Vialatte est appelé au front non pas pour se battre mais pour enquêter sur le meurtre de trois femmes.
Chacune d'elle a été froidement assassinée, portait sur elle une lettre d'adieu et a surtout été déposée sur les premières lignes du front, bien en évidence dans les tranchées pour les soldats dont le moral n'est déjà pas très bon : "Mes hommes sont prêts à mourir pour la France. Mais comment mener sereinement une guerre si l'on tue nos femmes dans notre dos ?".
Alors le lieutenant Vialatte enquête, et retrouve une vieille connaissance, le caporal Gaston Peyrac, forgeron dans le civil et à qui il a déjà eu affaire, à la tête d'une troupe de soldats pas tout à fait comme les autres puisqu'il s'agit de jeunes repris de justice à qui on a proposé de sortir de prison en l'échange d'aller se battre en première ligne.
Et autant dire que ces jeunes hommes ne sont pas dans des saints, mais le ou les coupable(s) est-il forcément l'un d'eux ?

Difficile avec cette histoire de meurtre pendant la Première Guerre Mondiale de ne pas penser aux "Âmes grises" de Philippe Claudel, pourtant c'est une bel et bien une histoire inédite et totalement différente que nous proposent ici Kris au scénario et Maël aux dessins et aux couleurs.
Bien entendu il est question de 14-18, mais d'un point de vue différent d'ordinaire, le lieutenant Vialatte n'étant pas soldat sur le front il livre ici ses impressions et ses sentiments sur cette guerre, une vision pour l'instant patriotique et exaltée, mais qui pourrait être amenée à évoluer par la suite : "Mais si je voulais résumer la guerre, je garderais ceci : le son des cloches par lesquelles tout a commencé. Puis le silence. Ce silence que seule la guerre peut engendrer. Épais comme dans le ventre d'une mère sous la terre. Épais comme des millions de silence se chevauchant et se recouvrant les uns les autres.".
Directement confronté à l'horreur des combats sa vision de la guerre va peu à peu changer, surtout au contact des hommes du caporal Peyrac, particulièrement le dénommé Jolicoeur qui va lui livrer sa vision de la guerre et des combats en se référant à Victor Hugo : "Les livres mentent. Et ceux d'Hugo les premiers. Quand on meurt, sur les barricades ou dans la tranchée, on ne chante pas. On chie dans son froc.".
En attendant les hommes meurent au front, des femmes sont lâchement assassinées et traînées sur les premières lignes des tranchées et rien, pas la queue ni le début d'une piste pour le lieutenant Vialatte.
A noter que l'histoire est racontée du point de vue de ce dernier en 1935 tandis qu'il est mal en point et certainement sur le point de mourir, ayant été mortellement empoisonné par les gaz il y a vingt ans de cela.
L'intrigue est très bien bâtie, à l'heure actuelle il est impossible de deviner qui a bien pu commettre ces meurtres, je ne tomberai pas dans la facilité de dire que c'est forcément une ou plusieurs personnes du groupe de Peyrac.
Car bien entendu, à l'issue du premier meurtre un soldat a été accusé et fusillé, sauf que les meurtres ont continué, donc ça ne pouvait pas être lui.
Il est vrai qu'il n'y avait pas déjà assez de morts sur le front il fallait encore exécuter des soldats "pour l'exemple", l'absurdité de cette guerre ressort aussi du scénario.
La reconstitution historique est tout simplement saisissante, c'est l'un des aspects qui m'a d'ailleurs poussée vers cette bande dessinée en cette période de commémoration du centenaire de la bataille de Verdun.
C'est très bien documenté, très bien écrit, et particulièrement bien dessiné.
J'aime assez l'utilisation de tons sombres, presque ternes, pour illustrer les champs de bataille et le chaos qui y règne.
C'est glauque, c'est froid, c'est morbide, et c'est surtout très prenant.

Attention, la messe de "Notre mère la guerre" a commencé à être dite mais elle est loin d'être finie et la chute finale du sermon n'est pas encore pour tout de suite.

vendredi 11 mars 2016

Crazy Amy (Trainwreck) de Judd Apatow

     
     
Depuis sa plus tendre enfance, le père d’Amy n’a eu de cesse de lui répéter qu’il n’est pas réaliste d’être monogame. Devenue journaliste, Amy vit selon ce crédo – appréciant sa vie de jeune femme libre et désinhibée loin des relations amoureuses, qu’elle considère étouffantes et ennuyeuses ; mais en réalité, elle s’est un peu enlisée dans la routine. Quand elle se retrouve à craquer pour le sujet de son nouvel article, un brillant et charmant médecin du sport nommé Aaron Conners, Amy commence à se demander si les autres adultes, y compris ce type qui semble vraiment l’apprécier, n’auraient pas quelque chose à lui apprendre. (AlloCiné)


Lorsqu’elles étaient petites, Amy (Amy Schumer) et sa sœur Kim (Brie Larson) ont écouté inlassablement leur père leur répéter qu’il n’était pas réaliste d’être monogame.
C’est pourquoi désormais adultes Kim vit sagement rangée avec son gentil mari et son charmant beau-fils qui l’appelle d’ailleurs maman tandis qu’Amy, elle, applique à la lettre les préceptes de leur père : elle boit, elle couche, elle jette les mecs comme des kleenex.
Mais voilà, à l’occasion d’un article qu’elle doit rédiger elle rencontre le jeune, beau et talentueux médecin du sport Aaron Conners (Bill Hader) pour qui elle craque sérieusement.
Même que c’est réciproque.

Et même qu’Amy commence à se demander si elle n’a pas tort de vouloir s’obstiner dans son style de vie et que les autres adultes ont peut-être quelque chose à lui apprendre.


Là aussi je voulais voir le film à sa sortie et ce fut un loupé, tout simplement parce qu’il n’a pas été diffusé par chez moi.
La raison première était que je voulais voir ce qu’Amy Schumer donnait comme actrice dans un long métrage, ayant eu l’occasion de l’apprécier à travers ses sketchs résolument ancrés dans l’ère actuelle et à l’humour plutôt décapant.
Je voulais aussi tester une comédie signée de Judd Apatow, depuis le temps que j’en entends parler.
Par la même occasion j’ai pu voir à l’écran pour la première fois la toute récente lauréate d’un Oscar de la meilleure actrice, je parle bien entendu de Brie Larson.


Côté humour j’ai souri, pas forcément dans la première partie car j’avoue être loin de mener le style de vie débridée d’Amy mais plutôt dans la deuxième, mais je n’ai pas non plus ri  aux éclats.
A moins que certaines subtilités de l’humour au second degré m’aient échappé.
Je reprocherai toutefois à ce film d’être un peu trop long et de tomber à un moment donné un peu trop dans la côté romantique de l’histoire.
Avant d’y réintroduire un retournement de situation qui a d’ailleurs été le bienvenu car il a permis de redonner un nouveau souffle à l’histoire.
Il y a pas mal de références très Américaines, notamment la présence de sportifs et les incontournables cheerleaders, je suis partagée sur le fait que cela passe aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis, par contre ce film représente une certaine forme d’actualité car des Amy, on en connaît tous au moins une.
Judd Apatow a choisi de confier le scénario à Amy Schumer, je me demande d’ailleurs jusqu’à quel point cette histoire est autobiographique, hormis les quelques reproches formulés au-dessus ça marche plutôt bien.
Et j’ai été agréablement surprise par Amy Schumer, loin des clichés de la belle fille réussissant tout ce qu’elle entreprend elle présente au contraire l’image d’une fille mignonne mais sans plus qui est surtout parfaitement à l’aise dans son corps et bien dans sa peau (un peu moins dans sa tête).
Voilà une image qu’il est important de véhiculer, loin des filles sveltes se nourrissant d’une feuille de salade et dont le drame de leur vie est de passer du 34 au 36.
Amy Schumer dégage un quelque chose dans ses sketchs, il en va de même à l’écran et à mon avis elle pourrait exceller dans ce genre de comédie assez grinçante.
Voire même damer le pion aux rois du genre comme des Steve Carell ou Adam Sandler.
Face à elle Bill Hader a été une révélation, je ne connaissais absolument pas cet acteur, et j’ai plutôt apprécié le jeu d’actrice de Brie Larson.

Par contre je suis partagée sur l’affiche du film, ça ne donne pas une bonne image du personnage d’Amy ni franchement envie d’aller voir le film.


"Crazy Amy" est une comédie sympathique et divertissante qui vaut surtout le coup d’être vu pour la truculente Amy Schumer.


     
     

     
     


jeudi 10 mars 2016

Chocolat de Roschdy Zem

     
     
Du cirque au théâtre, de l'anonymat à la gloire, l'incroyable destin du clown Chocolat, premier artiste noir de la scène française. Le duo inédit qu'il forme avec Footit, va rencontrer un immense succès populaire dans le Paris de la Belle époque avant que la célébrité, l'argent facile, le jeu et les discriminations n'usent leur amitié et la carrière de Chocolat. Le film retrace l'histoire de cet artiste hors du commun. (AlloCiné)


Né fils d’esclaves, vendu comme garçon de ferme à un négociant Espagnol, Rafael Padilla aura connu mille petits métiers de misère : mineur, porteur de bagages, etc., avant d’atteindre la célébrité en tant que clown sous le nom de Chocolat.
Le film de Roschdy Zem s’attache particulièrement à raconter la rencontre entre Chocolat (Omar Sy) et Footit (James Thierrée) et l’incroyable duo inédit qu’ils vont créer et qui fera les beaux jours du Nouveau Cirque dont le directeur Joseph Oller (Olivier Gourmet) est allé les recruter dans un obscur cirque itinérant, ainsi que la chute de Chocolat qui, par de mauvais choix pour l’époque, finira sa vie dans le dénuement le plus complet à même pas cinquante ans.


Pendant de nombreuses années, Chocolat est tombé dans l’oubli de la mémoire collective, hormis celle des gens du cirque, mais depuis quelques temps des personnes s’intéressent de nouveau à cet homme qui a marqué son époque.
Car Footit et Chocolat ont bel et bien révolutionné le milieu du cirque et de la clownerie, en associant pour la première fois sur scène le clown blanc et l’auguste.
Je vais être très honnête, je n’avais jamais entendu parler jusqu’à il y a peu de Footit ou de Chocolat.

Alors ce film était l’occasion de découvrir ces personnes et d’en apprendre un peu plus sur leur parcours dans le Paris d’avant-guerre.


Roschdy Zem a su éviter habilement de tomber dans la facilité de faire un film d’un point de vue actuel, c’est-à-dire décriant le racisme dont a été victime Chocolat.
Aujourd’hui il est vrai que c’est tout bonnement insupportable, mais le réalisateur a remis les choses dans leur contexte.
Il s’est attaché à raconter un homme, avec ses qualités et ses défauts, ses forces et ses faiblesses.
Un homme qui a su être génial sur scène, faire rire petits et grands, prendre de son temps personnel pour aller voir les enfants hospitalisés et leur donner le sourire (une première), mais qui souffrait aussi d’une certaine vanité et d’un goût prononcé pour l’alcool et le jeu, ce dernier vice contribuera d’ailleurs majoritairement à le mener à sa perte.
Ce qui fait qu’Omar Sy a dû utiliser plus que son talent inné à faire rire, pas comme dans "Intouchable", ici il livre une véritable prestation, peut-être sa meilleure à ce jour, parce que moins facile et moins coulant de source qu’à l’ordinaire.
Face à lui, il y a James Thierrée qui, à l’image du personnage de Footit par rapport à Chocolat, a l’expérience et l’habitude de la scène.
C’est en effet un artiste multi-talents issu du milieu du spectacle, plus particulièrement du cirque, qui au passage vient d’une prestigieuse famille d’artistes, son grand-père étant sans doute le plus grand clown ayant existé au monde.
C’est d’ailleurs James Thierrée qui s’est occupé des scènes de spectacle et de leur réglage.
Avec ces deux personnages, le réalisateur s’interroge sur la relation dominant-dominé, car c’est clairement le cas ici, et c’est sans doute l’un des aspects les plus intéressants de ce film.
Car, malheureusement, la vérité a parfois été romancée et c’est quelque chose que j’apprécie moyennement.
Etant de nature curieuse, je me suis bien entendu renseignée après le film, pour découvrir que Chocolat était déjà clown au moment de sa rencontre avec Footit, qu’il ne faisait pas le sauvage dans un obscur cirque itinérant, que ce même Footit était moins mystérieux que ne le présente le film, que Chocolat a rencontré Marie (Clotilde Hesme), la femme de sa vie, avant le succès avec Footit, et que cette dernière n’était pas veuve mais avait même divorcé pour pouvoir vivre avec lui (et à l’époque c’était plutôt osé et gonflé).

Alors il a fallu romancer le tout, regrouper certains événements, si cela m’agace quelque peu je dois reconnaître que l’ensemble du film est réussi et maîtrisé et qu’en agissant ainsi le réalisateur n’a pas cherché à duper le spectateur, juste à lui présenter une histoire plus cohérente et plus adaptée au format choisi.


"Chocolat" de Roschdy Zem est un film réussi qui a le mérite de mettre en lumière le personnage de Chocolat ayant réellement existé et l’incroyable duo formé avec Footit qui à eux deux ont révolutionné le spectacle de clowns tel que nous pouvons le voir aujourd’hui.





mardi 8 mars 2016

Top Ten Tuesday #143


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 auteurs dont vous attendez avec impatience un nouveau livre (annoncé ou non)

1) François Bourgeon;
2) Patrice Pellerin;
3) Jean-Pierre Gibrat;
4) Jacques Tardi;
5) Philipp Meyer;
6) Marjane Satrapi (mais je crois qu'elle a décidé de se consacrer au cinéma maintenant):
7) Joyce Maynard;
8) Fannie Flagg;
9) Léonor de Recondo;
10) Irène Némirovsky (vous êtes sûr qu'il n'y a pas un inédit caché quelque part ? Sûr sûr ?).

lundi 7 mars 2016

Le château de la juive de Guy des Cars


Voici, telle qu’une nuit, à Tel Aviv, Guy des Cars la recueillit de la bouche même de son héroïne, la confession d’une fascinante aventurière. 
Étrange destin que celui d’Eva, jeune israélite née dans le quartier pauvre de Varsovie. Belle, intelligente, ambitieuse, elle joue de toutes les ressources de sa personnalité extraordinaire pour acquérir le luxe dont elle a toujours rêvé. Quelles circonstances impitoyables, quelle tragédie secrète l’ont conduite dans ce domaine ancestral du Jura français, où elle mène une vie de châtelaine aussi solitaire que mystérieuses ? La douleur d’un amour perdu donnera à Eva la force de se racheter, de s’arracher à ses souvenirs pour commencer une vie nouvelle en Israël. Sera-ce pour elle la Terre promise ? Femme de partout et de nulle part, pécheresse et héroïne, Eva est inoubliable. (J'ai Lu)

De passage à Tel Aviv pour y retrouver un ami, un auteur (supposément Guy des Cars) recueille auprès d'Eva, une femme aussi belle que mystérieuse, son histoire, ce qui l'a conduit à se retrouver en Israël et ce passé avec lequel elle cherche à se mettre en accord.
Eva est une jeune Israélite née à Varsovie, sa famille a été décimée pendant la Seconde Guerre Mondiale, elle-même ayant connu les camps, c'est pourquoi au sortir de la guerre elle n'a qu'une envie : prendre sa revanche sur la vie qui ne lui a pas fait de cadeau.
Aussi lorsqu'elle croise le bel officier Français Eric de Maubert, elle est certaine que c'est grâce à cet homme qu'elle va atteindre son but ultime : "Elle tenait enfin sa vengeance : elle se servirait du bel officier pour la mettre à exécution.".
Non seulement Eva est belle et séduisante, mais elle est aussi intelligente, manipulatrice, et calculatrice, cet officier c'est sa chance, il va lui donner un nom, un titre, un château et une nationalité : "Vous qui avez la chance d'appartenir à une nation concrétisée depuis des siècles, avez-vous seulement songé à ce que le mot apatride pouvait contenir de tristesse, de solitude, d'amertume, de douleur et de désespoir ?", Eva ne le laisse donc pas passer et se retrouve bientôt dans le Jura, dans un château délabré avec une belle-mère qui ne l'aime pas car elle a d'emblée cerner la personnalité d'Eva
Alors, Eva va-t-elle prendre sa revanche sur la vie ? Va-t-elle rester un personnage froid, manipulateur et sans âme ? Comment va-t-elle arriver en Israël ?

Guy des Cars est un auteur qui a beaucoup vendu en son temps et qui aujourd'hui est quasiment tombé dans l'oubli et souffre d'une réputation de romancier bas de gamme, d'écrivain de bleuettes dont les livres n'étaient bons qu'à être lus dans les trains
Et pourtant, pour avoir lu certains auteurs d'aujourd'hui qui vendent beaucoup avec ce type d'histoires sentimentales, je peux dire que Guy des Cars était un cran au-dessus
Le personnage d'Eva est à la fois fascinant et rebutant.
Fascinant parce qu'elle sait jouer de ses charmes et qu'elle exerce une forte attraction sur tous les hommes qui croisent son chemin, et pourtant, lorsque le lecteur la découvre pour la première fois elle est très loin de cette image et de cette personnalité qui fut la sienne à une époque de sa vie : "Si nous reprenions une figure marquante de votre Évangile, nous pourrions dire qu'elle se rapproche d'une Marie-Madeleine des temps modernes, marquée par la même grandeur biblique que la Sainte que vous vénérez."
Rebutant parce qu'elle est sans âme, froide, calculatrice, sans idéaux et sans remords, seul l'argent et la réussite comptent : "J'estime que c'est un péché de ne pas réaliser une affaire !", elle n'aime rien ni personne hormis elle-même et sa soif de vengeance est tout simplement destructrice.
Alors Eva est-elle une vierge iconoclaste ou une putain magnifique ?
Là demeure tout le mystère de ce personnage qui va connaître une évolution importante tout au long du récit.
Pour ma part, je ne crois pas à sa rédemption, il n'est pas possible de basculer à l'exact opposé de ce qu'elle a été, d'autant qu'elle ne se remet jamais en cause ni ne se pose la moindre question sur ses agissements : "L'idée qu'elle ne devait s'en prendre qu'à elle-même et qu'elle était l'unique responsable de tout ce qui était arrivé, n'effleura pas une seule fois son esprit.".
Cette femme détruit tout ce qui l'approche de près ou de loin et ne vit clairement que pour elle, si elle est belle d'extérieur elle est pourrie à l'intérieur.
Malgré cela, je n'ai pas détesté ce personnage, au contraire, j'attendais de voir jusqu'où elle allait aller, si elle allait réaliser que quelques personnes tiennent vraiment à elle, à commencer par son mari Eric, ou bien si elle allait continuer jusqu'au bout, jusqu'à l'inexorable retour de bâton.
Face à cette femme, les personnages masculins font bien piètres figures, pantins qu'ils sont entre ses mains, exception faite du narrateur et de son ami.
Pourtant le personnage d'Eric est touchant lui aussi à sa façon, tout comme sa mère.
Ce sont des gens simples qui se retrouvent confrontés à une forme du mal, un rouleau compresseur auquel ils n'étaient pas préparés, surtout Eric.
Certes, ce n'est pas ce que j’appellerai de la grande littérature mais ça n'est pas non plus écrit par et comme un chat, c'est un portrait de femme qui se suit avec plaisir ainsi qu'un destin et un revers de médaille qui sont loin d'être inintéressants.

Ma mère ayant lu quelques Guy des Cars au moment où il était l'auteur en vogue je m'étais toujours dit qu'il fallait que je découvre celui-ci, c'est désormais chose faite avec "Le château de la juive".
Et pour tout dire je vais même m'en aller piocher quelques autres titres dans la collection de ma mère pour lire de temps à autre cet auteur.

dimanche 6 mars 2016

Ondine de Benjamin Lacombe


Benjamin Lacombe réinterprète le mythe d’Ondine, revenant ainsi à ses amours romantiques et pré-raphaélites. Inspiré par les textes de Friedrich de La Motte-Fouqué et la pièce de Jean Giraudoux, il propose sa version du conte, où prédominent des images faisant écho aux peintures de Millais ou Waterhouse. Par un savant jeu de calques imprimés, il fait émerger toute la sensualité et la transparence de cet univers aquatique. Vibrant pour le beau chevalier Huldebrande, Ondine se noie dans les tumultes de l’amour, ses marivaudages et ses trahisons. (Albin Michel Jeunesse)

Le beau chevalier Hans de Ringstetten est perdu dans la forêt et c'est grâce à son destrier noir que son chemin croise celui d'Ulrich le pêcheur vivant avec sa femme et sa fille dans une maison au beau milieu des bois.
Le brave homme l'amène chez lui, et tandis que le chevalier se réchauffe et festoie apparaît Ondine, la belle et espiègle fille de ce couple, et là c'est le coup de foudre : "Elle était d'une beauté si délicate que ses traits fins se noyaient dans l'éclat de sa peau. Ses longs cheveux roux flamboyaient sur ses épaules en d'élégantes ondulations. Le chevalier en resta bouche bée.".
Ondine et Hans s'aiment, c'est l'amour au premier regard, le coup de foudre, et tandis que Hans s'apprête à ramener sa belle avec lui et à l'épouser, celle-ci lui fait une confidence sur sa vraie nature : "Alors sache que je suis un esprit des eaux, un de ces personnages qui peuplent les récits merveilleux qui effrayent tant les enfants. Je suis née sans conscience et sans remords. Du plus loin que je m'en souvienne, je désire posséder une âme. Or, une vieille légende dit que si une créature des eaux parvient à se faire aimer d'un homme, elle reçoit en retour une âme humaine.".
Qu’importe à Hans qu'Ondine soit un esprit des eaux, il l'aime et est persuadé que leur amour sera plus fort que tout.
Avec Ursule, la prétendante malheureuse de Hans, ces trois-là forment un trio vivant en harmonie et en amour.
Mais le cœur d'Ursule n'est pas aussi pur que celui d'Ondine et elle va entraîner celle-ci ainsi que Hans dans les tumultes du doute, du marivaudage jusqu'à la trahison ultime.

Benjamin Lacombe revisite le mythe d'Ondine, ce n'est pas la raison première qui m'a fait choisir ce livre, je voulais surtout découvrir les incroyables dessins de Benjamin Lacombe, mais je ne regrette pas ce choix car cette histoire est très belle, et surtout très tragique.
Il s'agit d'un conte à destination d'un jeune public, néanmoins le texte est assez fourni et plutôt dur, il s'adresse ainsi aussi bien aux plus jeunes qu'aux plus vieux.
Mais je ne vais pas vous cacher que toute la beauté de l'histoire réside dans les fabuleux dessins de Benjamin Lacombe.
Je connaissais cet artiste pour avoir vu certains de ses dessins, mais à lire une histoire illustrée par lui c'est tout simplement un moment de magie et de pur bonheur.
Je suis littéralement sous le charme de sons trait de crayon, de ses dessins fluides et en mouvement, voire même sensuels, ainsi que de sa mise en couleur.
Il y a des pages doubles d'illustration magnifiques, l'auteur a aussi utilisé des calques par moment, c'est un véritable régal que de redécouvrir le mythe d'Ondine de cette façon.

Ne succomber pas plus longtemps à "Ondine" de Benjamin Lacombe et plonger dans l'univers sombre et merveilleux de ce conte magnifié par les dessins de cet artiste.



samedi 5 mars 2016

Retour sur les lectures de février 2016


"En février, va à la bibliothèque" dit le dicton, ce fut en tout cas le cas pour moi.
J'ai eu envie de découvrir de nouveaux auteurs jeunesse, Yaël Hassan et Philippa Pearce furent deux belles découvertes, et de lire des bandes dessinées, mois de février et commémoration du 100ème anniversaire de la bataille de Verdun, mes choix se sont portés sur des bandes dessinées orientées sur la Première Guerre Mondiale, grand bien m'en a pris car elles sont toutes deux d'excellente qualité.
En hommage à ma mère et à ma marraine qui ont été de grandes lectrices de Guy des Cars à son époque, j'ai (enfin) découvert cet auteur à travers "Le château de la juive".
J'ai également lu du Patricia Highsmith et ce polar psychologique fut une belle découverte, ainsi que le premier roman de Kim Zupan publié aux (excellentes) éditions Gallemeister.
En somme, un mois de février plaisant du côté des lectures et sans réelle déception.

Chute de PAL

"L'inconnu du Nord-Express" de Patricia Highsmith

Service de presse

"Les arpenteurs" de Kim Zupan

Emprunté à la bibliothèque

"Quand Anna riait" de Yaël Hassan
"Tom et le jardin de minuit" de Philippa Pearce
"L'ambulance 13 Tome 5 : Les plumes de fer" de Patrice Ordas et Alain Mounier
"L'ambulance 13 Tome 6 : Gueule de guerre" de Patrice Ordas et Alain Mounier
"Ondine" de Benjamin Lacombe
"Notre mère la guerre - Première complainte" de Maël et Kris
"Notre mère la guerre - Deuxième complainte" de Maël et Kris

Divers

"Le château de la juive" de Guy des Cars

mercredi 2 mars 2016

The Revenant d'Alejandro González Iñárritu

     
     

Dans une Amérique profondément sauvage, Hugh Glass, un trappeur, est attaqué par un ours et grièvement blessé. Abandonné par ses équipiers, il est laissé pour mort. Mais Glass refuse de mourir. Seul, armé de sa volonté et porté par l’amour qu’il voue à sa femme et à leur fils, Glass entreprend un voyage de plus de 300 km dans un environnement hostile, sur la piste de l’homme qui l’a trahi. Sa soif de vengeance va se transformer en une lutte héroïque pour braver tous les obstacles, revenir chez lui et trouver la rédemption. (AlloCiné)


Ô toi qui comme moi ne le trouvait pas très viril, Leonardi DiCaprio, quand il campait un Romeo transi d'amour pour sa Juliette.
Ô toi qui comme moi l'a certes trouvé bon dans "Titanic" mais sans crier au génie.
Ô toi qui comme moi trouve que tourner avec Martin Scorcese lui a fait le plus grand bien et lui a conféré un réel aura d'Acteur, avec un A majuscule.
Ô toi qui n'est peut-être pas d'accord avec tous mes propos ci-dessus mais qui a toujours rêvé de voir Leonardo DiCaprio rampé dans la boue, la neige, le froid, se débattre pour rester en vie et se venger.
Alors ce film est fait pour toi.


La dernière réalisation d'Alejandro González Iñárritu, tout juste u nan après "Birdman", est un film âpre, sauvage, où la parole n'est qu'accessoire et la violence omni-présente.
Hugh Glass (Leonardo DiCaprio) est un trappeur guidant un groupe d'Américains tuant les animaux pour leur fourrure afin de leur éviter les mauvaises rencontres (i.e. les Indiens).
Mais la mauvaise rencontre, c'est Hugh Glass qui va la faire, en la personne d'un (charmant) grizzli.
Sauvé par ses équipiers, dont son fils fait partie, il est finalement laissé sous la surveillance de John Fitzgerald (Tom Hardy), un trappeur qui lui a été hostile dès le début, et du jeune Bridger (Will Poulter).
Par ruse Fitzgerald convainc Bridger de le suivre afin d'échapper aux Indiens, laissant ainsi Hugh Glass pour mort.
Le souci, c'est que Glass n'est pas mort, il va au contraire lutter pour sa survie, parcourir des centaines de kilomètres dans le froid et la neige pour retrouver l'home qui l'a trahi.
C'est un film dur car se déroulant dans un climat hostile (le froid, la neige, la pluie, la boue), au milieu d'hommes hostiles (Indiens, Français, Américains, il n'y en a pas un pour relever l'autre), dans une atmosphère de violence déchaînée (la scène de l'attaque de l'ours est à ce titre particulièrement dure, et fort réaliste).
S'il n'y a que très peu de dialogues il y a par contre beaucoup de sang, de scènes qui font crisser des dents voire fermer les yeux.
Rien n'est épargné au personnage de Hugh Glass : blessé, quasi mourant, il va devoir se traîner littéralement sur le sol, se cautériser lui-même ses plaies, s'abriter pour passer les nuits glaciales, en somme c'est la vie sauvage dans toute son horreur.
Je vais être honnête, "The Revenant" c'est un film éprouvant à la beauté et à la violence sublimes.
Qualifier Alejandro González Iñárritu de génie est presque un doux euphémisme tant il s'est surpassé dans sa mise en scène et sa façon de filmer.
Pourtant, il aurait pu voir trop grand et se prendre les pieds dans le tapis.
Que nenni, il signe-là un film maîtrisé, et limite il donne l'impression que c'était facile.
Comme dans "Birdman" il a donné une forme de dimension mystique à son film, ici parle biais du personnage de Hugh Glass et de l'amour qu'il porte à son fils et à sa femme Indienne aujourd'hui décédée.
Tel un esprit bienveillant elle lui apparaît dans les moments cruciaux pour le sauver, le ramener sur le droit chemin et lui rappeler qui il est et ce qui compte.
Au-delà de la réalisation, c'est aussi un film de performance.
Je parle ici de celle d'acteur de Leonardo DiCaprio.
Rarement je l'ai trouvé aussi bon, aussi juste, à se surpasser autant pour livrer ce qu'il a de meilleur dans son jeu d'acteur, et prouver par la même occasion qu'il a de la réserve, de l'endurance, en somme la classe des plus grands et des plus talentueux.
Voilà, c'est un rôle talentueux que Leonardo DiCaprio tient une nouvelle fois à l'écran, et il serait fort dommage que l'Oscar lui échappe une nouvelle fois, parce que rares sont les acteurs à s'être surpassés et investis autant.
Il fallait tenir le rôle de Hugh Glass, accepter de se mettre autant en danger et d'une certaine façon à nu, car sans dialogue ou presque il faut réussir à faire passer les émotions par un autre biais, et c'est ici ce que réalise fort à propos un Leonardo DiCaprio particulièrement inspiré et grandiose.
Face à lui, je me dois de saluer la prestation de Tom Hardy qui campe un formidable adversaire, et que dire de tous les autres acteurs, à part qu'ils sont juste brillants.


Avec "The Revenant" j'ai été transportée dans ces territoires Américains hostiles du dix-neuvième siècle, j'étais dans le froid et la neige avec le personnage de Hugh Glass, à lutter avec lui pour assouvir une vengeance suite à une trahison ignoble.
Ils sont rares les films qui transportent autant, et celui-là est l'un des plus grands de cette année 2016 qui commence décidément fort bien.


     
     


mardi 1 mars 2016

Top Ten Tuesday #142


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 livres que vous souhaitez vraiment lire mais pour lesquels vous avez peur d'être déçus

1) "Testament à l'anglaise" de Jonathan Coe
2) "Aurélien" d'Aragon
3) "Les Thibaut" de Roger Martin du Gard
4) "Le cinquième cavalier" de Larry Collins et Dominique Lapierre
5) "Le choix de Sophie" de William Styron
6) "Les raisins de la colère" de John Steinbeck
7) "Docteur Jivago" de Boris Pasternack
8) "Terre des oublis" de Duong Thu Huong
9) "Le chardonneret" de Donna Tartt
10) "Le silence de la mer" de Vercors