lundi 11 avril 2016

Room d'Emma Donoghue


Sur le point de fêter ses cinq ans, Jack a les préoccupations des enfants de son âge. Ou presque. Il ne pense qu’à jouer et à essayer de comprendre le monde qui l’entoure, comptant sur sa mère pour répondre à ses questions. Celle-ci occupe dans sa vie une place immense, d’autant plus qu’il vit seul avec elle dans la même pièce, depuis sa naissance. Il y a bien les visites du Grand Méchant Nick, mais la mère fait tout pour éviter à Jack le moindre contact avec lui. Jusqu’au jour où elle comprend qu’elle ne peut pas continuer à entretenir l’illusion d’une vie ordinaire. Elle va alors tout risquer pour permettre à Jack de s’enfuir. (Le Livre de Poche)

Jack vit seul avec sa mère, dans l'univers clos d'une pièce qui est pour lui le monde.
Dans cette Pièce, il y a Madame Télé, Monsieur Lit, Madame Table, autant d'objets qui constituent son quotidien, d'autant que pour lui, ce qu'il voit dans Madame Télé est la seule et unique vérité.
C'est en tout cas ce que sa mère lui a toujours dit, mais aujourd'hui Jack a cinq ans et sa mère décide qu'il est temps de s'enfuir de cet endroit où elle est séquestrée depuis plusieurs années : "Je t'ai fait naître ici et ce soir je vais t'en faire sortir.".

Le récit est raconté du regard de Jack, cinq ans, qui va voir son univers bousculé.
Pendant cinq années il n'aura vécu que dans cette pièce, avec sa mère, sans contact avec le monde extérieur, hormis avec Grand Méchant Nick et encore, sa mère prend soin de le cacher à chacune des visites de ce sinistre homme.
Et puis en quelques jours sa mère met au point un plan d'évasion, consistant à faire sortir Jack de la pièce afin qu'il puisse alerter la police et que celle-ci vienne la délivrer, et qu'enfin elle retrouve sa famille et qu'elle puisse mener une vie normale avec son fils.
Mais pour cela, elle va devoir déconstruire ce qu'elle a appris à Jack, en très peu de temps, alors que paradoxalement elle a mis si longtemps à partir l'illusion dans laquelle elle a fait vivre son fils.
Je ne lui jette pas la pierre, absolument pas, car ce personnage est durant tout le récit une mère qui aime son fils et dont toutes les actions sont guidées dans le seul but de le protéger.
Il suffit de voir qu'elle le cache à Grand Méchant Nick, qu'elle refuse que celui-ci ne fasse que poser ses yeux sur l'enfant.
Grand Méchant Nick est non seulement l'homme qui l'a enlevée par ruse, séquestrée et régulièrement violée, c'est aussi la personne qu'elle craint le plus car il peut être violent et ses représailles laissent des traces aussi bien physiques que morales : "Rien ne fait peur à Maman. Sauf Grand Méchant Nick, peut-être.".
Difficile de ne pas être touchée par ce récit, j'ai beaucoup aimé la partie se passant à l'intérieur de la pièce, en huis-clos entre la mère et le fils, mais j'ai encore plus apprécié celle racontant l'après, la ré-adaptation à une vie "normale" et la découverte par Jack du monde et de l'univers dont il ne voyait que des bribes à travers Madame Télé, le point culminant de ce récit étant bien entendu la fuite de Jack, c'est un passage que j'ai lu d'une seule traite tant j'étais prise par l'action et l'angoisse qui s'en dégage.
Pour écrire cette fiction, Emma Donoghue s'est inspirée de faits réels : l'enlèvement de Jaycee Lee Dugard, celui d'Elizabeth Smart aux Etats-Unis, mais difficile de ne pas penser aussi aux cas ayant eu lieu en Europe : Elizabeth Fritzl, Natascha Kampusch.
Si l'on regarde dans l'univers du conte, Grand Méchant Nick pourrait être assimilé à l'ogre, il n'a qu'un rôle secondaire dans le récit et il n'est jamais mis en avant, ce qui contribue d'autant plus à lui donner une dimension de croquemitaine.
La première partie du récit est intéressante car elle permet de placer les personnages de la mère et du fils et de les voir interagir dans leur quotidien.
Si la mère aime son fils plus que tout au monde, et quand on sait les conditions de sa conception cela la rend à mes yeux d'autant plus admirable (l'amour maternel est un sentiment que j'ai du mal à percevoir ou à cerner de façon générale), je dois reconnaître que Jack n'est pas toujours un petit garçon très gentil, il se comporte parfois en tyran vis-à-vis de sa mère et pique de belles colères.
La seconde est pour moi encore plus importante car elle s'intéresse à la ré-introduction dans la vie de tous les jours de ces deux êtres qui ont vécu pendant plusieurs années pour la mère hors du temps et pour Jack dans un univers créé de toutes pièces.
Si je reproche au film de ne pas avoir assez creusé cette partie, je dois reconnaître que sur ce point le roman m'a donné entière satisfaction.
Finalement, Jack s'adapte relativement vite et bien à la vie dans le monde tel que nous le connaissons : "Quand j'avais quatre ans, je croyais que tout dans Madame Télé existait juste à la télé; après j'ai eu cinq ans et Maman m'a dit qu'en vrai plein d'images montraient vraiment des choses et que tout le Dehors existait pour de vrai. Sauf que maintenant, je suis dans le Dehors mais il y en a plein des pas vraiment vrais.", il n'en est pas de même pour sa mère, et découvre sa grand-mère, un personnage remarquable, ainsi que l'homme qui partage désormais sa vie, et plus furtivement son grand-père qui a du mal à accepter cet enfant né d'une relation non consentie et de séquestration.
La seule chose qui m'a gênée à plusieurs reprises dans ce roman c'est la narration faite du point de vue de Jack, cinq ans.
C'est puéril par moment, plein de fautes de grammaire, normal me direz-vous venant de la part d'un enfant de cinq ans, mais voilà, même si cela a été fait afin d'atténuer l'horreur du récit par moment j'aurai aimé un texte mieux écrit d'une certaine façon.
Car je suis bien en peine de vous parler du style de l'auteur, elle a fait un travail d'écriture mais je ne peux pas dire autre chose de plus.
Il ne me reste plus qu'à lire une autre de ses œuvres traduite en Français pour cela.

"Room" d'Emma Donoghue est un beau roman plein d'émotions qui touche par la douceur qui s'en dégage alors que l'histoire qu'il raconte est d'une noirceur profonde, preuve, s'il en était besoin, que le bonheur trouve toujours son chemin même dans le malheur le plus profond.

Livre lu dans le cadre du Club des Lectrices

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire