mardi 31 mai 2016

Top Ten Tuesday #155


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 livres que vous aimeriez avoir en édition "collector"

1) "Le seigneur des anneaux" de J.R.R Tolkien
2) "Harry Potter" de J. K Rowling
3) "Jane Eyre" de Charlotte Brontë
4) "Suite française" d'Irène Némirovsky
5) "Les semailles et les moissons" de Henri Troyat
6) "Les hauts de Hurlevent" d'Emily Brontë
7) "Les passagers du vent" de François Bourgeon
8) "L'épervier" de Patrice Pellerin
9) "Valérian et Laureline" de Pierre Christin et Jean-Claude Mézières
10) "Le livre de Dina" de Herbjørg Wassmo

lundi 30 mai 2016

Money Monster de Jodie Foster

     
     

Lee Gates est une personnalité influente de la télévision et un gourou de la finance à Wall Street. Les choses se gâtent lorsque Kyle, un spectateur ayant perdu tout son argent en suivant les conseils de Gates, décide de le prendre en otage pendant son émission, devant des millions de téléspectateurs… (AlloCiné)


Lee Gates (George Clooney) est non seulement une star du petit écran, mais aussi une personnalité influente et un gourou de la finance grâce à l'émission qu'il présente : Money Monster, et dont le but est de filer de bons tuyaux pour les investisseurs lambda comme vous et moi.
C'est aussi une personne qui n'en fait qu'à sa tête et selon son bon vouloir, et cela a fini par lasser la réalisatrice/productrice de l'émission, Patty Fenn (Julia Roberts), dont c'est d'ailleurs la dernière avant de changer de travail.
Sauf que quelques minutes après le début de l'émission, en direct, un homme fait irruption sur le plateau et prend Lee Gates en otage, devant des millions de téléspectateurs.
Cet homme, c'est Kyle Budwell (Jack O'Connell), un jeune homme pauvre qui vient de perdre 60 000 $ suite à un placement sur un fond de la société de Walt Camby (Dominic West), étrangement absent du plateau alors qu'il aurait dû être présent et dont la représentation est assurée par sa Directrice de la Communication Diane Lester (Caitriona Balfe) par caméras interposées, sur les conseils de Lee Gates.


Jodie Foster a commencé ses débuts derrière la caméra (en tant que réalisatrice) avec le très beau "Le petit homme", mais cela remonte aux débuts des années 90, tout comme son deuxième film.
Il faut ensuite attendre 2011 et "Le complexe du castor" pour qu'elle se décide à repasser derrière la caméra, "Money Monster" aura suivi de peu et heureusement, car Jodie Foster derrière la caméra c'est aussi bien que lorsqu'elle est devant.
Dès le pitch, Jodie Foster surprend : elle nous avait habitué à des films calmes, là elle signe un film en colère qui s'attaque de plein front aux conséquences de la crise financière de 2008.
D'ailleurs, le scénario de "Money Monster" faisait partie de ceux blacklistés en 2014, comme quoi tout le monde n'avait peut-être pas envie de voir une telle histoire portée à l'écran.
Fort heureusement, Jodie Foster est passée par là et non seulement elle prouve toute l'étendue de son talent et les multiples flèches qu'elle a son arc, mais elle a su s'entourer d'une bonne équipe, aussi bien en termes de comédiens que technique.


Julia Roberts et George Clooney n'en sont pas à leur coup d'essai, c'est la quatrième fois qu'ils tournent ensemble, ils se connaissent et j'ai envie de dire que cela se voit car le résultat est impeccable.
Les deux comédiens ont su s'entendre, cerner leurs personnages, et le duo fonctionne très bien : elle en tant que productrice et lui en tant que présentateur vedette et fantasque, bref un vrai cauchemar pour elle car c'est un électron libre.
Face à eux, le jeune Jack O'Connell joue un Kyle aussi perturbé qu'attachant, car il faut être clair, même s'il a un flingue dans la main il est difficile de ne pas ressentir de l'empathie pour ce jeune homme qui a tout perdu ou presque et qui veut juste une réponse : pourquoi un bug a-t-il pu se produire dans l'algorithme du fond entraînant une chute du cours et une perte sans précédent pour tous les quidams qui comme lui ont placé leurs économies sur ce fond soit-disant sûr et rentable.
Il serait facile de se dire dès le début du film que Kyle est le méchant, après tout il a le flingue, il prend en otage une vedette de la télévision, mais voilà, le film creuse et le méchant n'est finalement pas celui que l'on croyait.
Et puis Lee Gates est cynique, tout comme l'émission qu'il présente, car il est facile de donner des conseils financiers tranquillement assis dans un fauteuil avec un compte en banque bien garni, et quand il y a un problème répondre que la bourse n'est pas une science exacte.
J'avoue que je trouve que c'est le genre de personnage qui colle bien à George Clooney, acteur que je ne porte pas particulièrement dans mon cœur, mais je reconnais qu'il sait les interpréter à merveille.
Comme l'a chanté il y a quelques années Shania Twain : "We live in a greedy little world / That teaches every little boy and girl / To earn as much as they can possibily / Then turn around and spend it foolishly / We've created us a creditcard mess / We spend the money that we don't possess", et je vous laisse méditer là-dessus, car les "Money Monsters" c'est un peu tout le monde, à commencer par vous et moi.
J'ai beaucoup aimé la mise en abîme : filmé par des caméras qui filment elles-mêmes des caméras filmant une émission de télévision.
Le travail était périlleux mais Jodie Foster, et son équipe technique, s'en sortent bien et le résultat à l'écran est parfait, alternant entre les passages filmés par la réalisatrice et ceux pour l'émission.
La grande force de ce film réside sans doute dans son scénario qui prend le temps de décortiquer et d'expliquer les mécanismes par lesquels la crise financière de 2008 a pu intervenir, plutôt que de s'arrêter simplement au méchant qui vient prendre en otage un plateau de télévision pour avoir une simple réponse.
Si vous croyez que cette histoire peut bien se finir, c'est que vous êtes très naïf, mais là aussi la fin est belle et somme toute très représentative de notre époque, le moment d'émotion passé la vie reprend son cours normalement, comme si rien ne s'était passé ou alors il y a longtemps.


Dans son quatrième long-métrage Jodie Foster n'y va pas par quatre chemins et son "Money Monster" est à la fois émouvant et percutant, un film comme je les aime et que je vous recommande.


     
     

     
     


dimanche 29 mai 2016

Julieta de Pedro Almodóvar

     
     

Julieta s’apprête à quitter Madrid définitivement lorsqu’une rencontre fortuite avec Bea, l’amie d’enfance de sa fille Antía la pousse à changer ses projets. Bea lui apprend qu’elle a croisé Antía une semaine plus tôt. Julieta se met alors à nourrir l’espoir de retrouvailles avec sa fille qu’elle n’a pas vu depuis des années. Elle décide de lui écrire tout ce qu’elle a gardé secret depuis toujours. Julieta parle du destin, de la culpabilité, de la lutte d’une mère pour survivre à l’incertitude, et de ce mystère insondable qui nous pousse à abandonner les êtres que nous aimons en les effaçant de notre vie comme s’ils n’avaient jamais existé. (AlloCiné)


Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas été voir un film de Pedro Almodóvar au cinéma, il faut dire que ses deux derniers opus ne m'avaient pas trio attirée, finalement j'ai bien fait d'attendre tout ce temps car je suis ressortie très émue par ce film qui s'inscrit dans la veine des grands drames de cet incontournable réalisateur Espagnol.
Le film s'ouvre sur un superbe drapé rouge qui s'avère être la robe de chambre de Julieta (Emma Suárez pour Julieta à l'âge de 50 ans, Adriana Ugarte pour Julieta jusqu'à l'âge de 30 ans).
Celle-ci s'apprête à quitter Madrid pour partir vivre au Portugal, elle a quelque chose dans les traits du visage et dans sa façon d'agir qui laisse à penser qu'elle a un lourd secret et qu'elle se reproche quelque chose mais le spectateur ne sait pas quoi, et voilà qu'elle croise Beatriz une amie d'enfance de sa fille Antia qui lui dit avoir vu cette dernière il y a peu de temps.
Cela bouleverse Julieta qui décide alors de rester à Madrid, car cela fait dix-huit ans qu'elle n'a plus vu sa fille Antia.
Elle va alors lui écrire une lettre dans laquelle elle lui raconte tout, de la rencontre avec son père, de leur amour, jusqu'à la mort tragique de ce dernier et les circonstances de celle-ci.
Julieta vit depuis trop longtemps avec le poids du passé et des remords dont elle s'accable, il est temps pour elle de s'en débarrasser en les couchant sur papier, et peut-être que cette fille si longtemps disparue réapparaîtra-t-elle dans sa vie.


C'est un véritable drame que signe ici Pedro Almodóvar, un film qui s'inscrit dans la lignée de "Talons aiguilles", "Tout sur ma mère", ou encore "Volver".
Julieta est une femme sinistrée, elle n'a plus vu sa fille depuis plus de dix ans, c'est une blessure non cicatrisée et sans doute l'un des pires drames que peut connaître une mère dans sa vie.
Le récit se fait par le prisme de Julieta, il y a tout d'abord la rencontre dans un train avec un homme qui deviendra son compagnon et le père de sa fille, la naissance de celle-ci et la joie de ces années-là, puis le drame survient, Julieta tombe en dépression et ne doit de revenir à la vie que grâce à sa fille et à la meilleure amie de celle-ci.
Puis Antea disparaît un beau jour, Julieta doit ré-apprendre à survivre, rencontre un homme qui deviendra son deuxième compagnon mais elle se comporte clairement comme une droguée ou une personne dépendante d'une substance ou de l'alcool : le premier signe la fait replonger dans son addiction, ici c'est la rencontre avec l'ancienne amie de sa fille qui déclenche sa rechute.
Difficile de ne pas être touchée par cette femme, pendant que l'histoire se déroulait je me demandais ce qu'elle avait bien pu faire pour que sa fille disparaisse du jour au lendemain, mais en fait rien, ici il n'est question que de la culpabilité dans laquelle elle a fini par s'enfermer et que sa fille a mal interprété.
C'est un récit douloureux, et pourtant lumineux, car comme à son habitude Pedro Almodóvar utilise abondamment les couleurs vives.
Sa mise en scène et en images est tout simplement magnifique, il y a beaucoup de référence : comment ne pas penser à Alfred Hitchcock avec cette scène de train poursuivi par un cerf, il y a de la sensualité, comme bien souvent chez Emma Suárez, et c'est aussi particulièrement maîtrisé, je pense notamment à cette magnifique ellipse pour passer d'une Julieta trentenaire à une Julieta plus âgée.
Dans le choix de ses actrices, ai-je déjà dit à quel point Pedro Almodóvar savait les mettre en lumière, il fait appel pour un petit rôle à l'une de ses actrices fétiches : Rossy de Palma, et pour Julieta à Adriana Ugarte et Emma Suárez, inconnues pour ma part (et apparemment en France mais pas en Espagne) mais qui se révèlent particulièrement brillantes dans cette double interprétation de Julieta à deux époques différentes.
Cette histoire a été bâtie à partir de trois nouvelles du recueil "Fugitives" d'Alice Munro (dont j'ai lu "Du côté de Castle Rock")  ; "Hasard", "Bientôt" et "Silence".
La musique est signée comme d'ordinaire par Alberto Iglesias, et la chanson du film, à l'instar du "Piensa en mi" de Luz Casal pour "Talons aiguilles", est "Si no te vas" interprétée par Chavela Vargas, un air qui vous restera également en tête pendant longtemps et qui est l"apothéose de ce sommet d'émotion qu'est "Julieta".


Si "Julieta" est reparti bredouille de Cannes, à mon avis une erreur tant ce film aurait mérité de recevoir un Prix, ce n'est pas une raison pour le bouder dans les salles car c'est du grand, du très grand Pedro Almodóvar, à la fois troublant et passionnant.



mardi 24 mai 2016

Top Ten Tuesday #154


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 romans que vous pouvez vous départir sans problème

1) "Etoiles" de Simonetta Greggio
2) "Les mains nues" de Simonetta Greggio
3)"Mille femmes blanches" de Jim Fergus
4) "Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire" de Jonas Jonasson
5) "Le vent de la haine" de Marie-Paul Armand
6) "La première chose qu'on regarde" de Grégoire Delacourt
7) "Histoire du tableau" de Pierrette Fleutiaux
8) "Le cercle des femmes" de Sophie Brocas
9) "Obscura" de Régis Descott
10) "Double faute" de Lionel Shriver 

dimanche 22 mai 2016

Dalton Trumbo de Jay Roach

     
     

Hollywood, la Guerre Froide bat son plein. Alors qu’il est au sommet de son art, le scénariste Dalton Trumbo est accusé d’être communiste. Avec d’autres artistes, il devient très vite infréquentable, puis est emprisonné et placé sur la Liste Noire : il lui est désormais impossible de travailler. Grâce à son talent et au soutien inconditionnel de sa famille, Il va contourner cette interdiction. En menant dans l’ombre un long combat vers sa réhabilitation, il forgera sa légende. (AlloCiné)


Le communisme, ce n'était pas la panacée et avec le recul c'était même franchement pas bien.
Mais la chasse aux communistes aux Etats-Unis à la fin des années quarante, ça n'était pas non plus la panacée et ça n'était même franchement pas bien.
A cause de cela, et pour leur simple appartenance à un moment donné au parti communiste, des centaines de personnes ne sont retrouvées assignées au tribunal, ont perdu leur maison, leur travail, leur famille, et se sont retrouvées exclues de la société, en devenant des personnes infréquentables qu'il ne fallait surtout pas faire travailler.
Dalton Trumbo fait parti des "Dix d'Hollywood", un groupe de professionnels du cinéma qui a refusé de témoigner devant le House Un-American Activities Committee en 1947, un geste qu'ils ont payé très cher.
Pour être tout à fait honnête, je ne connaissais pas vraiment Dalton Trumbo, par contre je connaissais nettement mieux certains films dont il a signé le scénario.
Et j'ai particulièrement apprécié l'ironie de l'histoire, à savoir que ne pouvant être embauché par une firme du cinéma Dalton Trumbo a continué à écrire des scénarios et que pendant sa période de disgrâce il a remporté deux Oscars.
Alors en même temps que je regardais une page de l'histoire américaine, j'en ai profité pour réviser mes classiques du cinéma


S'il est bien entendu question de Dalton Trumbo (Bryan Cranston), je n'irai pas jusqu'à dire que ce film est un biopic.
C'est un savant mélange de biopic et de film historique sur une période noire d'Hollywood.
J'ai été épatée par la métamorphose physique et le jeu de l'acteur incarnant Dalton Trumbo.
Il a su redonner vie à cet homme et s'st complètement imprégné du personnage.
Sa femme campée par Diane Lane est elle aussi remarquable, tout comme les enfants, avec une mention spéciale pour la jeune Elle Fanning.
Quant à Helen Mirren, elle est impeccable dans cette chroniqueuse ex-actrice, Hedda Hopper, qui ne cesse de combattre les communistes et est surtout une femme aigrie dont la carrière s'est mise à un moment donné à stagner.
Ça n'est pas la première fois que j'entends parler en mal de John Wayne, autan vous dire qu'entre Dalton Trumbo et ce dernier ce n'était pas l'amour fou, le film met d'ailleurs en lumière le comportement machiavélique de John Wayne et pourrait bien le faire chuter de son piédestal auprès de certains de ses admirateurs.
Le film est découpé en deux parties, la première est plutôt classique et présente la partie historique jusqu'à l'emprisonnement de Dalton Trumbo; la deuxième propose une partie une facette plutôt méconnue de cette histoire : comment ces scénaristes, dont Dalton Trumbo, ont continué à travailler pour faire vivre leur famille en écrivant des scénarios sous des pseudonymes, y compris pour de mauvais films.
Ainsi, Hollywood a tourné le dos à des personnes qui peu de temps avant étaient adulées et payées des fortunes pour écrire les succès de demain, un comportement dont l'industrie du cinéma ne sort pas grandie.
Dalton Trumbo devra beaucoup à Franck King, un producteur de films de séries Z, il se jettera à corps perdu dans le travail, quitte à en délaisser sa famille, et prendra finalement sa revanche sur toute cette sombre période, lorsque Kirk Douglas vient le chercher pour le scénario de "Spartacus" suivi de peu par Otto Preminger pour "Exodus".
Le nom de Dalton Trumbo apparaîtra de nouveau sur les écrans, la liste noire sera définitivement abandonnée et toutes ces personnes talentueuses pourront de nouveau vivre de leur art dans la lumière.
On a tendance à oublier à quel point cette période fut difficile pour les personnes qui s'y sont retrouvées dedans : plus de travail, plus d'agent, plus d'amis, certains sont même allés jusqu'à se suicider; le film a le mérite de mettre en lumière cet aspect.
D'autres films ont traité du maccarthysme mais peu se sont intéressés à l'impact de ces accusations sur les personnes elles-mêmes et sur leurs proches.
Ici, le spectateur voit un Dalton Trumbo perdre pied, se noyer dans le travail et dans l'alcool et les médicaments pour tenir une cadence infernale d'écriture pour gagner quelques dollars.
Malgré le sujet, c'est un film drôle avec certaines répliques tout simplement jubilatoires, il faut dire que Dalton Trumbo avait non seulement une plume aiguisée mais aussi un sacré sens de la répartie.
La mise en scène de Jay Roach est bien construite, il a su mélanger les genres ainsi que l’humour et la noirceur pour livrer un film intelligent sur une page de l'histoire dont on parle peu souvent et qui mériterait pourtant d'être mieux connue.


"Dalton Trumbo" est à la fois un biopic et une page d'histoire qui mérite fortement d'être vu, ne serait-ce que pour rappeler ce qui peut en coûter d'avoir une opinion différente de la majorité et ne pas s'inscrire dans la pensée commune.


     
     

     
     

vendredi 20 mai 2016

Envoyée spéciale de Jean Echenoz


Constance étant oisive, on va lui trouver de quoi s’occuper. Des bords de Seine aux rives de la mer Jaune, en passant par les fins fonds de la Creuse, rien ne devrait l’empêcher d’accomplir sa mission. Seul problème : le personnel chargé de son encadrement n’est pas toujours très bien organisé. 'Les éditions de minuit)

Constance est mariée mais ne vit plus trop avec son mari, elle est oisive et déambule au gré des rues de Paris histoire de se promener, et quand un homme plutôt charmant lui demande son chemin Constance n'hésite pas un seul instant, lui répond et se propose même de l'emmener, parce qu'elle est comme ça Constance : "C'est qu'elle ne peut jamais se retenir, Constance, d'avoir ce genre d'idées, nous avons bien compris qu'amoureusement elle est insatisfaite.".
Ce qu'elle ne sait pas, c'est qu'elle a été choisie pour une mission très particulière : "C'est très simple, a répondu le général, vous allez déstabiliser la Corée du Nord.", et qu'avant de l'envoyer sur le terrain il va falloir la préparer, la conditionner dans une ferme isolée de la Creuse : "Ce qu'il faudrait avant tout, voyez-vous, c'est lui faire subir une sorte de purge une fois que nous l'aurons trouvée. La mettre entièrement hors-circuit quelque temps avant qu'elle intervienne. Une sorte de bonne cure d'isolement, si vous voulez. La personnalité se modifie dans ce cas-là. Je ne dis pas que ça détruit le caractère, mais ça crée des réactions mieux adaptées, ça rend le sujet plus ductile.".
Mais bon, l'encadrement de Constance n'est pas très organisé et c'est là que les problèmes vont commencer.

De Jean Echenoz, j'ai lu "14" au style épuré avec une histoire allant droit au but, la plume de cet auteur ne m'était donc pas inconnu.
Ce fut un plaisir de le retrouver dans ce "Envoyée spéciale" si rafraîchissant et quelque peu inattendu.
Inattendu tout d'abord de par sa taille, Jean Echenoz ne m'avait pas habitué à écrire un roman aussi long, mais également par l'histoire qui est loufoque mais sans devenir guignolesque.
Je vais être franche, cette histoire c'est du grand n'importe quoi orchestré par on ne sait qui n'importe comment, mais la recette fonctionne et c'est là l'essentiel.
Il y a une douce ironie légèrement amère sous la plume de Jean Echenoz, il se pose en narrateur distancié de l'histoire et la raconte presque à la manière d'un journaliste et pourtant le lecteur est captivé du début à la fin par cette histoire plus qu'improbable d'une inconnue ramassée au hasard (ou presque) dans la rue et envoyée en Corée du Nord pour déstabiliser le régime.
Fort heureusement, dans la réalité les services secrets n'agissent pas ainsi, et tant mieux pour nous ai-je envie de dire, mais nous sommes en littérature et on peut tout se permettre, ou presque, et Jean Echenoz y arrive de manière fort habile.
L'auteur alterne les points de vue, se plaçant par moment du côté de Constance, de l'autre des personnes orchestrant cette mission d'infiltration politique, ou encore du mari de Constance ancienne gloire de la musique qui ne bouge pas franchement le petit doigt pour venir au secours de sa femme après une demande de rançon.
Il suffit de bien mélanger le tout et la vinaigrette non seulement prend mais s'accorde très bien avec les différents plats proposés.
C'est un livre très drôle, et mine de rien très bien écrit, j'aime décidément beaucoup le style de Jean Echenoz.
C'est une charmante fantaisie littéraire qui m'a divertie et je n'en dirai pas plus dessus, je vous laisse le soin et le plaisir de la découvrir par vous-même.

"Envoyée spéciale" n'est pas que le titre d'une émission de télévision mais s'avère ici être un vrai-faux roman d'espionnage tout à fait réjouissant et sacrément drôle, une lecture rafraîchissante.

Livre lu dans le cadre du Prix Relay 2016

mercredi 18 mai 2016

En attendant Bojangles d'Olivier Bourdeaut


Sous le regard émerveillé de leur fils, ils dansent sur «Mr. Bojangles» de Nina Simone. Leur amour est magique, vertigineux, une fête perpétuelle. Chez eux, il n’y a de place que pour le plaisir, la fantaisie et les amis. Celle qui donne le ton, qui mène le bal, c’est la mère, feu follet imprévisible et extravagant. C’est elle qui a adopté le quatrième membre de la famille, Mademoiselle Superfétatoire, un grand oiseau exotique qui déambule dans l’appartement. C’est elle qui n’a de cesse de les entraîner dans un tourbillon de poésie et de chimères. Un jour, pourtant, elle va trop loin. Et père et fils feront tout pour éviter l’inéluctable, pour que la fête continue, coûte que coûte. L’amour fou n’a jamais si bien porté son nom. (Finitude)

Tout le monde connaît Nina Simone ?
Oui, parfait question suivante.
Tout le monde connaît sa chanson "Mr. Bojangles" ?
Non, rassurez-vous vous n'êtes pas seul(e) dans ce cas-là.
Tout le monde a entendu parler d'Olivier Bourdeaut ?
Difficile de ne pas avoir au moins entendu ce nom, ou aperçu la soit dit en passant très belle couverture, avec son premier roman Olivier Bourdeaut n'a rien moins reçu que le Grand Prix RTL-Lire 2016, le Prix France Culture-Télérama 2016, le Prix Roman France Télévisions 2016.
J'avais donc envie de me pencher sur ce nouveau phénomène littéraire du début d'année 2016.

"En attendant Bojangles" parle bien entendu de musique, de Nina Simone, et de cette chanson que les parents du narrateur affectionnent si particulièrement et sur laquelle ils dansent pendant des heures; mais également d'amour, d'un amour fou entre les parents du narrateur et vis-à-vis de leur fils.
Il y a plusieurs années de cela, le père a rencontré une femme qui a aussitôt plongé dans son doux délire et ses mensonges : "Le temps d'un cocktail, d'une danse, une femme folle et chapeautée d'ailes, m'avait rendu fou d'elle en m'invitant à partager sa démence.", il en est devenu fou amoureux (et réciproquement) mais il commence à se poser des questions : "Que vais-je faire de cet amour fou ?".
Car il ne faut pas avoir fait médecine pour comprendre que la femme, même si elle est belle, charmante, envoûtante, a un réel grain de folie dans la tête, et que son extravagance a une raison médicale plus profonde.
Mais voilà, il l'aime, il ne peut vivre sans elle : "Son comportement extravagant avait rempli toute ma vie, il était venu se nicher dans chaque recoin, il occupait tout le cadran de l'horloge, y dévorant chaque instant.", ensemble ils ont un garçon qu'ils aiment sincèrement, et tous les jours le père va faire son possible pour que la fête continue, aidé de son fils, mais ceci n'est que repousser l'inéluctable.

"En attendant Bojangles" contient beaucoup de fantaisie mais tout autant de noirceur, et j'ai aimé ces deux aspects.
Du côté de la fantaisie, il y a bien entendu les parents qui font que la vie est une fête continue, le garçon ne va pas à l'école, par contre il participe à toutes les soirées, y rencontre des personnages plus ou moins importants et plus ou moins publics, il y a les délires de la mère qui ne cesse de repousser les murs de ses folles envies, il y a le quatrième membre de la famille, Mademoiselle Superfétatoire, un oiseau exotique qui se promène comme si de rien n'était dans l'appartement.
Du côté de la noirceur, il y a bien entendu la maladie psychiatrique de la mère qui va finir par plonger la famille dans une fuite en avant à l'issue inévitable.
Comment ne pas être charmé(e) par l'aspect fantaisiste et entraînant de ce roman, c'est plutôt difficile, mais pour ma part j'ai gratté le vernis et je ne partage pas complètement l'enthousiasme et l’engouement suscités par ce roman.
Certes, la plume est légère, ce livre se lit facilement et rapidement, mais il y a beaucoup à dire sur le comportement des parents qui agissent à la fois par amour envers le fils et se révèlent également très égoïstes, ceci est particulièrement vrai concernant le père.
Il y a un fond de "L'écume des jours" dans ce roman, mais sans le côté brillant de Boris Vian, d'ailleurs n'est pas Boris Vian qui veut.
Et c'est sans doute ce qui m'a le plus gênée, je me demande si l'auteur a cherché à faire une pâle copie de ce roman ou s'il a au contraire cherché à innover, dans un cas comme dans l'autre le travail est à moitié fait.
Il n'y a pas de réelle innovation dans le procédé narratif, l'auteur se contente d'utiliser des jeux de mots assez communs.
Sur le moment ce roman séduit mais très vite je me suis demandée ce que j'allais en garder et si je ne l'aurai pas très vite oublié, et c'est sans doute ce qui va se passer.

"En attendant Bojangles" est un roman qui sur le moment a su me séduire mais bien vite je me suis interrogée sur ce que j'allais en garder, d'ailleurs le souvenir de cette lecture commence d'ores et déjà à s'estomper.

mardi 17 mai 2016

Top Ten Tuesday #153


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 critères principaux qui font qu'un blog est attrayant et vous donne le goût d'y retourner

1) La trame de fond, la mise en page, le choix de la police et des couleurs, bref, la présentation générale;
2) Les sujets traités;
3) La qualité de la plume de l'auteur (ou des auteurs);
4) Parfois l'humour et la qualité des dessins;
5) La variété des genres présentés:
6) L'alimentation régulière du blog;
7) Le fait d'y dénicher de prochaines lectures ou films à voir;
8) Le fait de connaître plus ou moins la (ou les) personne(s) qui le tienne(nt).

dimanche 15 mai 2016

La route étroite vers le nord lointain de Richard Flanagan


En 1941, Dorrigo Evans, jeune officier médecin, vient à peine de tomber amoureux lorsque la guerre s’embrase et le précipite, avec son bataillon, en Orient puis dans l’enfer d’un camp de travail japonais, où les captifs sont affectés à la construction d’une ligne de chemin de fer en pleine jungle, entre le Siam et la Birmanie. 
Maltraités par les gardes, affamés, exténués, malades, les prisonniers se raccrochent à ce qu’ils peuvent pour survivre – la camaraderie, l’humour, les souvenirs du pays. Au cœur de ces ténèbres, c’est l’espoir de retrouver Amy, l’épouse de son oncle avec laquelle il vivait sa bouleversante passion avant de partir au front, qui permet à Dorrigo de subsister. 
Cinquante ans plus tard, sollicité pour écrire la préface d’un ouvrage commémoratif, le vieil homme devenu après guerre un héros national convoque les spectres du passé. Ceux de tous ces innocents morts pour rien, dont il entend honorer le courage. Ceux des bourreaux, pénétrés de leur “devoir”, guidés par leur empereur et par la spiritualité des haïkus. Celui d’Amy enfin, amour absolu et indépassable, qui le hante toujours. (Actes Sud)

En 1941, Dorrigo Evans est un jeune médecin Australien qui vient de rencontrer une femme mystérieuse, Amy, qui irrésistiblement l'attire et dont il pressent qu'elle sera le grand amour de sa vie : "Il ne s'était rien passé, et pourtant il savait que quelque chose commençait."; mais bien vite il bascule dans la l'enfer de la Seconde Guerre Mondiale et se retrouve captif des Japonais dans un camp de travail où lui et les autres prisonniers doivent construire la ligne de chemin de fer entre le Siam et la Birmanie restée tristement célèbre sous le nom de "voie ferrée de la mort".
Cinquante ans après il se remémore toutes ces années et toutes ses camarades morts à l'occasion de l'écriture de la préface d'un livre.

Pour être tout à fait honnête, deux choses m'ont attirée vers ce livre : son titre et sa couverture.
Si comme moi au moins l'un des deux vous inspire n'hésitez pas, et si aucun des deux ne vous inspire, n'hésitez pas non plus.
J'ai eu un énorme coup de cœur pour ce roman, c'est à la fois une très belle découverte et un roman exigeant car traitant d'un sujet difficile et plutôt méconnu.
Là où Pierre Boulle avait imaginé une histoire de fiction avec "Le pont de la rivière Kwaï", porté à l'écran par David Lean, sur la base de ce fait historique, Richard Flanagan le met littéralement K.O.
Certes, lui aussi a créé une oeuvre de fiction, Dorrigo Evans n'est pas un personnage ayant existé, mais il a présenté un récit au plus près de la vérité, sans doute parce que son père a travaillé sur ce chantier.
Richard Flanagan ne s'est pas contenté d'effleurer les conditions de vie des prisonniers de guerre dans cette jungle, avec des mots précis il plonge littéralement le lecteur dans cet enfer.
C'est un récit dur, violent, parfois à la limite du soutenable car l'auteur n'épargne rien des souffrances endurées par ces hommes, des maladies comme le béribéri, la dysenterie, le choléra, qui les déciment; et puis il y a la folie des Japonais, de ces hommes à qui l'on a demandé de construire une ligne ferroviaire pour l'Empereur et qui se croient donc investis d'une mission divine : "Il n'y avait pas le choix : ou bien l'on existait pour l'Empereur et pour la voie ferrée - laquelle incarnait, après tout, la volonté de l'Empereur -, ou bien l'on avait plus de raison de vivre, ni même de mourir.".
A la lecture de ce roman je comprends un peu mieux comment (et pourquoi) les soldats Japonais se sont transformés en kamikazes pendant la guerre du Pacifique, et pourquoi les Américains ont fini par choisir de faire exploser deux bombes nucléaires pour mettre définitivement fin à cette guerre.
Au-delà de cet aspect historique particulièrement bien retracé, il y a le personnage de Dorrigo Evans, un homme auquel le lecteur finit par s'attacher et pour lequel il ressent une profonde empathie.
Il y a le Dorrigo Evans d'avant, l'amoureux d'Amy, cette figure féminine et aimée qui va l'aider dans sa lutte pour survivre en incarnant une raison de rester en vie :
"Sans elle, sa vie paraissait ne plus mériter d'être vécue.", et qui le hantera tel un fantôme tout le restant de sa vie.
Il y la Dorrigo Evans pendant la guerre, celui que les hommes appellent "Big Fella", le grand chef, celui qui se battra chaque minute de chaque jour pour essayer d'adoucir les conditions de détention des hommes.
Et puis il y a le Dorrigo Evans d'après, celui qui revient vivant de cet enfer mais sans être la même personne, celui qui vivra sa vie en se détachant de son âme et qui aura tendance à décevoir sa femme et ses enfants, qui se perdra dans les mignonnettes d'alcool et collectionnera les maîtresses : "Les sentiments d'un homme ne sont pas toujours à la hauteur de ce qu'est la vie. Parfois ils ne sont pas à la hauteur de grand-chose.".
"Un homme heureux n'a pas de passé, un homme malheureux ne possède rien d'autre.", voilà une phrase qui résume assez bien l'essence même de cette histoire, quand tous ces hommes étaient insouciants et heureux ils ne faisaient pas attention à la vie, quand ils se retrouvent prisonniers et obligés de travailler de force jusqu'à la mort il ne leur reste que leur passé auquel se raccrocher.
Voilà un très beau roman qui a eu le mérite de mettre mal à l'aise et de me plonger dans l'enfer, tout en faisant vivre la mémoire de ces milliers d'hommes morts pour et par la folie d'autres hommes qui avaient décidé de construire une improbable ligne ferroviaire pour leur Empereur en pleine jungle, et dont les os sont aujourd'hui enfouis profondément dans la boue, et celle de ceux qui en sont revenus.

"La route étroite vers le nord lointain" est un roman où la violence est folie et où l'amour absolu guide un homme de l'enfer vers la lumière de la vie.
Un récit puissant qui ne peut laisser personne indifférent.

Livre lu dans le cadre du Prix Relay 2016

Café Society de Woody Allen

     
     

New York, dans les années 30. Coincé entre des parents conflictuels, un frère gangster et la bijouterie familiale, Bobby Dorfman a le sentiment d'étouffer ! Il décide donc de tenter sa chance à Hollywood où son oncle Phil, puissant agent de stars, accepte de l'engager comme coursier. À Hollywood, Bobby ne tarde pas à tomber amoureux. Malheureusement, la belle n'est pas libre et il doit se contenter de son amitié. Jusqu'au jour où elle débarque chez lui pour lui annoncer que son petit ami vient de rompre. Soudain, l'horizon s'éclaire pour Bobby et l'amour semble à portée de main… (AlloCiné)


Dans les Etats-Unis des années 30, le jeune Bobby (Jesse Eisenberg) décide de quitter New York et le travail à la bijouterie familiale pour tenter sa chance à Hollywood en travaillant pour son oncle Phil (Steve Carell), un agent de stars très connu dans le milieu artistique.
Ce dernier lui présente sa secrétaire Vonnie (Kristen Stewart), et la charge de faire découvrir Hollywood au jeune homme.
Bobby tombe très vite amoureux de Vonnie, qui ne veut pas s'engager avec lui car elle a déjà quelqu'un dans sa vie, puis finalement accepte car elle vient d'être larguée, et finalement refait machine arrière quand son mystérieux amant se décide enfin à quitter sa femme pour elle.
Bobby finit par revenir à New York, travaille avec son frère Ben (Corey Stoll) dans le night-club qu'il vient d'acquérir, y rencontre Veronica (Blake Lively) et surtout découvre la Café Society.


Woody Allen adore la période de l'entre-deux guerres, artistiquement il la maîtrise et l'avait déjà démontré avec "Magic in the Moonlight" ou "Minuit à Paris".
Ce nouvel opus ne brille pas forcément par son originalité, pour tout dire j'ai connu Woody Allen beaucoup plus inspiré, mais plus par sa mise en scène remarquablement bien maîtrisée.
Woody Allen réussit facilement à redonner vie à cette période, aussi bien dans les tenues vestimentaires que dans l'ambiance, particulièrement en ce qui concerne la musique avec le jazz.
Le point de départ était intéressant, Bobby est appelé par les sirènes de Hollywood, l'espoir de la gloire et de rencontres avec des célébrités, mais il finit par déchanter et retourne à sa ville natale et à sa famille.
Mais tout cela manque d'ironie, j'ai connu Woody Allen beaucoup plus grinçant et ce film n'est pas très mordant, il y a même certaines répliques qui font cliché.
C'est un peu dommage que le scénario n'ait pas été plus soigné, il y avait à mon avis matière à faire une comédie plus grinçante.
Il n'en demeure pas moins que l'histoire est assez mignonne et prête par moment à sourire, notamment grâce aux interventions de Ben, le frère aîné gangster (il a une façon de résoudre les problèmes avec les personnes gênantes très ... radicale dirai-je).
C'est un joli bonbon sucré mais qui aurait pu être un peu plus acidulé.


Par contre, comme je l'ai déjà dit la mise en scène est elle impeccable et nettement plus maîtrisée que celle des derniers films de Woody Allen, avec le recul.
Je reconnais également que le casting est parfait, Kristen Stewart (dont je n'ai jamais douté du talent) campe ici une femme prise dans un triangle amoureux, elle arrive à être expressive et à faire passer des émotions et est également sublimée par la façon que Woody Allen a de la filmer; difficile de ne pas voir dans le personnage de Jesse Eisenberg un double de Woody Allen (particulièrement si vous voyez le film en version originale, il débite à la mitraillette ses répliques); Blake Lively montre une nouvelle fois qu'elle a réussi sa reconversion après l'arrêt de la série Gossip Girl.
Les acteurs que je n'ai pas reconnus : Parker Posey (elle est bien loin de son rôle dans "L'homme irrationnel"), Corey Stoll (ça le change de son rôle dans la série "The Strain").
Woody Allen comme à son habitude n'hésite pas à manier l'auto-dérision, notamment celle concernant sa religion, et en cela il a véritablement utilisé le personnage de Bobby comme son double.
Mais, faut-il le répéter, le message est à mes yeux incomplet et il manque une cohésion entre la forme et le fond pour que ce film soit une franche réussite.
Quant à la musique ... est-il encore besoin d'en parler ?
Qui dit film de Woody Allen dit musique soignée, celle-ci cadre parfaitement avec l'époque à laquelle l'histoire se déroule.
Il n'en demeure pas moins que mon grand regret, pour ne pas dire déception, réside dans cette fin ouverte qui m'a fortement déplue.
J'en cherche encore le sens, c'est dire ... .


"Café Society" est une comédie nostalgique de Woody Allen qui se regarde avec un certain plaisir mais ne restera pas dans les annales comme l'un des meilleurs films de ce réalisateur.





samedi 14 mai 2016

Gracie Lindsay d'Archibald Joseph Cronin


Une petite ville écossaise, Levenford, dans les années 1910. Les demeures hostiles des notables, la boutique de l'apothicaire, la petite maison du pasteur et les commérages de ses ouailles, la haine et les rivalités, servent de cadre à Gracie Lindsay, l'attachante figure de femme que nous présente A. J. Cronin dans son nouveau roman. 
Gracie, on ne la connaît que trop bien à Levenford où son récent veuvage l'oblige à revenir. Elle est celle que l'on montre du doigt, mais que toutes les femmes - au fond - envient. Sa beauté, sa grâce, sa fragilité, lui attirent, irrésistiblement, les suffrages masculins auxquels on lui reproche de ne pas savoir suffisamment résister. Jusqu'au jour où viendra l'instant terrible qui l'arrachera à elle-même pour la transfigurer. (Le Livre de Poche)

Gracie Lindsay revient à Levenford suite à son veuvage, et aussitôt les commérages vont bon train, car pour son oncle Gracie est une charmante et attachante personne : "Mais elle était si douce, si belle ! Elle vous prenait le cœur.", tandis que pour tous les autres elle n'est qu'une femme aux moeurs légères qui aurait mieux fait de ne jamais remettre les pieds à Levenford : "Gracie Lindsay, vous ne l'ignorez pas, n'a jamais été qu'une dévergondée. Aujourd'hui, elle est pire.".
Alors qui est réellement Gracie Lindsay, une jeune femme victime de sa grande beauté et de la jalousie qu'elle fait naître dans le cœur des autres femmes ou bien une véritable croqueuse d'hommes au cœur et à la jambe légère ?

J'ai découvert il y a plusieurs années de cela Archibald Joseph Cronin à travers "Deux sœurs", pas forcément le plus connu de ses romans, puis bien évidemment par "Les années d'illusions", "Le jardinier espagnol" pour n'en citer que quelques-uns.
Et puis j'ai mis de côté cet auteur, qui il faut bien le reconnaître a connu un certain succès en son temps et est quelque peu tombé dans l'oubli littéraire.
Et c'est là une regrettable erreur, car non seulement A.J Cronin avait une belle plume mais il traitait aussi de problèmes de son époque et savait toujours bâtir des histoires très humaines avec des personnages attachants.
C'est donc avec grand plaisir que j'ai relu cet auteur avec "Gracie Lindsay", l'un de ses derniers romans publiés.
J'ai été touchée par le personnage de Gracie, c'est une jeune femme dont la beauté fait son malheur, mais également son bon cœur.
Elle a tendance à s'amouracher facilement, et quand elle aime disons qu'elle ne fait pas les choses à moitié et elle donne tout son cœur à son bien-aimé.
Elle a ce côté légèrement naïf qui la rend attachante, et que finalement peu de personnes connaissent, à l'exception de son oncle qui l'aime aveuglément et la croit sincèrement.
Mais voilà, nous sommes dans les années 1910 et une jeune fille comme Gracie Lindsay passait mal dans l'opinion générale, son attitude la faisait qualifier de traînée alors que dans le fond je crois surtout que c'est une grande romantique.
Son retour à Levenford ne va pas être facile pour elle : "A mon retour à Levenford, mon cœur débordait de joie. J'aimais cette ville; c'était la mienne et je rentrais chez moi. Que m'est-il arrivé depuis !", mais comme d'ordinaire dans les romans d'A. J. Cronin, un événement va survenir et va permettre à cette héroïne de se dépasser et se sublimer.
C'est un texte plutôt court mais dans lequel je reconnais toute la patte de l'auteur, bien que j'ai été souvent habituée à un aspect médical dans ses récits.
Ici il n'est point question de médecin ou d'infirmière, mais il est tout à fait possible de dire que l'oncle de Gracie joue en quelque sorte ce rôle en essayant d'aider sa nièce et de cicatriser les blessures du passé.
Tout comme Lindsay, l'oncle a également un côté naïf qui le rend touchant, d'autant qu'il exerce le métier de photographe et qu'il passe donc son temps à capter sur un instant la vérité émanant des personnes qu'il photographie.
Le parallèle est intéressant par rapport à la relation qu'il entretient avec sa nièce car il reste obstinément aveugle vis-à-vis de sa conduite.

Au final, "Gracie Lindsay" est un roman court par son nombre de pages mais intense par les émotions qu'il dégage, comme bien souvent dans l'oeuvre d'Archibald Joseph Cronin.

mardi 10 mai 2016

Top Ten Tuesday #152


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 bons "one-shot" (tous genres confondus)

Je vais partir du principe que l'on parle bien de bandes dessinées (j'étendrai également aux mangas et romans graphiques).

1) "Olympe de Gouges" de Catel et Bocquet
2) "Quartier lointain" de Jirô Taniguchi (existe en intégrale donc one-shot pour moi)
3) "Le journal de mon père" de Jirô Taniguchi (idem ci-dessus)
4) "Des lendemains sans nuages" de Gazzotti, Velhmann et Meyer
5) "Little tulip" de Boucq et Charyn
6) "Le bleu est une couleur chaude" de Julie Maroh
7) "Chroniques de Jérusalem" de Guy Delisles
8) "Un océan d'amour" de Lupano et Panaccione
9) "Mauvais genre" de Chloé Cruchaudet
10) "L'âme du Kyudo" de Hiroshi Hirata

mardi 3 mai 2016

Top Ten Tuesday #151


Le Top Ten Tuesday (TTT) est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon le thème littéraire défini.

Ce rendez-vous a été créé initialement par The Broke and the Bookish et repris en français par Iani, puis désormais par Froggy.

Les 10 titres de livres les plus drôles ou imaginatifs

1) "Robe de marié" (à cause du masculin)
2) "La tête dans le carton à chapeaux"
3) "Beignets de tomates vertes"
4) "On ne boit pas les rats-kangourous"
5) "Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates"
6) "La solitude des nombres premiers"
7) "Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?" (plus connu sous le nom de "Blade Runner")
8) "Dans la brume électrique avec les morts confédérés"
9) "Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants"
10) "Quand le diable sortit de la salle de bains"

dimanche 1 mai 2016

Freedom de Jonathan Franzen


Patty Berglund est-elle la femme idéale ? Pour Walter, son mari, la réponse ne fait aucun doute : c’est oui. Épouse aimante, mère parfaite, Patty a tout bon. Mais qu’en pense-t-elle ? En renonçant à Richard, ce « bad boy » dont elle était amoureuse – et qui se trouve être le meilleur ami de Walter –, Patty a peut-être commis l’erreur de sa vie. Freedom raconte l’histoire de ce trio et capture le climat émotionnel, moral et politique des États-Unis entre 1970 et 2010 avec une incroyable virtuosité. (Editions de l'Olivier)

Jonathan Franzen fait partie de ces auteurs que j'entends beaucoup parler, qui sont considérés comme des auteurs majeurs de la littérature des 20ème et 21ème siècles, et que pourtant j'hésite à lire par peur de ne pas être à la hauteur de leur oeuvre en tant que lectrice, ou parce que je me méfie de trop d'éloges.
J'ai finalement franchi le pas et j'ai donc découvert Jonathan Franzen.
Un peu comme avec "Le chardonneret" de Donna Tartt, je pense ne pas avoir lu le meilleur roman de cet auteur, et même si j'y ai trouvé quelques points intéressants ce fut aussi une lecture laborieuse et en dent de scie.

Dans "Freedom" Jonathan Franzen dissèque un couple d'Américains moyens démocrates et leurs enfants sur une période allant de 1970 à 2010.
En somme, l'auteur utilise un point de vue micro pour parler d'une vision macro des Etats-Unis, c'est un aspect intéressant et que j'ai apprécié mais qui néanmoins aurait pu être mieux exploité de mon point de vue, ou tout du moins dans une direction différente que celle où l'auteur choisit d'aller.
Ça commence plutôt bien, pour tout dire j'ai même apprécié ce côté "desperate housewife" de Patty Berglund dans son joli petit quartier de St Paul, Minnesota, où elle est une femme au foyer comblée avec deux enfants et un mari gagnant assez bien sa vie, sauf que tout cela commence à voler en éclat lorsque le fils, Joey, décide de se rebeller contre sa famille, devient républicain et finit par aller vivre chez la voisine : "Ce n'est pas à ça que sert la liberté ? Le droit de penser ce que vous voulez ?".
La seconde partie prend la forme du journal autobiographique de Patty dans lequel elle se raconte.
Là encore, cette partie est intéressante et prendra tout son sens par la suite, mais il va falloir patienter plusieurs centaines de pages pour cela.
Le personnage de Patty est sans doute celui qui m'a le plus touchée, elle se livre ici de façon très intime, revient sur sa position d'exclue dans sa propre famille car elle a fait le choix du sport et des études pour s'assurer une vie confortable plutôt que de partir dans des milieux artistiques comme ses sœurs : "Il vaut bien mieux, après tout, avoir été considéré comme stupide et terne plutôt que brillante et extraordinaire.".
Patty se dévalorise beaucoup tout au long du récit, elle a une mauvaise image d'elle qui finit par la plonger dans une dépression et contribue en partie à faire voler son mariage en éclat.
Elle va aussi tromper son mari avec son meilleur ami Richard, un musicien ayant connu la gloire pour tomber dans l'oubli avant de renaître de ses cendres tel le phœnix.
Patty est une femme en souffrance, elle va lutter contre ses démons pendant plusieurs années et c'est à mon sens le personnage qui connaît l'évolution la plus intéressante du récit.
Derrière elle je dirai que c'est Joey qui va lui aussi connaître une évolution certaine, mais ce personnage m'a donné envie de lui filer des claques du début à la fin, donc je n'ai pas complètement apprécié son histoire.
Un autre personnage qui m'a donné envie de lui filer des claques, c'est Walter Berglund, le mari.
Il va carrément nous faire une petite crise de la quarantaine/cinquantaine, va virer sa femme en apprenant son infidélité d'il y a plusieurs années (après avoir lu le journal intime de Patty tout de même), va décider de changer radicalement de vie en défendant des espèces d'oiseaux en voie de disparition, et va finir par se taper son assistante Lalitha (et là sincèrement il a tellement tourné autour du pot que j'avais envie de lui dire "conclut et on passe à autre chose").
Alors là je n'ai pas du tout accroché à ce personnage et à son évolution, même si c'est, il faut bien le reconnaître, assez véridique et que cela se passe ainsi parfois.
Le personnage de Richard joue quant à lui un rôle de catalyseur dans le couple Berglund, il est également leur anti-thèse et c'est un personnage qui contribue à donner une certaine dimension à l'ensemble.
J'ai donc apprécié certaines parties, j'ai souffert à la lecture pendant d'autres, je me suis intéressée à certains personnages tandis qu'à d'autres je leur aurai collé des baffes, c'est un texte très exigeant qui nécessite une grande disposition au moment où on le lit car c'est une lecture que je qualifierai de ardue et sans doute que je n'étais pas non plus assez disponible pour l'apprécier complètement.
C'est certes construit assez intelligemment mais ça n'est pas non plus la révolution à laquelle je m'attendais.
C'est pourquoi je crois sincèrement que "Les corrections" sont un niveau au-dessus de "Freedom", je le lirai donc mais pas tout de suite.

"Freedom" n'est pas à proprement parler un cri de liberté mais plutôt une guerre familiale sur plus de trente ans qui finit par aboutir pour ses membres à une certaine forme de liberté.
Voilà une lecture exigeante où j'ai pour ma part poussé un soupir de libération une fois la dernière page refermée.

Livre lu dans le cadre du Prix des Lectrices 2015

Retour sur les lectures d'avril 2016


En avril, non seulement je ne me suis pas découverte d'un fil, mais malgré un voyage de quelques jours et une lecture assez difficile j'ai réussi à lire quelques bons livres.
Rien d'exceptionnel non plus, rassurez-vous.
Espérons que mai sera un mois un peu plus faste côté lectures.

Services de Presse

"L'extraordinaire voyage de Sabrina" de Pamela Lyndon Travers
"A couteaux tirés" d'Olen Steinhauer

Divers

"Freedom" de Jonathan Franzen
"Gracie Lindsay" d'A. J. Cronin

Il faut ajouter à cela Le Routard Lisbonne, et le Lonely Planet Lisbonne en quelques jours qui ont été mes fidèles compagnons pendant quatre journées pleines.

Celui dans le jardin n'étant pas encore fleuri (la faute à la météo hivernale de ces deux dernières semaines), je vous souhaite avec ce brin de muguet virtuel un bon 1er mai.