vendredi 9 décembre 2016

Chanson douce de Leïla Slimani


Lorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d'un cabinet d'avocats, le couple se met à la recherche d'une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert très vite l'affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer. Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu'au drame. (Gallimard)

Myriam est la mère de deux jeunes enfants mais son travail d'avocate finit par lui manquer.
Après avoir convaincu son mari Paul, elle reprend une activité professionnelle, en ayant pris soin de choisir une nounou pour s'occuper de ses deux enfants.
Après un casting strict, ils ont trouvé la perle rare en la personne de Louise : "Louise est un soldat. Elle avance, coûte que coûte, comme une bête, comme un chien à qui de méchants enfants auraient brisé les pattes.", une femme qui ne se laisse pas abattre par les vicissitudes de la vie, mais tout cela ne pourrait bien être qu'une façade : "Son visage est comme une mer paisible, dont personne ne pourrait soupçonner les abysses.".

"Le destin est vicieux comme un reptile, il s'arrange toujours pour nous pousser du mauvais côté de la rampe.", et c'est ainsi que s'ouvre ce roman, sur un coup vicieux du destin.
Leïla Slimani est d'emblée directe et ne prend pas en traître le lecteur, ici point question de "chanson douce" que nous chanterait notre maman pour que l'on s'endorme, mais d'un cri de désespoir, celui d'une mère qui vient de rentrer chez elle pour y trouver un bain de sang : sa si merveilleuse nounou a tué ses deux enfants et a tenté de se tuer elle aussi, sauf que ça, elle n'a pas réussi.
En aparthé, cette scène d'ouverture n'a pas été sans me rappeler la scène finale du film de Claude Chabrol "La cérémonie".
La suite du roman est l'autopsie d'un crime, du dérapage d'une femme en apparence normale et qui pourtant cachait de profondes failles que Myriam et Paul n'ont pas su voir.
"Il faut que quelqu'un meurt pour que nous soyons heureux.", il est sûr que les parents sont loin d'être heureux après ce drame, c'est cruel à dire mais ce drame leur aura ouvert les yeux, mais à quel prix.
Car pendant tout le roman ils n'ont pas de mots assez beaux pour parler de Louise, ils dégoulinent de belles paroles à son égard, ils la trouvent formidable : disponible, sachant ce qu'elle fait, réussissant à transformer l'acte le plus banal en merveille : "Elle voit de l'exceptionnel dans ce qui est banal. Elle s'émeut pour un rien.".
Cette Louise, c'est une véritable fée, elle sait tenir propre une maison, éduquer correctement des enfants, c'est un vrai bonheur pour des parents comme Myriam et Paul débordés par leur activité professionnelle.
Mais il y a des brisures dans cette Louise, une forme de folie que personne ne voit venir, si cet aveuglement est évident pour Myriam et Paul il en est de même pour une autre nounou avec qui Louise tisse une forme d'amitié, même les voisins de l'immeuble n'ont rien vu venir.
Avec une telle scène d'ouverture, il est sûr que le lecteur ne peut pas s'attacher à Louise, elle 'ma mis d'emblée mal à l'aise mais sans doute parce que je connaissais l'issue fatale de son histoire.
Quant à Myriam, l'auteur réussit à dresser d'elle le portrait d'une femme d'aujourd'hui, partagée entre son amour maternel et son désir de réussite, une femme qui jongle en permanence entre ces deux aspects de sa vie.
Jamais l'auteur ne porte jugement sur elle ni sur ses choix, par conséquent il en va de même pour le lecteur, et c'est un point important de ce récit car il aurait été facile de pointer du doigt cette "mauvaise" mère qui choisit de reprendre une activité professionnelle plutôt que de s'occuper 24h/24h, 365 jours par an, de ses chères têtes blondes.
Rien de ce qui arrive à elle et à son mari n'est mérité, d'ailleurs, concernant le mari, il est un peu plus en retrait que sa femme et est moins présent dans le récit.
Mais comme Myriam, Paul est une victime de ce drame.
La plume de Leïla Slimani est intéressante, elle exclut toute forme de sentimentalité et arrive pourtant à tenir en haleine le lecteur qui ne peut que lire d'une traite cette histoire.
J'ai beaucoup aimé son style et je vais sans doute lire son premier roman "Dans le jardin de l'ogre".

"Chanson douce" est une fable moderne cruelle et dramatique maîtrisée par la plume à la fois sèche et poétique de Leïla Slimani qui a reçu pour ce livre le Prix Goncourt.

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