dimanche 29 janvier 2017

Corniche Kennedy de Dominique Cabrera

     
     

Corniche Kennedy. Dans le bleu de la Méditerranée, au pied des luxueuses villas, les minots de Marseille défient les lois de la gravité. Marco, Mehdi, Franck, Mélissa, Hamza, Mamaa, Julie : filles et garçons plongent, s'envolent, prennent des risques pour vivre plus fort. Suzanne les dévore des yeux depuis sa villa chic. Leurs corps libres, leurs excès. Elle veut en être. Elle va en être. (AlloCiné)


De la terrasse de sa superbe maison avec vue sur la mer, elle les voit, Suzanne (Lola Créton), ces jeunes sauter du haut de la corniche, défier la loi de la gravité, tous les jours, à chaque fois plus fort, à chaque fois plus intense.
Elle les dévore des yeux, Suzanne, elle veut en être.
Elle va en être.
Elle va croiser Marco (Kamel Kadri), Mehdi (Alain Demaria), et tout le reste de la bande, mais son cœur va balancer pour Marco, ou pour Mehdi, tandis que dans le même temps la police a à l’œil ce groupe de jeunes, avec la capitaine Awa (Aïssa Maïga) et le flic Gianni (Moussa Maaskri), venant du même quartier que ces jeunes, pour qu'ils les aident à faire tomber un dealer.


Pourquoi sautent-ils de la corniche ?
Pour défier la loi de la gravité ?
Pour défier la vie ?
Pour frôler la mort, parce qu'ils aiment cela ?
Parce que cela leur permet de se sentir vivant ?
Pour ressentir des sensations et se sortir de leur quotidien où l'avenir est obscur ?
Parce qu'ils ont envie d'être vus et de dire au monde qu'ils existent ?
Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas vu Marseille filmée de cette façon, une Marseille vue du côté des minots qui sautent de la corniche, une Marseille plus authentique, complètement authentique.
Dominique Cabrera a su filmer cette ville sous son meilleur angle, c'est un personnage à part entière du film, elle l'aime, elle est fascinée par Marseille, tout cela se ressent à l'écran.
Dominique Cabrera a su donner vie à cette corniche, c'est sans doute ce qu'il y a de plus fascinant, et donc de plus beau, dans son film.
Avec sa façon de filmer ces jeunes au plus près, de les couver amoureusement avec sa caméra pour en restituer ce qu'il y a de plus sincère, sans fioriture, sans exagération.
Hormis Lola Créton, Dominique Cabrera a choisi de tourner avec des acteurs non professionnels, avec des minots rencontrés lorsqu'elle cherchait des spots pour tourner son film, comme Kamel Kadri et Alain Demaria.
Le résultat est formidable, ils n'ont rien à envier à des acteurs professionnels car ils ne trichent pas, ils sont justes, toujours dans l'émotion et complètement crédibles.
Bien plus que ne l'auraient été n'importe quels acteurs professionnels.
Et parmi eux Lola Créton évolue, à l'image de son personnage de fille à papa qui décide de "s’encanailler" et d'envoyer valser son bac, Madame Bovary et tout le tintouin.
Aux côtés des quelques acteurs professionnels, ces jeunes illuminent le film, je retiens particulièrement Kamel Kadri et Alain Demaria, que j'ai trouvés très touchants dans leur rôle.



Alors que j'ai volontairement omis d'aller voir "Réparer les vivants" afin de rester sur mon impression de lecture, n'ayant pas encore lu le roman éponyme de Maylis de Kerangal dont il est tiré j'ai décidé de laisser sa chance à ce film.
Je suis désormais curieuse de le découvrir car si j'apprécie la plume de Maylis de Kerangal, je souhaite voir comment elle a traité tout cela sous forme narrative, notamment la reconstitution de la corniche et des sauts, ainsi que l'enquête policière qui, il faut bien le reconnaître, n'est pas assez bien exploitée.
Dans le film, cette enquête sert à montrer un autre visage de Marseille, celui des dealers, des trafics de drogue, des règlements de comptes qui font la une des journaux bien trop souvent, mais en fait elle ne sert malheureusement qu'à introduire le personnage campé par Aïssa Maïga, une actrice un peu trop discrète, et n'amène pas une profondeur au film qui aurait été bienvenue.
Une fois que le trio amoureux à la Jules et Jim est campé, j'attendais que cette enquête prenne plus d'importance, mais au final non, tout n'est que survolé et c'est le point faible du scénario.
Tout comme j'attendais une certaine explosion de ce trio amoureux, les choses ne pouvaient que mal tourner si Suzanne faisait un choix, ce qui lui a été dit par les filles du groupe, au final cette triple relation ne va pas au bout, il manque non pas une conclusion mais une juste conséquence de la situation, si Marco et Mehdi échangent quelques mots cela ne va pas plus loin.
A moins que ces personnages soient bien plus mûrs qu'ils ne le laissent croire
Le tout pour aboutir à une fin quasi en queue de poisson et qui m'a laissée mitigée alors que l'ensemble jusque-là était à la fois troublant et fascinant, sans doute parce que filmé en lumière naturelle.
Le tout sur fond sonore de rap marseillais dont certains textes ont été signés par Kamel Kadri.


Besoin de soleil, de mer, d'adrénaline ? "Corniche Kennedy" est un film sur une jeunesse désabusée et invisible aux yeux de quasiment tout le monde qui saute pour défier la mort, un film sincère qui mérite d'être vu pour la photographie sans filtre de la jeunesse actuelle qu'il renvoie.

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