dimanche 12 mars 2017

Oh, boy ! de Marie-Aude Murail


Ils sont frère et sœurs. Depuis quelques heures, ils sont orphelins. Ils ont juré qu'on ne les séparerait pas. Il y a Siméon Morlevent, 14 ans. Maigrichon. Yeux marron. Signe particulier: surdoué, prépare actuellement son bac. Morgane Morlevent, 8 ans. Yeux marron. Oreilles très décollées. Première de sa classe, très proche de son frère. Signe particulier: les adultes oublient tout le temps qu'elle existe. Venise Morlevent, 5 ans. Yeux bleus, cheveux blonds, ravissante. La petite fille que tout le monde rêve d'avoir. Signe particulier: fait vivre des histoires d'amour torrides à ses Barbie. Ils n'ont aucune envie de confier leur sort à la première assistante sociale venue. Leur objectif est de quitter le foyer où on les a placés et de se trouver une famille. À cette heure, deux personnes pourraient vouloir les adopter. Pour de bonnes raisons. Mais aussi pour de mauvaises. L'une n'est pas très sympathique, l'autre est irresponsable, et... Ah, oui! ces deux personnes se détestent. (L'école des loisirs)

Siméon, Morgane et Venise Morlevent sont frère et sœurs, et leur vie vient de basculer d'un coup : "Leur situation est vraiment tragique. Leur père a disparu dans la nature et leur mère, en pleine dépression nerveuse, vient de se suicider en avalant du Sun Vaisselle.".
Placés temporairement dans un foyer, la juge pour enfant est émue de cette fratrie et se démène avec l'assistante sociale pour leur trouver la meilleure situation possible.
Les Morlevent aussi cherchent de leur côté leur famille, car un nom comme Morlevent, ça ne court pas les rues.
Et voilà qu'ils en trouvent deux : Josiane, 37 ans, mariée sans enfant et ophtalmologue, et Barthélémy, 26 ans, magnifique, homosexuel, frivole et se laissant porter par la vie.
Il s'avère que Josiane et Barthélémy ont la même mère, mais que Josiane a été adoptée par leur père, et que ce dernier s'est bien évidemment débiné du foyer au bout de quelques années sans même prendre la peine de connaître son fils Barthélémy et en laissant une Josiane dévastée : "Ces quatre-là étaient les enfants de l'homme qui avait dévasté son enfance. Quelque chose les unissait dont elle resterait exclue. Et peut-être, pour ne pas s'y briser le cœur, devait-elle l'accepter.".
Et au passage, tous les deux se détestent.
Si Josiane craque instantanément pour Venise, la petite fille si belle qui fait vivre des histoires d'amour torrides à ces poupées Barbie, elle est plus réservée vis-à-vis de Morgane et de Siméon le surdoué, en terminale à quatorze ans.
Quant à Barthélémy, malgré son insouciance il s'attache très vite à cette fratrie qui lui est tombée du ciel mais dont il sait pourtant qu'il ne peut être la meilleure solution quant à leur garde : "C'était drôle, ce cadeau que la vie lui avait fait, cette fratrie un instant offerte et qui, maintenant, lui passait sous le nez. Depuis le début, avant même d'être né, il avait déjà tout perdu.".
Mais c'était sans compter le nouveau drame qui tombe sur la famille Morlevent, la maladie de Siméon, qui pourrait soit les diviser définitivement soit les rapprocher.

Comme dans "Simple", Marie-Aude Murail a le chic pour dresser le portrait d'une famille à la dérive, composée uniquement de jeunes enfants ou d'adolescents qui découvrent bien malgré eux la dure réalité de la vie et l'affrontent en se serrant les coudes.
Cette fratrie Morlevent est très attachante, Siméon est un surdoué mais qui tient aussi beaucoup à conserver l'unité de sa famille, il est un modèle pour Morgane et tous veillent jalousement sur leur magnifique petite sœur Venise, qui fait craquer tout le monde d'un simple regard.
Barthélémy, même si on aurait parfois envie de le secouer un peu pour qu'il grandisse, est lui aussi attachant, c'est sans doute le personnage qui va le plus évoluer dans cette histoire et gagner une certaine maturité.
Du bon copain il va finalement s'imposer comme un grand frère et développer une tendre relation avec Siméon, veillant sur lui tout au long de sa maladie, quitte à agacer le personnel hospitalier pour parvenir à ses fins.
Au passage, Marie-Aude Murail en profite pour astucieusement traiter de l'homosexualité dans un roman à destination des adolescents.
Le seul personnage que j'ai eu du mal à cerner reste celui de Josiane, je l'ai tantôt vu comme une femme prête à tout pour récupérer la petite Venise, tantôt comme une femme au final désespérée de ne pouvoir avoir d'enfant et remerciant le ciel de cette fratrie qui lui est tombée dessus.
Marie-Aude Murail choisit aussi de ne pas tomber dans la simplicité d'une histoire triste avec une fin heureuse, mais écrit une historie triste avec une fin réelle, comme cela serait le cas dans la "vraie" vie.
J'ai apprécié également la façon dont l'auteur arrive à dédramatiser la situation de la famille Morlevent, certes le père est parti et la mère s'est suicidée, mais en avalant du Sun Vaisselle.
Cela permet de rendre la situation moins triste avec cet aspect quelque peu comique, l'auteur utilise d'ailleurs le même procédé avec la maladie de Siméon.
Et puis, il y a Barthélémy avec sa fameuse et récurrente exclamation de "Oh, boy !" qui donne d'ailleurs son titre au roman.
Et c'est plutôt malin car très bien fait tout en véhiculant des émotions.
Car des émotions, il y en a dans ce roman, et je ne suis pas surprise de voir les nombreux prix qu'il a reçus.
A noter que ce livre a également été adapté à la télévision, tout comme "Simple", je suis au passage curieuse de voir ce que donne cette adaptation, ainsi qu'au théâtre.

Marie-Aude Murail est décidément une auteur incontournable que j'apprécie à chaque fois plus au cours de mes lectures, son "Oh, boy !" est un petit bijou d'émotions et de tendresse où il est question d'amour, de tolérance mais aussi de maladie et de mort.

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