jeudi 30 novembre 2017

La femme du gardien de zoo de Diane Ackerman


Jan et Antonina Zabinski dirigent le zoo de Varsovie quand éclate la Seconde Guerre mondiale. La Pologne est envahie et bientôt règne la barbarie. Les animaux ont été tués sous les bombardements, envoyés à Berlin ou ont servi de gibier aux officiers allemands. Jan et Antonina se mettent alors à élever des porcs – officiellement pour les troupes, officieusement pour nourrir les habitants du ghetto. Surtout, ils profitent d’un réseau de souterrains reliant les cages pour y cacher des juifs et les faire quitter le pays… Grâce au courage de ce couple, trois cents d’entre eux seront sauvés. (Editions L'Archipel)

Inspiré du journal d'Antonina Zabinski, dont des extraits sont cités à plusieurs reprises, cet ouvrage est consacré à un couple, les Zabinski, gardiens du zoo de Varsovie avant-guerre qui vont mettre ce lieu au service de la protection des Juifs, soit en les cachant soit en les aidant à fuir.
Lorsque la guerre se déclare, Antonina n'est pas à Varsovie, elle est en vacances avec leur fils mais elle sent le monde se dérober sous ses pieds : "Antonina avait l'impression "de s'éveiller d'un long rêve, ou d'entrer dans un cauchemar", quoi qu'il en soit de vivre un séisme mental. En vacances loin du fracas politique de Varsovie, protégée par "l'ordre calme et serein de la vie paysanne, l'harmonie des dunes de sable blanc et des saules pleureurs", des animaux excentriques et les aventures d'un petit garçon égayant chaque journée, il lui avait été presque possible d'ignorer les événements du monde, ou du moins de rester optimiste à leur sujet, et même d'une naïveté obstinée.".
Lorsqu'elle revient, la réalité la heurte de plein fouet et plutôt que de tergiverser, elle se lance, avec son mari, dans la résistance et la protection, d'abord des animaux du zoo lorsque cela est encore possible, puis dans celle des humains, particulièrement les Juifs qui se retrouveront prisonniers du ghetto de Varsovie avant d'être déportés.

Qui se souvient des Zabinski, malheureusement pas grand monde et pourtant ils ont été honorés par Yad Vashem en 1968.
Qui sait aussi qu'une majorité de la population Polonaise a résisté, là encore pas grand monde, et pourtant l'état a su rester soudé pour lutter à sa manière contre l'occupant : "Aussi déroutante que devait être la vie sous l'Occupation, l'état polonais clandestin, uni par la langue plus que par le territoire lutterait sans discontinuer pendant six années.".
Cette lecture est un peu déroutante, tout d'abord par sa forme, car je m'attendais à un roman mais pas à cette forme de récit au plus près de la réalité, avec une retranscription que l'on pourrait qualifier (à tort) de froide émaillée d'extraits du journal d'Antonina Zabinski.
Passée cette surprise, je suis rentrée dans le récit dont j'ai apprécié les détails de la vie quotidienne, notamment avec les animaux du zoo.
Mais aussi par son histoire plutôt méconnue, et qui au final mériterait de l'être beaucoup plus car, à leur échelle, les Zabinski ont fait beaucoup pour aider les Juifs, Jan prenant même le risque d'en faire sortir du ghetto pour les cacher au zoo.
Les Zabinski vont croiser d'autres personnes bien réelles, j'ai eu grand plaisir à trouver sur ce chemin une autre résistante Polonaise, elle aussi Juste parmi les Nations, Irina Sendlerowa, qui a contribué à sauver des centaines d'enfants Juifs et qui a malheureusement été oubliée depuis.
C'est fort regrettable ces oublis, car on a finalement une vision noire de l'histoire de Pologne durant cette période, de telles personnes contribuent à l'éclaircir quelque peu et surtout à éviter les raccourcis en mettant tous les Polonais dans le même panier.
J'ai aussi découvert le rôle du zoo de Varsovie avant-guerre dans la préservation de certaines espèces, mais aussi l'importance, et la richesse aujourd'hui, de la forêt de Bialowieza : "Il y a de nombreuses formes d'obsessions, les unes diaboliques, les autres fortuites. Quand on se promène à travers la richesse de Bialowieza, on ne devinerait jamais l'influence qu'elle a eue sur les ambitions de Lutz Heck, le sort du zoo de Varsovie et l'opportunisme altruiste de Jan et Antonina, qui ont exploité l'intérêt obsessionnel des nazis pour les animaux préhistoriques et une forêt primitive afin de sauver une foule de voisins et d'amis en danger de mort.".
Je compte bien retourner en Pologne et désormais cette forêt revêt un intérêt particulier pour moi, de plus les Zabinski ont été assez malins pour utiliser à bon escient le fanatisme écologique des nazis, là aussi un aspect que l'on a tendance à occulter (il fallait libérer les animaux servant de cobayes, dans le même temps on tuait sans sourciller des êtres humains et on en utilisait d'autres comme cobayes).
Ce récit permet aussi de saisir sur le vif les conditions de vie dans la Pologne de la Seconde Guerre Mondiale, un témoignage intéressant qui permet d'élargir ses horizons.
Je regrette que le film qui en ait été tiré ne sorte pas sur nos écrans, j'aurai sans doute été le voir.

"La femme du gardien de zoo" est un récit émouvant mettant en lumière un couple tombé dans l'oubli, et tout particulièrement le caractère et la volonté de fer d'une femme, Antonina Zabinski, à préserver la vie coûte que coûte, au péril de sa propre vie et de celle de sa famille.
Belle leçon d'abnégation !


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