samedi 9 décembre 2017

Detroit de Kathryn Bigelow

       
     

Été 1967. Les États-Unis connaissent une vague d’émeutes sans précédent. La guerre du Vietnam, vécue comme une intervention néocoloniale, et la ségrégation raciale nourrissent la contestation. À Detroit, alors que le climat est insurrectionnel depuis deux jours, des coups de feu sont entendus en pleine nuit à proximité d’une base de la Garde nationale. Les forces de l’ordre encerclent l’Algiers Motel d’où semblent provenir les détonations. Bafouant toute procédure, les policiers soumettent une poignée de clients de l’hôtel à un interrogatoire sadique pour extorquer leurs aveux. Le bilan sera très lourd : trois hommes, non armés, seront abattus à bout portant, et plusieurs autres blessés. (AlloCiné) 


Pourquoi n’ai-je jamais vu de film de Kathryn Bigelow auparavant ?
C’est la question qui me taraude l’esprit après avoir vu ce film, je ne comprends pas comment j’ai pu passer aussi longtemps à côté de cette réalisatrice.
En attendant, voici l’erreur réparée avec ce film dont la sortie a coïncidé à quelques jours aux cinquante ans des événements dont il est question.
Les émeutes de Detroit (également connues sous le nom d’émeute de la 12ème rue) font partie des plus importantes connues aux Etats-Unis (après celles de New York en 1863 et celles de Los Angeles en 1992), pourtant c’est moins vrai en dehors des frontières (ou alors tout simplement parce qu’elles remontent à plusieurs dizaines d’années).
Quelques chiffres qui parlent d’eux-mêmes : 7 200 arrestations, 467 blessés, 43 morts.
Après une bonne introduction sous forme de dessins pour mettre le spectateur dans le contexte, le film s’intéresse dans un premier temps aux émeutes de Detroit ayant commencé aux petites heures du dimanche 23 juillet 1967 pour s’achever cinq jours plus tard, puis dans un deuxième temps se focalise sur l’incident à l’Algiers Motel dans la nuit du 25 au 26 juillet 1967.
Résumer cet incident n’est pas des plus simples, disons que la police de Détroit, la police d’Etat du Michigan et la Garde Nationale, persuadés qu’un sniper avait tiré sur eux de cet hôtel, ont battu violemment et humilié toute une nuit durant 9 personnes (2 femmes blanches et 7 hommes noirs), et tué 3 adolescents noirs (et évidemment par la suite, ils s’en sortis, leurs meurtres étaient soi-disant justifiés ou ce n’était que de l’auto-défense).


Dès les premières minutes le spectateur est cloué dans son fauteuil, il n’arrivera plus à en sortir jusqu’à la fin, et même là, cela sera compliqué pour lui.
La mise en scène de Kathryn Bigelow est impeccable, elle ne s’embarrasse pas de fioritures, elle scotche le spectateur et tourne toujours autour de ses acteurs, ce qui contribue fortement à créer une ambiance et à y plonger le spectateur.
Voir un film de Kathryn Bigelow, c’est une expérience à vivre, j’ai trouvé sa mise en scène particulièrement maîtrisée, elle savait où elle voulait en venir et comment elle allait y parvenir, c’est extrêmement professionnel et je tiens à souligner la qualité de son travail.
L’ambiance monte crescendo et finit par être oppressante, je dis cela en tant que spectateur alors imaginez pour les acteurs, et surtout ce qu’il en était dans la réalité.
C’est un film fort et juste qui finit par basculer dans l’horreur absolue, à tel point que l’on se demande si cela va avoir une fin.
 Toute la scène dans l’Algiers Motel est le point culminant du film, et de la tension qu’il a créée, je serai très curieuse de connaître la durée de cette scène, à mon avis cela va chercher dans les une heure.
Et c’est long, toujours plus violent, toujours plus horrible, toujours plus sanguinaire, et toujours plus révoltant.


Cette tragédie est parfaitement restituée, ce sont des faits du passé qui parlent aussi du présent, car cette époque n’est pas révolue, aux Etats-Unis comme ailleurs, il n’y a qu’à se rappeler les émeutes à Charlotte ou à Saint-Louis.
Ça fait mal de se dire qu’en près de cinquante ans la situation n’a pas complètement évoluée et que des décisions de justice sont toujours défavorables à des personnes noires par rapport à des blanches, surtout si celles-ci appartiennent aux forces de l’ordre.
Kathryn Bigelow a, j’ai l’impression, l’habitude de mettre les pieds dans le plat et sait très bien cerner son pays et appuyer là où ça fait mal.
Sa direction d’acteurs est parfaite, certains sont connus d’autres moins, mais ils livrent des prestations impeccables.
Mention à John Boyega dans le rôle de Dismukes, découvert il y a deux ans avec "Star Wars – Le réveil de la force", et limite cela me fait plaisir de le voir dans ce genre de rôle, au moins il ne sera pas cantonné à une seule franchise au cours de sa carrière.
Et mention spéciale à Will Poulter qui incarne Krauss, le policier raciste de service, un rôle difficile tant ce personnage est détestable et qu’il tient à merveille.
Tout au long du film je me disais que je l’avais déjà vu, effectivement il était plus jeune dans "Les Miller, une famille en herbe" ou "The Revenant", il a changé de registre et prouve qu’il peut interpréter toute une palette de rôles.


Quand Kathryn Bigelow frappe, elle met le spectateur K.O, c’est en tout cas ce qui se passe avec son excellent Detroit, un film nécessaire et d’actualité sur l’Amérique d’hier et d’aujourd’hui.


       
     

       
     

4 commentaires:

  1. Réponses
    1. Je ne comprends pas comment j'ai pu passer à côté de cette réalisatrice depuis toutes ces années.

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    2. Bah, il n'est pas trop tard pour tout rattraper ! :)

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