mercredi 29 août 2012

La couleur des sentiments de Kathryn Stockett


Jackson, Mississippi, 1962. Lorsqu’elle rentre chez elle, Aibileen, seule dans sa bicoque du quartier noir de Jackson, dîne modestement, écrit ses prières dans un carnet, pense à son fils disparu et écoute du gospel, du blues ou le sermon du Pasteur à la radio. Nurse et bonne au service de familles blanches depuis quarante ans, Aibileen n’est pas du genre à s’apitoyer sur son sort. Elle vit pour “ses enfants” – les petits Blancs dont elle s’occupe jusqu’à l’âge où ils changent –, les aime tendrement et met un point d’honneur à leur transmettre l’estime de soi, luttant comme elle le peut contre les idées racistes que leurs parents leur enfonceront bientôt dans le crâne. Aibileen est une âme généreuse, dotée d’une grande sagesse et d’une bonhomie attendrissante. Elle a la vitalité, la douceur et la rondeur d’Ella Fitzgerald. Dans les pires moments, elle peut compter sur sa meilleure amie, Minny, bonne et cuisinière chez les Blancs depuis son plus jeune âge elle aussi, une forte tête qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. Entre un mari alcoolique à la main lourde et cinq enfants à éduquer, son quotidien s’apparente à une lutte de survie. Ainsi dissimule-t-elle sa sensibilité sous les traits d’une maîtresse-femme à la langue bien pendue, ce qui lui a valu d’être maintes fois renvoyée. D’ailleurs, sa nouvelle patronne, pin-up désœuvrée au comportement étrange, lui donne déjà du fil à retordre. C’est alors qu’arrive Skeeter Phelan. Vingt-deux ans et fraîchement diplômée, elle est de retour à Jackson où elle retrouve ses anciennes amies. Contrairement à elles, Skeeter n’a pas encore la bague au doigt, attache peu d’importance à ses tenues et sa coiffure, possède un esprit plus ouvert que la moyenne et souhaite plus que tout devenir écrivain. Lorsqu’on lui confie la rubrique ménagère du journal local, elle demande à Aibileen de lui donner des tuyaux. Elle apprend à la connaître et comprend bientôt qu’elle tient son sujet : il y a peu, une certaine Rosa Parks a refusé de céder sa place à un Blanc dans un bus ; un certain Martin Luther King se rend de ville en ville pour défendre la cause des droits civiques ; elle, Skeeter Phelan, va donner la parole aux bonnes de Jackson, leur demander de raconter ce que c’est qu’être une bonne noire au service d’une famille blanche du Mississippi, recueillir leurs témoignages et en faire un livre. Elle y tient d’autant plus que Constantine, la bonne qui l’a élevée et qu’elle aime profondément, a été congédiée par ses parents pour des raisons obscures. Ce projet fou auquel se rallient Aibileen et Minny va les mettre en danger et changer à jamais le cours de leur vie. (Editions Jacqueline Chambon)

A Jackson dans le Mississippi en 1962, les femmes noires travaillent pour les familles blanches.
Ce sont elles qui s’occupent des enfants, qui les élèvent, qui vivent avec eux leurs joies et leurs peines, qui les comprennent, qui les forgent pour l’avenir, qui entretiennent les maisons, qui préparent les plats ; pendant que toutes ces femmes de la bonne société prennent du bon temps entre elles, à jouer aux cartes ou à préparer la prochaine vente de charité pour venir en aide aux orphelins d’Afrique.
C’est l’époque de la ségrégation raciale, et ça ne viendrait à l’idée de personne d’écrire un livre sur le ressenti de ces femmes noires : "Avec des témoignages pour montrer ce que c’est de travailler pour une famille blanche.", à personne sauf à la jeune Skeeter qui cherche à savoir ce qu’il est advenu de Constantine, sa bonne qu’elle a tant aimée et qui l’a élevée.
Pour cela, elle va réussir après bien des difficultés à convaincre des bonnes de témoigner pour son livre, à commencer par Aibileen qui s’occupe d’une petite fille rejetée par sa mère et par la dure Minny qui n’a pourtant pas sa langue dans sa poche et qui se retrouve à travailler chez une jeune femme mal dans sa peau et rejetée par la bonne société bien pensante et charitable de Jackson.
Et comme lui dit Minny : "Si je vous le dis, c’est seulement pour le livre, vous savez. On est pas là pour se faire des confidences.", pas question de se faire des confidences ou de devenir amie, le but de ce livre c’est d’essayer de faire évoluer les choses : "N’était-ce pas le sujet du livre ? Amener les femmes à comprendre. Nous sommes simplement deux personnes. Il n’y a pas tant de choses qui nous séparent. Pas autant que je l’aurais cru.".

Ecrit selon trois points de vue, ceux d’Aibileen, de Minny et de Sketter, ce livre est une véritable bombe à émotions qui saute au visage, colle à la peau, ne se lâche plus et qui marque les esprits longtemps après l’avoir refermé.
Par moment j’ai souri, à d’autres j’ai eu la larme à l’œil, mais jamais je ne me suis ennuyée, jamais je n’ai trouvé que l’auteur inventait ou que ce qu’elle écrivait ne sonnait pas juste.
C’est humblement que Kathryn Stockett l’a écrit, parce qu’elle a connu cette époque et qu’elle a aimé sa bonne, mais qu’elle n’a jamais pu lui demander ce que cela faisait de travailler pour une famille blanche.
C’est toujours juste, particulièrement bien écrit, en somme, un véritable coup de maître pour un premier roman.
J’ai trouvé le fond de l’histoire vraiment dur, que ce soit pour Aibileen qui adore la petite fille dont elle a la charge alors que la mère ne s’y intéresse même pas, elle rejette sa fille, lui fait même peur, ne s’intéresse qu’à sa petite personne ou pour Minny, dont le lecteur finit par apprendre que son mari la bat, mais aussi pour la femme chez qui elle travaille, qui est la risée de tout Jackson, que tout le monde rejette et qui est tellement mal dans sa peau que c’en est un presque un miracle qu’elle ne se suicide pas.
Mais c’est ça aussi la magie de ce livre, de montrer le rôle de ces bonnes, qui parfois portent à bout de bras la femme pour qui elles travaillent, en la soutenant, en la réconfortant, en égayant sa journée et en lui donnant une raison de se lever chaque matin.
Je ne qualifierai pas cette histoire de triste, même si beaucoup de passages le sont, a contrario d’autres sont des instants de pur bonheur, mais ce qui prédomine, c’est l’espoir fou qu’il véhicule, la force de vie qu’il insuffle.
Longtemps la galerie de personnages qu’il dépeint me suivra, tout comme leur courage et leur dignité.

Bien belle histoire que celle de "La couleur des sentiments", un livre fort en émotion qui met en avant le courage et la dignité.
Une belle leçon de vie et d’humanité qui fait réfléchir sur la bêtise humaine, d’autant que 1962, ce n’est pas si éloigné que ça, et qu’en y regardant de plus près, les choses ont certes évolué, mais pas non plus tant que ça.

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