dimanche 24 novembre 2013

Pietra viva de Léonor de Récondo


Michelangelo, en ce printemps 1505, quitte Rome bouleversé. Il vient de découvrir sans vie le corps d’Andrea, le jeune moine dont la beauté lumineuse le fascinait. Il part choisir à Carrare les marbres du tombeau que le pape Jules II lui a commandé. Pendant six mois, cet artiste de trente ans déjà, à qui sa pietà a valu gloire et renommée, va vivre au rythme de la carrière, sélectionnant les meilleurs blocs, les négociant, organisant leur transport. Sa capacité à discerner la moindre veine dans la montagne a tôt fait de lui gagner la confiance des tailleurs de pierre. Lors de ses soirées solitaires à l’auberge, avec pour seule compagnie le petit livre de Pétrarque que lui a offert Lorenzo de Medici et la bible d’Andrea, il ne cesse d’interroger le mystère de la mort du moine, tout à son désir impétueux de capturer dans la pierre sa beauté terrestre. Au fil des jours, le sculpteur arrogant et tourmenté, que rien ne doit détourner de son œuvre, se laisse pourtant approcher : par ses compagnons les carriers, par la folie douce de Cavallino, mais aussi par Michele, un enfant de six ans dont la mère vient de mourir. La naïveté et l’affection du petit garçon feront resurgir les souvenirs les plus enfouis de Michelangelo. Parce qu’enfin il s’abandonne à ses émotions, son séjour à Carrare, au cœur d’une nature exubérante, va marquer une transformation profonde dans son œuvre. Il retrouvera désormais ceux qu’il a aimés dans la matière vive du marbre. (Sabine Wespieser)

De Michelangelo, il ne reste essentiellement que son oeuvre, de la vie de l'homme il y a des aspects connus et d'autres qui resteront méconnus à jamais.
C'est plus à l'homme qu'à l'artiste de génie que s'est intéressée Léonor de Récondo, à l'homme amoureux de la beauté sous toutes ses formes qui prend à ce moment-là les traits d'Andrea, un jeune moine : "Sa jeunesse, sa beauté lumineuse, sa force à soulever si franchement la mort ne pouvaient faire de lui que le fils de Dieu.".
Mais Andrea meurt et Michelangelo fuit alors Rome pour Carrare, afin d'y choisir les marbres qu'il travaillera pour le tombeau du pape Jules II et tenter de graver dans le marbre les traits parfaits d'Andrea pour que jamais il ne quitte ses souvenirs : "Andrea, tu es la beauté que je ne saurai jamais atteindre avec mon ciseau. Tu es la preuve ultime de la supériorité de la nature sur mon art. Te voir me rappelle mon inutilité.".
Michelangelo court après un idéal de beauté qu'il se sent incapable d'atteindre par son art, piètre croyant il mystifie la beauté d'Andrea qu'il rapproche alors de celle de Dieu, et en homme de l'art il fuit tout semblant de relations humaines, choisissant de passer pour un quasi monstre dénué de sentiments aux yeux des autres, un être supérieur sans toutefois se prendre pour Dieu, plutôt que de s'attacher aux personnes qui l'entourent : "Tu te crois supérieur, mais la vérité c'est que tu n'as pas de cœur et que tout le monde se moque de tes personnages !".
Le Michelangelo de Léonor de Récondo est un homme pétri d'antagonismes, qui s'est bâti sur les fantômes du passé et qui présentement noie sa peine dans le travail à venir, en choisissant avec soin les plus beaux marbres extraits des carrières de Carrare, le marbre le plus parfait au monde grâce auquel il a connu la gloire avec sa Pieta.
Michelangelo voudrait ne se définir que comme un artiste, un sculpteur donnant vie à la pierre : "Dénuder la pierre et ne laisser, en son centre, que son cœur battant.", mais il oublie qu'il est aussi un homme qui a besoin de la présence des autres à ses côtés.
Peu à peu au cours de son séjour, il va s'ouvrir : à Cavallino le fou qui aime à penser qu'il est un cheval, et à Michele, un petit garçon qui va faire tomber le mur dans lequel s'est retranché Michelangelo.
Et c'est en s'ouvrant aux autres qu'il va retrouver une forme de grâce dans ses œuvres à venir.
Il y a donc l'histoire de cet homme qui s'inscrit dans la grande Histoire, une histoire faite de sentiments et d'émotions, de la difficulté d'ouvrir son cœur aux autres; et puis il y a l'Italie, personnage vivant qui appelle le lecteur à venir mettre ses pas dans ceux de Michelangelo pour découvrir toutes les beautés dont regorge ce pays.
Quant à la plume de Léonor de Récondo, elle est précise, nette, sans bavure, emplie d'émotions, magnifique par la beauté qui s'en dégage et qui n'est pas sans rappeler une partition de musique bien exécutée.
Au demeurant, ceci n'est que peu surprenant puisque l'auteur est musicienne, plus précisément violoniste, et si je n'ai à ce jour encore écouté aucun enregistrement d'elle, je perçois déjà la beauté de sa musique à travers le choix et l'ordonnancement de ses mots.

Léonor de Récondo m'avait déjà bluffée avec son magnifique "Rêves oubliés", elle livre avec "Pietra viva" un troisième roman de toute beauté, dans la lignée du précédent, qui émerveille par l'émotion qui s'en dégage et la beauté du style.
"Pietra viva" est l'une des perles de cette rentrée littéraire 2013, publiée aux éditions Sabine Wespieser dont je ne pense que du bien, et Léonor de Récondo est une auteur à part entière qui n'a plus besoin de faire ses preuves, je la considère d'ailleurs comme l'une de mes plus belles découvertes littéraires de ces dernières années.

Livre lu dans le cadre du Challenge Il Viaggio


La Pieta de Michelangelo


Le David de Michelangelo

4 commentaires:

  1. Il me semble que ce roman fait l'unanimité ! :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tout comme "Rêves oubliés" si je me rappelle bien !
      J'ai des fourmis dans les jambes pour aller à Rome voir la Pieta !

      Supprimer
  2. une lecture que j'ai bcp appréciée également! Merci pour ta participation au challenge!

    RépondreSupprimer