samedi 27 février 2016

L'ambulance 13 - Tome 6 : Gueule de guerre de Patrice Ordas et Alain Mounier


Chirurgien militaire, Louis Bouteloup est désormais entre les mains de ses pairs. Grièvement blessé et défiguré sur le front alsacien, il peut cependant compter sur les talents de sculpteur d’Émilie pour retrouver un visage. Mis hors du cadre de l’armée, Louis est confronté aux peurs de l’arrière, aux monstrueux canons bombardant la capitale. Il découvre aussi le sentiment profond qu’il éprouve pour Émilie. Sera-t-il trop tard pour reconstruire leur vie ? (Bamboo)

Paul Valéry a dit : "La guerre, c'est un massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas." et ma foi, cette phrase illustre plutôt bien la Première Guerre Mondiale dont il est ici question.

Après avoir opéré, réparé, soigné les blessés du front, c'est au tour du lieutenant Bouteloup de se trouver à l'hôpital, salement amoché, enfin tout dépend le point de vue que l'on adopte : "Ça dépend de l'importance qu'un célibataire de vingt-trois ans attache à son sourire. Il est défiguré.".
Mais comme d'ordinaire, il n'a le droit à aucun passe-droit, voire même on le laisse volontairement de côté.
C'est Satan, un abbé qui a partagé plusieurs mois la vie de tranchée avec le lieutenant Bouteloup, qui arrive à son secours, et qui va faire chercher dans les tranchées un ancien de l'ambulance 13 pour l'opérer.
Puis, il va chercher Emilie pour qu'elle utilise son talent d'artiste pour redonner un visage à son carabin à travers une prothèse faciale : "Les femmes sont faites pour réparer les hommes.".
Mais la guerre n'en a pas fini avec le lieutenant Bouteloup, aura-t-il droit à sa part de bonheur avec Emilie ?

Après avoir traité les blessures de guerre, les amputations, c'est au tour de ceux qui se sont baptisés "gueules cassées" d'être au centre de ce sixième volume.
Cette guerre n'a pas fait que tuer ou blesser légèrement, elle a aussi laissé des milliers de personnes atrocement défigurées qui soit ont eu beaucoup de mal à être réintégrées dans la population soit n'ont pas pu l'être tant il était impossible aux civils de les regarder sans exprimer du dégoût ou de la peur (comprendre que certains ont certes réchappé à la guerre mais se sont suicidés).
Ces personnes sont fragiles et c'est le cas du lieutenant Bouteloup qui refuse pendant longtemps qu'Emilie le voit ainsi : "Ne leur tournez pas le dos. Ça les blesse autant que les balles.".
Il ne veut être un fardeau pour personnes, néanmoins il est en vie et c'est notamment ce que Satan va finir par lui rentrer dans le crâne.
Dégagé de ses obligations militaires il va pouvoir envisager le retour à la vie civile, mais peut-être que le destin lui réserve un autre sort.
A cette époque de 1918 la guerre n'est pas encore finie, mais comme le dit si justement l'un des personnages : "Si victoire il y a, nous la devrons à ceux qui auront su préserver un peu d'humanité dans cette boucherie.".
Une nouvelle fois, j'ai trouvé cette bande dessinée tout simplement admirable, tant du point de vue de l'histoire que du graphisme.
C'est un nouvel aspect médical de la guerre de 14-18 qui y est abordé, comme d'ordinaire il y a eu une recherche documentaire importante et c'est là l'un des points forts de cette bande dessinée. 
Mais c'est aussi avec grand plaisir que j'ai retrouvé les personnages, et je dois dire que pour ce sixième tome les auteurs nous ont gâtés en émotion.
J'ai bel et bien l'impression que cette série est achevée et c'est avec un gros pincement au cœur que j'ai lu ce volume car sans vous dévoiler quoi que ce soit la fin est vraiment très émouvante, et éprouvante pour le lecteur.
Je me dois de saluer une nouvelle fois la qualité des dessins et des mises en couleur. Il y a beaucoup de détails qui se glissent dans les planches, à tel point que j'ai ressenti le besoin d'en relire certains à plusieurs reprises ou tout simplement de prendre quelques minutes pour les admirer et en saisir toutes les nuances.
Et qu'est-ce que je m'en veux d'avoir emprunté cette bande dessinée en bibliothèque, elle fait partie de ces séries qu'il est nécessaire d'avoir à portée de mains, déjà car elles sont excellentes mais aussi pour pouvoir s'y replonger lorsqu'on le souhaite.
Je terminerai en parlant du très intéressant dossier final qui s'intéresse cette fois-ci à la chaîne d'évacuation des blessés.
A travers cette dizaine de pages historiques, les auteurs complètent leur histoire en revenant sur la structuration de l'armée face à l'affluence de blessés plus ou moins graves, aux moyens mis en oeuvre pour les soigner au mieux et les évacuer si besoin dans les hôpitaux de l'arrière pour les cas les plus graves.
Au fur et à mesure de ces quatre années de guerre des structures médicales se sont mises en place, plus ou moins proches de la ligne de front, ainsi que des consignes pour le ramassage des blessés (et des morts) et des centres pour trier et évacuer les blessés.
Les aspects logistiques de la guerre de 14-18 sont peu souvent abordés, cette bande dessinée a le mérite de les mettre en valeur.

Avec "Gueule de guerre" c'est un nouveau cycle de "L'ambulance 13" qui se clôture, voire même la série, et c'est toujours avec le même plaisir que j'ai suivi le destin du lieutenant Bouteloup dans cette décidément excellente bande dessinée mêlant Humanité et Histoire, avec un grand H pour les deux.

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